1.Introduction
Le monoxyde d'azote (NO) est une molécule ubiquitaire qui joue un rôle important dans de nombreux processus physiologiques ou physiopathologiques notamment au niveau rénal. Le NO est ainsi impliqué dans les modifications vasculaires au cours de l'hypertension, de l'athérosclérose, du choc septique, de la vasoconstriction hypoxique, ainsi qu'au cours des lésions inflammatoires rénales.
2.NO synthase
La régulation de la production du NO intervient essentiellement au niveau du mRNA et des protéines enzymatiques impliquées dans la synthèse de NO, c'est-à-dire les NO synthases (1).
Les NO-synthases (NOS; L-arginine, NADPH: oxygène oxydoréductase; EC 1.14.13.39) constituent une famille d'hémoprotéines proches structurellement du cytochrome-P450, qui sont capables de catalyser l'oxydation à 5 électrons de la L-arginine en NO et en L-citrulline. L'apoenzyme NOS fonctionne comme un dimère, dépendant de l'oxygène moléculaire, du NADPH, des flavines, de la tétrahydrobioptérine et de la calmoduline. Trois isoformes NOS distinctes ont été identifiées à ce jour chez l'homme : ecNOS caractérisée initialement dans les cellules endothéliales vasculaires, nNOS découverte dans les neurones et iNOS considérée comme une forme inductible. Les NOS sont codées par 3 gènes distincts : NOS3 (ecNOS), NOS1 (nNOS) et NOS2 (iNOS) respectivement présents sur les chromosomes 7, 12, 17. La caractérisation des promoteurs et de l'organisation intron/exon des gènes NOS humains retrouve une certaine similitude structurale mais les mécanismes de régulation sont distincts. Les 3 isoformes sont distribuées dans un grand nombre de tissus et de cellules et il est maintenant établi qu'une même cellule peut exprimer plusieurs isoformes de NOS. Les noms de ces enzymes sont donc trompeurs même s'ils sont déjà consacrés par l'usage (voir tableau "Isoformes de la NO Synthase").
Caractéristiques des 3 isoformes de la NOS
Isoforme |
nNOS
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iNOS
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ecNOS
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Gène |
NOS1
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NOS2
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NOS3
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Chromosome |
12q24.2
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17q11.2-q12
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7q35-q36
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Poids Moléculaire |
160 kD
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130 kD
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135 kD
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Nombre d'AA |
1434
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1153
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1203
|
Les NOS constitutives (ecNOS, nNOS) sont stimulées par l'augmentation du calcium intracellulaire permettant la formation de complexe calcium-calmoduline. Dans la cellule endothéliale, cette élevation du calcium intracellulaire est une conséquence des forces de cisaillement ou de l'activation de récepteurs couplés à la phospholipase C. Les régulations transcriptionnelles sont complexes et varient suivant la NOS.
L'expression chez l'homme du mRNA de ecNOS est régulée à la fois au niveau de la transcription et de la stabilité du mRNA. Ainsi, les cytokines pro-inflammatoires comme le TNFa, l'hypoxie, les LDL oxydées diminuent la concentration du mRNA de ecNOS. Dans toutes ces circonstances, le mécanisme diminuant la concentration du mRNA est lié à la déstabilisation du transcript. Inversement, l'expression du mRNA et de la protéine ecNOS est considérablement augmenté par le shear-stress cellulaire endothélial et la présence de certains stéroides comme les estrogènes. Les souris NOS3(-/-) déficientes homozygotes pour le gène codant ecNOS ont une pression artérielle chroniquement plus élevée de 20 mm Hg que leur homologues "sauvages" NOS3(+/+) (2). Ceci suggère fortement que l'activité de ecNOS et son produit interviennent dans la régulation à long terme de la pression artérielle en maintenant une vasodilatation basale "active".
A la différence de ecNOS dont la distribution est essentiellement restreinte aux cellules endothéliales vasculaires et glomérulaires (ainsi qu'aux cellules LLC-PK1, une lignée de cellules épithéliales dérivées du tubule proximal de porc), nNOS est largement distribuée : populations de neurones du système nerveux central et périphérique, macula densa, tube distal, médullaire surrénalienne et muscle squelettique. Les transcripts mRNA provenant du gène de la nNOS sont remarquablement diversifiés dans leur structure allélique. Cette régulation transcriptionnelle semble provenir de promoteurs variés ainsi que de processus d'épissage ("splicing") alternatifs et spécifiques d'organe. Il est intéressant de noter que l'inactivation du gène NOS1 chez la souris homozygote (-/-) semble avoir peu de conséquences sur le système cardio-vasculaire et neuroendocrinien en dehors d'une tendance à l'hypotension lors de l'anesthésie. En revanche, l'absence de NOS1 détermine des anomalies graves de la vidange gastrique en raison d'une dysfonction des fibres nitroxidergiques (anciennement NANC) (3).
L'expression de iNOS chez les rongeurs est régulée par la combinaison de cytokines et de médiateurs divers interagissant au niveau de la transcription du gène et de la stabilité du mRNA. L'activation maximale du promoteur est obtenue avec la combinaison synergique de TNFa et d'IL1b ou d'IFNg et de lipopolysaccharides (LPS), cette stimulation étant supprimée par les glucocorticoïdes. En plus de la stimulation de l'ARNm, l'IFNg et les LPS augmentent la stabilité du mRNA de iNOS alors que le TGFb le déstabilise. iNOS peut être induite dans pratiquement tous les types tissulaires ou cellulaires étudiés, notamment les macrophages, les cellules vasculaires musculaires lisses, les cellules endothéliales, les cellules mésangiales et l'épithélium tubulaire rénal. L'absence de NOS2 détermine une résistance à l'hypotension dans le choc endotoxinique et à l'inflammation dans certains modèles (3). La production de NO après induction de iNOS est largement supérieure à celle induite par les NOS constitutives, ce qui explique des modes d'action et des cibles cellulaires différentes du NO selon l'origine de sa synthèse. Chez l'homme, l'induction de la iNOS est obtenue plus difficilement que chez le rongeur et le contrôle de l'expression de NOS2 est mal décrit. Cette expression requiert principalement l'activation de CD23, récepteur des IgE de faible affinité, conduisant à la production de TNFa qui agit comme un facteur autocrine d'amplification (4, 5).
3.Influence du substrat
La constante de Michaelis de ecNOS, c'est-à-dire la concentration de substrat pour laquelle la vitesse de réaction est 50 % de la maximale, est de 2.9 µmol/l, alors que la concentration intracellulaire de la L-arginine est plusieurs centaines de fois cette valeur à la fois in vivo (0.8-2.0 mmol/l) et dans les cellules en culture (0.1-0.8 mmol/l) (1, 6). Théoriquement la concentration de L-arginine ne devrait pas être un facteur limitant de l'activité de ecNOS. Effectivement la L-arginine in vitro n'a que peu ou pas d'effet sur la vasodilatation endothélium-dépendante. Cependant in vivo, l'administration intra-artérielle ou intra-veineuse de L-arginine semble améliorer la vasodilatation endothélium-dépendante, ceci tout particulièrement chez les sujets hypertendus et hypercholestérolémiques. Cette discordance, appelée "paradoxe arginine", pourrait être liée à plusieurs facteurs.
L'oxydoréduction de la L-arginine en NO et L-citrulline se fait en 2 étapes avec la génération d'un composé intermédiaire très instable NG-hydroxy-L-arginine. Ces 2 étapes sont stéréospécifiques et sont inhibées par certains analogues structuraux de la L-arginine dont les plus connus sont le L-NAME (NG-nitro-L-arginine méthyl ester) ou le L-NMMA (NG-monomethyl-L-arginine). Physiologiquement, la L-arginine peut donner naissance à des composés méthylés tels que l'ADMA (diméthyl-arginine asymétrique) qui peut provenir de la L-arginine sous l'influence d'une méthylase-1 présente dans de nombreux tissus. L'ADMA peut être recyclée en L-citrulline sous l'influence d'une dimethylarginase (DDAH) présente notamment dans le rein. En cas d'insuffisance rénale, ces composés analogues méthylés symétriques ou asymétriques de la L-arginine s'accumulent et pourraient fonctionner comme des inhibiteurs endogènes (7).
La disponibilité en substrat L-arginine pourrait influencer l'activité de la NO synthase tout particulièrement lorsque le taux de synthèse est élevé. La L-arginine est physiologiquement régénérée à partir de la L-citrulline grâce aux enzymes du cycle de l'urée : argininosuccinate synthétase et argininosuccinate lyase. Le mRNA et la protéine lyase sont exprimés basalement alors que la synthétase peut être induite dans les macrophages et les cellules musculaires vasculaires par l'IFNg et les LPS.
Il avait été suggéré que la L-glutamine à concentrations physiologiques inhibe la formation de L-arginine à partir de L-citrulline (8). Ceci n'a pas été confirmé car la L-glutamine ne déplète pas la L-arginine intracellulaire (9). En revanche, la L-glutamine inhibe la vasodilatation endothélium-dépendante médiée par les récepteurs aux agonistes comme la bradykinine, l'acétylcholine ou l'ADP. Cet effet inhibiteur de la L-glutamine est réversé de façon dose-dépendante par la L-arginine, mais son mécanisme impliquant ou non la NO-synthase reste encore mal défini (9).
4. Devenir du NO
Le NO est une molécule hautement réactive et rapidement inactivée par des mécanismes non enzymatiques. NO réagit avec les dérivés de l'oxygène et les métaux transitionnels, les composées ainsi formés sont capables de réagir avec les molécules nucléophiles comme les radicaux thiols (10).
Selon l'environnement et son potentiel redox, le NO se combine à l'oxygène pour être transformé en nitrite puis nitrate, ou bien se combine à l'anion superoxyde pour former l'anion peroxynitrite (ONOO-) qui se décompose spontanément en radical nitroxyle, hautement réactif et cytotoxique. La liaison du NO à des radicaux thiols semble par contre constituer un mécanisme de réservoir et de diffusion du NO sous la forme de composés stables nitrosothiols prolongeant l'effet vasodilatateur du NO (11).
NO se fixe aux hémoprotéines comme l'hémoglobine pour être réduit en nitrate. NO se fixe également sur de nombreuses enzymes héminiques : la cyclo-oxygénase qu'il active, la NOS elle-même qu'il inhibe; et sur les métalloenzymes fer-soufre (principalement aconitase) de la respiration mitochondriale qu'il inhibe. NO se fixe sur le groupement héminique de la guanylate cyclase soluble qu'il active en augmentant la production intracellulaire de GMPc qui lui même active une protéine-kinase GMPc-dépendante. Cette kinase active les canaux potassiques et donc l'hyperpolarisation et la relaxation du muscle lisse vasculaire. Le NO est également capable de stimuler des canaux potassiques calcium-dépendants.
5. Hémodynamique glomérulaire
L'administration systémique d'analogue de l'arginine provoque une vasoconstriction prolongée et dose-dépendante augmentant la pression artérielle. Les vaisseaux rénaux sont tout particulièrement sensibles à l'inhibition de NOS car l'augmentation de résistance survient pour des doses non pressives. En microponction, une dose pressive d'inhibiteur de la NO synthase diminue le débit sanguin glomérulaire et le coefficient d'ultrafiltration (Kf) et augmente la résistance artériolaire afférente (RA) et la résistance artériolaire efférente (RE). Le débit de filtration glomérulaire par néphron individuel (dfgni) est maintenu grâce à l'augmentation de la pression capillaire glomérulaire. L'administration de L-NAME à doses non pressives par voie intra-artérielle rénale, pour éviter les effets systémiques et les contre-régulations hormonales, augmente RA et diminue Kf sans modifier RE (12). L'artériole afférente superficielle semble donc sous l'influence tonique du NO, ce qui pourrait expliquer la plus faible sensibilité de cette artériole à l'effet vasoconstricteur de l'angio II, par opposition avec l'artériole efférente. Il faut noter par contre que le L-NAME induit une vasoconstriction similaire de l'artériole afférente et de l'artériole efférente dans le néphron juxtamédullaire, l'artériole afférente gardant une sensibilité à l'angiotensine II identique à celle de l'artériole efférente dans ce type de néphron. Il a été mis en évidence des différences morphologiques et fonctionnelles entre les artérioles afférentes des nephrons superficiels et juxtamédullaires.
Lorsque la pression de perfusion rénale augmente au-dessus des valeurs d'autorégulation, la résistance vasculaire rénale s'adapte et augmente juste assez pour maintenir un débit de filtration glomérulaire et un débit sanguin rénal constant. Ce processus d'autorégulation fait intervenir une réponse myogénique et le rétrocontrôle tubuloglomérulaire. La vasoconstriction à débit constant augmente le shear-stress endothélial et donc la production de NO qui pourrait participer à la régulation fine de la résistance vasculaire dans cette situation en atténuant la réponse myogénique (13). Les effets observés de l'inhibition de NOS sur l'autorégulation sont contradictoires, certaines études retrouvant la diminution attendue du débit de filtration glomérulaire et du débit sanguin rénal (14), d'autres non (15), les raisons de ces discordances n'étant pas connues.
La circulation médullaire joue un rôle important dans la régulation de l'excrétion hydrosodée. L'augmentation de la pression de perfusion rénale augmente l'excrétion sodée, un phénomène appelé natriurèse de pression ("pressure-natriuresis"). Ce mécanisme passe par l'augmentation du débit et de la pression dans les vaisseaux médullaires, le recrutement des boucles vasculaires les plus profondes et finalement l'augmentation de la pression interstitielle rénale (16). L'administration de L-NAME dans la médullaire diminue le débit sanguin sans modifier le débit cortical, provoque une rétention sodée et une hypertension systémique, tout en atténuant la natriurèse de pression (17, 18). Il a été suggéré que l'augmentation du débit sanguin médullaire, via le shear-stress, stimulerait la production de NO qui inhiberait le transport tubulaire de Na. Il est intéressant de noter que les effets prohypertenseurs et la rétention sodée induits par le L-NAME intramédullaire sont observés à la fois en situation aiguë et se maintiennent à plus long terme.
Le couplage entre la fonction tubulaire et l'hémodynamique du glomérule adjacent (appelé rétrocontrôle tubuloglomérulaire) est assuré par l'appareil juxta-glomérulaire qui comporte un senseur (macula densa), un effecteur (artériole afférente ± cellules mésangiales contractiles) et un modulateur neuroendocrinien comprenant notamment des cellules sécrétrices de rénine. Le fonctionnement physiologique et surtout les interrelations fonctionnelles entre les différentes structures composant l'appareil juxta-glomérulaire sont encore imparfaitement définis. Globalement, l'augmentation du transport de NaCl à la macula densa (par un système de cotransport Na+-K+-2Cl- furosémide-sensible, analogue à celui de la branche ascendante large de l'anse de Henle) constricte l'artériole afférente et donc diminue le dfgni, et en même temps diminue la libération de rénine (19), cet effet étant modulable par l'apport riche en sel qui déplace vers la droite la courbe de réponse du rétrocontrôle tubulo-glomérulaire.
Plusieurs éléments suggèrent que le NO pourrait jouer un rôle important dans ce processus. La régulation de la production de NO dans l'appareil juxta-glomérulaire est elle-même complexe car le NO peut provenir soit de l'endothélium de l'artériole afférente (ecNOS) soit directement de la macula densa (nNOS), ces productions étant régulées indépendamment.
Le NO produit par la macula densa semble moduler la constriction de l'AA induite par la réabsorption accrue de NaCl à la macula densa et en même temps stimuler la libération de rénine. Ainsi l'inhibition sélective du NO au niveau de la macula densa constricte l'artériole afférente lorsque la concentration de NaCl en regard est élevée mais n'a pas d'effet lorsque le NaCl est bas (20) . Cependant l'injection d'un inhibiteur de la NOS dans le tube proximal modifie également la réponse du rétrocontrôle tubulo-glomérulaire (21). En fait l'effet du transport de NaCl semble dépendre préférentiellement de la production de NO par la macula densa car il est inhibé par le 7-nitroindazole, un inhibiteur spécifique de l'isoforme nNOS. Il est maintenant établi qu'un apport sodé abondant augmente la production de NO dans le rein (22) contribuant au déplacement vers la droite de la courbe de réponse du rétrocontrôle tubulo-glomérulaire.
L'augmentation du transport actif de NaCl à la macula densa induit la génération de nombreux métabolites dont l'adénosine qui joue un rôle important dans le mécanisme effecteur de la réponse hémodynamique du rétrocontrôle tubulo-glomérulaire (23). Ito et coll. (communication personnelle) ont examiné dans une série d'études élégantes l'interaction de l'adénosine et du NO dans la réponse effectrice du rétrocontrôle tubulo-glomérulaire. Ainsi l'adénosine constricte l'artériole afférente (effet bloqué spécifiquement par le FK838, un antagoniste du récepteur A1) et dilate l'AE (effet médié par le récepteur A2). Le L-NAME ou la désendothélialisation de l'artériole afférente augmente la vasoconstriction de l'artériole afférente induite par l'adénosine, alors qu'inversement un donneur de NO atténue cette vasoconstriction. L'effet vasoconstricteur de l'adénosine est donc majoré par la dysfonction endothéliale ce qui a des implications considérables dans le domaine de l'insuffisance rénale aiguë par exemple. En effet le NO qui atténue la réponse myogénique et la vasoconstriction de l'artériole afférente induite par l'angio II et l'adénosine est essentiellement généré par le flux sanguin ("flow") car il disparaît lors de la désendothélialisation ou en l'absence de débit sanguin.
6. Rôle du NO en physiopathologie rénale
Le rôle du NO a été étudié dans de nombreux modèles physiopathologiques. Dans trois d'entre eux, hypertension induite par le L-NAME, hypertension du rat Dahl sensible au sel et la glomérulonéphrite de la souris MRL-lpr/lpr, l'implication du NO semble mieux démontrée.
L'administration chronique pendant 4 semaines de L-NAME à des rats Wistar-Kyoto induit une hypertension temps- et dose-dépendante, associée à une diminution du GMPc pariétal aortique inversement proportionnelle à la dose de L-NAME (24). Chez le rat SHR, le L-NAME provoque une augmentation de l'HTA et de la mortalité (25).
Il est intéressant de constater que le L-NAME chez le rat Wistar ne s'accompagne pas d'hypertrophie ventriculaire gauche (HVG), même si on allonge le période de traitement, et ceci tant qu'il ne s'y associe pas des lésions vasculaires intrarénales et une élévation de l'activité rénine plasmatique (26, 27) . Ces observations sont à rapprocher de l'implication du système rénine-angiotensine-aldostérone dans l'HVG d'une part et de la mise en évidence d'une NO synthase dans le myocarde d'autre part (28).
Ce modèle d'hypertension est particulièrement sévère puisqu'une mortalité de 100% est atteinte dès la 16e semaine contre 24 mois chez des rats SHR ayant le même degré d'hypertension, et environ 34 mois chez des rats Wistar normotendus non traités. Environ 2/3 des rats recevant le L-NAME développent des paralysies des membres antérieurs liées à des infarctus médullaires secondaires à une hypertrophie des artères médullaires (29). A l'inverse, les rats SHR développent des infarctus cérébraux mais rarement médullaires. L'hypertension et l'inhibition du NO sont nécessaires à l'altération de la paroi des vaisseaux médullaires. In vitro, le NO inhibe la prolifération de cellules musculaires lisses en culture (30).
Chez le rat Dahl supplémenté en sel, le déplacement de la courbe de rétrocontrôle tubulo-glomérulaire vers la droite est émoussé, aspect analogue à celui de l'inhibition chronique de la NO synthase, laissant supposer l'implication du NO (31, 32). Les rats Dahl sensibles au sel ont une production de NO après charge sodée inférieure aux animaux témoins. La supplémentation en L-arginine corrige leur hypertension, prévient l'insuffisance rénale associée à l'hypertension et diminue la mortalité (33, 34). Les mécanismes évoqués associent la restauration d'une courbe normale de rétrocontrôle tubulo-glomérulaire et l'augmentation de la pression interstitielle rénale liée à l'augmentation de la natriurèse de pression (35, 36). La récupération d'une production normale de NO passe probablement par la stimulation de la NOS inductible (iNOS) puisque la perfusion de dexaméthasone, inhibiteur de la iNOS, annule les effets de la L-arginine (37).
Le rôle potentiel du NO dans l'inflammation glomérulaire est très débattu. L'IFNg produit par les lymphocytes T activés stimule l'iNOS des macrophages. Les lymphocytes TH1 peuvent aussi produire du NO en grande quantité ce qui inhibe la production d'IFNg et d'IL-2 par les lymphocytes TH1 (rétrocontrôle négatif). Au cours de différents modèles de glomérulonéphrites expérimentales, on peut mettre en évidence des éléments suggérant la production de NO : l'expression de iNOS et de son ARNm est augmentée, et l'on retrouve des quantités importantes de nitrite dans le surnageant glomérulaire. Dans la glomérulonéphrite aiguë par injection de sérum anti-thymocytaire, l'injection préalable de L-NMMA prévient la lyse mésangiale (38).
Les souris MRL-lpr/lpr manifestent spontanément une maladie auto-immune caractérisée par le développement d'auto-anticorps, d'adénopathies, d'une vascularite, d'arthrites et d'une glomérulonéphrite. Ces souris sont considérées comme un modèle spontané de lupus érythémateux. Weinberg et al. ont étudié le rôle potentiel du NO chez ces souris (39). L'excrétion urinaire de nitrites et de nitrates (produit d'oxydation du NO) est élevée correspondant à une augmentation de la production endogène de NO. Cette synthèse élevée de NO est due à une augmentation de l'expression de iNOS dont l'ARNm et la protéine sont détectés en fortes quantités dans le rein et la rate. L'administration à ces souris de L-NMMA pendant 4 semaines diminue significativement l'excrétion urinaire de nitrates et de nitrites ainsi que la protéinurie. L'analyse histologique des reins et des articulations retrouve significativement moins de lésions dans le groupe traité. Ces observations suggèrent que l'hyperproduction de NO dans ce modèle joue un rôle pathogène et ne reflète pas seulement la stimulation auto-immune. Si elles se confirment, ces observations ouvrent de plus de nombreuses perpectives à la recherche d'autres inhibiteurs de la synthèse ou de l'activité du NO, dans un but thérapeutique.
Dr Y. Dimitrov, Pr T. Hannedouche
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