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OBJECTIFS

 
NephroHUS Online PLAN DU CHAPITRE

1.
Généralités - définitions

L'infection urinaire est un terme général qui comprend à la fois la colonisation microbienne asymptomatique de l'urine et l'infection symptomatique avec l'invasion microbienne et l'inflammation des structures de l'arbre urinaire. Les surfaces épithéliales de l'appareil urinaire sont contiguës, s'étendant depuis le début du tube proximal jusqu'au méat urétral. En l'absence d'infection, ces structures sont baignées dans un courant commun d'urine stérile. Le processus infectieux peut atteindre le rein, le pelvis rénal, les uretères, la vessie et l'urètre, de même que les structures adjacentes comme le fascia périnéphritique, la prostate et l'épididyme. Les bactéries sont de loin les micro-organismes infectants les plus fréquents mais des champignons et virus peuvent également produire une infection urinaire. Les micro-organismes proliférants et les cellules inflammatoires présentes dans l'urine constituent la caractéristique biologique de cette affection. L'urine peut être stérile lorsque le site de l'infection n'est pas en contact avec le courant, comme par exemple lorsque l'uretère est bloquée par un obstacle ou un calcul pendant un traitement par antibiotiques ou peu de temps après une infection métastatique du rein ou lors d'un abcès périnéphrétique ou prostatique.

Le concept de bactériurie significative permet de distinguer la colonisation et la croissance du micro-organisme dans l'urine, de la présence de contaminants collectés pendant la miction, particulièrement chez la femme. Le critère standard de 105 cfu/ml ("colony forming units") prend en compte le fait que la plupart des micro-organismes qui causent une infection urinaire poussent facilement dans l'urine. Le comptage quantitatif est un excellent guide pour le diagnostic et l'évaluation du traitement. Des comptages plus faibles 103 à 104 cfu/ml avec des agents uropathogènes (voir plus bas) sont aussi cliniquement significatifs lorque l'échantillon mictionnel est obtenu chez des hommes, lors d'une diurèse abondante, sous traitement antibiotique, ou encore lors de germes à croissance relativement lente, comme le Staphylocoque. L'aspiration sus-pubienne de l'urine à partir de la vessie est considérée comme l'examen de référence diagnostique. L'aspiration sus-pubienne peut également détecter des colonisations transitoires de la vessie par des microbes commensaux urétraux et vaginaux mais sans infection véritable. Un comptage bactérien faible avec des uropathogènes est retrouvé chez environ 1/3 à la moitié des femmes qui se présentent avec une pyurie et une dysurie. Ce "syndrome dysurie-pyurie" ou encore "syndrome urétral aigu" représente une phase précoce de l'infection urinaire. Il est souvent cliniquement indistinguable de l'urétrite causée par Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae ou Herpès simplex.

voir la figure Distribution du compte de colonies bactériennes dans un échantillon d'urine du matin dans une population de sujet avec une bactériurie asymptomatique : ces données sont à l'origine des critères de Kass pour définir la notion de "bactériurie significative".

La bactériurie asymptomatique est une condition très fréquente particulièrement chez la femme où de grandes quantités de bactéries peuvent être présentes dans l'urine en l'absence totale de symptômes. Ceci est considéré comme une infection asymptomatique lorsqu'il existe une pyurie associée. L'urétrite, la cystite, la prostatite et la pyélonéphrite reflètent la symptomatologie clinique de l'organe infecté mais l'infection peut être beaucoup plus diffuse.

La pyélonéphrite aiguë est une infection focale à pyogène du parenchyme rénal touchant habituellement un ou plus des segments du rein et accompagnée de symptômes locaux et systémiques d'infection. Le terme de "pyélonéphrite chronique" se réfère aux manifestations pathologiques et radiologiques comprenant des lésions cicatricielles sous la forme d'incisures corticales, des lésions tubulo-interstitielles et une déformation des calices sous-jacents. Des maladies non infectieuses peuvent produire des lésions rénales simulant la pyélonéphrite chronique. Des modifications radiographiques identiques peuvent être observées chez des patients ayant un reflux vésico-urétéral sévère durant l'enfance. L'entité "néphropathie de reflux" se rapporte à la triade radiologique de reflux intrarénal, reflux vésico-urétéral et de cicatrices-incisures avec atrophie du cortex rénal. Dans la mesure où le reflux est souvent détecté par des examens radiologiques chez des patients ayant une infection récente, il peut être très difficile de déterminer si les lésions cicatricielles rénales sont produites par le reflux seul ou en combinaison avec l'infection.
Une hypertension avec infarctus rénal peut produire des cicatrices corticales rénales proches de la "pyélonéphrite chronique" et la néphropathie des analgésiques peut induire des lésions de nécrose papillaire.

2. Etiologie

La nature des micro-organismes envahissant l'arbre urinaire dépend pour la plus grande part de l'histoire de l'infection, des facteurs sous-jacents liés à l'hôte, de traitements éventuels antérieurs par antibiotique et de la notion d'instrumentation de l'appareil urinaire. Le terme d'agent uropathogène est utilisé pour décrire les micro-organismes retrouvés le plus fréquemment chez les patients avec une infection urinaire. Ceci inclut les Entérobactéries, les Pseudomonas, les Staphylocoques, les Entérocoques et d'autres agents gram - et gram + ainsi que certains champignons qui croissent facilement dans l'urine. Inversement le Lactobacillus, le Streptocoque alpha-hémolytique et les anaérobies sont considérés comme des contaminants lorsqu'ils sont retrouvés dans un échantillon urinaire.

Tableau : Principaux uropathogènes responsables dinfection durinaire (%)
Germe Ville Hopital 1ère récidive
E. coli 85-90 68 50
Proteus sp. 3-4 9.5 13
Klebsiella sp. <2 8 11
Staphylococcus sp. 2-3 4 4
Streptoccus sp. 1 4 7
autres BGN 1.5 6 13
Levures - - 2

3. Infections urinaires compliquées et non compliquées

La distinction clinique entre infection urinaire compliquée et non compliquée est extrêmement importante. Les facteurs liés à l'hôte sont cruciaux pour déterminer : les propriétés d'invasion des micro-organismes ; la localisation de l'infection ; l'extension des lésions rénales ; la notion de bactériémie et de dissémination ; la stratégie thérapeutique et prophylactique ; le développement de résistance aux antibiotiques ; et enfin le pronostic final.

Les infections non compliquées surviennent chez des femmes saines par ailleurs, ayant un appareil urinaire anatomiquement et fonctionnellement normal. La susceptibilité à l'infection est alors liée à différents facteurs dont notamment des antigènes de plusieurs groupes sanguins, comme le status Lewis non sécréteur (Le a+b- et Le a- b-, l'antigène P1 et l'antigène B) plutôt qu'à des facteurs liés à l'hygiène personnelle. Les patients peuvent manifester une morbidité considérable liée à des infections symptomatiques récidivantes, mais ne développent pratiquement jamais d'insuffisance rénale. Une pyélonéphrite aiguë non compliquée peut produire des anomalies fonctionnelles rénales transitoires et laisser quelques cicatrices rénales résiduelles mais aboutit rarement à des lésions rénales permanentes. Le micro-organisme le plus fréquemment en cause est l'Escherichia Coli. qui est présent dans 80 à 90 % des cas. Le Staphylocoque Saprophyticus peut rendre compte de 10 % des cas chez des femmes jeunes adultes. Moins fréquemment, d'autres entérobactéries, comme Klebsielle, Entérobacter, Proteus et plus rarement Salmonelle ou Shigelle peuvent être en cause. Les bactéries gram + autres que Staphylococcus Saprophyticus sont relativement inhabituelles mais peuvent comprendre des Streptocoques du groupe B et du groupe D. La plupart de ces infections non compliquées répondent facilement aux agents antibiotiques usuels.

Les infections compliquées surviennent chez des individus des deux sexes qui ont des anomalies fonctionnelles ou anatomiques de lappareil urinaire altérant le mécanisme normal de la miction. Les infections compliquées sont excessivement difficiles à éradiquer sans corriger le défaut sous-jacent ou sans enlever un corps étranger (lithiase ou sonde par exemple). Ces patients avec des infections compliquées ont un risque plus important de développer des lésions rénales sévères irréversibles, une bactériémie, un sepsis et le risque de mortalité est augmenté. Les micro-organismes tendent à être moins susceptibles aux agents antibiotiques. Les Candida albicans et même le Streptococcus néoformans peuvent être impliqués et produire une infection chez les diabétiques et chez les patients traités par corticoïdes et immunosuppresseurs.

Les différents facteurs considérés comme des marqueurs d'une infection urinaire compliquée sont représentés dans le tableau suivant.

Tableau : Infections urinaires compliquées
1. Anomalies anatomiques ou fonctionnelles de l'appareil urinaire :

    - cathétérisme vésical ou urétral,
    - lithiases urinaires,
    - uropathie obstructive congénitale ou acquise,
    - troubles de l'évacuation vésicale (résidu supérieur à 100 ml),
    - vessie neurologique,
    - reflux vésico-urétéral et autres malformations,
    - fistule urinaire,
    - insuffisance rénale, néphropathie, polykystose rénale,
    - transplanté rénal

2. Terrains particuliers :

    - diabète
    - immunodépression
    - femme enceinte.


4. Incidence et prévalence

Les infections urinaires représentent l'un des motifs les plus fréquents de consultation et d'hospitalisation et constituent la première cause d'infection. Environ 40 à 50 % des femmes adultes font un épisode d'infection urinaire au moins une fois dans leur vie. L'infection urinaire est une complication importante au cours de la grossesse, du diabète, de la polykystose rénale, de la transplantation rénale et au cours des uropathies malformatives et des vessies neurologiques qui interfèrent avec le débit urinaire. L'infection urinaire est la principale cause de sepsis à gram - chez les patients hospitalisés. Environ la moitié de toutes les infections nosocomiales acquises à l'hôpital proviennent de l'appareil urinaire, essentiellement en rapport avec la mise en place de cathéter urinaire et des procédures urologiques. Les cathéters urinaires sont utilisés chez environ 10 % des patients admis à l'hôpital et dans les services de moyen et long séjour. Les infections urinaires associées au cathéter augmentent d'un facteur 4 la mortalité hospitalière et représentent un facteur de risque indépendant de mortalité dans les structures de long séjour.

5. Epidémiologie

Le compte bactérien quantitatif est un élément extrêmement utile pour détecter les infections asymptomatiques et définir la fréquence des infections sous-jacentes à léchelle des populations. La prévalence de la bactériurie est d'environ 1 à 2 % chez les nouveaux nés, déterminée par aspiration sus-pubienne ou échantillonnage urinaire méticuleux. Les nouveux nés de sexe masculin sont plus souvent infectés que les filles. Après la première année de vie, les infections deviennent plus fréquentes chez les filles. De l'âge de 5 à 18 ans, la prévalence est de 1,2 % chez les filles et 0,03 % chez les garçons. L'incidence chez les filles est de 0,4 % par année, linéaire avec le temps pendant toute la scolarité. La fréquence cumulative de l'infection asymptomatique chez les filles pendant ces années scolaires est d'environ 5 %. La bactériurie chez les filles est indépendante du statut socio-économique, de la race et n'est pas augmentée par le diabète. La prévalence de bactériurie chez la femme augmente à environ 1 % par décennie et jusquà 10 % chez les femmes âgées. Les femmes ayant une bactériurie asymptomatique sont davantage susceptibles aux infections symptomatiques lorsqu'elles sont sexuellement actives ou enceintes. La fréquence d'une bactériurie pendant la grossesse varie de 2 à 6 % selon l'âge, la parité et le niveau socio-économique. La détection et le traitement de la bactériurie tôt au cours de la grossesse prévient la survenue d'épisodes de pyélonéphrite aiguë pendant le dernier trimestre.
voir la figure Diagramme représentant l'incidence des infections urinaires selon l'âge et le sexe

6. Rôle de l'instrumentation

Après une cathétérisation vésicale (= "sondage vésical") unique, 1 à 2 % des individus sains développent une bactériurie persistante. Le risque augmente au moment de l'ablation du cathéter chez les patients immunodéprimés ou chez l'homme avec une obstruction prostatique. Avec les cathéters de drainage permanent ouvert ("sonde à demeure") plus de 90 % des patients développent une infection dans les 3 à 4 jours. L'infection associée au cathéter urinaire peut être prévenue en évitant le recours au sondage à chaque fois que possible, en ôtant le cathéter dès quil n'est plus nécessaire et en ayant systématiquement recours à des systèmes de drainage fermés aseptiques.

7. Physiopathologie

L'arbre urinaire est normalement stérile à l'exception de l'urètre distal et du méat. Ces régions sont colonisées par des staphylocoques, des diphtéroïdes et d'autres organismes commensaux qui ne poussent pas facilement dans l'urine. Inversement chez la femme sujette aux infections récidivantes, l'urètre et le vagin proximal sont plus susceptibles d'être colonisés par des petites quantités de bactéries entériques gram-négatives, qui poussent facilement dans l'urine. L'urine est un milieu de culture variable. Les hautes concentrations d'urée, le pH urinaire bas, l'hypertonicité et la présence d'acides organiques d'origine alimentaire représentent des conditions normalement peu favorables à la croissance bactérienne. Les bactéries d'origine entérique gram-négatives sadaptent à l'hypertonicité en captant des substances osmoprotectrices (bétaine, glycine et proline bétaine) existant dans l'urine. Les principaux mécanismes de défense contre l'infection sont représentés par la dynamique du flux urinaire (vidange) et les propriétés anti-bactériennes de lépithélium bordant l'appareil urinaire (urothélium).

Les infections urinaires surviennent le plus souvent par voie ascendante. Les bacilles gram-négative d'origine entérique et d'autres micro-organismes normalement présents dans le colon colonisent l'urètre distal, entrent dans la vessie de façon intermittente et finissent par s'établir lorsque les conditions sont favorables. Le mécanisme de défense de la vessie est habituellement très efficace. La plupart des femmes développent un seul épisode occasionnel et les hommes développent plus rarement des infections spontanées. La fréquence plus importante d'infection urinaire chez la femme est liée essentiellement à la brièveté de l'urètre. Le rôle des rapports sexuels dans le déclenchement des infections urinaires chez la femme est très important en particulier dans le sous-groupe de femmes sujettes aux infections récidivantes. Les diaphragmes vaginaux, notamment ceux imprégnés de spermicides augmentent le risque d'infection urinaire, à la fois par un effet mécanique et en altérant la flore vaginale.

Les autres sources moins fréquentes de contamination sont hématogènes et peut-être lymphatiques. Une bactériémie à Staphylocoque à partir d'un site éloigné peut produire des abcès multiples dans le rein. Ces abcès peuvent s'étendre au fascia périnéphrétique et produire des abcès périrénaux. Un mécanisme similaire mais plus insidieux peut survenir avec la tuberculose. Les infections disséminées à Candida Albicans chez des sujets immunodéprimés et leucopéniques peuvent toucher le rein. Des embolies septiques, particulièrement dans le contexte d'une endocardite infectieuse peuvent produire une infection extensive du rein.

Les facteurs microbiens duropathogénicité jouent aussi un rôle important. Les souches d'Escherichia Coli isolées des patients possédant des antigènes capsulaires polysaccharidiques (antigène K) qui résistent à la phagocytose et des adhésines de type p-fimbriae (mannose-résistante) sont plus souvent responsible de pyélonéphrite (90%) que de cystite (20%). Les adhésines fimbriales ont une lectine à leur extrémité qui se lie à un récepteur D-Gal-B-d-Gal (correspondant au groupe sanguin P) présent sur les cellules urothéliales. Les fimbriae de type 1 (manose-sensible) favorisent ou initient plus particulièrement les infections vésicales. Elles sont reconnues par les cellules phagocytaires et liées par la mucoprotéine de Tamm-Horsfall dans l'urine. Les Coli fimbriae peuvent se convertir en forme non fimbriae (variation de phase) ce qui leur permet déchapper à la reconnaissance par les cellules phagocytaires de l'hôte.

voir la figure Micrographie électronique de E. coli montrant les fimbriae (colorée négativement par l'acide phosphotungstique)
voir la figure Cellules urothéliale humaines ahérent aux E. Coli porteur de P-fimbriae (immunoflorescence anti-P-fimbriae):

Les souches virulentes sont retrouvées plus souvent chez les patients avec une infection non compliquée qu'une infection compliquée probablement parce que seules ces souches sont capables de contrer les résistances naturelles de l'hôte. Les bactéries uréase-positive, comme les Protéus, Providencia, Morganela, S. saprophyticus et Corynebacterium D2 sont des souches particulièrement virulentes car elles produisent de l'ammonium qui est toxique pour le rein et qui favorise les lithiases d'infection (struvite) qui peuvent obstruer l'appareil urinaire et les cathéters urinaires.

voir la figure Structure générale du liposaccharides de l'E. coli (endotoxine)

Pr T.Hannedouche


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Mise-à-jour : vendredi 5 mai 2000

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