- Meta : méta analyse
- RCT : essai randomisé controlé (étude expérimentale)
- Retro : analyse rétrospective (étude cas-témoins)
- F : suivi prospectif (étude de cohorte, y compris les études historiques)
- X : etude transversale de population (étude de prévalence)
- CNR : étude clinique non randomisée
- SousGrD : analyse dun sous groupe de diabétiques
Autre abbréviations utilisées dans ce texte :
- D2 : diabétiques de type 2
D1 : diabétiques de type 1
PA : pression artérielle
Pcr : créatinine plasmatique
IRC : insuffisance rénale chronique
IRCT : insuffisance rénale chronique terminale
BB : béta-bloqueur
CCB : antagoniste calcique, bloqueur des canaux calciques
DHP : CCB de type dihydropyridine
IEC : inhibiteur de linzyme de conversion de langiotensine
DFG : débit de filtration glomérulaire (ml/min.)
DFG : variation du débit de filtration glomérulaire (ml/min./an)
1. Normotension sans microalbuminurie
L'étude EUCLID (1) (RCT), réalisée chez 530 patients D1 normoalbuminuriques ou microalbuminuriques non-hypertendu (PA<155/90 mmHg), randomisés en deux groupes de patients traités soit par lisinopril (10-20 mg/j) soit placebo pendant deux années. En terme de progression vers la néphropathie diabétique, l'analyse des 440 patients ayant une microalbuminurie < 20 µg/min, montre que 8% (n=18) des patients sous placebo contre 6% (n=13) des patients du groupe lisinopril évoluent vers une microalbuminurie supérieure à 20 µg/min (p=0.5). Après 2 ans l'excrétion urinaire d'albumine est réduite de 12.7% chez les patients normoalbuminurique (< 15 mg/L).
Même pour des valeurs normales dexcrétion urinaire dalbumine les IEC diminuent lexcrétion urinaire dalbumine (EUCLID) si bien que les IEC pourraient avoir un intérêt dans ce cas tout particulièrement lorsquil existe une histoire familiale forte de néphropathie diabétique (2). De plus les IEC diminuent lincidence de la rétinopathie (EUCLID) et cet effet existe même en cas de normotension. Dans un sous groupe de 354 patients D1, la preogression de la rétinopathie (photgraphie rétinienne graduée) dau moins un degfré est diminuée de moitié par le lisinopril (OR 0.50, IC 95% 0.28-0.89; P<0.02). La progression vers la rétinopathie proliférative est également significativement réduite. Une analyse stratifiée a de plus montré une interaction avec le contrôle glycémique (le pricipal facteur de progression). Leffet bénéfiaque du traitement IEC est particulièrement net chez les patients avec un bon contrôle glycémique (HbA1c <7%) mais moins prononcé che ceux avec un contrôle glycémique médiocre (3).
2. Hypertension artérielle sans microalbuminurie
Cette situation peu fréquente (environ 4 %) traduit généralement une hypertension artérielle essentielle nécessitant les traitements antihypertenseurs usuels.
3. Microalbuminurie avec ou sans hypertension artérielle :
A ce stade, la microalbuminurie sassocie déjà à une augmentation parallèle de la pression artérielle même si celle-ci reste en-dessous des valeurs seuils classiques dHTA (140/90 mm Hg).
L'étude EUCLID (1) (RCT) déjà citée a permis de démontrer une diminution de la progression de la néphropathie diabétique cet effet étant supérieur pour les patients avec une albuminurie >30 mg/min. Après 2 ans l'excrétion urinaire d'albumine est réduite de 18.8% dans le groupe lisinopril par rapport au groupe placebo, chez les patients normoalbuminurique (< 15 mg/l) la différence n'était que de 12.7% alors qu'elle était de 49.7% chez les patients microalbuminuriques. La différence absolue d'excrétion d'albumine après 2 ans de traitement est de 34.2 µg/min chez les patients microalbuminuriques. Les auteurs concluent au bénéfice du traitement par IEC pour des patients D1 avec microalbuminurie > 20 µg/min sans qu'une limite soit définitivement posée le seuil de 5 µg/min de microalbuminurique est le seuil de début de protection rénale dans cette étude.
Lanalyse combinée de deux études de conception identique lune nord-américaine (4), lautre européenne (5) rassemble 235 patients D1 normotendus (< 140/90 mm Hg) avec microalbuminurie (20-200 µg/min) randomisés pour recevoir soit du captopril 50 mg /j soit son placebo. Après 2 ans 7.2% des D1 traités par captopril et 21.9 % des D1 recevant le placebo progresse vers la protéinurie permanente. Le risque de progression est significativement réduit par le captopril de 69.2% (IC 95 : 16.1-83.6 %) après ajustement pour les variations de pression artérielle (6).
Recommandations
- A ce stade, la présence dune microalbuminurie a une valeur pronostique plus forte que lélévation modérér de la pression artérielle qui peut rester dans les valeurs considérées comme « normales ».
- Le traitement antihypertenseur fait appel de préférence aux IEC qui réduisent lexcrétion urinaire dalbumine et lincidence de survenue de la macroalbuminurie.
- Lefficacité identique chez les sujets « normotendus » (valeurs normales hautes) suggère lintérêt dobtenir les pressions artérielles les plus basses cliniquement bien supportées.
- Il convient de rappeler quaucune étude na pour linstant demontré que la correction ou la stabilisation de la microalbuminurie prévient ou retarde linsuffisance rénale ou la maladie cardiovasculaire prématurée.
4. La néphropathie diabétique avérée :
Il est maintenant démontré que l'HTA est un facteur de progression de la néphropathie diabétique et de sur-mortalité cardio-vasculaire (7, 8).
Parving et al. (9) ont montré que le traitement antihypertenseur (ß-bloqueur, diurétique, hydralazine) « intensif » (pression artérielle diminue depuis 143/96 à 130/84 mm Hg) améliore significativement la protéinue et la variation de filtration glomérulaire (n = 11, prospectif non-contrôlé). Des conclusions analogues sont tirées par Mogensen et al. (10) dans une analyse observationnelle rétrospective chez 94 diabétiques D1. Il existe une corrélation entre dune part la pression artérielle moyenne et dautre part laugmentation dexcrétion urinaire dalbumine dans la néphropathie incipiens et la variation de filtration glomérulaire chez les sujets protéinuriques. Il semble exister un effet seuil à 95 mm Hg de pression artérielle moyenne pour les sujets microalbuminuriques et 105 mm Hg de pression artérielle moyenne pour les sujets protéinuriques. Globalement, il ny a pas de progression observée lorsque la pression artérielle moyenne est en deçà de 90-95 mm Hg chez les sujets microalbuminuriques et 100 mm Hg chez les sujets protéinuriques. Cet auteur souligne également lintérêt de la MAPA pour la surveillance tensionnelle et lévaluation de la charge tensionnelle sur 24 heures.
Sawicki et al. (11) (RCT) suggèrent également le bénéfice rénal (vitesse de progression du DFG) obtenu par lintensification du traitement antihypertenseur et glycémique (DFG + 1,9 ml/min. avec une HbA1c 8,1±1,6 % et une pression artérielle de consultation 143 ± 14 /88 ± 8 mmHg ; n = 39 ; suivi 2 ans).
Björck et al. ont comparé 40 patients D1 traités soit par enalapril ± furosemide soit par metoprolol ± furosemide. Après 2.2 ans de suivi moyen la pente de decroissance du DFG est significativement plus basse dans le groupe traité par enalapril que dans le groupe metoprolol (-2.0±3.2 ml/min./an vs. 5.6±5.9 ml/min./an). La protéinurie est 60% plus basse dans le groupe enalapril malgré une baisse tensionnelle identique dans les deux groupes thérapeutiques (pression artérielle moyenne 102±5 vs. 103±5 mmHg) (12).
Létude collaborative Nord-Américaine (13) (RCT) a montré un bénéfice du traitement antihypertenseur par IEC chez 409 patients diabétiques D1 ayant une néphropathie diabétique avérée définie par une protéinurie et une créatinine plasmatique <220 µmol/l. Ces patients ont été randomisés pour recevoir soit un traitement par captopril (25 mg x 3/j) soit un placebo. D'autres antihypertenseurs étaient ensuite ajoutés selon nécessité tensionnelle à l'exclusion de CCB et d'autres IEC.
Il a été observé une réduction non significative du risque du temps de doublement de la créatinine plasmatique( 33%, IC95% -44 % -69%, P=0.31) chez les 307 patients ayant une créatinine plasmatique <133 µmol/l. Chez les patients ayant une créatinine plasmatique initiale > 133 µmol/l la réduction du risque sous captopril est significative (68%, IC 95% : 39-63%). Ce bénéfice limité aux patients ayant une créatinine plasmatique initiale > 132 µmol/l sexplique en partie par la vitesse de progression plus rapide : 123 µmol/l par an pour le groupe placebo contre 53 µmol/l par an dans le groupe captopril. Aucune amélioration n'a pu être montrée chez les patients ayant une Pcr initiale plus basse probablement parce que la vitesse de progression était très lente dans ce groupe, la Pcr augmentant seulement de 9 à 18 µmol/l par an. Leffet bénéfique du captopril a été présumé indéoendant du contrôle tensionnel obtenu.
Cependant, pendant les 4 années de suivi, la pression artérielle moyenne était légèrement plus basse de 4 mm Hg dans le groupe captopril. Dautre part plusieurs variables confondates importantes comme la pression artérielle, le degré de protéinurie, la clairance de la créatinine initiale et la race nétait pas répartis de façon équilibrées dans les deux groupes, tous ces facteurs favorisant le groupe captopril. Dautre part la perte de DFG dans cette étude est étonamment élevée par comparaison avec la plupart des études européennes ou américaines ce qui pourrait être lié à des différences de sélection de patients ou de traitement concommittant. Il nay pas dinformation sur leffet du captopril dans le sosus groupe de 101 patients ,normotendus inclus dans cette étude. A noter également que le captopril ninflue pas significavtivement la mortalité-morbidité cardiovasculaire dans cette étude.
Dans létude colaborative Nord-américaine sus-citée, les patients néphrotiques en rémission de la protéinurie avaient une pression diastolique plus basse que ceux sans rémission (76 vs 85 mm Hg) (14). Létude de Sawicki et al. (15) (RCT) suggère aussi très fortement le bénéfice sur la mortalité totale et cardiovasculaire des pressions artérielles « basses » strictement < 140/90 mm Hg (automesure répétée) (mortalité 4 % versus 28 % p<0.01 à 90 mois pour une pression artérielle < 150/85 versus 158/87 mm Hg). Ces résultats sont obtenus avec le recours large à des ß-bloquants sélectifs et lutilisation moindre dIEC suggérant un « effet pression » prépondérant. Lensemble de ces constatations (10, 11, 13) suggèrent donc lintérêt rénal et cardiovasculaire dobtenir la pression artérielle la plus basse cliniquement bien supportée.
La rétention hydrosodée souvent infraclinique contribue au mauvais contrôle tensionnel et à labsence de la baisse tensionnelle nocture physiologique (« non dipper ») (16). Ceci suggère fortement lintérêt des diurétiques comme complément du traitement antihypertenseur .
A noter aussi lintérêt dune restriction de lapport sodé alimentaire. Mülhauser et al. (17) (RCT), dans une étude controlée, randomisée en double aveugle (4 semaines) chez 16 patients D1 hypertendus non traités avec néphropathie retrouve une baisse faible mais significative de 5 mm Hg pour la pression artérielle diastolique avec un apport sodé limité à 90 mmol/j au lieu des 190 mmol/j usuels pour ces patients!
Recommandations :
- Il est souhaitable à la fois pour la prévention cardiovasculaire et la progression de linsuffisance rénale dobtenir des chiffres tensionnels strictement inférieurs à 135/85 mmHg.
- Cet objectif tensionnel doit être rigoureusement évalué et contrôlé par des automesures répétées et/ou la MAPA.
- Le choix de lantihypertenseur fait appel aux IEC de préférence en première intention (effet de classe probable) (13, 18). Les diurétiques savèrent souvent indispendables pour obtenir la cible tensionnelle et lutter contre la rétention hydrosodée (insuffisance rénale, syndrome néphrotique) (16). Les ß-bloqueurs sélectifs peuvent savérer une alternative ou une addition intéréssante en particulier pour la prévention coronarienne (19).
5. Considérations pratiques sur le choix des antihypertenseurs dans le traitement de la néphropathie diabétique.
Le traitement IEC est généralement efficaice et bien toléré chez le sujet diabétique. Une complication potentielle de ces médicaments est la chute brutale de la pression artérielle qui peut entraîner une baisse du DFG d'origine hémodynamique au cours des premiers mois de traitement. La baisse du DFG dans cette situation ne reflète pas des lésions structurelles et dans la mesure où elle est médiée par une réduction de la pression intraglomérulaire, elle peut être associée à un ralentissement à long terme de la vitesse de progression. Il est démontré que cette diminution initiale du DFG est réversible. Chez 42 patients diabétiques D1 hypertendus l'arrêt du traitement IEC a augmenté à la fois la pression artérielle et le DFG (de 76 à 81 ml/min.) (52). Le risque daggravation initial est particulièrement important pour les patients fortement déplétés (régime sans sel, diurétiques) et lorsque la fonction rénale est très altérée ceci peut même amener à recourir plus rapidement à lépuration extrarénale.
Il faut se méfier également du risque important dhyperkaliémie ou dacidose métabolique dans ce contexte (insuffisance rénale, diabète, hypoaldostéronisme, bas débit de sodium au tube collecteur distal). Il est souvent intéressant dassocier un diurétique pour limiter la rétention hydrosodée (insuffisance rénale, syndrome néphrotique) et/ou faciliter lélimination rénale de potassium. Enfin lassociation IEC et AINS comporte une risque plus important de survenue dIRA et/ou dacidose métabolique hyperkaliémique.
Il ny a pas de données spécifiques concernant lutilisation de bloqueurs AT1 chez les sujets diabétiques atteint de néphropathie diabétique. Des données très préliminaires chez les sujets non diabétiques suggèrent un effet antiprotéinurique à peu près comparable à celui des IEC (53). Ces médicaments exposent a priori cependant aux mêmes risques dacidose hyperkaliémique et daggravation de la fonction rénale que les IEC.
Lutilisation des béta-bloquants chez le diabétique a été longtemps limitée par le risque de minoration des symptômes adrénergiques d'hypoglycémie, de perturbation de l'équilibre glycémique et lipidique (élévation du LDL-cholestérol et des triglycérides, réduction du HDL-cholestérol) et la réduction du débit sanguin périphérique chez l'artéritique. Les BB cardiosélectifs nempèchent pas la remontée de la glycémie après une hypoglycémie induite par linsuline (54).
Néanmoins les béta-bloquants ont fait la preuve de leur efficacité en terme de prévention primaire des complications cardio-vasculaire (MRC, HAPPHY). En prévention secondaire du post-infarctus les 73 études randomisées vs. placebo (51 563 patients) regroupées dans la méta-analyse de Soriano (55) montre un risque relatif de décès de 0.89 pour les patients traités par bétabloquant, la réduction du risque étant d'autant plus forte que le béta-bloquant est sélectif, lipophile, sans activité stabilisatrice de membrane et dépourvu d'ASI (Meta).
Les indications des ß-bloqueurs sélectifs devraient probablement être élargies chez tous les diabétiques en prévention primaire. Les ß-bloqueurs sélectifs sont indispensables en prévention secondaire et probablement en cas dinsuffisance coronaire symptomatique. Certains ß-bloqueurs comme le carvedilol et le bisoprolol (CIBIS2) doivent être privilégiés en cas dinsuffisance cardiaque, en plus du traitement conventionnel par IEC + diurétiques y compris probablement chez les patients urémiques et/ou traités par dialyse (56).
Les CCB de type dihydropyridine (nifedipine, nitrendipine, isradipine, amlodipine&) ont un effet variable, depuis l'augmentation de l'excrétion protéique à l'absence d'effet ou une diminution de l'excrétion protéique suivant les études (57) (Meta). Seul le diltiazem et le verapamil semblent aussi régulièrement efficaces que les IEC pour diminuer l'excrétion protéique chez les patients diabétiques (57). Les antagonistes calciques de type dihydropyridine doivent être évités en raison de lincertitude qui persite sur le risque daccident coronarien aigu (58). Lorsque cette classe de médicaments savère cependant nécessaire, il faut alors préférer une DHP de durée daction longue (par exemple lamlodipine qui naggrave pas la mortalité chez linsuffisant cardiaque, étude PRAISE). Les dihydropyridines ainsi que les autres anticalciques (phénothiazidines) peuvent en outre simuler une rétention hydrosodée en raison dSdème des membres inférieurs liés à leurs propriétés vasodilatatrices.
Les antihypertenseurs centraux et les alpha1-bloqueurs périphériques (prazosine-alpress®) ont lintérêt dêtre relativement neutres sur le plan métabolique (lipides, insulino-résistance) mais ils peuvent aggraver lhypotension orthostatique (dysautonomie) et /ou une impuissance.
Les diurétiques représente une indication logique du traitement antihypertenseur chez le sujets diabétique a fortiori sil existe une néphropathie compte tenu de la fréquence et de limportance dune rétention hydrosodée. Les principaux inconvénients des dirétiques (hypokaliémie, insulino-résistance, hyperosmolalité chez le sujet agé, élévation modérée du cholestérol-LDL et des triglycérides) sont dose-dépendants et ne sont guère détectables lorsque des posologies de 12.5 25 mg dhydrochlorothiazide ou équivalent sont utilisées. Le recours au diurétique de lanse est souvent indispensable en cas de néphropathie avérée avec ou sans syndrome néphrotique. Le risque dhypokaliémie est alors négligeable et ces médicaments permettent même de corriger lhyperkaliémie induite par les IEC tout en potentialisant leurs effets antihypertenseurs.
Pr T. Hannedouche