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Effets réanaux des bloqueurs AT1
OBJECTIFS
  • Connaître les nouvelles conceptions (et complexités!) du système rénine-angiotensines
  • Connaître les principales fonctions rénales du récepteurs AT1 de l'angiotensine II
  • Reconnaître les différences potentielles d'effets rénaux des IEC et de bloqueurs AT1

 

 
NephroHUS Online PLAN DU CHAPITRE
 

Conceptions actuelles du système rénine-angiotensine

Le rôle des angiotensines en physiologie et en pathologie rénale a été récemment réactualisé par la disponibilité en clinique humaine d'antagonistes spécifiques du récepteur AT1 de l'angiotensine II (AT1ra).

Dans la conception classique du système rénine-angiotensine [1], la rénine, synthétisée exclusivement dans l'appareil juxta-glomérulaire du rein, agit sur son substrat l'angiotensinogène, d'origine hépatique. La réaction plasmatique rénine-angiotensinogène aboutit au décapeptide angiotensine I. L'octapeptide angiotensine II est produit par clivage du dipeptide carboxy-terminal de l'angiotensine I sous l'action de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (ECA), une metalloprotéase endothéliale ubiquitaire.

La mesure des peptides angiotensines par des techniques sensibles et spécifiques montre (1) que les concentrations tissulaires excèdent les concentrations plasmatiques, (2) les angiotensines tissulaires proviennent en partie d'une production locale, et (3) que le mécanisme essentiel de production plasmatique et tissulaire des angiotensines dépend de la rénine d'origine rénale et de l'ECA [2-4]. On considère donc actuellement que les tissus représentent un site prépondérant de formation de l'angiotensine II et qu'ils contribuent largement à la concentration circulante d'angiotensine I et d'angiotensine II [5].

En plus de la voie classique de formation de l'angiotensine II sous l'action de la rénine et de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (ECA) (EC 3.4.15.1), d'autres voies peuvent opérer dans les tissus. L'angiotensinogène peut être clivé par des aspartyl-protéases autres que la rénine, pour libérer de l'angiotensine I et par des sérines protéases pour libérer de l'angiotensine II directement. La présence et la fonctionalité d'une chymase, déjà connue dans le coeur, a été récemment démontrée dans le rein [6]. L'angiotensine II générée par cette vois semble exercer une activité essentiellement paracrine.

 

Les effecteurs du système sont représentés par toute une famille de peptides angiotensines au premier rang desquels figure l'angiotensine II (1-8) qui est responsable de la vasoconstriction, de la rétention sodée, de la synthèse d'aldostérone, de la facilitation noradrénergique et de l'hypertrophie vasculaire, et des effets centraux.

voir la figure "Schéma du système rénine-angiotensines-bradykinine : peptides, enzymes et récepteurs"

L'angiotensine III (2-8), formée sous l'effet de l'aminopeptidase A, exerce les mêmes effets que l'angiotensine II (1-8) sur la libération d'ACTH, de vasopressine, d'aldostérone, ainsi que sur la modulation adrénergique [3]. L'angiotensine (1-7) est libérée à partir de l'angiotensine I ou de l'angiotensine II par une sérine protéase prolylendopeptidase (EC 3.4.21.26) ou par l'endopeptidase neutre (EC 3.4.24.11) selon les tissus [7]. Dans les cellules endothéliales, la production d'angiotensine (1-7) est équivalente à celle d'angiotensine II (1-8) [8] et augmente encore lorsque la production d'angiotensine II est bloquée par l'inhibition de l'ECA. L'angiotensine (1-7) pourrait donc jouer un rôle dans les effets des inhbiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) [9]. Au niveau rénal, l'angiotensine (1-7) augmente le débit de filtration glomérulaire (DFG) sans affecter la résistance vasculaire rénale, provoque une diurèse et une natriurèse [10].

Les récepteurs à l'angiotensine II

La classification actuelle des récepteurs à l'angiotensine II, établie d'après les études de liaison réalisées avec les nouveaux antagonistes de l'angiotensine II, ne comporte que deux types de récepteurs AT1 et AT2 tous deux clonés [11]. Certains éléments suggèrent cependant que les 2 types de récepteurs AT1 et AT2 sont hétérogènes. Il existe d'autre part des sites de liaison à l'angiotensine II, ni AT1, ni AT2 suggérant l'existence d'autres types de récepteurs [11].

De nombreux antagonistes non peptidiques des récepteurs AT1 (AT1ra) sont actuellement développés dont le chef de file est le losartan [12]. Ces substances sont chimiquement assez homogènes, composées d'un noyau imidazole et d'une structure biphényltétrazole, impliquée dans la liaison avec le récepteur. Cette classe d'antagoniste présente une assez bonne spécificité pour les récepteurs AT1. Comme la plupart des antagonistes non peptidiques, ces molécules n'ont pas de propriétés d'agonistes partiels. Certains de ces antagonistes, comme le losartan, sont des antagonistes surmontables. D'autres composés ont des propriétés d'antagonistes insurmontables, comme par exemple l'EXP 3892, l'EXP 597, l'EXP 985 et le principal métabolite actif du losartan l'EXP 3174 [12].

Fonction des récepteurs à l'angiotensine II dans le rein et effets des AT1ra

Distribution des récepteurs à l'angiotensine II dans le rein

Le rein contient les 2 types de récepteur AT1 et AT2. Les récepteurs de type AT1 ont été mis en évidence dans le cortex rénal au niveau du tube proximal, et du glomérule, ainsi que dans les terminaisons vasculaires de la médullaire [13-15]. Les récepteurs AT2 sont également présents en très faible proportion dans le cortex rénal, mais leur fonction à ce site est inconnue.

Le récepteur AT1 prédomine largement dans le rein adulte et la plupart, sinon tous les effets rénaux connus de l'angiotensine II sont médiés par ce récepteur. AT1 est très abondant dans la microvasculature rénale où il est responsable de la vasoconstriction [16]. Les antagonistes AT1 atténuent la contraction artériolaire rénale induite par l'angiotensine II chez l'homme [17, 18]. Les antagonistes AT1 sélectifs diminuent la vasoconstriction rénale induite par la stimulation des nerfs rénaux mais pas celle induite par la noradrénaline, suggérant que les récepteurs préjonctionnels à l'angiotensine II sont de type AT1.

La majorité des récepteurs glomérulaires à l'angiotensine II sont mésangiaux et sont principalement, sinon exclusivement, de type AT1. AT1 est présent dans les cellules mésangiales glomérulaires et induit une contraction du mésangium et vraisemblablement une réduction du coefficient d'ultrafiltration Kf. L'activation des AT1 glomérulaires augmente la synthèse protéique et la prolifération mésangiale [16, 19].

Effets hormonaux des AT1ra

Les récepteurs de l'angiotensine II présents sur les cellules de l'appareil juxtaglomérulaire jouent un rôle important dans le rétrocontrôle négatif de la sécrétion de rénine. Les récepteurs à l'angiotensine II des cellules juxtaglomérulaires sont de type AT1. L'antagoniste AT1 losartan augmente l'activité rénine plasmatique alors que l'antagoniste AT2 PD 123177 n'exerce aucun effet. Sous traitement proplongé par AT1ra, la concentration plasmatique d'angiotensine II reste élevée à plusieurs fois la normale. Les effet potentiels de la stimulation persistante des récepteurs non AT1 reste encore inconnus.

Les AT1ra réduisent la sécrétion d'aldostérone par la corticosurrénale, ceci contribuant probablement à leur effet antihypertenseur. Cette inhibition de la synthèse d'aldostérone est cependant incomplète et la sécrétion résiduelle pourrait expliquer l'absence d'hyperkaliémie sévère dans les principaux essais cliniques avec les AT1ra. Ces données doivent cependant être regardées avec prudence et il est déconseillé d'associer un AT1ra avec d'autres médicaments à potentiel hyperkaliémiant tels que modamide, spirolactone, AINS, héparine, cyclosporine, et cotrimoxazole.

Effets des AT1ra sur le métabolisme hydrosodé

Les cellules tubulaires proximales expriment le RNAm et les produits protéiques pour tous les composants du système rénine-angiotensine, y compris l'angiotensinogène, la rénine, l'enzyme de conversion, les récepteurs de l'angiotensine II et les peptidases dégradant l'angiotensine II [20].

Des récepteurs à l'angiotensine II ont été localisés dans le tube proximal, à la fois sur la membrane apicale et la membrane basolatérale des cellules tubulaire proximales. La densité des récepteurs est plus importante dans les parties proximales (S1) du tube proximal. L'angiotensine II à faible concentration (10-12 à 10-10 mM) stimule la réabsorption active de NaCl en activant l'antiport sodium-proton apical [21]. De plus le récepteur tubulaire AT1 est up-régulé par la restriction sodée, une adaptation qui favorise la réabsorption du sodium dans les situations de déplétion sodée.

Les études de microponction [22] ont montré que le losartan inhibe largement la réabsorption d'eau et de Na dans le tube proximal de rat. Cet effet natriurétique modéré des AT1ra est retrouvé chez l'homme y compris en cas de régime désodé, situation au cours de laquelle le système rénine-angiotensine est activé. L'effet natriurétique, quoique d'intensité modérée, persiste avec le temps et pourrait contribuer à l'absence d'échappement antihypertenseur lors du traitement au long cours.

 

Effets du losartan sur le transport de l'urate

Le losartan exerce un effet urocosurique puissant, la clairance de l'acide urique est triplée et l'uricémie diminue [23]. Cet effet uricosurique du losartan est dose-dépendant et lié, au moins en partie, à une inhibition directe de la réabsorption d'urate dans le tube proximal, réabsorption médiée par l'échangeur urate/anion [24]. Cet effet uricosurique du losartan n'est pas partagé par les autres antagonistes AT1, pas même l'EXP 3174, principal métabolite actif du losartan [23, 24]. Cet effet uricosurique du losartan pourrait s'avérer cliniquement utile pour prévenir la rétention d'acide urique induite par les diurétiques.

 

Effets "non hémodynamiques" de l'angiotensine II

Les effets délétères d'une concentration élevée d'angiotensine II ne se limitent pas aux effets sur la pression artérielle, l'hémodynamique rénale, et l'homéostasie hydrosodée, tous médiés par AT1. L'angiotensine II exerce également des effets prolifératifs sur les cellules vasculaires musculaires lisses, les cellules mésangiales et tubulaires. Ces effets prolifératifs sont liés à l'activation de proto-oncogènes (c-fos, c-myc, c-june) et de certains facteurs de croissance en particulier le TGFß, le PDGF mais aussi l'EGF et le bFGF. L'angiotensine II induit le TGFß, ainsi que le mRNA de proteines constitutives de la matrice extracellulaire mésangiale telles que le collagène I, la fibronectine et la le biglycan [25]. L'angiotensine II augmente également la conversion du TGFß endogène dans sa forme biologiquement active [25]. Tous ces effets de l'angiotensine II sur les protéines de la matrice extracellulaire sont bloqués par la saralasine, les AT1ra ainsi que les anticorps neutralisant anti-TGFß [25]. Cette stimulation par l'angiotensine II de la prolifération des cellules mésangiales et de la fibrose interstitielle est observée dans plusieurs modèles expérimentaux de glomérulonéphrite, de réduction de masse rénale et d'obstruction urétérale [26].

 

L'interaction de l'angiotensine II et des facteurs de croissance a été analysée à la phase précoce du modèle de réduction néphronique. L'immunofixation du PDGF-BB dans le glomérule, ainsi que le RNAm de la chaine B du PDGF sont augmentés dès la 4ème semaine après néphrectomie, au stade précoce de constitution de la glomérulosclérose. Un antagoniste AT1 administré dès la néphrectomie prévient le développement de la glomérulosclérose et diminue l'expression du PDGF-BB et du RNAm de la chaine B du PDGF [27]. La prévention de la glomérulosclérose et l'expression du PDGF ne sont pas retrouvées lors d'un traitement par triple thérapie "standard" (associant réserpine, hydralazine et hydrochlorothiazide) dans le même modèle. Ces résultats suggèrent que l'angiotensine II module l'expression du PDGF-B dans le modèle de réduction néphronique. De plus l'expression du PDGF dans les glomérules pourrait prédire non seulement le risque de progression vers la sclérose mais aussi l'efficacité thérapeutique potentielle d'un antagoniste AT1.

 

AT1 et ontogénèse

Les récepteurs AT1 et AT2 sont largement exprimés au cours du développement foetal et pourraient jouer un rôle important dans l'ontogénèse rénale. L'angiotensine II est nécessaire au développement du rein néonatal en assurant la croissance et la différentiation cellulaires ainsi que le développement d'une architecture vasculaire normale [28]. L'ensemble de ces effets est médié par le récepteur AT1 et bloqué par le losartan. Il s'ensuit que les AT1ra, comme les IEC, sont contre-indiqués au cours de la grossesse tant en raison du risque d'anurie néonatale que de celui d'immaturité et d'anomalies de développement du rein néonatal.

Antagonistes de l'angiotensine II (AT1ra) versus inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC)

 

Deux types de composé bloquant le système rénine-angiotensine sont maintenant disponibles en thérapeutique chez l'homme, les AT1ra et les IEC qui bloquent la génération d'angiotensine II à partir de l'angiotensine I. Malgré une similarité apparente, ces deux types de produits ne semblent pas exercer des effets systémiques et rénaux strictement identiques. En effet l'ECA est relativement peu spécifique de substrat et intervient dans le catabolisme des peptides actifs bradykinines .

voir la figure Schéma du système rénine-angiotensines-bradykinine : peptides, enzymes et récepteurs

L'ECA (EC 3.4.15.1) participe de façon importante au métabolisme de la bradykinine (1-9) en particulier au niveau du rein. La persistance de bradykinine (1-7) après inhibition de l'ECA suggère que d'autres enzymes peuvent intervenir telles que l'endopeptidase neutre (EC 3.4.24.11) et la prolyl-endopeptidase (EC 3.4.21.26) [4]. La bradykinine (1-9) est le peptide circulant principal responsable des effets cardiovasculaires des bradykinines après interaction avec le récepteur B2. L'accumulation de bradykinine, plasmatique et tissulaire après inhibition de l'EC 3.4.15.1 peut ainsi contribuer de façon importante aux effets rénaux et systémiques des IEC.

Chez l'homme sain en réplétion sodée [23] et chez l'hypertendu essentiel [29], les AT1ra comme les IEC induisent une vasodilatation rénale aiguë avec une augmentation du débit sanguin rénal inversement proportiennelle à la baisse tensionnelle. La filtration glomérulaire est inchangée et la fraction modérement abaissée. Chez les sujets normaux, l'IEC et l'AT1ra ne diminuent pas le gradient de pression transcapillaire glomérulaire (ÆP) [23, 30] mais l'AT1ra réverse totalement l'augmentation du ÆP et la vasoconstriction rénale induite par la perfusion d'angiotensine II [30].

Les effets rénaux des AT1ra et des IEC ont été comparés chez le rat Wistar-Munich, en déplétion sodée [31]. Malgré une baisse tensionnelle systémique comparable, les 2 produits modifient l'hémodynamique rénale différemment. L'AT1ra augmente le débit de filtration par glomérule individuel (dfgi) de 25% malgré la vasodilatation afférente et efférente et la baisse de la pression capillaire glomérulaire (Pcg) d'environ -10%. Ceci est lié à l'augmentation du débit plasmatique glomérulaire (QA) de +39% et du coefficient d'ultrafiltration (Kf). L'IEC administré dans les mêmes conditions ne modifie pas le dfgi malgré une vasodilatation plus importante, ceci en raison d'une chute de Pcg (à 52 mmHg) traduisant l'effondrement de la résistance artériolaire efférente (RE).

Cet effet spécifique d'un IEC (réduction plus importante de RE et de Pcg qu'avec un antagoniste AT1) est dépendant de l'activité bradykinine car il peut être réversé par l'administration de HOE 140 un antagoniste sélectif du récepteur B2 de la bradykinine. Sous HOE 140, l'effet hémodynamique glomérulaire de l'IEC est comparable à celui d'un antagoniste AT1. Cette étude montre donc que dans les situations où une Pcg élevée contribue au maintien du DFG, l'activation des bradykinines par un IEC peut compromettre le DFG en raison de l'effet vasodilatateur sélectif des BK sur l'artériole efférente. Inversement, il est envisageable que les antagonistes AT1 induisent une meilleure tolérance rénale dans toutes les situations cliniques "à risque" pour l'utilisation d'IEC : hypovolémie, insuffisance cardiaque, sténose artérielle rénale, par exemple.

Chez l'homme peu de données comparant tolérance rénale des IEC et des AT1ra sont disponibles. Deux études, l'une dans l'hypertension artérielle essentielle [32], l'autre dans l'insuffisance cardiaque congestive [33] ont comparé l'administration chronique de l'IEC enalapril et de l'AT1ra losartan. Dans ces deux études le losartan semble augmenter un peu moins la kaliémie et la créatinine plasmatique que l'énalapril. Les différences sont cependant peu significatives et la créatinine plasmatique est de toute façon un paramètre trop peu sensible pour détecter une différence de fonction rénale dans ces conditions.

Il n'y aucune donnée clinique disponible à ce jour comparant les effets d'un AT1ra et d'un IEC sur la fonction rénale globale et séparée de malades atteints d'hypertension réno-vasculaire. Les données expérimentales sont contradictoires et ne permettent pas de conclure sur le bénéfice éventuel des AT1ra dans cette indication.

 

Le modèle de réduction de masse néphronique est largement utilisé comme un modèle d'insuffisance rénale chronique progressive médiée par des facteurs hémodynamiques glomérulaires. Dans un modèle de réduction néphronique des 5/6 caractérisé par la coexistence d'une hypertension intraglomérulaire et d'une glomérulosclérose progressive des néphrons résiduels, l'effet d'un IEC, d'un AT1ra le losartan, et d'une triple thérapie "standard" ont été comparés. Alors que les 3 types de traitement abaissent la pression artérielle systémique à des valeurs identiques, seuls l'IEC et l'AT1ra corrigent l'hypertension intraglomérulaire, la baisse de pression capillaire glomérulaire (Pcg) étant comparable avec les 2 produits. Cette baisse de la Pcg est corrélée à terme avec le développement moindre de la protéinurie et des lésions de glomérulosclérose [34].

 

L'effet protecteur rénal d'un AT1ra a été étudié chez des rats diabétiques (streptozotocine) et modérément hyperglycémiques [35]. Le losartan permet de prévenir l'élévation de pression artérielle qui survient après 4 à 6 semaines chez les animaux non traités. Après une période de traitement de 1 an chez ces animaux diabétiques le losartan prévient l'élévation de pression artérielle systémique, et réduit significativement le développement de la protéinurie et des lésions glomérulaires diabétiques. La prévention de ces anomalies va de pair avec une amélioration de la perméabilité sélective de taille aux macromolécules chez les animaux traités par losartan.

 

Si la plupart des études disponibles à ce jour suggèrent que l'IEC et l'AT1ra ont des effets similaires quant à la protection à terme des lésions de glomérulosclérose, dans d'autres modèles en revanche, IEC et AT1ra semblent induire des réponses différentes, en particulier en ce qui concerne l'effet aigu sur la protéinurie.

Deux modèles expérimentaux ont été particilièrement étudiés, la glomérulonéphrite passive de Heymann, qui simule la glomérulonéphrite extramembraneuse avec syndrome néphrotique, la glomérulopathie non hypertensive induite par administration de puromycine aminonucléoside. Dans ces deux modèles, l'IEC prévient ou corrige significativement la protéinurie à la différence de l'AT1ra [36, 37] et l'effet antiprotéinurique aigu de l'IEC est aboli par le HOE 140 un antagoniste sélectif du récepteur B2 de la bradykinine, suggérant un rôle de la bradykinine (1-9) dans l' effet antiprotéinurique de l'IEC. Il est intéressant de noter que le traitement par un IEC ou un AT1ra à la phase aiguë n'empèche pas le développement ultérieur de la glomérulosclérose. Par contre dans le modèle à la puromycine, l'administration retardée (16 à 28 semaines) d'un IEC ou d'un AT1ra est efficace et ceux-ci améliorent de façon comparable la glomérulosclérose.

Ces résultats suggèrent donc que la protéinurie de la phase précoce des glomréulonéphrites dépend en partie de la génération de bradykinine alors que la progression vers la glomérulosclérose et la phase de protéinurie chronique dépend d'un mécanisme intéressant l'angiotensine II endogène. Il en découle que l'efficacité d'une intervention spécifique pour prévenir la glomérulosclérose ne peut être prédite des effets initiaux sur la protéinurie. En particulier, l'efficacité des antagonistes AT1 à prévenir la glomérulosclérose à long terme peut être sous-estimée par l'absence d'effet sur la protéinurie initiale.

 

Les effets rénaux de doses croissantes de l'IEC enalapril (10 et 20mg/j), et de l'AT1ra losartan (50 et 100 mg/j), ont été comparés chez des sujets ayant une glomérulonéphrite chronique et une fonction rénale résiduelle supérieure à 50 % de la normale [38].

voir la figure "Effets tensionnels et anti-protéinurique du losartan".

Effets tensionnels et anti-protéinuriques d'un bloqueur AT1 chez des patients hypertendus atteints de néphropathie glomérulaire (n= 11) (d'après Gansevoort KI 1994)

Chez ces patients, les deux types de bloqueur du système rénine-angiotensine, induisent des modifications rénales similaires, à la fois qualitativement et quantitativement, associant une baisse de la pression artérielle, une élévation du débit plasmatique rénal, une baisse de la fraction de filtration et une diminution dose-dépendante de la protéinurie d'environ 30 à 50 %. Cette étude indique clairement que les effets rénaux observés à moyen terme sous traitement IEC dépendent en majeure partie de l'inhibition de l'activité de l'angiotensine II, via les récepteurs AT1. Il est intéressant de noter que l'effet "antiprotéinurique" observé sous losartan ou enalapril s'installe lentement (en quelques semaines ou mois) et semble donc dissocié des effets hémodynamiques (vasodilatation rénale, baisse de la fraction de filtration) qui sont observés dès les premières heures du traitement et se maintiennent par la suite.

D'une façon générale, l'abondance de la protéinurie doit être considérée comme un marqueur, sinon un facteur causal, de l'évolutivité des maladies rénales chroniques [39]. Inversement, la réduction à court terme de la protéinurie sous IEC est corrélée avec la vitesse de dégradation de la fonction rénale à plus long-terme [40]. L'effet néphroprotecteur des AT1ra ne peut cependant pas être extrapolé des résultats obtenus avec les IEC et devra cependant faire l'objet d'études spécifiques.

En conclusion, la disponibilité récente d'AT1ra spécifiques représente un intérêt considérable à la fois comme outil pharmacologique pour disséquer les mécanismes et le rôle de l'angiotensine II en physiopathologie mais aussi en thérapeutique rénale. La place respective des antagonistes AT1 et des inhibiteurs de l'enzyme de conversion dans le traitement des néphropathies reste cependant à établir dans des études prospectives à long-terme.

Pr T.hannedouche

Références
Liens
Mise-à-jour : Sam 6 mai 2000

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