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Diagnostic des HTA secondaires
OBJECTIFS
  • Reconnaitre les erreurs potentielles de mesure de la pression artérielle dans cette population
  • Estimer l'importance du traitement antihypertenseur et le choix des cibles tensionnelles
  • Choisir l'antihypertenseur optimal
  • Définir la meilleure stratégie d'association des antihypertenseurs

 
NephroHUS Online PLAN DU CHAPITRE
 
Par convention, il s'agit de patients ayant une fonction rénale définie par une clairance de la créatinine comprise entre 30 et 10 ml/mn. Chez ces patients, lobjectif du traitement anti-hypertenseur et plus généralement du traitement symptomatique de l'insuffisance rénale chronique avancée est en apparence contradictoire : d'une part, il faut essayer de ralentir le plus possible l'insuffisance rénale chronique et sa progression et d'autre part, il faut savoir démarrer la dialyse suffisamment tôt chez des malades en bon état notamment cardio-vasculaire et nutritionnel.

1. Comment apprécier la pression artérielle :

1.1. Technique de mesure

Les conditions de mesure de la pression artérielle ont été longuement établies et discutées au sein des différentes sociétés savantes. Par exemple, selon le rapport du JNC VI, l'évaluation de la pression artérielle doit être effectuée dans les conditions standardisées c'est à dire assis au repos depuis au moins 5 mn de préférence avec un sygmomanomètre à mercure ou à défaut un manomètre anaéroïde calibré ou un appareil électronique validé. La taille du brassard doit être adaptée à la circonférence du bras. La valeur de pression artérielle retenue correspond à la moyenne d'au moins deux mesures successives. Deux valeurs au moins obtenues à un premier examen de dépistage sont nécessaires à la classification du patient dans les différentes catégories optimales normales, normales hautes, hypertension de stade I, II et III.

Ces recommandations sont insuffisantes chez un sujet diabétique de type 2 au stade de néphropathie et présentant fréquemment une neuropathie végétative liée au diabète. La prise de pression artérielle en position assise représente une moyenne imparfaite entre d'une part les valeurs de pression artérielle enregistrées en position couchée et d'autre part celles enregistrées en position debout. Chez le sujet diabétique, l'hypotension orthostatique doit être recherchée de façon systématique après une à deux minutes en position debout. Une baisse de pression artérielle supérieure à 20 mmHg lors de lorthostaisme en l'absence d'augmentation de la fréquence cardiaque qui doit être mesurée simultanément témoigne d'une dysautonomie dont la présence a priori complique le traitement anti-hypertenseur.

1.2. Causes derreur potentielles

Une remarque communément alléguée pour justifier l'absence de traitement anti-hypertenseur efficace chez les malades diabétiques de type II est la validité des mesures de tension notamment de façon ponctuelle et en consultation externe. Au moins, trois facteurs concourrent effectivement à la majoration potentielle des mesures tensionnelles en consultation : taille de brassard inadaptée, effet "blouse blanche", pseudo-hypertension.

- Taille du brassard : les patients diabétiques de type 2 ont souvent une obésité et la prise de pression artérielle doit être réalisée avec un brassard adapté. Rappelons que pour une circonférence brachiale supérieure à 33 cm, on conseille un brassard de 15 x 33-35 cm ; pour une circonférence brachiale supérieure à 41 cm, un brassard 18 x 36-42 cm. En pratique, le recours à des brassards de grande taille pour des diamètres de bras plus faibles ne modifie pas significativement les mesures de pression artérielle alors qu'au contraire, l'utilisation de brassards trop petits chez un obèse a tendance à surestimer les valeurs. Ces constatations militent en faveur de l'utilisation systématique de brassards de plus large taille en particulier dans les cliniques de diabétologie.

- Pseudo-hypertension : la présence d'une pseudo-hypertension liée à la rigidité de la paroi artérielle doit être systématiquement suspectée dans une population de diabétiques de type 2 atteints de néphropathie et fréquemment atteints de lésions de macroangiopathie. La médiacalcose est particulièrement fréquente chez ces sujets diabétiques avec la particularité d'atteindre aussi les membres supérieurs ainsi qu'en témoignent les calcifications artérielles observées sur les artères humérales et même radiales au moment de la confection d'une fistule artério-veineuse.
Malgré sa prévalence a priori élevée dans cette population, la pseudo-hypertension n'a pas été étudiée spécifiquement dans la population des diabétiques de type 2 avec néphropathie. Classiquement, la pseudo-hypertension est recherchée à l'aide de la manoeuvre dOsler c'est à dire la persistance d'une artère radiale indurée après occlusion complète de l'artère humérale par un brassard tensionnel gonflé au-delà des valeurs systoliques. Cette manoeuvre dOsler est cependant très peu sensible ni même spécifique pour la détection d'une pseudo-hypertension. La technique de référence pour mettre en évidence la pseudo-hypertension est de mesurer la pression artérielle radiale sanglante, la différence entre la pression systolique au brassard et au bras et la pression artérielle radiale sanglante étant ensuite utilisée pour l'évaluation des traitements anti-hypertenseurs. Cette technique n'est pas largement disponible ni facilement réalisable. En pratique, la pression artérielle peut être estimée par la mesure oscillatoire (appareil automatique) qui mesure directement la pression artérielle moyenne ou à l'aide d'appareils de mesures de la pression digitale (finapress et autres appareils validés).
Une remarque importante doit être faite concernant la pseudo-hypertension : en effet, si la rigidité artérielle brachiale notamment peut faire surestimer la pression artérielle intra-vasculaire, cette rigidité de l'arbre vasculaire constitue un facteur de risque vasculaire en soit. Dans l'étude SHEP 7.2 % des 3387 patients âgés de plus de 60 ans ont une manoeuvre dOsler positive et ces patients présentent un risque cardio-vasculaire majoré. En effet, la rigidité de l'arbre vasculaire altère la fonction physiologique essentielle des grosses artères à savoir la fonction d'amortissement du débit cardiaque, phénomène discontinu et cyclique en un débit sanguin périphérique distal en régime continu. Ainsi, la pression artérielle systolique et plus précisément l'index temps-systolique (produit de la pression artérielle systolique par la durée du temps d'éjection systolique) représente la principale résistance qui s'oppose à l'éjection ventriculaire et elle est donc directement reliée au travail cardiaque et à la consommation d'oxygène. Lorsque les artères périphériques sont rigides, l'onde de pression systolique est suivie par un phénomène de retour élastique (recoil) qui effondre la pression artérielle diastolique et donc la perfusion coronaire, favorisant lischémie myocardique. Inversement la rigidité artérielle saccompagne quasi-obligatoiremlent dun élargissement de la pression pulsée qui doit, chez ces malades, faire évoquer la possibilité d'une pseudo-hypertension à rechercher systématiquement en comparant la pression digitale et brachiale.

- L'effet "blouse blanche" encore appelé réaction d'alarme est une manifestation fréquente lors de la mesure de pression artérielle en consultation pouvant faire surestimer les valeurs tensionnelles réelles. Leffet "blouse blanche" correspond à la majoration des valeurs tensionnelles retrouvées en consultation par rapport aux valeurs de MAPA ou d'auto-mesures. Cet effet "blouse blanche" est quasiment constant, il tend à diminuer avec le temps et le nombre des consultations. Son intensité est très variable selon les patients et les médecins. La prévalence de cet effet "blouse blanche" n'est pas plus importante chez le diabétique (Nielson Diabet Care 97). Par contre, elle pose le problème de la validité de mesures ponctuelles de la pression artérielle tout particulièrement dans ces populations.

1.3. La mesure ponctuelle de la pression artérielle en consultation est-elle suffisante ?

Vraisemblablement la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) permet d'obtenir des informations supplémentaires à la mesure ponctuelle en consultation. La MAPA enregistre des valeurs hautement reproductibles dans le temps, il n'y a pas d'effet placebo ni d'effet "blouse blanche". La MAPA permet également d'évaluer la charge tensionnelle et les valeurs de pression sur l'ensemble du nycthémère permettant d'adapter au mieux le schéma anti-hypertenseur. Surtout, la MAPA permet d'identifier les patients dits "non dipper" c'est à dire ne manifestant pas de baisse tensionnelle nocturne (variations des pressions artérielles nocturmes et diurnes < 10 mmHg).
L'hypertension artérielle des "non-dipper" est associée à l'hypertrophie ventriculaire gauche et à un risque vasculaire accru. Chez le sujet diabétique de type 1 avec une néphropathie, ce caractère "non dipper" est associé à une hyperhydratation infraclinique (mesure de la volémie par technique radioisotopique).

L'auto-mesure tensionnelle à l'aide d'appareils électroniques validés permet également d'optimiser le contrôle tensionnel sans avoir besoin de recourir trop fréquemment à la MAPA. Dans une étude chez 54 patients diabétiques de type 2, Waeber et al. (AJH 96) ont pu montrer l'intérêt de l'auto-mesure par rapport à la mesure de consultation, cette dernière surestimant systématiquement d'environ 10 mmHg les pressions artérielles systoliques alors que les pressions artérielles diastoliques étaient identiques. Au-delà de la simple mesure tensionnelle, l'auto-mesure permet également d'assurer la réalité du contrôle tensionnel sous traitement. Dans l'étude de Sawicki et al. chez des diabétiques de type 1 atteints de néphropathie avancée, les excellents résultats du traitement anti-hypertenseur sont probablement en partie liés à l'obtention et à la démonstration d'un bon contrôle tensionnel objectivé par les auto-mesures (deux fois par jour) permettant l'adaptation des posologies médicamenteuses et de leur répartition. Ces auto-mesures ont probablement en outre un effet favorable sur l'adhérence thérapeutique des patients de la même façon que les dextros sont utilisées chez les diabétiques pour l'auto-surveillance de la glycémie. L'obstacle actuel à l'utilisation de ces appareils est leur coût 600 à 1200 F actuellement non remboursés par la Sécurité Sociale. Ces appareils doivent toujours faire l'objet d'une validation par rapport aux mesures conventionnelles. Les appareils entièrement automatiques limitent les erreurs de manipulation et sont probablement plus reproductibles.

2. Faut-il traiter l'hypertension artérielle ?

Le but du traitement de l'hypertension artérielle dans ce contexte est double : réduire le risque cardio-vasculaire en général et ralentir la progression de l'insuffisance rénale chronique.
La pression artérielle est un facteur de risque cardio-vasculaire quantitatif c'est à dire avec une relation dose-effet entre le risque cardio-vasculaire et l'augmentation des valeurs tensionnelles. Selon le rapport du JNC VI, le traitement est d'autant plus bénéfique que le risque spontané est élevé et ceci classe le diabétique dans le groupe C recommandant l'instauration d'un traitement pharmacologique dès le stade de pression artérielle normale haute c'est à dire pour des valeurs de 130-139/85-89 mmHg.
Chez les patients diabétiques de type 2 avec une néphropathie, le risque cardio-vasculaire absolu est très élevé (d'autant que sont souvent associées hypertrophie ventriculaire gauche, dyslipidémie voire antécédents cardio-vasculaires dinfarctus ou dAVC). Dans ce contexte, le bénéfice d'un traitement anti-hypertenseur pharmacologique est à priori élevé avec une réduction du risque attendu de l'ordre de 30-35 % (moyenne des grands essais dintervention). Il n'existe pas actuellement d'étude spécifique sur la validité du contrôle tensionnel en terme de morbi-mortalité cardio-vasculaire dans cette population spécifique. Trois essais sont actuellement en cours (RENAAL, Lewis 2 et surtout ABCD dont les résultats devraient être connus fin 1998).
Le problème essentiel est de déterminer le meilleur niveau tensionnel à obtenir sous traitement. Dans la population diabétique de type 2 majoritairement sans insuffisance rénale, les études HOT et CAPP montrent l'absence d'effet seuil ou de courbe en J suggérant que les valeurs tensionnelles les plus basses sous traitement sont associées au risque cardio-vasculaire le moins élevé. Sur cette base ainsi que sur la notion d'autres études dans des populations diabétiques sans insuffisance rénale ou d'insuffisants rénaux non diabétiques, les experts du JNC VI recommandent le recours aux valeurs tensionnelles les plus basses inférieures à 125/75 mmHg chez les patients insuffisants rénaux protéinuriques "quelle que soit l'importance du traitement à mettre en oeuvre". Ces recommandations semblent validées par l'étude de Sawicki chez des sujets diabétiques de type 1 avec une néphropathie diabétique. L'obtention d'un contrôle tensionnel intensif validé par des auto-mesures bi-quotidiennes avec des valeurs tensionnelles strictement inférieures à 140/90 mmHg a permis de réduire de façon considérable la morbidité-mortalité cardio-vasculaire dans cette population (mortalité 4 % versus 28 % p<0.01 à 90 mois pour une pression artérielle < 150/85 versus 158/87 mm Hg). L'étude ABCD qui compare (outre deux approches pharmacologiques) deux niveaux tensionnels cibles permettra probablement de répondre définitivement à la question du niveau tensionnel optimal à obtenir dans ce groupe de patients.

Le bénéfice rénal du traitement anti-hypertenseur à ce stade évolutif est moins clair. Chez ces patients, la perte de fonction rénale est estimée à environ 1 ml/mn/mois si bien que pour un individu ayant une clairance à 30 ml/mn, le recours à l'épuration extra-rénale nécessaire pour des clairances de 10 à 15 ml/mn surviendra environ 15 à 20 mois plus tard. Le bénéfice rénal d'un traitement anti-hypertenseur agressif n'est pas établi dans cette situation. Les données au cours de la néphropathie du diabète de type 1 suggère que l'intensification du traitement anti-hypertenseur permet de diminuer d'un facteur presque 10 la vitesse de progression (Parving) en passant de valeurs tensionnelles sous traitement de 160/95-100 mmHg à des valeurs de l'ordre de 140-130/85 mmHg. Dans l'étude du MDRD, l'intensification du traitement anti-hypertenseur chez les malades diabétiques ou non ayant une néphropathie glomérulaire avec protéinurie supérieure à 1 g/j permet une réduction d'environ 30% de la vitesse de progression de l'insuffisance rénale. Dans ce cas, le bénéfice espéré en terme de retard à la mise en dialyse ne serait pas supérieur à 6 mois. Un problème supplémentaire est lié à la réduction rapide du niveau tensionnel compromettant la pression de perfusion rénale fet qui avorise souvent à ce stade une aggravation fonctionnelle au moins partiellement réversible de la filtration glomérulaire.

Recommandations :

La cible tensionnelle doit être basse, probablement inférieure à 135/85 mmHg d'après les données de HOT, CAPP, MDRD. Il est même possible qu'il soit bénéfique dobtenir des valeurs tensionnelles encore plus basses à 125/75 mmHg comme le recommande le groupe d'experts du JNC VI. Ces recommandations sont en pratique difficiles à appliquer et nécessitent une conviction certaine du praticien. Une telle cible tensionnelle nécessite a priori une polythérapie incluant au minimum en deuxième intention un diurétique comme cela a été montré par Bakris et al. et Sawicki et al. dans le diabète de type 2 et de type 1 respectivement. De telles valeurs tensionnelles semblent être un optimum à la fois pour la progression rénale et pour la prévention cardio-vasculaire.
Il n'y a aucun argument scientifique pour modifier cette cible tensionnelle chez les sujets diabétiques âgés à l'exception peut-être des sujets très âgés au-delà de 80 ans.
L'hypertension artérielle systolique isolée ou systolo-diastolique à prédominance systolique doit être traitée de la même façon et peut-être encore plus énergiquement. Il en est probablement de même des patients ayant une pression pulsée très importante même si les valeurs de pressions artérielles systoliques et diastoliques s'inscrivent dans les limites de la normale.

3. Comment traiter l'hypertension artérielle :

Le patient diabétique de type 2 avec une néphropathie avancée est à priori hypertendu (prévalence de l'hypertension proche de 100 % selon Ritz et al.). L'hypertension artérielle est ancienne, parfois a précédé le diabète. Les deux principales caractéristiques physio-pathologiques dans cette population sont d'une part l'importance de la rigidité artérielle liée ou non à la médiacalcose et d'autre part l'expansion volémique quasi-constante chez ces patients en insuffisance rénale, parfois néphrotiques et chez lesquels les oedèmes de rétention hydrosodées sont majorés par les anomalies de perméabilité capillaire. Comme le démontre l'ensemble des publications sur le sujet, ces patients nécessitent pour un contrôle optimal tensionnel une polythérapie et le problème est donc de déterminer la meilleure stratégie anti-hypertensive : stratégie d'association, dose optimale et association synergique. Toutes les classes de médicaments présentent des avantages et des inconvénients dans cette situation précise.

3.1. Les diurétiques :

La néphropathie du diabète de type 2 particulièrement au stade de réduction néphronique avec insuffisance rénale avancée est caractérisée par une inflation hydrosodée est en partie responsable de l'hypertension artérielle. Cette hyperhydratation favorise l'absence de chute tensionnelle nocturne, elle même génératrice d'hypertrophie ventriculaire gauche et de dysfonction diastolique. Dans certains cas, cette surcharge est même suffisamment importante pour entrainer un oedème pulmonaire. Ces situations sont volontiers interprétées comme témoignant d'une insuffisance cardiaque alors qu'en réalité, la fonction systolique est normale et l'oedème pulmonaire traduit seulement l'augmentation des pressions capillaires pulmonaires liée à la rétention hydrosodée (oedème de surcharge). Nous avons été frappés chez nos patients diabétiques de type 2 débutant l'épuration extra-rénale de devoir réaliser une soustraction de 6 à 7 kg en moyenne sur l'espace d'un mois pour obtenir le poids sec réel des malades.

La prévention de cette surcharge hydro-sodée nécessite la restriction sodée stricte souvent non prescrite ou mal suivie par les patients (problème d'adhérence en particulier dans cette population). Le recours au traitement diurétique est habituellement nécessaire. A ce niveau de fonction rénale, il s'agit essentiellement des diurétiques de l'anse puisque les diurétiques thiazidiques sont inefficaces et les diurétiques épargneurs du potassium contre-indiqués en raison du risque létal d'acidose métabolique hyperkaliémique.
L'utilisation des diurétiques a été fortement controversée chez les sujets diabétiques notamment l'utilisation des diurétiques thiazidiques. En fait, les principaux reproches faits à ces médicaments à savoir l'insulino-résistance, le risque d'hyperlipémie sont essentiellement secondaires à la déplétion potassique induite par ces médicaments (surtout les thiazidiques donnés à trop fortes doses dans le passé) chez des sujets à fonction rénale normale. Ce risque est virtuellement absent chez des patients en insuffisance rénale, diabétiques qui sont davantage menacés par l'hyperkaliémie.
Le furosémide et le bumétamide sont les deux diurétiques de lanse les plus largement utilisés en France. Pour des raisons pharmacodynamiques, la posologie unitaire doit être augmentée proportionnellement à la réduction de filtration glomérulaire. En effet pour attteindre leur récepteurs tubulaires endoluminaux, ces anions organiques doivent être secrétés par le tubule proximal, processus actif en compétition avec la créatinine et dautres substances endogènes qui saccumulent au cours de linsuffisance rénale. L'idéal est de réaliser une titration progressive pour déterminer la posologie unitaire efficace. En pratique on peut considérer qu'une réduction de moitié de la fonction rénale nécessite un doublement de la dose, une réduction de fonction rénale à 25 %, une dose quadruple, etc&. La multiplication des doses unitaires dans la journée en deux prises ou trois prises permet de multiplier leffet natriurétique sur la journée et évite la réabsorption sodée à distance d'une prise unique. Les formes à libération prolongée n'ont que peu d'intérêt en présence d'une insuffisance rénale sévère car le pic plasmatique du médicament est émoussé et ceci ralentit ou prévient sa sécrétion tubulaire et son accès aux sites d'action. Le rapport d'efficacité est d'environ 1 mg de bumétamide pour 20 à 40 mg de furosémide en administration orale.

L'un des problèmes majeurs de l'utilisation des diurétiques est le risque de contraction volémique en cas de dosage excessif. Cette contraction volémique aggrave la perfusion rénale et induit donc une insuffisance rénale fonctionnelle. L'ascension de la créatinine est également favorisée par la réduction de l'espace de distribution de la créatinine lors de la fonte des oedèmes. La plupart du temps, ce phénomène ne fait que révéler le véritable niveau de créatinine plasmatique et de fonction rénale.

3.2. Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion :

Les IEC sont de plus en plus largement utilisés chez les sujets diabétiques à tous les stades d'hypertension et de néphropathie. Leur utilisation est largement validée dans la néphropathie du diabète de type I, au stade de néphropathie avérée, au stade de microalbuminurie et même au stade de rétinopathie normotensive. Les IEC n'ont par contre pas été jusqu'à maintenant validés spécifiquement chez les diabétiques de type 2 mais les études sont actuellement en cours. Cependant, un certain nombre d'arguments suggèrent que ces médicaments peuvent apporter un réel bénéfice car ils sont efficaces pour ralentir la progression de l'insuffisance rénale au cours des néphropathies glomérulaires avec protéinurie et d'origine non diabétique. Plusieurs études chez le diabétique de type 2 avec néphropathie montrent que les IEC permettent de réduire la protéinurie, un effet qui est lié au ralentissement de la progression (Lewis 1). Comme cela a été mentionné précédemment, le bénéfice attendu de telles mesures reste cependant modeste dans ce contexte avec un gain sur la mise en dialyse de six mois au plus.
Le bénéfice des IEC dans cette situation semble davantage lié à l'effet pharmacologique commun (blocage du système rénine-angiotensine) plutôt qu'à une molécule spécifique. Dans tous les cas et quelle que soit la molécule choisie, il est nécessaire de débuter par de faibles doses puis daugmenter très progressivement la posologie en fonction de la tolérance rénale et des objectifs tensionnels. Les molécules délimination mixte (hépatique et rénale) ne présentent pas davantages réels dans ce contexte car la non-adaptation de posologie aboutit à utiliser des doses initiales trop fortes et le coût du traitement est plus important que celui des molécules dont la posologie doit être adaptées à la fonction rénale.

Inversement, l'utilisation des inhibiteurs de l'enzyme de conversion à ce stade d'insuffisance rénale n'est pas sans risque. L'aggravation fonctionnelle rénale est fréquente en particulier si les IEC sont associés à des fortes doses de diurétiques. Cette agravation probablement liée à l'effondrement de la pression capillaire glomérulaire est habitellement réversible comme cela a été montré chez les diabétiques de type 1 avec néphropathie. Cependant chez certains patients laggravation peut être suffisamment sévère pour nécessiter la mise en route prématurée de lépuration extra-rénale.
Rappelons enfin que la prévalence des sténoses artérielles rénales tronculaires a été estimée à 15 - 30 % chez des sujets diabétiques de type 2 et que la recherche d'une lésion artérielle rénale accessible à un geste de revascularisation doit systématiquement être recherchée par une échographie-doppler des artères rénales chez tout sujet hypertendu a fortiori si un traitement IEC est envisagé.

L'acidose métabolique hyperkaliémique est un risque important associé à l'emploi des inhibiteurs de l'enzyme de conversion chez des malades en insuffisance rénale avancée et tout particulièrement s'ils sont diabétiques. Ces anomalies sont favorisées par l'hypoaldostéronisme mais aussi par la diminution du débit sodé au niveau du tube distal. Cette acidose métabolique hyperkaliémique doit être soigneusement et régulièrement recherchée et traitée. L'augmentation des doses de diurétiques et un moyen simple et efficace pour corriger ces anomalies. Lorsque les doses de diurétiques nécessaires sont trop importantes et risquent d'aggraver l'insuffisance rénale, il est possible de recourir à des résines échangeuses d'ions, Kayexalate® ou Calcium sorbisterit®. Rappelons que le Kayexalate est une résine échangeuse dion (potassium contre sodium) et que l'apport sodé global n'est donc pas négligeable (1 gramme de résine libère 1 mol de sodium). Rappelons également que les anti-inflammatoires non stéroïdiens aggravent le risque d'insuffisance rénale fonctionnelle parfois irréversible et/ou celui d'acidose métabolique hyperkaliémique. Ces médicaments sont formellement contre-indiqués en cas d'insuffisance rénale a fortiori en association avec d'autres médicaments hyperkaliémiants.

3.3. Antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II ou bloqueur AT1 :

Il n'y a actuellement pas de données spécifiques concernant l'utilisation des bloqueurs AT1 chez les sujets diabétiques de type II atteints de néphropathie diabétique. Chez des sujets non diabétiques, les effets anti-protéinuriques sont globalement comparables à celui des IEC. Deux grands essais sont en cours pour valider l'utilisation de ces produits dans la néphropathie du diabète de type II sur la prévention de l'insuffisance rénale terminale et les complications cardio-vasculaires (RENAAL, Lewis 2) mais les résultats nen seront pas disponibles avant 2003. Notons que ces médicaments bloqueurs du système rénine-angiotensine exposent aux mêmes risques d'acidose métabolique hyperkaliémique et d'insuffisance rénale fonctionnelle que les inhibiteurs de l'enzyme de conversion.

3.4. Béta-bloqueurs :

Les béta-bloqueurs ont fait la preuve de leur efficacité non seulement pour le traitement de l'hypertension artérielle mais en prévention primaire des complications cardio-vasculaires (MRC, HAPPHY) ainsi qu'en prévention secondaire du post-infarctus. Dans la méta-analyse de Soriano, le risque relatif de décès est de 0.89 pour les malades traités par béta-bloqueurs, la réduction du risque étant d'autant plus forte que le béta-bloqueur est sélectif, lipophile, sans activité stabilisante de membrane et dépourvu d'ASI. Rappelons également que certains béta-bloqueurs comme le carvedilol et le bisoprolol (étude CIBIS 2) doivent être privilégiés en cas d'insuffisance cardiaque en plus traitement conventionnel par IEC + diurétiques y compris chez les sujets urémiques et probablement ceux traités par dialyse.
Dans l'étude de Sawicki et al. chez des diabétiques de type 1 atteints de néphropathie, l'obtention d'un très bon contrôle tensionnel assuré principalement à l'aide d'une association béta-bloqueurs et diurétiques permet une réduction très significative de la morbi-mortalité cardio-vasculaire. Une extension plus récente de cette étude suggère également un bénéfice en terme de progression sur l'insuffisance rénale.

Malgré le bénéfice attendu des béta-bloqueurs chez des malades diabétiques de type 2 souvent angineux et avec des antécédents d'infarctus, ces médicaments sont très largement sous-employés. Cette timidité vis-à-vis des béta-bloquants chez le diabétique semble principalement liée à la crainte d'interférence avec le métabolisme glucidique et lipidique et enfin au risque d'aggravation de l'ischémie artérielle périphérique.
En réalité, le risque de minoration des symptomes adrénergiques d'hypoglycémie est surtout sensible chez les diabétiques de type 1 et il est négligeable lorsque l'on a recours à des béta-bloqueurs cardio-sélectifs. Il a été montré que ces béta-bloqueurs cardio-sélectifs n'empêchent pas la remontée de la glycémie après une hypoglycémie induite par l'insuline.
La majoration de l'insulino-résistance et dyslipidémie sous béta-bloqueurs nécessite éventuellement une adaptation des autres thérapeutiques mais ne doit pas être considérée comme un obstacle à l'utilisation de cette classe de médicaments. Le labetalol et le carvedilol qui possèdent une activité alpha-bloquante semblent avoir une meilleure tolérance sur ces paramètres.
Concernant le risque d'aggravation de l'artériopathie, lensemble des études montrent l'absence de majoration de la claudication, de la résistance vasculaire périphérique avec les béta-bloqueurs. Tous les béta-bloqueurs cependant ne semblent pas équivalents et en cas d'artérite sévère, il faut préférer les béta-bloqueurs sélectifs, ceux avec une ASI, ou encore des médicaments doués d'une activité vaso-dilatatrice comme notamment le céliprolol (Célectol®).

3.5. Calcium bloqueur :

Les calcium bloqueurs peuvent être divisés schématiquement en deux grandes classes : les phénothiazines (diltiazem, verapamil) et les dihydropyridines (nifédipine, amlodipine, felodipine... ). Ces deux classes de médicaments exercent un effet anti-hypertenseur puissant dose dépendant.
Cependant, en terme de prévention des complications cardio-vasculaires, certaines controverses persistent quant à ces médicaments notamment les dihydropyridines. En particulier, les dihydropyridines d'action courte sont associées à une surmortalité coronaire dose-dépendante et ne devraient plus être utilisées.
Dans l'étude ABCD concernant 470 patients diabétiques de type 2 hypertendus dont 25 % ont une microalbuminurie, la comparaison dune dihydropyridine (nisoldipine) et dun l'inhibiteur de l'enzyme de conversion (enalapril) montre que, pour lobtention de valeurs tensionnelles identiques, le traitement par nisoldipine est associé à un risque plus élevé d'infarctus du myocarde mortels et non mortels (odds-ratio 9.5; IC 95 % 2.3-21.4) que le traitement par enalapril. En l'absence de groupe placebo, il est difficile de conclure à la supériorité des IEC ou un effet délélère des bloqueurs calciques dans ce contexte. Cependant, la prudence suggère que les dihydropyridines ne doivent pas être utilisés en première intention pour le traitement de l'hypertension dans ce groupe de malades. Des résultats définitifs sur ce point seront apportés par l'étude Lewis 2 qui compare trois branches irbesartan, versus amlodipine, versus placebo. Si un antagoniste calcique doit être utilisé, il faut préferer de préférence une dihydropyridine de durée d'action longue, par exemple l'amlodipine qui n'aggrave pas la mortalité chez l'insuffisant cardiaque (PRAISE).
Rappelons enfin que les antagonistes calciques ont comme effets secondaires une incidence élevée (environ 30 % ou plus dans notre expérience) d'oedèmes des membres inférieurs tout particulièrement chez les sujets diabétiques. Ces oedèmes des membres inférieurs peuvent simuler une rétention hydrosodée et faire surestimer l'inflation hydrosodée et donc les doses de diurétiques.

3.6. Autres antihypertenseurs

Les anti-hypertenseurs centraux (rilmenidine et méthyl-dopa) ainsi que les bloqueurs alpha-1 périphériques (prazosine, Alpress®) ont l'avantage d'être efficaces sur le plan anti-hypertenseur, relativement neutres sur le plan métabolique (lipides et insulino-résistance). Ils peuvent s'avérer des compléments utiles au traitement anti-hypertenseur de première ligne mais ont comme inconvénient l'aggravation de l'hypotension orthostatique et/ou une impuissance.
Les anti-hypertenseurs centraux peuvent également favoriser la somnolence, la sécheresse de bouche (effet dipsogène indirect mais néfaste pour lhydratation). Ces effets semblent moins marqués avec la rilmenidine quavec les autres centraux alpha2-stimulants.

En pratique, la stratégie anti-hypertensive proposée est la suivante :

  1. en première intention, recours préférentiel à un diurétique, à un inhibiteur de l'enzyme de conversion ou un béta-bloqueur sélectif en fonction des signes prédominants (diurétique si surcharge hydrosodée et/ou insuffisance cardiaque, inhibiteur de l'enzyme de conversion si protéinurie abondante et/ou insuffisance cardiaque, béta-bloqueur si insuffisance coronaire ou antécédent d'infarctus) ;

  2. en deuxième intention, diurétique de l'anse si celui-ci n'a pas été prescrit en première intention ; dans le cas contraire, IEC ou béta-bloqueur selon les mêmes principes ;

  3. en troisième intention, le troisième non utilisé précédemment ;

  4. en quatrième intention, rajouter l'un des autres : bloqueurs calciques, centraux ou alpha1-bloqueur périphérique.


Rappelons enfin que la plupart des patients nécessitent trois à quatre classes d'anti-hypertenseurs pour obtenir un contrôle tensionnel satisfaisant. Le recours autant que possible à des médicaments d'action longue utilisables en monoprise facilite l'adhérence.


Dr F. Chantrel, Pr T. Hannedouche

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Mise-à-jour :  Sam 6 mai 2000

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