1.Introduction
Les contraceptifs oraux (CO) sont utilisés depuis 1960 par des millions de femmes et globalement, leur utilisation est sûre : chez les femmes de 15-34 ans ne fumant pas, la CO représente la plus efficace et la moins dangereuse (risque létal) de toutes les méthodes contraceptives (compte-tenu de leur risque très faible d'échec) (Ory 1983).
2.HTA et CO
L'usage chronique de CO augmente légèrement la pression artérielle (3-6/2-5 mmHg) chez la plupart des femmes. Chez environ 5 % d'entres elles, la pression artérielle dépasse 140/90 mmHg sur une période de 5 ans. Si la CO est interrompue, l'HTA rétrocède dans les 2/3 de ces 5 % en l'espace de 2 à 12 mois. Dans le 1/3 restant des cas, il existe soit une HTA "essentielle" sous-jacente soit des lésions vasculaires séquellaires pérénisant l'HTA. Un petit nombre de femmes développent une HTA maligne (Lim 1987) avec des lésions de microangiopathie thrombotique rénale souvent irréversibles (Hanglustaine 1981, Boyd 1975). Les principaux facteurs prédisposant à l'HTA sous CO sont l'âge (> 35 ans) et l'obésité. Des antécédents familiaux d'HTA sont retrouvés dans la moitié des cas, mais seulement 5 % ont des antécédents personnels de prééclampsie (Pritchard 1977).
Le mécanisme de l'effet prohypertenseur des CO reste incertain, mais il est clair qu'à la fois l'estrogène de synthèse et le progestagène contribuent de façon dose-dépendante. L'incidence d'HTA de 5 % provient d'études anciennes où les doses d'estrogène et de progestagène étaient respectivement > 50 mcg et 1-4 mg. Avec les formulations actuelles comportant seulement 20-30 mcg d'estrogène, l'incidence annuelle n'est plus que 0,4 % (2% à 5 ans), le risque relatif étant de 1.8 pendant l'exposition aux CO, 1.2 après son arrêt, après ajustement pour l'âge, le poids, le tabagisme, l'histoire familiale et les autres facteurs de risque (Chasan-Taber 1996)
Les études initiales semblaient suggérer que les estrogènes de synthèse induisaient une rétention hydrosodée. L'éthinyl-estradiol à la dose de 30-40 mcg induit de plus une résistance à l'insuline. Le rôle du système rénine-angiotensine a également été suspecté parce que les estrogènes stimulent la production hépatique d'angiotensinogène. Cependant, une réponse hormonale analogue est observée chez les femmes qui ne développent pas d'HTA sous CO et, d'autre part, les IEC ne corrigent pas spécifiquement cette forme d'HTA (Woods 1988).
3.Risque cardiovasculaire des CO
Les CO augmentent significativement le risque cardiovasculaire (nécrose myocardique, et accidents vasculaires cérébraux thrombotiques). Dans l'étude du Royal College (1981), un excès de mortalité de 40 % est retrouvé sous CO, entièrement lié à un excès (risque relatif x 4) de nécrose myocardique et d'hémorragie sous-arachnoïdienne. En réalité, cet excès de risque cardiovasculaire absolu des CO correspond à un nombre relativement faible (2 morts par an pour 10 000 femmes) et il est entièrement confiné aux femmes âgées de plus de 35 ans, ou fumant (Croft 1989)
Les études plus récentes avec des CO faiblement dosés montrent au contraire une réduction du risque coronarien (Engel 1983). Les CO de 3ème génération (CO3G) (ceux qui contiennent du desogestrel ou du gestodene) semblent en particulier associés à une plus faible incidence de maladie coronarienne que les produits plus anciens (Lewis 1996) : odds ratio de 0.45 pour la survenue d'infartus du myocarde chez les femmes prennant une CO3G vs. une CO de 2ème génération(CO2G). Cet effet est au moins en partie lié à l'amélioration du profil lipidique par le composé estrogènique : baisse du LDL-cholestérol et hausse du HDL-cholestérol (et des triglycérides). Le progestagène associé exerce un effet inverse (hausse du LDL-cholestérol, baisse du HDL-cholestérol); cet effet est plus marqué avec les progestagènes androgéniques (norgestrel, norethindrome et levonorgestrel) mais fortement atténué avec le gestodène, le desogestrel et le norgestimate.
La CO augmente discrétement le risque de thrombose; ce risque semble paradoxalement plus important avec les progestagènes de 3ème génération (desogestrel et gestodene). Le risque (odds ratio) de survenue d'une thrombose veineuse avec les CO3G est de 4.8 versus pas de CO, et 1.5 versus les CO2G. Le risque de mort par thrombo-embolie est respectivement de 2.0, 1.4 et 0.5 par 100 000 patientes-années pour les CO3G versus les CO2G, versus pas de CO (Rosing 1977). Cet effet néfaste des CO3G est lié à l'induction d'une résistance à la protéine C activée. Chez les femmes hétérozygotes pour la mutation Leiden du facteur V, les CO3G augmentent le degré de résistance à la protéine C activée au même niveau que celui des homozygotes pour la mutation; cet effet est moins marqué avec les CO de 2ème génération (Rosing 1997).
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