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OBJECTIFS
  • Reconnaître les effets délétères et surtout bénéfiques des estrogènes sur le risque vasculaire en particulier coronarien
  • Penser à recourir à l'estrogénothérapie comme traitement pharmacologique de 1ère intention en cas d'hypercholestérolémie chez la femme ménopausée.
  • Recourir à l'estrogénothérapie en prévention secondaire après un accident coronarien.

 
NephroHUS Online PLAN DU CHAPITRE
 

1. Introduction

Un nombre croissant de femmes ménopausées reçoivent un traitement hormonal substitutif (THS). Même si le bénéfice net de ce THS reste encore incertain, les effets bénéfiques sur l'ostéoporose (Prince 1991), les facteurs de risque cardio-vasculaire, les accidents coronariens (Nabulsi 1993), et enfin la mortalité totale (Henderson 1991), contre-balencent largement le risque potentiel de cancer du sein ou de l'endomètre (Barrett-Conor 1992).

2.THS et HTA

Compte-tenu des effets prohypertenseurs de la CO, on a longtemps craint que le THS puissent avoir les mêmes effets délétères sur la PA et les autres facteurs de risque cardio-vasculaire. En fait, les doses d'estrogène du THS sont considérablement plus faibles que celles de la CO et par ailleurs l'estrogène naturel (17 ß estradiol = E2) semble avoir des propriétés cardio-vasculaires bénéfiques spécifiques.

Globalement l'estrogénothérapie substitutive ne modifie pas, ou diminue légèrement la pression artérielle. Dans l'essai PEPI, l'estrogénothérapie substitutive associée ou non à un progestagène (progestin) n'a pas modifié la pression artérielle (PEPI 1995).

Chez des femmes ménopausées et préalablement hypertendues, l'estrogénothérapie substitutive ne modifie pas la pression artérielle avec un recul de 14 mois en moyenne, malgré une augmentation concomittante du poids (Lip 1994).

3.THS et lipides

L'estrogénothérapie substitutive orale excerce des effets bénéfiques sur la concentration plasmatique des lipides : baisse du LDL cholestérol d'environ 15 %, augmentation du HDL-cholestérol d'environ 15 %, baisse de la Lp (a) d'environ 20 %. Les effets de 0.625 mg de Premarin ® (estrogènes conjugués équins) sont similaires à 2 mg d'estradiol 17 ß oral. Par contre, l'E2 transdermique ne modifie pas le profil lipidique, probablement en raison de l'absence d'effet de premier passage hépatique (Walsh 1992).

Les effets bénéfiques de l'estrogénothérapie substitutive orale sont suffisamment substantiels pour que le groupe d'experts du "National Cholesterol Education Program" recommande l'estrogénothérapie substitutive orale comme première approche pharmacologique des anomalies lipidiques chez la femme ménopausée (NCEP Report 1993). Cependant l'estrogénothérapie substitutive orale peut augmenter les triglycérides de 25 % chez environ 10-20 % des femmes traitées. La concentration de triglycérides doit donc être surveillée chez les femmes recevant une estrogénothérapie substitutive orale dans la mesure où l'hypertriglycéridémie constitue un facteur de risque cardiovasculaire indépendant chez la femme. Une augmentation des triglycérides peut ainsi limiter l'emploi de l'estrogénothérapie substitutive ; le recours à la voie transdermique pourrait prévenir cette éventualité.

4.Effet des progestagènes

Un progestagène est généralement administré conjointement à l'estrogène pour diminuer l'hyperplasie endométriale et les risques de cancer. Les progestagènes semblent atténuer l'effet bénéfique de l'estrogénothérapie substitutive sur les lipides; La medroxyprogestérone ou le levonorgestrel diminuent ainsi le HDL-cholestérol de 8-18 %. L'association estrogène + progestagène reste cependant bénéfique sur le plan lipidique : la baisse du LDL-cholestérol n'est pas modifiée par l'adjonction d'un progestagène. Pour le HDL-cholestérol, le choix du progestagène asocié semble plus important : la medroxyprogétérone diminue moins le HDL-cholestérol que le levonorgestrel, alors que la progestérone orale micronisée n'a pas d'effet adverse sur le profil lipidique (PEPI 1995). Comme la progestérone orale micronisée (200-300 mg/j) prévient également l'hyperplasie endométriale, celle-ci apparaît être intéressante en combinaison séquentielle avec les estrogènes.

5. Estrogénothérapie substitutive et risque thrombotique

Alors que les fortes doses d'estrogène des CO augmentent la concentration plasmatique des facteurs procoagulants et le risque de thrombose (Baird 1993), l'estrogénothérapie substitutive à faible dose même en association avec la medroxyprogestérone, semble avoir peu d'impact sur les facteurs de la coagulation et pourrait même augmenter l'activité fibrinolytique (Shahar 1996).

L'estrogénothérapie substitutive exerce un effet majeur en prévention primaire de l'insuffisance coronaire.

Dans la Nurses Health Study, le risque relatif d'évènement coronarien chez 48 470 femmes ménopausées est de 0.56 (réduction du risque de 44 %) chez celles prenant une estrogénothérapie substitutive (isolée, sans progestagène) par rapport aux femmes n'en prenant pas. Cet effet persiste après ajustement pour les autres facteurs de risque comme le poids et le tabagisme (Stampfer 1991).

D'autres études observationnelles confirment ces résultats. L'estrogénothérapie substitutive isolée réduit de 50-60 % le risque de survenue d'occlusion coronaire angiographique ou de lésions sténosantes significatives (>70 %).

Il existe également des arguments suggérant un rôle de l'estrogénothérapie substitutive dans la prévention secondaire en réduisant l'occurence d'évènements coronariens majeurs et en améliorant la survie chez des femmes coronariennes avérées. Dans l'étude Lipid Research Clinics réalisée chez 2 270 femmes suivies pendant 8.5 ans en moyenne, le risque relatif ajusté de mort cardiovasculaire est de 0.37 chez les femmes prenant une estrogénothérapie substitutive par rapport à celles qui n'en prenaient pas (Bush 1987).

L'effet bénéfique spectaculaire des estrogénothérapie substitutive n'est pas aboli ni diminué par l'association d'un progestagène. Dans la Nurses Health Study (59 337 femmes ménopausées âgées de 30-55 ans initialement et suivies pendant 16 ans) l'incidence d'évènements coronariens majeurs est réduite de 61 % par le THS combiné (par rapport à l'absence de THS) et de 40 % par rapport à l'estrogénothérapie isolée. Les bénéfices liés au THS disparaissent environ 3 ans après son interruption.

Alors que le bénéfice de l'estrogénothérapie substitutive ou du THS est bien établi pour l'insuffisance coronaire, l'effet préventif sur la survenue d'accidents vasculaires cérébraux n'est pas aussi bien démontré. Dans la Nurses Health Study, l'estrogénothérapie substitutive ou la THS n'a pas d'effet (bénéfique ou délétère) sur l'incidence des accidents vasculaires cérébraux. Dans une autre étude réalisée chez des femmes plus âgées (National Health and Nutritional Survey, NHANES), le risque relatif ajusté d'accident vasculaire cérébral est de 0.37 chez les femmes recevant une estrogénothérapie substitutive (Finucane 1993).

Les mécanismes de l'effet bénéfique des estrogènes sur la prévention de l'insuffisance coronaire sont encore hypothétiques. Cet effet ne se limite probablement pas aux seules modifications favorables du métabolisme lipidique. D'autres mécanismes semblent aussi contribuer :

  • effet antioxydant notamment diminution de la peroxydation lipidique et des LDL-oxydées
  • limitation de l'entrée et/ou stimulation de l'efflux des lipoprotéines dans l'intima artérielle
  • diminution de l'aggrégation plaquettaire
  • stimulation de l'activité fibrinolytique endogène
  • amélioration de la vasomotricité coronaire endothéliale dépendante, effet plus sensible en cas d'hypercholestérolémie ou de lésions athéromateuses. Cet effet est peut-être direct, médié par les récepteurs endothéliaux à l'E2
  • effet antiprolifératif myointimal après dénudation expérimentale par "ballonnet".

6. Recommandations

Les recommandations suivantes peuvent être faites pour les femmes ménopausées quelque soit leur âge, à risque de/ou ayant une insuffisance coronaire avérée :

  • estrogénothérapie substitutive comme agent de 1ère ligne dès lors qu'une intervention pharmacologique est décidée pour traiter une hypercholestérolémie
  • estrogénothérapie substitutive en prévention secondaire en cas d'ischémie coronaire symptomatique et/ou après vascularisation coronaire
  • discuter systématiquement l'estrogénothérapie substitutive en prévention primaire chez les femmes ménopausées à risque d'insuffisance coronaire : antécédents familiaux, tabagisme, hypercholestérolémie ou hyperlipoprotéinémie (a).
  • l'estrogénothérapie substitutive doit être combinée à un progestagène si l'utérus est intact
  • la seule contre-indication réelle est représentée par une histoire personnelle ou familiale significative de cancer du sein.

Pr T. Hannedouche

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Mise-à-jour :  Mer 7 mars 2001

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