Il faut sefforcer de retrouver la cause de l'insuffisance rénale car certaines dentre elles sont réversibles lorsqu'elles sont identifiées et traitées correctement. Les principales causes d'insuffisance rénale terminale aux Etats-Unis en 1991 sont données dans le tableau suivant.
Tableau : Principales causes dinsuffisance renale terminale et leur incidence
- Diabète 30,6 %
- Hypertension 26,5 %
- Glomérulonéphrites 13,6 %
- Polykystose 3,4 %
- Uropathies 5,4 %
- Autres et inconnues 20,5 %
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Le diabète est devenu la cause la plus fréquente d'insuffisance rénale terminale. Les diabétiques de type 1 ou de type 2 développent une atteinte rénale avec une fréquence d'environ 30 % à 20 ans. En raison du poids très important du diabète de type 2 qui représente environ 90 % de toutes les formes de diabète, celui-ci rend compte de la majorité des patients diabétiques arrivant en insuffisance rénale terminale. Le diabète représente environ 30 % des formes d'insuffisance rénale terminale avec de larges variations d'un pays à l'autre et un gradient nord-sud. En Alsace, par exemple, le diabète représente environ 30 à 40 % des causes d'insuffisance rénale terminale, alors que la moyenne française n'est que de 15 %.
Les néphropathies glomérulaires représentent la troisième cause d'insuffisance rénale terminale. Les néphropathies glomérulaires les plus souvent en cause sont la néphropathie à dépôts mésangiaux d'IgA (maladie de Berger), la hyalinose segmentaire et focale, la glomérulonéphrite membrano-proliférative et les glomérulonéphrites lupiques.
L'hypertension est la deuxième cause reportée d'insuffisance rénale terminale. Dans une étude épidémiologique concernant 361 659 hommes hypertendus suivis pendant 15 ans en moyenne, 924 développent une insuffisance rénale terminale. Ceci représente une incidence de 17,12 pour 100 000 sujets par an.
Le risque relatif de développer une insuffisance rénale terminale est multiplié par 30,9 lorsque la pression artérielle diastolique est supérieure à 120 mmHg par rapport à 70 mmHg. Pour une pression artérielle systolique supérieure à 200 mmHg versus 120 mmHg, le risque relatif dIRT est de 48,2. Sur l'ensemble des valeurs tensionnelles, la pression artérielle représente un facteur de risque indépendant de survenue d'une insuffisance rénale terminale. Cette étude ne permet pas cependant de savoir si l'hypertension artérielle est la cause ou la conséquence d'une atteinte rénale pré-existante. Il est intéressant de constater que la plupart des cas d'insuffisance rénale terminale surviennent pour des valeurs de pression artérielle définissant l'hypertension artérielle maligne, dont l'atteinte rénale est un des constituants bien classique. Inversement, la survenue d'une insuffisance rénale terminale chez des sujets seulement modérément hypertendus reste un évènement beaucoup plus rare.
La plupart des systèmes de codage internationaux mélangent (1) les formes d'atteintes rénales secondaires à l'hypertension artérielle, (2) les néphropathies dites hypertensives (terme descriptif impropre signifiant lassociation dune HTA et dune IRC) et enfin (3) les néphropathies vasculaires proprement dites liées à des lésions primitives au niveau des troncs des artères rénales ou des artères intra-rénales.
Une cause extrêmement fréquente mais sous-estimée d'insuffisance rénale terminale est la néphropathie ischémique liée à une sténose bilatérale des artères rénales. Une autre cause fréquente de néphropathie ischémique est la maladie athéro-embolique par embolie de cristaux de cholestérol, dont la fréquence a été largement sous-estimée par le passé.
Ce sont des maladies primitives de l'interstitium rénal avec des lésions fibrotiques ou inflammatoires et une atteinte secondaire des glomérules et des vaisseaux.
De nombreux médicaments ou toxiques peuvent être responsables de néphropathies interstitielles. D'une façon générale et à l'exception des néphropathies interstitielles chroniques par abus d'analgésiques, les néphropathies interstitielles aiguës secondaires aux médicaments sont réversibles lorsque ceux-ci sont arrêtés. La sévérité et la chronicicité des autres formes de néphropathie interstitielle chronique dépendent largement de la quantité et de la durée de l'exposition aux néphrotoxines. La néphropathie interstitielle représente environ 3 % des patients par insuffisance rénale terminale. Dans certains pays, la néphropathie des analgésiques représente jusqu'à 20 % des causes d'insuffisance rénale terminale suggérant qu'un certain nombre de ses formes ne sont pas facilement reconnues. L'arrêt de la commercialisation des combinaisons d'aspirine et de phénacétine a fortement diminué l'incidence de la néphropathie des analgésiques dans les pays à forte prévalence.
La néphropathie de reflux est la deuxième cause d'insuffisance rénale terminale chez l'enfant. Selon le registre européen (EDTA), elle représente 30 % des causes d'insuffisance rénale terminale chez l'enfant en-dessous de 16 ans et 15 à 20 % des insuffisances rénales avancées chez l'adulte de moins de 50 ans. La plupart des lésions surviennent avant 2 ans d'âge et l'apparition de nouvelles cicatrices est inhabituelle après l'âge de 5 ans. Le pronostic est largement déterminé par l'étendue des lésions et la sévérité du reflux. Cependant une correction chirurgicale précoce du reflux n apporte pas d'avantage en terme de pronostic par rapport à un traitement antibioprophylactique bien suivi.
Environ 5 à 8 % des patients avec une insuffisance rénale terminale ont une forme de néphropathie héréditaire, en premier lieu la polykystose rénale, mais aussi le syndrome d'Alport ou la maladie de Fabry. Ces formes de maladie rénale ne sont pas accessibles pour l'instant à des traitements spécifiques, mais un conseil génétique peut être bénéfique dans les familles à haut risque de maladie rénale d'évolution précoce.
3. Facteurs de risque de survenue dune insuffisance rénale terminale
Les quatre principaux facteurs de risque dinsuffisance rénale terminale sont la race, l'âge, le sexe et l'histoire familiale.
Aux Etats-Unis, l'incidence d'insuffisance rénale terminale est 5 fois plus fréquente chez les sujets de race noire que chez les sujets blancs. Chez les sujets noirs, âgés de 25 à 44 ans, le risque de survenue d'une insuffisance rénale secondaire à l'hypertension est 20 fois plus élevé que chez les sujets blancs. Les sujets noirs ont également une incidence élevée de glomérulosclérose focale et segmentaire, soit idiopathique, soit associée à l'usage de drogues intra-veineuses (héroïne) ou le SIDA. Les sujets noirs ont également un risque 4 fois plus élevé de développer une insuffisance rénale terminale liée au diabète de type 2 que les sujets blancs. Inversement, la polykystose rénale et la maladie de Berger sont très peu fréquentes chez les sujets noirs. La cause précise de ces différences n'est pas bien établie, et fait intervenir probablement à la fois des facteurs génétiques et environnementaux, mais aussi socio-économiques (difficultés d'accès aux soins, etc.)
L'incidence de l'insuffisance rénale terminale aux Etats-Unis en 1991 ajustée pour la race est de 95 par million d'habitants (pmh) chez l'adulte de 20 à 44 ans et de 760 pmh dans la tranche d'âge de 65 à 74 ans.
L'incidence de l'insuffisance rénale d'origine diabétique augmente de façon importante avec l'âge. Cependant, environ 50 % des néphropathies diabétiques arrivent à l'insuffisance rénale terminale avant l'âge de 65 ans. D'une façon générale, l'incidence de toutes les formes d'atteintes rénales augmente avec l'âge. Avant l'âge de 40 ans, certaines formes d'atteintes rénales sont cependant plus fréquentes comme la hyalinose segmentaire et focale, le lupus érythémateux, le purpura rhumatoïde, les néphropathies associées au SIDA et les néphropathies héréditaires.
Le sexe est un facteur de risque additionnel pour le développement et la progression de certaines formes de maladies rénales. Globalement, l'incidence de l'insuffisance rénale terminale est plus élevée chez les hommes que chez les femmes (56 versus 44 %). Cependant, certaines formes d'insuffisance rénale terminale, comme la néphropathie du diabète de type 2, la néphropathie interstitielle par abus danalgésiques, le lupus érythémateux, la sclérodermie et la micro-angiopathie thrombotique sont plus fréquemment observées chez la femme.
Les facteurs génétiques sont également importants dans la prédisposition individuelle au développement d'une insuffisance rénale terminale. Chez les sujets diabétiques, l'existence d'une histoire familiale d'hypertension artérielle ou de néphropathie diabétique augmente considérablement le risque de développer une néphropathie diabétique.
Certains polymorphismes génétiques semblent également impliqués dans la vitesse de progression d'une atteinte rénale, comme par exemple le génotype DD, du polymorphisme insertion/délétion du gène de l'enzyme de conversion de l'angiotensine constitue un facteur de risque péjoratif pour l'évolution d'une atteinte rénale, en particulier au cours du diabète ou de la maladie de Berger.