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2.1 Syndromes de néphropathie glomérulaire
Q264

juin 1999

par

Objectifs

-  Savoir diagnostiquer une néphropathie glomérulaire
-  Décrire l’histologie d’un glomérule normal et les différentes lésions histologiques glomérulaires élémentaires
-  Savoir reconnaître un syndrome glomérulaire et les signes cliniques associés extra-rénaux
-  Connaître les principales maladies générales (diabète, lupus, amylose, vascularites) et les principales maladies infectieuses virales (VIH, VHC, VHB) et bactériennes pouvant se compliquer d’atteinte glomérulaire.
-  Argumenter les procédures diagnostiques et discuter le diagnostic étiologique et différentiel en tenant compte de l’épidémiologie.
-  Savoir expliquer au patient la réalisation d’une biopsie rénale et ses complications éventuelles
-  Connaître les signes de gravité et le pronostic des glomérulopathies chroniques
-  Argumenter les principes du traitement et de la surveillance clinique biologique d’un patient atteint d’une glomérulonéphrite chronique



Les maladies glomérulaires peuvent se présenter par différents symptômes qui peuvent être regroupés en syndromes glomérulaires. L’intérêt d’identifier ces syndromes glomérulaires est qu’ils permettent souvent une orientation étiologique, pronostique et thérapeutique commune.

1. Sémiologie "élémentaire" des néphropathies glomérulaires Les principaux signes ou symptômes observés au cours des néphropathies glomérulaires sont les suivants :

-  La protéinurie constituée majoritairement d’albumine est la caractéristique des néphropathies glomérulaires. La proportion d’albumine et de globuline dépend de la nature de l’atteinte glomérulaire et notamment des propriétés de permsélectivité. La protéinurie est dite "sélective" lorsque la protéinurie est constituée quasi-exclusivement d’albumine et ne comporte pas ou peu de protéines de gros poids moléculaire (immunoglobuline par exemple). En pratique, cette notion de sélectivité est quantifiée par le rapport IgG/albumine urinaire. Un rapport IgG/albumine inférieur à 0,20 témoigne d’une protéinurie sélective comme on peut la voir dans le syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes. Le plus souvent la protéinurie n’est pas sélective, ce qui signifie qu’elle comprend de nombreuses protéines plasmatiques de gros poids moléculaire, en particulier des immunoglobulines. La quantité de protéines est de peu de valeur diagnostique sauf lorsque la protéinurie est très abondante, supérieure à 3 g/24 h, ce qui témoigne pratiquement toujours de lésions glomérulaires. Inversement une protéinurie de faible abondance inférieure à 1 - 1,50 g/24 h peut s’observer au cours d’un grand nombre de maladies rénales même non glomérulaires.

-  L’hématurie est également un signe fréquent mais non constant de néphropathie glomérulaire. Cette hématurie peut être micro- ou macroscopique. L’existence de cylindres hématiques a une grande valeur sémiologique car elle oriente vers la cause glomérulaire de l’hématurie. La présence d’une hématurie macroscopique traduit souvent des lésions glomérulaires prolifératives. Les arguments en faveur de l’origine glomérulaire d’une hématurie sont discutés dans le chapitre "Hématurie".

-  Les oedèmes de la glomérulonéphrite sont liés à une rétention hydrosodée. Ils s’accompagnent toujours d’une prise de poids qui précède l’apparition des oedèmes.

-  L’hypertension artérielle est une complication fréquente des glomérulonéphrites. Elle est quasiment constante au stade d’insuffisance rénale avancée mais très fréquemment rencontrée à un stade plus précoce lorsqu’il existe une néphropathie glomérulaire ou vasculaire à fonction rénale normale.

-  L’insuffisance rénale chronique est la complication redoutée de toutes les maladies rénales. L’incidence de survenue d’une insuffisance rénale terminale est variable selon le type histologique de la glomérulonéphrite, le degré de protéinurie et d’hypertension artérielle.

2. Syndromes de néphropathie glomérulaire

L’association variée de ces différents signes élémentaires permet de définir plusieurs syndromes glomérulaires caractéristiques orientant la démarche diagnostique étiologique et l’urgence diagnostique et thérapeutique.

2.1 Le syndrome d’hématurie macroscopique récidivante. Il s’agit d’hématurie macroscopique faisant souvent suite à un épisode infectieux de la sphère ORL. Il s’associe à une protéinurie variable souvent absente. Ce syndrome d’hématurie macroscopique récidivante fait évoquer 2 diagnostics principaux :
-  la néphropathie glomérulaire à dépôts mésangiaux d’IgA encore appelée maladie de Berger.
-  La néphropathie glomérulaire héréditaire par anomalie constitutive des membranes basales (syndrome d’Alport).

2.2 Le syndrome néphritique aigu. Il s’agit de l’installation brutale en quelques heures ou jours d’une protéinurie (variable souvent < 3g/j mais parfois abondante jusqu’au syndrome néphrotique), d’une hématurie macroscopique avec des cylindres hématiques (la coloration des urines est souvent caractéristique, dite "bouillon sale" ou "coca-cola"), d’une rétention hydrosodée avec hypervolémie. Les oedèmes résultent d’une rétention rénale de sodium, elle-même secondaire à la réduction brutale de la filtration glomérulaire. Ces oedèmes sont viscéraux et périphériques avec souvent un oedème facial ou périorbitaire. Ces oedèmes mettent en jeu le pronostic vital en raison de leur installation brutale et de leur localisation pulmonaire, et/ou cérébrale. L’HTA parfois sévère traduit l’hypervolémie et la rétention hydro-sodée. Enfin, l’insuffisance rénale est fréquente, elle peut être oligoanurique. A côté de cette forme typique qui représente une urgence thérapeutique et diagnostique, il existe un grand nombre de formes atypiques car dissociées et l’hématurie macroscopique peut même manquer. Ces formes se révèlent en apparence sous la forme d’une poussée d’hypertension artérielle ou d’une décompensation cardiaque isolée en apparence, en particulier chez des sujets âgés. Dans ces circonstances, il faut évoquer de principe : un syndrome néphritique aigu et rechercher les anomalies urinaires (protéinurie, hématurie) par la bandelette. La signification du syndrome néphritique aigu est celle d’une hypercellularité intra-glomérulaire aiguë. Ceci correspond sur le plan histologique soit à une glomérulonéphrite endocapillaire pure (type glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse), soit à une glomérulonéphrite membrano-proliférative à début aigu (mais d’évolution chronique par la suite).

2.3. Le syndrome de glomérulonéphrite rapidement progressive. Ce tableau correspond à la constitution en quelques jours ou semaines d’un tableau semblable au syndrome néphritique aigu mais l’hématurie macroscopique est souvent inaugurale, l’hypertension artérielle est moins marquée et peut totalement manquer. l’insuffisance rénale s’aggrave très rapidement mais sans aucune tendance spontanée à régresser. La règle d’or à retenir est que tout syndrome néphritique aigu qui ne commence pas à régresser après 48 heures doit être considéré jusqu’à preuve du contraire, comme une glomérulonéphrite rapidement progressive. Ce syndrome glomérulaire représente une indication urgente et impérative à la biopsie rénale. La glomérulonéphrite rapidement progressive correspond sur le plan histologique à des lésions inflammatoires très sévères, habituellement une glomérulonéphrite extra-capillaire, caractérisée par la présence de croissants cellulaires et souvent de nécrose fibrinoïde. Sans traitement spécifique, ces atteintes rénales évoluent constamment vers une destruction rapide et définitive des reins (voir chapitre "Glomérulonéphrites extra-capillaires").

2.4. Le syndrome néphrotique (voir aussi chapitre "Syndromes néphrotiques") Le syndrome néphrotique a une définition purement biologique. Classiquement, le syndrome néphrotique est défini par l’association d’une protéinurie abondante supérieure à 3 g/24 h (supérieure à 50 mg/kg/jour chez l’enfant), d’une hypoalbuminémie inférieure à 30 g/l et d’une hypoprotidémie inférieure à 60 g/l. Les oedèmes et l’hyperlipidémie sont fréquemment associés au syndrome néphrotique mais ne font pas partie de la définition classique. La définition du syndrome néphrotique est en fait quelque peu arbitraire et il faut savoir que le pronostic d’une atteinte glomérulaire avec une protéinurie abondante persistante de plus de 3 - 4 g/24 h (on parle alors de protéinurie néphrotique), même sans hypoalbuminémie, n’est pas fondamentalement différent de celui d’un syndrome néphrotique.

2.5. Le syndrome de glomérulonéphrite chronique Le syndrome de glomérulonéphrite chronique est caractérisé par des anomalies persistantes du sédiment urinaire et une protéinurie accompagnée par une diminution lente mais inexorable du débit de filtration glomérulaire. Il s’agit d’une présentation fréquente de nombreuses néphropathies glomérulaires. Aucune lésion histologique n’est caractéristique de cette présentation mais une glomérulosclérose extensive globale ou segmentaire avec une fibrose tubulo-interstitielle chronique et une atrophie du parenchyme rénal sont souvent observées. L’hypertension est presque constante dans cette situation.

2.6. Protéinurie et/ou hématurie asymptomatique Ces anomalies sont caractérisées par une hématurie persistante ou récidivante et/ou une protéinurie. La filtration glomérulaire est normale et les symptômes orientant vers l’appareil urinaire, classiquement absents. La protéinurie lorsqu’elle est présente, est inférieure à 3,5 g/jour. L’hypertension artérielle est inconstante. Histologiquement des lésions de type proliférations segmentaires sont fréquemment observées mais de nombreuses anomalies glomérulaires peuvent également être responsables de ce syndrome.

3. Classification des néphropathies glomérulaires.

La classification des néphropathies glomérulaires ne repose pas sur la présentation clinique qui est trop grossière. Le syndrome néphrotique, par exemple, peut correspondre à un grand nombre de maladies glomérulaires très différentes en histologie, en cause, en pronostic et en traitement. La classification des néphropathies glomérulaires repose sur l’histologie. L’avantage de cette classification histologique est que la plupart des lésions histologiques rénales sont maintenant bien caractérisées et qu’il existe une certaine unité sémiologique, pronostique et thérapeutique selon les formes histologiques.

3.1. Néphropathies glomérulaires "primitives" et "secondaires"

La classification histologique classique sépare les formes "primitives" et "secondaires" de néphropathies glomérulaires. On parle de néphropathie glomérulaire primitive lorsqu’une cause précise n’est pas retrouvée à une atteinte rénale glomérulaire bien caractérisée et inversement, on parle de néphropathie glomérulaire secondaire lorsque cette atteinte rénale s’inscrit dans le cadre d’une maladie plus générale bien identifiée. Cette classification primitive et secondaire n’est cependant pas très opérationnelle. Par exemple, la glomérulonéphrite extramembraneuse peut être effectivement idiopathique lorsqu’on n’en retrouve pas l’origine mais peut également, avec la même présentation clinique et histologique, être secondaire à différentes affections très variées comme un cancer du poumon, une hépatite B ou un lupus érythémateux qui peuvent parfois se révéler plusieurs mois ou années après l’atteinte rénale. Inversement un même facteur étiologique, par exemple le virus de l’hépatite B peut être responsable de plusieurs présentations et atteintes histologiques rénales, comme par exemple une glomérulonéphrite extramembraneuse ou une vascularite rénale de type polyartérite noueuse. De même le lupus érythémateux peut être responsable d’une grande variété d’atteintes glomérulaires depuis la glomérulonéphrite extramembraneuse jusqu’à une forme proliférative diffuse. Ces considérations ont des conséquences thérapeutiques très importantes : la même atteinte rénale, par exemple une glomérulonéphrite extramembraneuse, sera traitée par des antiviraux spécifiques si elle est secondaire à une hépatite B ou par des immunosuppresseurs si elle est secondaire à une maladie inflammatoire active, comme un lupus érythémateux.

3.2. Néphropathies glomérulaires "spécifiques" et "non-spécifiques" En pratique, il est préférable de recourir à une classification basée sur l’histologie mais séparant les lésions non spécifiques des lésions plus spécifiques. Les lésions non spécifiques sont bien caractérisées sur le plan histologique mais peuvent être observées au cours de plusieurs affections très différentes. Ces lésions non spécifiques doivent être plutôt considérées comme des lésions élémentaires ayant de nombreuses formes causales. A côté de ces lésions non spécifiques, certaines lésions histologiques sont plus spécifiques à une cause particulière, ce qui en permet généralement plus facilement l’identification.

Les principales formes de lésions dites primitives ou encore non spécifiques, sont les suivantes :
-  les lésions glomérulaires minimes,
-  la hyalinose segmentaire et focale,
-  la glomérulonéphrite extramembraneuse,
-  la glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique,
-  la glomérulonéphrite membrano-proliférative type 1,

Les principales formes de néphropathies glomérulaires dites secondaires et correspondant à des lésions plus spécifiques sont les suivantes parmi lesquelles les 3 premières sont de loins les plus fréquentes :
-  la glomérulosclérose diabétique,
-  la glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux d’IgA (maladie de Berger),
-  les glomérulonéphrites extracapillaires (microvascularites associées aux ANCA, purpura rhumatoide ou syndrome de Goodpasture),
-  la néphropathie lupique,
-  l’amylose rénale,
-  les basalopathies héréditaires (syndrome d’Alport et néphropathie des membranes basales minces),
-  la glomérulonéphrite membrano-proliférative type 2 (maladie des dépôts denses),