L'insuffisance rénale est définie comme l'altération de la fonction excrétrice des reins, appelée usuellement fonction rénale. Cette altération concerne aussi les autres fonctions des reins. L'insuffisance rénale chronique (IRC) est souvent évolutive et s'aggrave progressivement. Lorsque l'insuffisance rénale est majeure ou terminale (IRTC), la prolongation de la vie n 'est possible que grâce aux traitements de suppléance que sont l'épuration extra-rénale (EER) ou la transplantation rénale. Chaque fois que possible, la transplantation reste le traitement substitutif de choix.
En raison de disparités inter-régionales dans l'organisation de l'EER, le Ministère du Travail et des Affaires Sociales a saisi l'Agence Nationale pour le Développement de l'Evaluation Médicale (ANDEM) afin d'élaborer des recommandations concernant les "Indications des différentes techniques de l'EER dans l'IRCT" avec trois objectifs ultérieurs :
- Aide à la prescription ;
- Epidémiologie et planification : vérification de l'adéquation de l'offre aux besoins ;
- Contrôle de l'adéquation du traitement au patient par une grille d'évaluation.
A - ASPECTS MEDICAUX
I - LE DIAGNOSTIC D'INSUFFISANCE RENALE
La fonction rénale est appréciée par le débit de filtration glomérulaire (DFG). La mesure de la clairance de l'inuline est la méthode de référence de détermination du DFG. Chez l'homme jeune, la valeur normale est de 130±20 ml/min/1,73 m2. Elle n'est cependant pas utilisable de manière régulière en pratique clinique, où on utilise la clairance de la créatinine endogène. Dans l'IRC évoluée, la clairance de la créatinine surestime souvent le DFG.
On ne peut pas estimer valablement le DFG à partir de la seule créatininémie dont la production dépend du régime et surtout de la masse musculaire du sujet, et donc de sa taille, de son poids, de son sexe et de son âge. Pour deux individus, un même chiffre de créatininémie peut correspondre à des valeurs de DFG très différentes : par exemple, une créatininémie de 350 µmol/l (environ 40 mg/l) correspondra à un DFG d'environ 30 ml/min pour un homme de 25 ans pesant 75 kg et à un DFG d'environ 9 ml/min pour une femme de 70 ans pesant 45 kg.
Les formules d'estimation du DFG sont relativement imprécises. Néanmoins, simples et rapides, elles sont utiles chez un sujet donné pour apprécier le degré de l'insuffisance rénale et l'allure générale de son évolution, tout particulièrement chez les sujets âgés. Leur utilisation doit être généralisée. La formule de la clairance (C) de la créatinine de Cockcroft et Gault est la plus utilisée.
-
Chez l'homme, cette formule est la suivante :
- Pour une créatininémie exprimée en µmol/l
C (ml/min) = (140 - âge (années)) x poids (kg) / créatininémie (µmol/l) x 0,814
- Pour une créatininémie exprimée en mg/l
C (ml/min) = (140 - âge (années)) x poids (kg) / créatininémie (mg/l) x 7,2
- Chez la femme, la valeur obtenue doit être multipliée par 0,85.
Une valeur inférieure à 80 ml/min correspond à une insuffisance rénale.
ASPECTS PEDIATRIQUES
Chez l'enfant, on utilise la formule de Schwartz pour calculer le DFG à partir de la taille et de la créatininémie :
- Pour une créatininémie exprimée en µmol/l
DFG (ml/min/1,73 m2) = k x taille (cm) / créatininémie (µmol/l)
- Pour une créatininémie exprimée en mg/l
DFG (ml/min/1,73 m2) = k x taille (cm) / créatininémie (mg/l) x 8,84
Les valeurs de k sont de 29 chez le nouveau-né prématuré, 40 chez le nouveau-né à terme et avant l'âge de 1 an, 49 pour les enfants de 2 à 12 ans, 49 pour les filles de 13 à 21 ans, 62 pour les garçons de 13 à 21 ans.
Chez l'enfant de moins de 40 kilos, une créatininémie supérieure à 70 µmol/l (7,9 mg/l) en l'absence de signes biologiques de déshydratation, a toute chance de correspondre à une insuffisance rénale débutante. Une clairance de la créatinine, calculée par la formule de Schwartz, inférieure à 60-70 ml/min/1,73 m2 chez un enfant de plus de 2 mois correspond à une insuffisance rénale débutante. Une clairance de la créatinine entre 20-30 et 5-10 ml/min/1,73 m2 correspond à une insuffisance rénale grave.
II - INTERET ET ROLE D'UN SUIVI NEPHROLOGIQUE AVANT LE STADE DE L'EER
Le recours néphrologique pour préparer la prise en charge en dialyse est à différencier de l'avis précoce. Celui-ci est souhaitable dès la découverte d'une néphropathie pour l'évaluation de son origine, de son évolution, et de son traitement. Il permet d'identifier les maladies rénales réversibles ou dont la progression pourrait être stoppée ou ralentie, les maladies rénales héréditaires pouvant nécessiter une évaluation familiale ou un conseil génétique, et celles dont la nature pourrait influencer le choix de la technique de dialyse ou la prise en charge lors d'une transplantation rénale.
Un avis néphrologique est indispensable dès que la clairance de la créatinine est voisine de 50 ml/mn pour :
- Identifier et maîtriser les facteurs susceptibles d'influencer la progression de l'IRC ;
- Identifier et agir sur les complications de l'IRC, source de morbidité et de mortalité accrues.
La préparation au traitement de suppléance, dialyse et transplantation, est un moment essentiel qui permet de diminuer les taux de morbidité et de mortalité des patients et le coût de leur prise en charge. Elle doit être réalisée plusieurs mois avant le moment prévisible du début de l'EER (sans qu'il soit toutefois possible de préciser le moment de ce recours par une valeur de créatininémie ou de DFG).
L'anémie, secondaire à l'IRC, doit être régulièrement appréciée. Les causes aggravantes de l'anémie au cours de l'urémie doivent être systématiquement recherchées : déficit martial, déficit vitaminique, saignement occulte, hyperparathyroïdie sévère, intoxication aluminique, utilisation d'inhibiteurs de l'enzyme de conversion. Une fois ces causes traitées, il est souhaitable de corriger l'anémie par érythropoïétine humaine recombinante, une amélioration des capacités physiques, du travail ménager, de l'activité sociale et des fonctions cognitives ayant été obtenue chez les patients traités par érythopoïétine. Il n'existe pas d'étude permettant d'affirmer que ce traitement aurait une influence sur la survie des patients en dialyse. Il n'existe pas d'étude ayant défini le seuil d'hémoglobine à atteindre par ce traitement. Une "valeur cible" d'hémoglobine de 10 à 12 g/dl peut être proposée. Une surveillance attentive de la pression artérielle doit être exercée durant ce traitement.
Le maintien d'une pression artérielle inférieure ou égale à 130/85 mmHg est souhaitable tant pour ralentir la détérioration de la fonction rénale que pour prévenir les complications cardiovasculaires. Il convient aussi de corriger toute surcharge volémique.
L'atteinte cardio-vasculaire et tout particulièrement l'hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) doit être recherchée au moment de la création de la fistule artério-veineuse et/ou de la prise en charge en dialyse. Cette recherche est indispensable en raison de la fréquence de l'HVG et de son caractère pronostique défavorable. L'examen habituellement utilisé pour la dépister est l'échocardiographie.
L'apport protidique doit être surveillé tout au long de l'évolution de l'IRC pour, en particulier, prévenir une dénutrition. Celle-ci peut être suspectée par l'existence d'une albumunémie inférieure à 35 g/l, sauf chez le malade ayant un syndrome néphrotique
La prévention de l'hyperparathyroïdie secondaire à l'IRC nécessite de maintenir la calcémie entre 2,3 et 2,6 mmol/l, la phosphorémie inférieure ou égale à 1,8 mmol/l et la parathormone entre 2 et 3 fois la valeur normale. Pour cela, on privilégie l'utilisation du carbonate de calcium. On peut utiliser de façon prudente un dérivé actif de la vitamine D. Les gels d'alumine doivent être évités.
La vaccination contre le virus de l'hépatite B doit avoir lieu le plus tôt posssible. Pour obtenir une bonne séro-protection, elle nécessite des protocoles différents de ceux utilisés dans la population générale, avec l'utilisation de vaccins recombinants, d'un plus grand nombre d'injections, de rappels plus précoces et la préférence de la voie intradermique. L'immunisation doit être vérifiée par détermination régulière du taux des anticorps anti-HBs.
Dans la mesure où l'hémodialyse est le mode de traitement ayant recueilli l'accord conjoint du malade et du néphrologue, l'abord vasculaire doit être réalisé au moins 2 mois avant la date prévisible du début de l'EER. La préservation du capital veineux des avant-bras et plis des coudes doit être préconisée précocément dans le suivi de l'IRC pour faciliter la création d'une fistule artério-veineuse distale.
L'information du patient et de sa famille sont indispensables au choix ultérieur de la technique d'EER et de la structure dans laquelle elle sera pratiquée.
La collaboration entre le médecin traitant et le néphrologue est indispensable à la réalisation de ce suivi.
ASPECTS PEDIATRIQUES
La prise en charge par un pédiatre néphrologue, en collaboration avec le médecin de l'enfant, est indispensable dès le diagnostic de maladie rénale risquant d'aboutir tôt ou tard à une IRC, a fortiori si une IRC est présente dès le diagnostic. La prise en charge précoce de ces enfants a pour but d'amener ces enfants à l'âge adulte avec une taille et un cursus scolaire satisfaisants. La croissance en poids et en taille doit être contrôlée d'autant plus fréquemment que l'enfant est plus jeune et l'insuffisance rénale plus grave.
Le contrôle des différents troubles participant au retard de croissance est indispensable :
- Equilibre hydro-électrolytique : correction de la déshydratation, de l'acidose, compensation de la perte urinaire de sodium ;
- prévention de l'ostéodystrophie : administration d'un dérivé de la vitamine D, de carbonate de calcium, maîtrise de l'hyperphosphorémie par le carbonate de calcium et la restriction des apports de phosphore, interdiction absolue d'utiliser des gels d'alumine ;
- prise en charge nutritionnelle : apports caloriques de 100 à 120 % des quantités recommandées chez l'enfant, apports protidiques égaux à 100 % des quantités recommandées ; nécessité fréquente d'une nutrition par gavage chez le nouveau-né et le nourisson ;
- traitement éventuel par l'hormone de croisssance recombinante humaine.
Les vaccinations réglementaires doivent être mises à jour, sauf le B.C.G. contre-indiqué en cas d'insuffisance rénale avancée. La vaccination contre le virus de l'hépatite B doit être débutée dès le diagnostic de maladie rénale.
Le rôle des néphrologues pédiatres et des centres pédiatriques est aussi d'offrir à l'enfant et à sa famille le soutien psychologique nécessaire. Une information précise sur les problèmes présents et à venir, concernant en particulier dialyse et transplantation, doit être fournie en temps voulu à l'enfant et à ses parents. Les centres de néphrologie pédiatrique doivent par ailleurs assurer la formation des parents et de l'enfant lorsqu'il est en âge de comprendre, aux techniques de soins (diététique, gavage, dialyse péritonéale, traitement médicamenteux).
III - QUI PEUT BENEFICIER D'UNE METHODE D'EER
Le pronostic vital des malades atteints d'IRCT reste sévère. Des facteurs de gravité ont été individualisés. L'âge des patients lors de leur prise en charge en dialyse est le principal facteur de risque de décès et de morbidité. En France, la survie en dialyse à 5 ans est de 21 % après 75 ans, alors qu'elle est de 59 % entre 55 et 64 ans. La survie des patients doit être comparée à celle de sujets de même âge. Le diabète, par la fréquence de ses complications cardio-vasculaires, est un facteur de risque. Les complications cardio-vasculaires très fréquentes chez les insuffisants rénaux chroniques expliquent la sévérité du pronostic. Toutes les maladies associées à l'IRC aggravent le pronostic.
Il n'y a pas de contre-indications à la mise en route d'un traitement par dialyse, en dehors de pathologies très évoluées avec cachexie majeure et de certaines démences. Les bénéfices espérés de l'EER sont souvent méconnus ou sous-estimés par la communauté médicale, notamment en cas de pathologies associées. L'information doit être améliorée. En attendant, il est souhaitable que la décision de mise en route (ou de non mise en route) du traitement de suppléance d'une IRCT soit prise après concertation néphrologique.
Les problèmes de maintien de l'EER se posent le plus fréquemment chez les personnes âgées et sont le plus souvent en rapport avec la perte d'autonomie des fonctions physiques ou intellectuelles correspondant à l'évolution de pathologies associées ou à la dégradation de l'état général. Ils tiennent plus aux soins palliatifs et à l'accompagnement de fin de vie. Les véritables situations d'arrêt de dialyse à la demande du malade sont mal évaluées en France. Elles posent de difficiles problèmes psychologiques, éthiques, voire juridiques, qui doivent être débattus par l'équipe néphrologique responsable du malade. Dans les situations difficiles, l'environnement familial est à prendre en compte.
ASPECTS PEDIATIQUES
Chez l'enfant, les contre-indications à la mise en route d'un traitement par dialyse sont une encéphalopathie profonde, ou les maladies intraitables telles qu'une tumeur maligne métastasée sans possibilité thérapeutique, ou les malformations graves compromettant à court terme le pronostic vital chez un très jeune enfant. Bien que l'EER puisse être réalisée chez des très petits enfants, la mise en route de ce traitement chez des nouveaux-nés ou des enfants de quelques semaines ou quelques mois est une décision difficile, à prendre au cas par cas avec la famille dont la collaboration est indispensable. La décision de ne pas mettre en route de traitement à cet âge peut parfois être la solution raisonnable.
IV - QUAND DEBUTER LA DIALYSE
Chez l'adulte, le traitement par dialyse doit être débuté lorsqu'apparaissent les premières manifestations cliniques du syndrome d'IRCT, soit, habituellement, lorsque la clairance de la créatinine devient inférieure à 10 ml/min. Il s'agit de manifestations :
- Digestives : anorexies, nausées ;
- Neurologiques : troubles du sommeil et de la vigilance, jambes sans repos ;
- Dermatologiques : prurit ;
- Hématologiques : tendance hémorragique ;
- Cardio-vasculaires : rétention hydrosodée et hypertension artérielle non contrôlable par un traitement médicamenteux ;
- Altération de l'état général ;
- Dénutrition : perte de poids, diminution de la masse musculaire.
Dans tous les cas où la clairance de la créatinine atteint 5 ml/min, le traitement doit être débuté.
ASPECTS PEDIATIQUES
Chez l'enfant, le traitement par dialyse doit être débuté lorsque la clairance de la créatinine est inférieure à 5 ml/min/1,73 m2. Ce niveau de clairance correspond à des créatininémies d'environ 400 µmol/l (45 mg/l) chez les nouveau-nés, 500 à 600 µmol/l (56 à 68 mg/l) chez les enfants de moins de 20 kg, 800 µmol/l (90 mg/l) chez les grands.
Le traitement par dialyse doit parfois être mis en route plus tôt, en particulier en cas de rétention hydrosodée et d'hypertension artérielle dans les glomérulopathies.
V - QUELLE METHODE D'EER CHOISIR ?
Il existe deux grandes techniques d'EER : l'hémodialyse (HD) utilisée depuis 30 ans et la dialyse péritonéale (DP) continue ambulatoire (et ses variantes), introduite plus récemment et développée à partir des années 80. Si l'HD reste le traitement de référence de l'IRCT, ces deux techniques sont complémentaires et non concurrentielles.
Malgré l'absence d'études prospectives randomisées, il ne semble pas qu'à moyen terme (période de 5 ans correspondant à la durée d'efficacité de la technique de DP) l'une de ces deux techniques soit supérieure à l'autre en terme de mortalité (lorsqu'elle est ajustée sur les facteurs de risques significatifs), de morbidité et d'évolution des complications de l'IRC (anémie, complications cardio-vasculaires, ostéodystrophie, arthropathie amyloïde) et en terme de qualité de vie. En revanche, chez les diabétiques, la survie semble meilleure en HD qu'en DP.
Les deux techniques, HD et DP, peuvent être proposées comme traitement de première intention à tout insuffisant rénal chronique arrivant au stade terminal et n'ayant pas de contre-indication absolue ou relative à la DP telle que :
- Une dénutrition sévère ;
- Une obésité ;
- Des antécédents d'interventions chirurgicales abdominales pouvant être à l'origine d'adhérences avec cloisonnement de la cavité péritonéale ;
- Une polykystose hépato-rénale de développement majeur ;
- Une atteinte digestive (hernie hiatale sévère avec reflux gastro-oesophagien, gastroparésie chez le diabétique, pathologie colique inflammatoire ou ischémique évolutive) ;
- Une immunodépression sévère ;
- Une insuffisance respiratoire chronique du fait du risque d'aggravation de l'état respiratoire.
La dialyse péritonéale continue ambulatoire ne peut le plus souvent pas être prolongée plus de 5 ans. Les complications en rapport avec une hyperpression intrapéritonéale, une ultrafiltration ou une épuration insuffisantes, les épisodes répétés d'infections péritonéales et les infections chroniques et récidivantes de l'orifice ou du tunnel sous-cutané obligent à changer de technique. Inversement, l'HD peut être poursuivie de nombreuses années. En raison de la courte durée d'utilisation de la technique de DP, tout programme de DP doit nécessairement prévoir, à terme, la possibilité d'un transfert en hémodialyse si le patient n'est pas transplanté.
Dans l'idéal, le choix d'une méthode d'EER devrait reposer, au terme d'une information ample et exhaustive, sur les souhaits du patient en tenant compte de facteurs extra-médicaux, tels que :
- Sa situation socioprofessionnelle ;
- Sa situation familiale ;
- Son lieu de résidence et l'éloignement des structures de dialyse existantes ;
- Le contexte culturel et l'image qu'il a des deux techniques.
Dans ce schéma, le néphrologue a non seulement le devoir de proposer toutes les options thérapeutiques possibles, mais encore de donner son avis ainsi que d'éventuelles recommandations sur le choix émis par le patient.
Pour que le patient puisse véritablement faire un choix, il faut que la prise en charge néphrologique soit précoce et que la structure néphrologique dispose d'un plateau technique complet et d'une bonne connaissance des deux techniques. En réalité, dans de nombreux cas, et notamment en fonction de la disponibilité des structures de dialyse, le néphrologue va être amené à décider pour le patient. Le consentement du patient reste la priorité, garante de la bonne adhésion au traitement.
ASPECTS PEDIATRIQUES
Chez l'enfant, le traitement par dialyse peut être assuré soit par HD soit par DP. La DP est la technique recommandée pour les très jeunes enfants (moins de deux ans). A tout âge, la DP doit de préférence être nocturne sur cycleur pour protéger l'activité de l'enfant dans la journée et sa scolarité.
La transplantation doit être organisée de manière à ce que la période de dialyse ne soit pas prolongée pour des raisons autres que la disponibilité en greffons. Idéalement, une transplantation sans dialyse préalable est la solution souhaitable dans la plupart des cas.
VI - L'INFORMATION DE L'INSUFFISANT RENAL CHRONIQUE AU STADE PRE-DIALYSE :
En France, l'information pré-dialyse n'est certainement pas encore suffisamment développée. L'information précoce devrait permettre de débuter la dialyse chez un malade bien préparé médicalement et psychologiquement, en dehors du contexte d'urgence. Ceci permet d'une part l'amélioration du bien être et de la qualité de vie du patient dialysé et d'autre part, un gain d'ordre économique par le biais d'un développement des différentes techniques de dialyse, d'une meilleure réhabilitation professionnelle et d'un taux moindre d'hospitalisation en début de traitement.
Les modalités de cette information restent à définir. Pour cela, il faut favoriser les expériences pilotes d'information impliquant les différents partenaires médico-sociaux de l'EER.
B - ASPECTS ORGANISATIONNELS
I - SITUATION ACTUELLE
1 - Les données concernant les patients
En France, en 1993, 30 676 malades ayant une IRCT étaient traités par une méthode de suppléance, dont 18 093 par EER (dialyse) et 12 583 ayant un greffon fonctionnel. La prévalence de malades ayant une IRCT traitée par EER ou transplantation était de 541 par million d'habitants (pmh). Ces données qui proviennent du registre européen sont sous-estimées car l'exhaustivité (pourcentage de centres ayant répondu à l'enquête) du recueil des données n'était pour la France que de 84,9 %.
La prévalence de l'IRCT traitée augmente de façon régulière de 4 à 8 % par an (enquêtes régionales CRAM/DRASS réalisées depuis 1990). Cette augmentation est essentiellement liée à la part prise par les patients âgés. Les patients de plus de 65 ans représentent 38 % des dialysés dans le rapport de l'EDTA. Cela est dû à l'allongement de l'espérance de vie dans la population générale, à la progression de l'IRCT d'origine vasculaire, à l'amélioration de la qualité des traitements de suppléance aboutissant au vieillissement de la population dialysée. Cette augmentation devrait continuer puisque la proportion de patients âgés pris en dialyse est encore inférieure à la proportion des patients âgés atteints d'IRC. "L'indice des besoins" fixé par l'arrêté du 9 avril 1984 à 40 à 45 postes de dialyse en centre pmh est nettement insuffisant.
L'évolution de l'incidence de l'IRCT traitée est difficile à préciser en raison d'une mauvaise exhaustivité du recueil des données et de différences inter-régionales. L'incidence aurait progressé de 42 à 62 pmh entre 1982 et 1992, soit un taux moyen de progression annuelle au cours de la période de 2,2 patients pmh (7,6 %).
Chez l'enfant, l'incidence de l'IRCT conduisant à la mise en route d'un traitement de suppléance (dialyse - transplantation) avant l'âge de 15 ans se situe entre 6 et 9 enfants/million d'enfants de moins de 15 ans/an. Un tiers de ces enfants ont moins de 5 ans et 15 % ont moins de 2 ans. La prévalence d'enfants insuffisants rénaux de moins de 15 ans traités par une méthode de suppléance est de l'ordre de 40/million d'enfants de moins de 15 ans. Ces chiffres sont stables depuis une dizaine d'années. En revanche, la proportion de très jeunes enfants (moins de 2 ans et entre 2 et 5 ans) a fortement augmenté au cours des dernières années.
2 - Les données concernant les méthodes d'EER
L'HD reste de loin la technique d'EER la plus utilisée dans le monde. Selon le registre européen, en France en 1993, parmi les 18 093 dialysés, 9 % étaient traités par DP. Les importantes disparités d'utilisation des différentes techniques de dialyse, d'un pays à l'autre, d'une région à l'autre, sont avant tout liées à des facteurs non médicaux. Parmi ceux-ci, la prise en charge financière actuelle de la dialyse péritonéale représente un facteur limitant sont développement dans notre pays.
3 - L'organisation actuelle
La définition administrative en vigueur des lieux de réalisation de l'EER distingue la dialyse en centre, défini comme centre ambulatoire ou centre lourd, et la dialyse hors centre. Dans ce dernier cas, il s'agit des méthodes de traitement par dialyse qui s'effectuent de façon habituelle en dehors d'une structure de soins : le lieu de traitement est alors soit le domicile du patient (hémodialyse ou dialyse péritonéale), soit une unité d'autodialyse (considérée comme substitut du domicile). Le patient a bénéficié d'un apprentissage et exécute lui-même son traitement, seul ou aidé par une personne elle-même formée à la technique.
C'est ce dernier point qui par son imprécision est facteur d'interprétations diverses. Au fil des années, les caractéristiques des patients se sont modifiées. Leur vieillissement est associé à une plus grande fréquence de pathologies associées, notamment cardio-vasculaires, pouvant justifier une prise en charge plus médicalisée que celle des structures de hors centre. Le vieillissement est aussi associé à une moindre autonomie qui nécessite une aide paramédicale plus importante.
Il n'existe pas de registre national permettant de préciser le nombre et les caractéristiques des malades dialysés en centre. Le rapport annuel et exhaustif de la dialyse hors centre montre que cette activité a régulièrement augmenté ces dernières années en valeur absolue. Toutefois, la part relative de l'activité de dialyse hors centre dans le traitement de l'IRCT ne semble pas avoir progressé malgré les efforts développés. Cette absence de progression ne peut être totalement expliquée par l'évolution de l'âge des dialysés (anciens et nouveaux), la survenue de complications chez ces patients ou la sophistication des techniques de dialyse.
Théoriquement, hormis la dialyse péritonéale continue ambulatoire, qui par définition est un traitement hors centre, toutes les autres techniques d'EER peuvent être réalisées en centre ou hors centre.
Les indications et contre-indications au protocole de traitement de l'IRCT en centre ou hors centre ne peuvent être précisées puisque l'on ne dispose pas d'études comparant les résultats de la dialyse par structure, technique et patient comparables.
On peut néanmoins citer quelques situations imposant la dialyse en centre c'est-à-dire contre-indiquant le hors centre. Elles sont en pratique limitées aux situations où l'hémodialyse est la technique choisie et où :
- La séance est associée à des évènements justifiant une intervention grâce à des moyens spécifiques au centre lourd ou au centre ambulatoire, par exemple grande instabilité cardio-vasculaire, insuffisance coronarienne instable, convulsion... ;
- Le patient exprime son refus "éclairé" d'accepter un protocole hors centre ;
- L'autonomisation (personnelle ou par l'intermédiaire d'une tierce personne) est impossible.
A côté de ces situations imposant la dialyse en centre, il en existe de nombreuses pour lesquelles la dialyse en centre semble au médecin et au patient la meilleure possibilité. La décision de dialyse en centre relève pour partie de situations médicales mais aussi et surtout de situations liées à l'environnement et à la disponibilités des structures.
La saturation des centres de dialyse, l'absence d'évolution des indices et des règlements administratifs et les modifications des caractéristiques des dialysés ont nécessité une adaptation des modalités de prise en charge du traitement de l'IRCT. En fonction des particularités géographiques, des choix des équipes médicales, et des autorisations administratives, l'évolution a été différente d'une région à l'autre, tant dans la pratique que dans la terminologie utilisée. Ceci aggrave les dificultés de compréhension de l'organisation de l'EER.
II - LES PROPOSITIONS
1 - La nécessité de registres régionaux et d'un registre national
Compte-tenu de disparités régionales ou sectorielles, l'organisation de la dialyse et l'attribution de nouveaux moyens à un secteur sanitaire doivent s'appuyer sur les données objectives (prévalence de l'IRCT, répartition démographique par tranches d'âge) d'une enquête épidémiologique réalisée au sein de la région ou du secteur (registre régional de l'IRCT).
Les registres régionaux doivent devenir obligatoires. Ils contribueront à l'élaboration d'un registre national et pour cela, doivent utiliser des items communs. Les facteurs de gravité individualisés devraient être colligés. Le registre doit évaluer la survie des insuffisants rénaux chroniques terminaux, leur évolution notamment celle concernant les changements de techniques de traitement.
Les principaux items recueillis doivent permettre d'identifier :
- Le patient, ses coordonnées et ses principales caractéristiques socio-professionnelles ;
- La maladie rénale responsable de l'insuffisance rénale chronique terminale et ses modalités de suivi avant la mise en route d'une méthode de suppléance ;
- L'équipe médicale prenant en charge le patient (avec réactualisation) ;
- Le centre prenant éventuellement en charge le patient (avec réactualisation) ;
- Les périodes de prise en charge par épuration de l'IRCT ;
- Les modes de suppléance de l'IRCT utilisés et leurs caractéristiques ;
- Les raisons de transfert de mode de suppléance.
2 - La nécessité de grilles d'évaluation des patients
L'organisation de la dialyse nécessite la connaissance des besoins en soins des patients et des indications et contre-indications précises aux différents protocoles de traitement de l'IRCT.
La caractérisation des patients et l'évaluation des besoins en soins médicaux devraient inclure des données concernant :
- L'âge ;
- Les handicaps et les pathologies graves associées (notamment cardio-vasculaires, respiratoires, neurologiques et psychiatriques) ;
- Les complications de l'IRC ;
- La tolérance hémodynamique des séances d'HD ;
- Les prescriptions de médicaments ;
L'évaluation des besoins en soins paramédicaux devrait inclure :
- Des indicateurs de charge de travail prenant en compte l'importance des soins délivrés aux patients ;
- Les données concernant l'abord vasculaire ou péritonéal ;
- Les modalités de prescription des médicaments (transfusions, perfusions,...) ;
- Les prescriptions spécifiques de la dialyse ;
- Les actes de surveillance de la dialyse.
L'évaluation du degré d'autonomie devrait inclure les données concernant :
- La volonté de prise en charge autonome ;
- La compréhension de la maladie et des principes généraux du traitement et du régime ;
- La compréhension et la capacité à réaliser les gestes inhérents à la technique ;
- Les paramètres d'environnement (locaux, famille, activité professionnelle...).
Des grilles d'évaluation, élaborées par quelques services administratifs ou certains groupes de travail régionaux, sont disponibles. Elles peuvent servir de base de réflexion pour l'élaboration de grilles nationales. De telles grilles doivent faire l'objet d'une étude multicentrique de validation. Elles permettront de mettre en route des études comparant les résultats de la dialyse par patient, technique et structure comparables.
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