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Article paru sur le site NephroHUS
http://nephrohus.org le 10 octobre 2001
2.6 Glomérulonéphrites Extracapillaires
(Q 264, 134)10 octobre 2001
par
Objectifs
Savoir diagnostiquer une glomérulonéphrite rapidement progressive (GNRP)
Expliquer les principaux mécanismes physiopathologiques impliqués
Analyser et hiérarchiser les manifestations devant faire évoquer la maladie
Argumenter les procédures diagnostiques et discuter le diagnostic étiologiques et différentiel Savoir que la GNRP est une urgence diagnostique (PBR) et thérapeutique Argumenter les principes du traitement et de la surveillance
Enoncer et principales thérapeutiques, leur mode d’action et leurs effets indésirables, le bénéfice attendu et justifier les choix d’une attitude thérapeutique
Décrire les modalités de surveillance et les informations à donner au patient
Les vascularites sont des maladies inflammatoires de la paroi vasculaire. Les caractéristiques cliniques et histologiques sont variables et dépendent du site et du type des vaisseaux atteints. La classification actuellement adoptée repose sur le calibre des vaisseaux atteints de façon prédominante et les organes principalement lésés (Nomenclature de Chapel Hill, 1994, Tableau 1). Cette classification reste imparfaite car les causes ou les mécanismes physiopathogéniques sont rarement connus. Parfois des marqueurs sérologiques permettent de rattacher ces vascularites à des ensembles nosologiques mieux définis. Les vascularites peuvent être primitives, ou survenir secondairement à d’autres affections comme le lupus érythémateux ou l’arthrite rhumatoïde.
Tableau 1 : Classification des vascularites (Nomenclature de Chapell Hill)
Type de vascularite Fréquence et type de l’atteinte rénale Vascularites de l’aorte et des gros troncs Artérite temporale giganto-cellulaire (Maladie de Horton) 0 Artérite de Takayashu + (Sténose de l’artère rénale) Vascularites des artères de moyen calibre Polyartérite noueuse +++ (Anévrysmes des AR, Infarctus rénaux) Maladie de Kawasaki 0 Vascularites des petits vaisseaux (microvascularites Microvascularites associées aux ANCA Granulomatose de Wegener +++ (GEC - granulome) Micropolyangéite +++ (GEC - pas de granulome) Angéite granulomateuse de Churg et Strauss + (GEC - granulome Microvascularites sans ANCA Purpura rhumatoïde (dit de Henoch-Schonlein) ++ (GEC - IF + IgA) Vascularite cryoglobulinémique ("mixte essentielle") ++ (GMP - thrombi) Vascularite glomérulaire médiée par des anticorps anti-membrane basale glomérulaire (syndrome de Goodpasture) +++ (GEC - IF + anti MBG) L’atteinte inflammatoire des vaisseaux de gros calibre (aorte, artère rénale principale) et des vaisseaux de moyen calibre (branches de division de l’artère rénale) est responsable respectivement de l’aortite de Takayashu et de la polyartérite noueuse macroscopique. Ces atteintes sont développées dans la section "Néphropathies vasculaires".
L’atteinte inflammatoire des petits vaisseaux du rein concerne de façon prépondérante les artérioles et surtout les capillaires glomérulaires (qui sont aussi des structures vasculaires particulières). L’atteinte glomérulaire inflammatoire se traduit par une glomérulonéphrite extra-capillaire associée à des lésions atériolaires variables selon la cause. Le tableau clinique est habituellement celui d’une glomérulonéphrite rapidement progressive associée de façon variable à des signes extra-rénaux. Ces microvascularites sont détaillées dans ce chapitre.
1. Microvascularites à ANCA
Les microvascularites à ANCA représentent la cause la plus fréquente de vascularites primitives des petits vaisseaux chez l’adulte. Ces microvascularites sont histologiquement identiques, touchant les artérioles, les capillaires et les veinules mais pouvant également atteindre les artères et les veines. Trois sous-groupes sont individualisés (granulomatose de Wegener, micropolyangéite, syndrome de Churg et Strauss) en fonction de la présence ou non de lésions granulomateuses et des organes préférentiellement atteints
Les microvascularites à ANCA peuvent survenir à tout âge mais sont plus fréquentes chez l’adulte âgé de 50 à 60 ans sans prédominance sexuelle. L’incidence annuelle est d’environ 1 à 2 pour 100 000. Les signes précoces sont peu spécifiques : fièvre, asthénie, arthalgies, myalgies, ammaigrissement, élévation de la CRP et du fibrinogène dont la persistance doivent faire rechercher la présence d’anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) et une atteinte pulmonaire et/ou rénale. Un diagnostic précoce des microvascularites à ANCA est indispensable en raison du caractère menaçant vital de l’atteinte pulmonaire ou rénale et leur amélioration radicale par le traitement immunosuppresseur. Des délais dans le diagnostic sont maheureusement fréquents et entrainent une morbidité grave. Lorsque l’atteinte rénale ou pulmonaire se manifeste, l’évolution en est habituellement rapidement progressive.
1.1. La granulomatose de Wegener
Environ 90 % des patients avec une granulomatose de Wegener ont des manifestations des voies aériennes supérieures (sinusite, jettage sinusal purulent, ulcérations muqueuses nasales avec épistaxis, otite moyenne). Des complications plus sévères sont la nécrose du septum nasal avec perforation (aboutissant à la déformation typique du nez en selle) et des lésions du nerf facial par une otite moyenne (paralysie faciale). L’inflammation trachéale et la sclérose sous-glottique causent le stridor et peuvent entraîner des sténoses graves des voies aériennes chez 15 % des adultes et 50 % des enfants. Une minorité de patients manifestent initialement une atteinte respiratoire haute isolée mais la plupart ont par ailleurs une atteinte pulmonaire. L’atteinte pulmonaire est fréquente, responsable de toux, dyspnée, hémoptysies, parfois hémorragies pulmonaires gravissimes. L’inflammation granulomateuse nécrosante pulmonaire entraîne des lésions denses nodulaires radiographiques secondairement excavées alors que la capillarite alvéolaire est responsable d’hémorragies pulmonaires et d’infiltrats plus irréguliers et labiles. L’hémorragie pulmonaire massive induite par la capillarite est la manifestation la plus menaçante sur le plan vital des microvascularites à ANCA.
Environ 80 % des patients avec une granulomatose de Wegener développent une glomérulonéphrite mais seulement 20 % au stade initial de la maladie. L’atteinte rénale se manifeste par une protéinurie glomérulaire, un sédiment urinaire "actif" (hématurie et cylindres hématiques) et une insuffisance rénale rapidement progressive. La glomérulonéphrite extracapillaire est caractérisée par la formation de croissants cellulaires extracapillaires segmentaires ou diffus, des foyers de nécrose focale glomérulaire ou artérielle (nécrose artérielle parfois fibrinoïde) et l’absence de dépôt d’immunoglobuline dans les glomérules et les parois artérielles. D’autres manifestations de la maladie comportent une inflammation oculaire, un purpura et des nodules cutanés, une neuropathie périphérique, des arthrites et différentes atteintes abdominales, viscérales.
La triade classique d’une inflammation granulomateuse de l’arbre respiratoire d’une microvascularite systémique avec glomérulonéphrite nécrosante suggère très fortement le diagnostic de maladie de Wegener. Cependant les granulomes (amas localisés de cellules macrophagiques gigantocellulaires) peuvent ne pas être retrouvés (formes débutantes, échantillons biopsiques insuffisants).
1.2. Polyangéite microscopique
La micropolyangéite est une vascularite nécrosante des petits vaisseaux, sans dépôts immuns et sans granulome. La polyangéite microscopique est responsable du même spectre de manifestations de vascularite des petits vaisseaux que la granulomatose de Wegener mais ne comporte pas d’élément clinique lié à l’inflammation granulomateuse. L’atteinte ORL est tout à fait inhabituelle. Environ 90 % des patients développent une glomérulonéphrite extracapillaire ainsi qu’une atteinte de nombreux autres organes en particulier une capillarite alvéolaire hémorragique. La polyangéite microscopique est la cause la plus fréquente de syndrome pneumo-rénal.
Histologiquement, la polyangéite microscopique entraîne une artérite nécrosante qui est histologiquement identique à celle induite par la polyartérite noueuse mais qui prédomine dans les petits vaisseaux (artérioles, veinules et capillaires). Selon cette définition, la présence d’une veinulite leucocytoclasique cutanée, d’une glomérulonéphrite, d’une capillarite alvéolaire pulmonaire ou d’une vascularite dans n’importe quel vaisseau de calibre inférieur à celui d’une artère est peu compatible avec le diagnostic de polyartérite noueuse et indique une forme de vascularite des petits vaisseaux. Plus rarement l’atteinte glomérulaire est strictement isolée, situation appelée glomérulonéphrite extracapillaire "pauci-immune". Les risques évolutifs rénaux sont cependant les mêmes que dans les formes complètes de micropolyangéite.
1.3. Diagnostic
Le diagnostic repose sur les signes cliniques caractéristiques, la biospie tissulaire (rénale le plus souvent, parfois nasale ou pulmonaire) et la présence d’anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA). Ces anticorps ont habituellement une spécificité pour les enzymes protéinase-3 (PR3) ou myéloperoxidase (MPO) et peuvent être détectés par méthode ELISA. Un test d’immunofluorescence indirecte détecte selon la localisation de la fluorescence nucléaire les anticorps anti-PR3 (cANCA, à distribution cytoplasmique) et les anticorps anti-MPO (pANCA, à distribution péri-nucléaire). La combinaison des test ELISA et IF est recommandée pour augmenter la spécificité au prix d’une faible réduction de la sensibilité. Parfois les ANCA sont complètement négatifs notamment en cas de maladies à expression limitée à l’appareil respiratoire. Le titre des anticorps diminue et peut disparaître complètement lorsque la maladie est en rémission.
1.4. Traitement
Les traitements de la granulomatose de Wegener active et de la micropolyangéite sont analogues et comportent trois phases : l’induction d’une rémission, la maintenance de la rémission, et enfin le traitement des rechutes.
Induction
Le traitement d’induction comporte habituellement du cyclophosphamide (Endoxan®) oral (2 mg/kg/jour, dose à adapter selon l’âge, la fonction rénale et le compte leucocytaire) associé aux corticostéroïdes (prednisolone 1 mg/kg initialement, suivie de doses progressivement décroissantes sur 6 mois). Les corticostéroïdes seuls sont insuffisants chez les patients ayant une maladie généralisée mais l’association de faibles doses de méthotrexate + prednisone permet d’obtenir une rémission chez environ 70 % des patients atteints de forme peu sévère et sans atteinte rénale de maladie de Wegener. Chez les patients ayant une forme menaçante avec glomérulonéphrite rapidement progressive et/ou des hémorragies pulmonaires, il est nécessaire de recourir à un traitement d’induction par méthylprednisolone en "bolus" intra-veineux (méthylprednisolone 10-15 mg/kg/jour pendant 3 jours ) et parfois des échanges plasmatiques. Un traitement combiné par corticostéroïdes et cyclophosphamide induit une rémission complète chez 75-80 % des patients ayant une granulomatose de Wegener ou une micropolyangéite. Le facteur principal de mauvaise évolution rénale est le délai entre le début de l’insuffisance rénale et la mise en route du traitement soulignant encore la nécessité d’un diagnostic précoce.
Entretien
La stratégie ultérieure habituelle est d’arrêter les corticostéroïdes après l’obtention de la rémission habituellement dans les 3 à 6 mois et de continuer le cyclophosphamide ou de convertir à l’azathioprine pendant 6 à 12 mois.
Traitement des rechutes
Environ 50 % des patients ayant une granulomatose de Wegener ou une MPA développent au moins une rechute dans les 5 ans. Le meilleur traitement pour ces rechutes reste controversé mais fait généralement appel à une réinstitution du traitement similaire à celui du traitement d’induction.
Considérations générales
A la fois les glucocorticoïdes et le cyclophosphamide prédisposent à des infections sévères comportant une menace vitale à court terme. La surveillance attentive du compte leucocytaire est indispensable ainsi qu’une prophylaxie systématique de la pneumocystose (cotrimoxazole, Bactrim®) et des mycoses. Un traitement préventif des complications gastriques et osseuses de la corticothérapie doit aussi être entrepris. A plus long terme, le cyclophosphamide peut causer des cystites hémorragiques et une insuffisance gonadique ainsi que des cancers urothéliaux. L’incidence de tumeur vésicale après un premier traitement par cyclophosphamide est d’environ 5 % à 10 ans et 16 % après 15 ans. Les risques et les bénéfices d’une immunosuppression agressive doivent donc être évalués chez chaque patient et le traitement individualisé. Il faut rester vigilant pour le diagnostic et le traitement des complications secondaires à ces formes de traitement.
1.5. Angéite granulomateuse de Churg & Strauss
Le syndrome de Churg & Strauss évolue en 3 phases : une rhinite allergique avec asthme ; une maladie infiltrative à éosinophile, telle qu’une gastroentérite ou pneumopathie à éosinophile ; et une vascularite des petits vaisseaux avec inflammation granulomateuse. La phase vascularitique se développe habituellement dans les 3 ans après le début de l’asthme mais dans certains cas ce délai peut durer plusieurs dizaines d’années.
L’atteinte rénale (glomérulonéphrite extracapillaire) est fréquente mais conduit rarement à l’insuffisance rénale sévère. L’atteinte cutanée (rash, urticaire, nodules), neurologique périphérique et des coronaires est souvent au premier plan. L’artérite coronaire et la myocardite sont les principales causes de morbidité et de mortalité représentant environ 50 % des décès ; ces complications sont améliorées par un traitement précoce. Le diagnostic repose sur la biopsie des organes atteints. Environ 75 % des patients présentent des ANCA, habituellement des ANCA périnucléaires (MPO ANCA). Pratiquement tous les patients ont une éosinophilie sanguine souvent assez importante.
La plupart des patients répondent à une corticothérapie seule à hautes doses mais le recours au cyclophosphamide peut être nécessaire en cas de maladie réfractaire ou récidivante.
Tableau : Définitions diagnostiques des microvascularites à ANCA Granulomatose de Wegener
Inflammation granulomateuse de l’appareil respiratoire
Vascularite nécrosante touchant principalement les petits vaisseaux (capillaires, veinules, artérioles)
Glomérulonéphrite nécrosante fréquente
Micropolyangéite (MPA)
Vascularite nécrosante avec peu ou pas de dépôts immuns touchant les petits vaisseaux (capillaires, veinules, artérioles)
Artérite nécrosante des artères de petit et moyen calibre parfois présente
Glomérulonéphrite nécrosante très fréquente
Capillarite alvéolaire fréquente
Syndrome de Churg et Strauss
Inflammation granulomateuse riche en éosinophiles de l’appareil respiratoire
Vascularite nécrosante des vaisseaux de petit (et moyen) calibres
Eosinophillie sanguine (> 1.5 G/l)
Asthme fréquent
2. Microvascularites sans ANCA
2.1. Purpura rhumatoïde (de Henoch-Schönlein)
Le purpura rhumatoïde est la cause la plus fréquente de vascularite systémique chez l’enfant. Le purpura rhumatoïde est plus fréquent dans l’enfance avec un pic d’incidence autour de l’âge de 5 ans mais peut survenir à tout âge.
2.1.1. Présentation clinique
La maladie démarre le plus souvent après un épisode d’infection de l’appareil respiratoire. Les manifestations les plus fréquentes comportent le purpura vasculaire volontiers déclive et orthostatique, les arthralgies et les douleurs abdominales de type colite et une glomérulonéphrite. Les atteintes neurologiques périphériques et pulmonaires sont par contre inhabituelles. Les adultes ont une maladie généralement plus sévère que les enfants et développent plus souvent une atteinte rénale nécessitant un traitement corticoïde ou immunosuppresseur.
Le diagnostic facilement suspecté est confirmé sur la démonstration histologique dans une biopsie de peau à la jonction dermo-épidermique (1) d’une vascularite leucocytoclasique prédominant dans les veinules post-capillaires (peu spécifique) et (2) de dépôts immuns d’IgA dans les parois vasculaires. Ces dépôts cutanés d’IgA sont cependant inconstants et leur absence n’exclut pas le diagnostic qui ne peut être assuré alors que par la biopsie rénale qui retrouve une glomérulonéphrite segmentaire avec hypercellularité mésangiale et dépôts mésangiaux d’IgA et parfois de fibrinogène. La réalisation d’une biopsie rénale est recommandée chez l’adulte lorsqu’il existe des symptômes urinaires en raison de la fréquence et de la sévérité des lésions glomérulaires chez ce dernier.
L’atteinte rénale n’est pas corrélée avec les signes extra-rénaux. Chez l’enfant l’hématurie microscopique est quasi-constante. Environ la moitié des patients manifestent une protéinurie avec hématurie mais seulement 10 à 20 % développent une insuffisance rénale. L’insuffisance rénale rapidement progressive ou le syndrome néphrotique sont relativement rares. Il existe une corrélation grossière entre l’expression clinique rénale et les anomalies histologiques glomérulaires. Une hématurie asymptomatique traduit généralement une prolifération mésangiale focale. L’apparition d’une protéinurie est volontiers associée à une prolifération cellulaire plus marquée et lorsqu’elle est néphrotique à des croissants extracapillaires. L’exacerbation du syndrome urinaire et l’aggravation histologique des lésions rénales sont observées chez les patients manifestant des épisodes répétés de purpura ou d’hématurie macroscopique.
2.1.2. Pronostic et traitement
Le pronostic global est excellent (rémission complète spontanée chez 95% des enfants et 90% des adultes) et la plupart du temps un traitement symptomatique est suffisant. La principale cause de morbidité à long terme est l’insuffisance rénale terminale survenant chez 5 % des patients à 20 ans, malgré l’absence de signes cliniques d’activité. Le pourcentage de glomérules atteints par la prolifération extracapillaire est le déterminant le plus important de l’avenir rénal. Lorsque le pourcentage de croissant dépasse 50%, 18% des patients développent une IRC et 37% évoluent vers l’insuffisance rénale terminale après un recul de 18 ans. Le traitement des glomérulonéphrites extracapillaires du purpura rhumatoïde peut faire appel aux corticostéroïdes, seuls ou parfois en association avec des immunosuppresseurs (cyclophosphamide, azathioprine).
2.1.3. Diagnostic différentiel
Il est important de noter que le terme de purpura rhumatoïde a été initialement utilisé improprement pour désigner un syndrome clinique (combinaison de purpura, douleurs abdominales et glomérulonéphrite) qui peut correspondre à plusieurs formes très différentes de microvascularite. Le terme de purpura rhumatoïde est maintenant restreint à une entité clinico-pathologique liée à des dépôts vasculaires de complexes-immuns à prédominance d’IgA. La mauvaise utilisation de ce terme chez des patients adultes ayant une vascularite des petits vaisseaux associée aux ANCA et qui se présente avec un syndrome clinique proche peut avoir des conséquences graves car à la différence du purpura rhumatoïde, les microvascularites à ANCA n’ont pas un bon pronostic et doivent être traitées rapidement par un traitement immunosuppresseur.
2.2. Vascularite cryoglobulinémique
Les cryoglobulines sont des immunoglobulines qui précipitent au froid. La cryoglobuline "mixte" consiste en une immunoglobuline M monoclonale de type facteur rhumatoïde complexée à une immunoglobuline G polyclonale. La vascularite se développe lorsque les cryoglobulines se déposent dans les petits vaisseaux. La cryoglobuline "mixte essentielle" correspond à une infection par le virus de l’hépatite C dans plus de 80 % des cas. Les autres causes de cryoglobulines sont représentées par les gammapathies monoclonales, les maladies auto-immunes et les infections chroniques. Les concentrations sériques du complément notamment des fractions C3 et C4 sont typiquement abaissées. Les manifestations cliniques associent un purpura vasculaire, des arthralgies, des nécroses distales, une neuropathie périphérique, des douleurs abdominales et une glomérulonéphrite. Ces manifestations notamment l’acrosyndrome sont volontiers déclenchées par le froid. La biopsie rénale retrouve non pas une GEC mais une glomérulonéphrite membrano-proliférative avec des dépôts sous-endothéliaux d’immunoglobuline et des thombi intraglomérulaires. Au cours de la cryoglobulinémie associée à l’hépatite C, le traitement est dirigé contre l’infection virale. L’interferon alfa pendant 6 mois est efficace mais de nombreux patients rechutent à l’arrêt du traitement. Le traitement corticoïde avec ou sans immunosuppresseur a été utilisé avec succès dans les formes actives et sévères de la maladie. Le rôle des échanges plasmatiques reste mal documenté.
2.3. Syndrome de Goodpasture
La maladie des anticorps anti-membrane basale glomérulaire est caractérisée par la présence d’anticorps circulants dirigés contre un antigène de la membrane basale glomérulaire. L’antigène contre lequel est dirigé ces anticorps est un épitope de 28 kD sur la partie terminale de la chaîne alpha 3 du collagène de type 4. Ces anticorps représentent environ 1 % des IgG circulantes chez ces patients. Lorsque la maladie atteint à la fois le rein et le poumon, elle prend le nom de syndrome de Goodpasture mais l’atteinte rénale ou pulmonaire peuvent être isolées ou encore survenir de façon dissociée dans le temps, espacée de plusieurs mois ou années.
2.3.1. Présentation clinique
L’atteinte rénale est caractérisée par une glomérulonéphrite rapidement progressive avec une protéinurie habituellement non néphrotique et un sédiment urinaire "actif" (hématurie macroscopique, cylindres). L’atteinte pulmonaire est caractérisée par des hémorragies alvéolaires, responsables d’hémoptysie (inconstante, 1/3 des cas seulement), une anémie parfois hyposidérémique, des infiltrats pulmonaires sur les radiographies thoraciques et une augmentation de la diffusion du monoxyde de carbone (DLCO) liée à la présence d’hémoglobine dans les alvéoles. Le plus souvent l’atteinte pulmonaire est favorisée par une lésion pulmonaire préexistante, notamment infectieuse ou liée aux hydrocarbures volatiles (tabac, spray coiffant, décape-four, etc...).
2.3.2. Diagnostic
Le syndrome de Goodpasture doit être suspecté systématiquement devant l’existence d’un syndrome pneumo-rénal d’installation aiguë ou rapidement progressive et comportant des hémorragies alvéolaires. Le principal diagnostic différentiel est celui des micropolyangéites avec capillarite alvéolaire beaucoup plus fréquentes.
Le diagnostic du syndrome de Goodpasture ou de maladie à anticorps anti-membrane basale glomérulaire nécessite la démonstration formelle d’anticorps anti-GBM soit circulants, soit dans le rein. Le diagnostic peut être assuré rapidement dans certains cas par la recherche d’anticorps circulants par immunofluorescence indirecte mais il y a environ 40 % de faux négatifs. Les tests plus sensibles recherchant les anticorps anti-GBM par ELISA sont plus performants (faux négatifs 5 % au maximum) et permettent de monitorer les concentrations d’anticorps circulants.
La réalisation d’une biopsie rénale est indispensable. Celle-ci met en évidence une glomérulonéphrite extracapillaire avec en immunofluorescence la signature diagnostique : des dépôts linéaires d’IgG le long des capillaires glomérulaires et parfois des tubules. La biopsie rénale permet également de quantifier l’importance des lésions : le pourcentage de croissants et l’intensité de la fibrose sont des facteurs pronostiques péjoratifs influençant de façon déterminante les possibilités de récupération et donc l’intensité du traitement nécessaire.
Il existe des formes de chevauchement entre le syndrome de Goodpasture et les micropolyangéites à ANCA. Environ 30 % des patients atteints de syndrome de Goodpasture développent simultanément des anticorps circulants anti-GBM et des ANCA. Les taux respectifs de ces anticorps sont généralement inversement proportionnels. Quelques particularités cliniques sont associées à ces formes associant ANCA et anti-GBM : il peut exister des signes de vascularite systémique, notamment cutanée ou articulaire. L’atteinte glomérulaire extracapillaire répond mieux au traitement lorsqu’il existe des ANCA associés et enfin ces maladies ont un risque plus important de récidiver (comme les microvascularites à ANCA).
2.3.3. Traitement
Le pronostic du syndrome de Goodpasture est globalement sombre. Un grand nombre de ces patients évolue vers l’insuffisance rénale terminale et la mortalité est importante en rapport avec les hémorragies pulmonaires ou l’excès d’immunosuppression. Le facteur le plus important déterminant la réponse au traitement est le diagnostic précoce et la mise en route rapide d’un traitement adapté. Le traitement fait essentiellement appel à des échanges plasmatiques combinés avec une immunosuppression associant prednisone et cyclophosphamide. Le bénéfice des échanges plasmatiques n’a pas été évalué formellement par des essais contrôlés. Cependant, depuis leur introduction dans l’arsenal thérapeutique, l’évolution est favorable chez environ 50 % des patients (contre 10 % auparavant).
Les échanges plasmatiques doivent être accompagnés par une association glucocorticoïdes et cyclophosphamide pour prévenir le rebond de production d’anticorps. L’immunosuppression est généralement continuée pendant une durée de 6 à 12 mois. En l’absence d’anticorps ANCA associés, le syndrome de Goodpasture est une maladie évoluant en une seule poussée. Les indications du traitement immunosuppresseur et des échanges plasmatiques doivent être discutées au cas par cas en fonction de la gravité clinique mais également en fonction de l’atteinte histologique rénale (activité ou fibrose prédominante) et de la fonction rénale initiale.
Globalement les patients ayant une créatinine plasmatique initiale supérieure à 442 µmol/l et plus de 75 % de croissants extracellulaires ont très peu de chance de guérison ou d’amélioration et chez ces patients l’immunosuppression est particulièrement dangereuse. Dans ce contexte, les riques du traitement excèdent les bénéfices a priori très réduits. Inversement les patients ayant une maladie très aiguë chez lesquels les lésions rénales histologiques sont a priori réversibles peuvent bénéficier d’un traitement immunosuppresseur « intensif ».
Les principaux éléments caractéristiques des microvascularites non associées aux ANCA sont récapitulées dans le tableau suivant.
Tableau : Définition des microvascularites sans ANCA Purpura rhumatoïde
Vascularite avec dépôts immuns d’IgA dans les petits vaisseaux (capillaires, veinules, artérioles)
Atteinte cutanée, intestinale et glomérulaire
Vascularite cryoglobulinémique
Vascularites avec dépots immuns de cryoglobuline dans les petits vaisseaux
Cryoglobulinémie circulante
Atteinte essentiellement cutanée et glomérulaire
Syndrome de Goodpasture
Vascularite capillaire par anticorps anti-membranes basales glomérulaire et alvéolaire pulmonaires
Anticorps anti-MBG circulants
Syndrome pneumo-rénal