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NephroHUS Online PLAN DU CHAPITRE
 

1. Résumé:

En France, il y a environ 200 000 malades diabétiques insulino-dépendants et plus d'un million de diabétiques non insulino-dépendants. Après 10 à 15 d'évolution, 30 à 40% d'entre eux peuvent développer une atteinte rénale dont le premier stigmate est l'apparition d'une protéinurie signant un stade déjà avancé de la maladie. La mise au point de techniques sensibles permettant de mettre en évidence de faibles concentration d'albumine (improprement appelées "microalbuminurie") a permis de détecter à un stade précoce la néphropathie du diabète avec pour implications, la mise en oeuvre de traitements dits néphroprotecteurs. La signification et le rôle pronostique de la microalbuminurie dans une population d'hypertendus sont actuellement à l'étude.

2. Introduction

Le terme de microalbuminurie fait référence à une élévation anormale du taux d'excrétion urinaire d'albumine (EUA) en l'absence de protéinurie "avérée", mesurée par les méthodes de laboratoires habituelles. Le débit d'EUA oscille normalement entre 1 et 22 mg/j chez le sujet sain et peut varier en fonction de l'exercice, la posture et la pression artérielle .
La microalbuminurie peut être définie en fonction de son excrétion quotidienne (30 à 300mg/j) ou sur un recueil nocturne (20-200µg/min). Elle peut également être exprimée par le rapport albumine/créatinine urinaire (2,5-25mg/mmol ou 30-300mg/g) ou enfin par la concentration d'albumine des urines du matin voire sur un échantillon recueilli au hasard (30-300 mg/l). Un certain nombre d'arguments militent en faveur de l'une ou l'autre de ces diverses évaluations de la microalbuminurie. En pratique, la détermination de l'EUA sur les urines du matin constitue un test idéal pour le dépistage, et le recueil des urines de la nuit permet d'affiner au mieux la surveillance des patients.
Différentes méthodes de dosage sont actuellement proposées et comportent des techniques de radioimmunoassay, d'ELISA, d'immunodiffusion radiale, de néphélométrie et d'immunoturbidimétrie. Ces deux dernières techniques sont automatisables et permettent le traitement rapide de nombreux échantillons.

3. Microalbuminurie dans la population générale.

Cinq à dix pour cent des individus non diabétiques ont une EUA dans les limites de la microalbuminurie. Bien que la microalbuminurie soit considérée comme un prédicteur de la mortalité cardio-vasculaire, il n'est pas clairement établi si cette corrélation est puissante en elle-même ou si elle dépend de la présence d'autres facteurs de risques cardio-vasculaires également associés à la microalbuminurie, telles l'hypertriglycéridémie, la baisse du HDL cholestérol, l'obésité ou l'intolérance au glucose. Une association entre la microalbuminurie et le tabagisme ou la consommation d'alcool a également été établie.

La mise en évidence d'une EUA élevée chez des patients non diabétiques reflète habituellement l'augmentation du passage capillaire glomérulaire de l'albumine qui ne peut être réabsorbée dans le tube proximal. Ainsi la présence d'une microalbuminurie évoque une élévation de la pression capillaire glomérulaire traduisant des lésions intrarénales modifiant la barrière de filtration glomérulaire ou pourrait être la conséquence d'altérations tubulaires conduisant à une diminution de la réabsorption tubulaire d'albumine. D'une manière générale, il est admis que la microalbuminurie représente la manifestation rénale d'une dysfonction endothéliale généralisée et génétiquement transmise établissant ainsi un lien entre l'augmentation de l'EUA et l'élévation du risque cardio-vasculaire.

4. Microalbuminurie chez le diabétique insulino-dépendant.

Chez le diabétique de type I, la présence d'une microalbuminurie est un marqueur précoce de la néphropathie diabétique dont la définition clinique est établie devant une protéinurie supérieure à 300 mg/24h signant un stade déjà avancé de la maladie. Avant cette phase évoluée, l'EUA augmente progressivement des valeurs normales jusqu'au débit "fatidique" de 300mg/j. L'étude de l'histoire naturelle de la néphropathie diabétique, indique que la présence de microalbuminurie correspond à un stade de néphropathie débutante pouvant être associée à des lésions histologiques très variables et parfois sévères. De plus dans cette population particulière, la microalbuminurie est aussi un marqueur de risque de morbi-mortalité cardio-vasculaire en multipliant le risque coronarien par 8 par rapport à des patients non-microalbuminuriques appariés pour l'ancienneté du diabète, l'âge et le sexe. Enfin la microalbuminurie a également été identifiée comme marqueur probable du risque de rétinopathie ou de neuropathie diabétique.
La microalbuminurie s'est révélée être un outil particulièrement efficace pour le suivi et l'évaluation d'études de prévention primaire ou secondaire de la progression de la néphropathie diabétique. Ainsi des études d'intervention récentes ont clairement montré l'intérêt de l'intensification du contrôle du diabète pour prévenir la survenue de la microalbuminurie ou le passage de ce stade à celui de protéinurie avérée (étude DCCT). De même, l'utilisation précoce des inhibiteurs de l'enzyme de conversion chez des patients diabétiques insulino-dépendants normotendus a montré leur efficacité sur la survenue d'une néphropathie avérée comparée à un placebo.

5. Microalbuminurie chez le diabétique non-insulino-dépendant (type 2)

Une élévation de l'EUA est observée chez environ 20-25% des diabétiques de type 2. La microalbuminurie prédit également chez ces patients une mortalité cardio-vasculaire accrue et indique un risque de passage au stade de néphropathie diabétique. Cette dernière constatation a longtemps été éclipsée par la mortalité prématurée observée chez les diabétiques de type 2.
Comme pour les diabétiques de type 1, les études de prévention secondaire de progression de la néphropathie diabétique ont montré le rôle bénéfique des IEC chez des diabétiques de type 2 normotendus et microalbuminuriques.

6. Microalbuminurie et hypertension artérielle essentielle.

Des études récentes ont montré que la présence d'une microalbuminurie pouvait être observée jusque chez 40% des patients hypertendus non traités. Pour expliquer cette prévalence élevée, différents mécanismes ont été évoqués incluant des modifications de l'hémodynamique rénale et de la permsélectivité glomérulaire ainsi que des lésions structurelles glomérulaires et vasculaires.
Une corrélation positive entre la mesure ambulatoire de la pression artérielle et la présence de microalbuminurie a été identifiée par plusieurs groupes dans des populations d'hypertendus. Cette corrélation est renforcée chez les patients n'exhibant pas de baisse nocturne de la pression artérielle.
La présence de lésions des organes cibles, semble plus fréquente chez les patients hypertendus microalbuminuriques qui ont une augmentation significative de la masse ventriculaire gauche et une prévalence plus élevée de la rétinopathie hypertensive. De plus la microalbuminurie est probablement le témoin de lésions rénales débutantes chez l'hypertendu, dont la réponse à un stimulus vasodilatateur (perfusion d'acides aminés ou administration aiguë d'inhibiteur de l'enzyme de conversion) est atténuée témoignant d'une vasoconstriction intrarénale. Ces faits ont une implication clinique importante: D'une part il est établi qu'une vasoconstriction rénale contribue au développement d'une HTA plus sévère et d'autre part la microalbuminurie pourrait dans ce contexte être le marqueur de lésions de néphroangiosclérose, bien que la notion d'un d'atteinte rénale organique secondaire à l'hypertension artérielle essentielle légère à modérée reste encore très discutée.
Enfin chez l'hypertendu essentiel, la microalbuminurie serait pour certains, un marqueur indépendant du risque de morbi-mortalité cardio-vasculaire et notamment coronaire. L'association à la microalbuminurie d'un certain nombre de facteurs favorisant le développement de l'athérosclérose (dysfonction endothéliale, insulinorésistance, dyslipidémie, index de masse corporelle élevé et sensibilité au sel accrue) évoque une possible liaison génétique mais ne peut confirmer le rôle indépendant de la microalbuminurie comme marqueur prédictif d'athérosclérose.
La mise en évidence récente, chez des descendants de patients hypertendus, d'une microalbuminurie durant la phase préhypertensive souligne, si cette information était confirmée, l'intérêt d'un dépistage de la microalbuminurie chez des sujets normotendus à risque.
Les traitements antihypertenseurs permettent de diminuer le débit de microalbuminurie chez l'hypertendu, parallèlement à la baisse de pression artérielle. Néanmoins un gain supplémentaire est obtenu avec les IEC qui ont des propriétés intrinsèques sur l'hémodynamique rénale. L'effet des antagonistes AT 1 de l'angiotensine II sont en cours d'évaluation.

7. Conclusion

Si la microalbuminurie est un témoin de modifications fonctionnelles ou organiques notamment intrarénales, il reste à évaluer l'efficacité d'une thérapeutique adaptée et précoce sur une éventuelle corrélation entre sa diminution et l'amélioration des lésions des organes cibles, principalement le rein et le coeur? L'évaluation économique d'une politique de dépistage systématique et d'intervention a déjà été chiffrée notamment aux USA chez les diabétiques de type I (épargne entre 800 et 2200$/patient/an). Dans le diabète de type II, les possibilités de prévention notamment secondaires des risques cardio-vasculaire et rénal devrait également justifier une action de dépistage précoce. En ce qui concerne l'hypertension artérielle essentielle, les réponses quant au gain potentiel d'une telle attitude, sont encore en attente et dépend des résultats d'études épidémiologiques rigoureuses confirmant le caractère prédictif de la microalbuminurie dans cette pathologie. Compte-tenu de l'impact économique un éventuel dépistage systématique devrait alors passer par un recours à des méthodes semi-quantitatives, moins onéreuses.

Pr B. Moulin


Références :

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Mise-à-jour :  samedi 6 mai 2000

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