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La prescription médicamenteuse après 70 ans impose de connaître les antécédents du malade, ses maladies en cours et ses facteurs de risque.
Il est nécessaire de hiérarchiser les objectifs thérapeutiques en prenant en compte le pronostic vital et fonctionnel, et la qualité de vie. Les objectifs thérapeutiques doivent être clairs pour le médecin qui les expliquera au malade et si nécessaire à son entourage. Il importe en particulier de bien séparer ceux qui visent au traitement d'une maladie aiguë transitoire de ceux qui visent au traitement d'une maladie chronique.
Avant de prescrire, il faut connaître les antécédents thérapeutiques et les traitements en cours :
- demander au malade d'apporter les ordonnances des différents prescripteurs ;
- s'enquérir des médicaments consommés, y compris par l'automédication qui doit être systématiquement recherchée sans omettre les pommades et les collyres ; les médicaments en vente libre comme les antalgiques à visée anti-inflammatoire, l'aspirine, les laxatifs, etc... doivent être particulièrement recherchés ;
- apprécier la consommation d'alcool et de tabac ;
- pour éviter le double emploi et le risque thérapeutique additif, repérer tous les médicaments qui appartiennent à la même classe thérapeutique, ou qui contiennent le même principe actif, ou qui ont des propriétés pharmacologiques communes en relation ou non avec l'effet thérapeutique recherché (anticholinergiques, neuroleptiques dits "masqués" etc...).
Pour prescrire, il est nécessaire :
- de connaître le poids des malades pour adapter la posologie (ex : théophylline, digoxine) ;
- de rechercher une déshydratation et/ou une dénutrition ;
- de connaître la fonction rénale et d'adapter la posologie des médicaments à élimination urinaire quand elle est altérée.
La détermination de la créatinine sérique ne suffit pas : une créatininémie normale au grand âge ne signifie pas que la fonction rénale soit normale car la production musculaire de créatinine diminue dans la même proportion que la filtration glomérulaire (en moyenne 40 % après 80 ans).
La fonction rénale peut être valablement estimée par la détermination de la clairance de la créatinine à l'aide de la formule de Cockcroft ou par le nomogramme de Kampman ; ces deux outils d'évaluation de la fonction rénale devraient être insérés dans le dossier médical.
L'estimation de la clairance de la créatinine doit être faite avant la prescription et, de plus, répétée lors d'un épisode aigu ou annuellement.
On doit rechercher une hypotension orthostatique en prenant la tension artérielle couché puis debout (1, 3 et 5ème minutes) et modifier l'ordonnance si cette anomalie est mise en évidence.
Il est nécessaire de s'assurer de l'aptitude du malade à comprendre et à utiliser le traitement prescrit :
- il convient d'évaluer l'autonomie en particulier manuelle et dépister d'éventuels troubles de la vision ;
- il convient de s'assurer que le malade a compris les objectifs et les modalités de la prescription,
- en cas de difficultés motrices ou psychiques, une aide adaptée sera proposée (pilulier, assistance d'une tierce personne pour l'administration des médicaments).
Comme à tout âge, il faut vérifier que les associations prescrites ne provoquent pas d'interactions médicamenteuses à incidence clinique en se référant au fascicule annexé au dictionnaire Vidal.
Au moment de prescrire, il faut :
- prendre des précautions particulières pour les médicaments à marge thérapeutique étroite (digoxine, théophylline, anti-vitamine K, sulfamides hypoglycémiants, anti-convulsivants, etc...), et pour les classes thérapeutiques ayant un impact sur les fonctions cognitives et qui risquent de provoquer une somnolence, une confusion ou des troubles de la coordination et du tonus musculaire (risque de chute) ;
- penser à la présentation du médicament : éviter les gouttes qui exposent à des erreurs de comptage (proscrire l'utilisation simultanée de deux médicaments actifs sous forme de gouttes), les formes galéniques peu pratiques (suppositoires) ;
- penser à des horaires faciles à mémoriser adaptés à la vie du malade et à la pharmacocinétique du médicament ;
- préférer les médicaments à durée d'action courte et éviter les doses de charge ;
- rédiger l'ordonnance en détaillant l'horaire des prescriptions.
La prescription d'un nouveau médicament nécessite que l'on prenne en compte l'ensemble des traitements en cours. Une concertation entre les différents prescripteurs est nécessaire. Le carnet médical de suivi est un outil utile à cet effet et devrait être étendu à l'ensemble des prescriptions des personnes âgées de plus de 70 ans.
Lors du traitement de deux maladies ou plus, les prescriptions inscrites sur le dossier médical de suivi (qui a un caractère légal à partir du 1er janvier 1995) doivent être regroupées sur une seule fiche de synthèse et écrites de manière très lisible avec un calendrier de prescription expliqué au malade. Le traitement doit être expliqué à l'entourage.
Chez un sujet âgé de plus de 70 ans, déjà soumis à une prescription pluri-médicamenteuse (plus de 2 thérapeutiques), il convient d'éviter l'addition de médicaments, dont l'efficacité reste à établir, et identifiés dans le dictionnaire Vidal par les mentions : "proposé dans", "utilisé dans", "utilisé comme".
Chez un sujet âgé de plus de 70 ans, une réévaluation pluriannuelle de toutes les thérapeutiques prescrites doit être faite. Cette réévaluation périodique doit éviter l'utilisation excessivement prolongée de certains médicaments, et simplifier les ordonnances, afin d'augmenter l'observance des traitements indispensables par les malades.
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