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5.10 Hyperaldostéronismes Primitifs
(Q 219-130)

18 octobre 2001

par

Objectifs :

Questions
-  Hypertension artérielle

-  Hypokaliémie

-  Alcalose métabolique

-  Prescription des Anti-inflammatoires stéroïdiens (glucocorticoïdes)



1. Circonstances de découverte

1.1. Hypertension artérielle

Un excès en minéralocorticoïdes peut être suspecté chez tout patient ayant la triade hypertension artérielle, hypokaliémie inexpliquée et alcalose métabolique. L’hypokaliémie fortement évocatrice doit être recherchée systématiquement lors de l’évaluation initiale d’un sujet normotendu et avant toute prescription médicamenteuse (pas de diurétique en cas d’hypokaliémie préexistante !).

L’étude familiale systématique de certaines formes rares d’hyperaldostéronisme familial a montré l’expression inconstante soit de l’hypokaliémie soit de l’hypertension artérielle démontrant que des facteurs environnementaux (apport en sel par exemple) modulent considérablement l’expression clinique d’un excès de minéralocorticoïdes.

Dans les formes normokaliémiques d’hyperminéralocorticisme primitif, le diagnostic peut être parfois évoqué secondairement en cas de résistance au traitement usuel ou par la survenue d’une hypokaliémie profonde et persistante sous traitement diurétique.

1.2. Hypokaliémie

L’association d’une hypokaliémie < 3.6 mmol/l en l’absence de traitement diurétique associée à une kaliurèse inadaptée (> 40 mmol/24h, en régime normosodé) et une hypertension artérielle doit faire évoquer en priorité un hyperminéralocorticisme. Le GTTK est habituellement élevé > 10.

La reconnaissance récente de formes normokaliémiques d’hyperminéralocorticisme (jusqu’à 25 % des cas ?) a fait remonter la valeur seuil de kaliémie justifiant l’exploration hormonale. L’analyse par courbe ROC indique cependant que le risque de méconnaître un hyperaldostéronisme est très faible lorsque la kaliémie est >= 3,9 mmol/l.

En pratique il semble justifié de réaliser une exploration hormonale lorsque l’hypertension artérielle est sévère ou résistante, si la kaliémie est régulièrement < 3.9 mmol/l ou si la kaliémie baisse franchement sous traitement diurétique.

1.3. Alcalose métabolique

L’excès en minéralocorticoides est associé à une augmentation de la réabsorption sodée, avec expansion volémique, une hypokaliémie avec kaliurèse élevée, une excrétion nette d’acide augmentée (stimulation de l’ammoniogénèse) et une réduction de la filtration glomérulaire. Le degré d’alcalose métabolique est lié à la sévérité de l’hypokaliémie. La particularité est l’augmentation de la chlorurèse > 20 mmol/l témoignant d’une expansion volémique.

Au cours des hyperaldostéronismes primitifs, la concentration plasmatique de bicarbonate est > 30 mmol/l dans 85 % des cas et > 40 mmol/l dans 40 %.

2. Diagnostic

L’évaluation séquentielle d’un patient ayant une hypertension artérielle et une hypokaliémie doit comprendre les tests suivants :

2.1. Kaliurèse

L’hypokaliémie induite par l’excès de minéralocorticoïde résulte d’une fuite urinaire de potassium. Le recueil des urines de 24 heures obtenu en l’absence de tout traitement diurétique met en évidence une fuite urinaire inappropriée de potassium définie par une concentration urinaire de potassium supérieure à 30 mmol/jour chez un patient hypokaliémique [1].

Dans certains cas, le calcul du gradient transtubulaire de potassium (GTTK) peut être nécessaire pour reconnaître l’origine rénale de la perte de potassium et le rôle d’un excès de minéralocorticoïdes.

2.2. Activité rénine plasmatique

La mesure de l’activité rénine plasmatique doit être réalisée lorsque la fuite urinaire de potassium a été mise en évidence. Une valeur élevée traduit l’existence d’un hyperaldostéronisme dit secondaire.

Les principales causes d’hyperaldostéronisme secondaire et d’hyperréninisme sont :

-  l’hypertension traitée par un diurétique, de loin le cas le plus fréquent,
-  l’hypertension rénovasculaire,
-  l’hypertension artérielle maligne
-  exceptionnellement une tumeur sécrétant de la rénine (réninome) observée plutôt chez les sujets jeunes. Le réninome est le plus souvent situé au niveau du rein et peut être mis en évidence par le scanner. L’ablation chirurgicale de la tumeur guérit la maladie.

Inversement la mise en évidence d’une activité rénine plasmatique basse, généralement inférieure à 1 ng/ml/h témoigne d’une expansion volémique et donc d’un excès primitif en minéralocorticoïdes. Les différentes causes d’hyperminéralocorticisme peuvent être différenciées entre elles en mesurant la concentration plasmatique d’aldostérone et l’excrétion urinaire des métabolites de l’aldostérone.

2.3. Aldostérone plasmatique ou urinaire

-  Hyperaldostéronismes primitifs

La situation la plus fréquente est l’augmentation de la concentration plasmatique d’aldostérone supérieure à 30 ng/dl ou une augmentation de l’excrétion urinaire d’aldostérone des 24 heures (supérieure à 15 µg/jour). La persistance de la sécrétion d’aldostérone malgré l’hypervolémie témoigne du caractère autonome de la sécrétion d’aldostérone en rapport avec soit un adénome de Conn soit une hyperplasie surrénalienne bilatérale.

-  Autres formes d’hyperminéralocortiscismes primitifs

Dans certains cas plus rares, la concentration plasmatique d’aldostérone est effondrée ce qui suggère la présence et l’action d’autres minéralocorticoïdes que l’aldostérone. Les principales circonstances sont les suivantes :

2.4. Rapport aldostérone/rénine

La présence de hautes concentrations plasmatiques d’aldostérone et d’une activité rénine plasmatique basse au cours de l’hyperaldostéronisme primitif a fait proposer d’utiliser le rapport aldostérone plasmatique/activité rénine plasmatique comme une méthode de dépistage de cette affection.

Ce rapport constitue un bon examen de débrouillage à condition de le réaliser dans des conditions strictes, standardisées et d’établir ses propres valeurs de références. Le test doit être réalisé chez des patients en position assise depuis au moins 5 minutes, après correction de l’hypokaliémie par supplémention en potassium et après arrêt de tout traitement antihypertenseur modifiant le système rénine angiotensine, notamment diurétiques, IEC et fortes doses de bétabloqueurs.

La valeur moyenne du rapport AP/ARP est 4 à 5 chez les sujets témoins normotendus et chez les patients avec hypertension artérielle essentielle contre plus de 30, voire 50 chez la plupart des patients ayant un hyperaldostéronisme primitif. La combinaison d’une concentration plasmatique d’aldostérone supérieure à 20 ng/dl et d’un rapport AP/ARP supérieur à 30 a une sensibilité et une spécificité de 90 % pour le diagnostic d’hyperaldostéronisme primitif.

Le rapport AP/ARP pourrait par contre être indiqué chez des patients ayant une hypertension sévère ou résistante, situation où il est généralement rentable de dépister et rechercher une cause spécifique. Il est dans ce cas plus difficile d’interrompre les médicaments antihypertenseurs. Enfin il faut rappeler que ce test ne détecte pas les patients qui ont un excès de minéralocorticoïdes autres que l’aldostérone.

3. Principales causes d’hyperminéralocorticisme primitif

Sur une base clinique, trois sous-groupes d’hyperminéralocorticisme peuvent être schématiquement distingués selon le niveau de rénine et d’aldostérone circulante.

-  L’hyperaldostéronisme est secondaire à l’activation du système rénine-angiotensine (rénine élevée). L’hyperaldostéronisme secondaire s’observe au cours de diverses formes d’hypertension comme l’hypertension artérielle maligne, l’hypertension rénovasculaire et les rarissimes tumeurs sécrétant de la rénine (réninome).

-  L’hyperminéralocorticisme peut être primitif, lié à l’excès de production d’un minéralocorticoïde actif. Dans 90% des cas le minéralocorticoide responsable est l’aldostérone. Les hyperaldostéronismes primitifs sont liés pour 2/3 des cas à un adénome surrénalien et dans les cas restants à une hyperplasie bilatérale de la surrénale ou à des formes rares d’hyperminéralocorticismes sporadiques ou familiaux. L’hypertension est dans ce cas induite par la rétention hydrosodée et l’expansion volémique qui freine la sécrétion de rénine et d’angiotensine II (rénine circulante basse ou effondrée).

-  Il existe signes d’activité excessive des minéralocorticoïdes mais liée à un agent autre que l’aldostérone. Dans ce cas, la rénine et l’aldostérone plasmatiques sont effondrées.

Il s’agit des syndromes adrénogénitaux (hypersécrétion de désoxycorticostérone) et des syndromes de Cushing (hypersécrétion de cortisol), de toutes les situations s’accompagnant d’une diminution d’activité de la 11-béta-hydroxystéroïde déshydrogénase (syndrome d’excès apparent en minéralocorticoïde). La diminution de l’activité 11-béta-HSD peut être soit génétique soit acquise notamment en présence d’un inhibiteur comme l’acide glycérrhétinique contenu dans la réglisse, le zan, l’antésite ou en présence d’un fort excès de cortisol endogène circulant (Cushing tumoraux).

On en rapproche le syndrome de Liddle (ou "pseudo-hyperaldostéronisme"), une maladie génétique rare, à transmission autosomique dominante, liée à une mutation d’une sous-unité du canal épithélial sodium dans le tube cortical (ce canal est l’une des principales protéines cibles de l’aldostérone dans cette cellule). La mutation est dite "activatrice" car elle simule une hyperactivité de l’aldostérone en augmentant la réabsorption de sodium en échange de la sécrétion de potassium et de proton.

3.1. Hyperaldostéronisme primitif (syndrome de Conn)

L’hyperaldostéronisme primitif est défini par l’augmentation de la concentration plasmatique d’aldostérone supérieure à 30 ng/dl ou une augmentation de l’excrétion urinaire d’aldostérone des 24 heures (supérieure à 15 µg/jour).

Le caractère primitif et autonome de la sécrétion d’aldostérone peut être mis en évidence par par l’absence de freination après perfusion de soluté salé isotonique ou mieux après 5 jours de fludrocortisone (0.4 mg/j pendant 5j) associée un régime hypersodé. La concentration plasmatique d’aldostérone descend en-dessous de 6 ng/dl chez les sujets normaux alors que la persistance de valeurs supérieures à 10 ng/dl est très évocatrice d’hyperaldostéronisme primaire (les valeurs intermédiaires entre 6 et 10 n’ont pas de valeur diagnostique). Ce test a une bonne sensibilité diagnostique s’il est réalisé dans de bonnes conditions, c’est-à-dire chez des patients en position allongée et relativement normokaliémiques, sans supplémentation potassique.

Adénome versus hyperplasie

Une fois que le diagnostic d’hyperaldostéronisme primitif non suppressible a été établi, il faut distinguer un adénome unilatéral ou rarement un carcinome d’une hyperplasie bilatérale. L’adénome surrénalien représente environ 65 % des cas et doit être enlevé chirurgicalement. L’hyperplasie est généralement une maladie d’expression plus modérée avec moins d’hypersécrétion d’aldostérone et d’hypokaliémie. L’hyperplasie doit être traitée médicalement essentiellement par des antagonistes de l’aldostérone.

Les valeurs des différents tests de suppression pour discriminer entre l’hyperplasie bilatérale et l’adénome ne sont pas suffisamment fiables pour être exploitées en clinique. L’augmentation des concentrations plasmatiques et urinaires des dérivés 18 hydroxylés de l’aldostérone (18-hydroxycorticostérone) et du cortisol (18-oxocorticol) est retrouvée chez un grand nombre de patients avec un adénome mais jamais au cours de l’hyperplasie.

Le diagnostic d’adénome est généralement établi sur des examens d’imagerie en mettant en évidence une masse surrénalienne unilatérale par scanner ou RMN. Ces tests ont une sensibilité globale de 70 - 80 % chez des patients avec un hyperaldostéronisme primitif. Ils sont plus précis lorsqu’il n’existe qu’une masse unilatérale unique. Cependant, l’absence de tumeur visible n’exclut pas l’adénome car des lésions de moins de 10 mm de diamètre peuvent être méconnues par l’imagerie et par ailleurs des lésions bilatérales ne sont pas pathognomoniques d’hyperplasie car certains patients ont un aldostéronome fonctionnel d’une glande surrénale et un nodule surrénalien non fonctionnel de l’autre.

La scintigraphie au iodo-cholestérol 131 (un précurseur de l’aldostérone) est plus sensible et spécifique que le scanner ou la RMN surrénalienne pour la mise en évidence d’une lésion fonctionnelle unilatérale.

En cas de doute ou surtout lorsqu’il n’y a aucune anomalie surrénalienne sur l’imagerie classique, un prélèvement veineux surrénalien peut être réalisé pour distinguer entre un adénome unilatéral et l’hyperplasie bilatérale. Une atteinte unilatérale produit une augmentation marquée, habituellement plus de 10 fois de la concentration d’aldostérone du côté de la tumeur alors qu’il n’y a pas de différence entre les deux côtés avec l’hyperplasie bilatérale. Le test peut être sensibilisé par l’administration préalable d’ACTH et il faut de plus mesurer simultanément la concentration de cortisol pour être sûr que le prélèvement est bien fait dans les veines surrénales et non pas dans la veine cave.

3.2. Glucocorticoïdes

3.2.1. Syndrome de Cushing

L’hypertension est présente chez environ 80 % des patients ayant un syndrome de Cushing. L’hypertension peut être sévère manométriquement, voire maligne. Cette hypertension est volontiers compliquée d’hypertrophie ventriculaire gauche, électrique et échocardiographique. La sévérité de l’hypertension pourrait être liée en partie à l’abolition du rythme nycthéméral (chute nocturne de la pression artérielle) observée à la fois chez les patients atteints de syndrome de Cushing ou après administration exogène de glucocorticoïdes.

La présence de l’excès de corticoïdes est habituellement facilement suggérée par les signes cliniques cushingoïdes, l’obésité centrale, les écchymoses, les stries abdominales et l’hirsutisme. Le degré d’hypersécrétion d’ACTH et de cortisol et donc l’incidence de l’hypokaliémie sont plus importants dans les formes liées à une sécrétion ectopique d’ACTH que lors d’un adénome hypophysaire (50 versus 10 %).

En cas de syndrome de Cushing par sécrétion ectopique d’ACTH, l’excès de cortisol dépasse les capacités cataboliques de la 11 hydroxy-stéroïd-deshydrogenase (11-HSD) et stimule directement le MR ce qui est responsable du tableau clinique.

3.2.2. Glucocorticoïdes exogènes.

L’hypertension est une complication relativement rare chez les patients prenant des glucocorticoïdes exogènes car ces dérivés stéroïdiens ont généralement une activité minéralocorticoïde inférieure à celle du cortisol. Le risque augmente cependant de façon importante en cas de maladie rénale sous-jacente ou de traitement conjoint par cyclosporine comme c’est le cas en particulier après transplantation rénale.

3.3. Formes génétiques d’HTA stéroïdiennes

3.3.1. Syndrome de Liddle (pseudo-hyperaldostéronisme de type 1)

Le syndrome de Liddle se manifeste précocément au cours de la vie par une hypertension artérielle sévère souvent compliquée d’accident vasculaire cérébral et associée à une hypokaliémie avec alcalose métabolique. Cette affection familiale est transmise selon un mode autosomique dominant. Les études génétiques ultérieures ont démontré une pénétrance variable en terme d’hypertension artérielle et/ou d’hypokaliémie.

Cette affection peut évoluer vers l’insuffisance rénale terminale qui résulte de la sévérité de l’hypertension, et/ou de l’hypokaliémie chronique. L’hypertension artérielle est liée à l’expansion volémique et se singularise par l’absence mesurable de tout minéralocorticoïde (aldostérone, cortisol) et un système rénine-angiotensine effondré et non stimulable ("pseudo-hyperaldostéronisme"). La spironolactone ainsi que l’adrénalectomie sont inefficaces dans cette affection. Par contre, l’amiloride (Modamide®) à dose souvent élevée (10 à 30 mg/jour) est efficace. A noter que la transplantation rénale corrige l’ensemble des anomalies (y compris une réponse normale de la rénine et de l’aldostérone à la déplétion sodée et à l’orthostatisme) indiquant que l’hypertension et l’hypokaliémie sont liées à une anomalie rénale (8).

L’anomalie génétique sous-tendant le syndrome de Liddle est une mutation activatrice d’une des sous-unités du canal sodium épithélial ENaC, présent dans la membrane apicale des cellules principales du tube collecteur cortical. Cette mutation est responsable d’une activation constitutionnelle du canal sodium (augmentation de la probabilité ouverture de ce canal) ce qui favorise l’augmentation de la réabsorption sodée. Cette dernière est responsable de l’expansion volémique, de l’hypertension artérielle et de la suppression du système rénine-angiotensine, avec atrophie de l’appareil juxta-glomérulaire. L’augmentation de l’électro-négativité luminale est responsable de l’augmentation de l’excrétion rénale de potassium et de l’hypokaliémie.

3.3.2. Excès apparent en minéralocorticoïdes de type 1 (AME-1)

Le syndrome d’excès apparent en minéralocorticoïdes de type 1 (AME-1) est une affection génétique rare qui associe une hypertension artérielle, une hypokaliémie et une alcalose métabolique. Cette affection est caractérisée par une hypertension artérielle juvénile sévère, volontiers compliquée, notamment d’accident vasculaire cérébral. L’alcalose métabolique et l’hypokaliémie sont marquées, parfois responsables de rhabdomyolyse.

Biologiquement, la rénine, l’aldostérone et tous les minéralocorticoïdes connus et dosables sont effondrés dans le sang. La particularité est l’effondrement de toutes les métabolites urinaires de la cortisone (E) avec un rapport (THF + allo-THF) / THE urinaire augmenté. Ce profil métabolique témoigne d’un déficit fonctionnel en 11-hydroxystéroïde déshydrogénase (11-HSD).

La 11-b-HSD2 est un enzyme unidirectionnel transformant le cortisol endogène (capable de se lier au récepteur aux minéralocorticoides, MR) en cortisone incapable de se lier au MR. Ce mécanisme de protection prérécepteur permet d’assurer la sélectivité de l’action des minéralocorticoïdes au niveau du tube collecteur cortical en présence de concentrations élevées de glucocorticoïdes. L’absence de 11-béta-hydroxystéroïde déshydrogénase active permet au cortisol d’accéder au récepteur et de fonctionner comme un puissant minéralocorticoïde au niveau du néphron distal, favorisant la rétention sodée et l’excrétion de potassium.

Le déficit fonctionnel en 11-HSD résulte de la mutation du gène HSD 11 béta 2 codant pour l’isoforme rénale de l’enzyme 11-HSD2. L’affection, transmise sur un mode autosomique récessif, résulte d’une homozygotie favorisée par les consanguinités.

La mutation est responsable d’une anomalie de l’inactivation du cortisol dans le tube collecteur rénal : la demi-vie du cortisol est augmentée à 120-190 min. contre 80 normalement. Le cortisol a une capacité équivalente à celle de l’aldostérone à se fixer et à activer MR et la perte de la spécificité de la liaison de l’aldostérone sur MR expose ce récepteur aux concentrations physiologiques de glucocorticoïdes qui sont environ 1000 fois supérieures à celle de l’aldostérone.

Le traitement de l’AME de type 1 fait appel au régime désodé et la supplémentation en chlorure de potassium. La spironolactone est efficace ainsi que l’adrénalectomie. La dexaméthasone est également partiellement efficace en raison du blocage de l’axe corticotrope-cortisol et d’un effet agoniste relativement faible sur le récepteur des minéralocorticoïdes. Formes acquises d’AME

Certaines substances naturelles ou médicamenteuses peuvent également transitoirement inactiver l’enzyme 11-HSD2 et induire un tableau clinique et biologique réversible d’AME. Il s’agit de flavonoïdes (présents par exemple dans le jus de pamplemousse) et surtout de l’acide glycyrrhétinique substance naturelle contenue dans la réglisse, le zan, la carbenoxolone ou le pastis sans alcool et responsables des tableaux d’hypertension artérielle avec hypokaliémie sévère induits par la consommation à forte dose de ces produits.

Enfin, le cortisol endogène circulant en quantité massive peut parfois dépasser les capacités métaboliques de la 11-ß-HSD fonctionnellement normale. Cette situation s’observe dans les maladies de Cushing sévères ou les syndromes de production ectopique d’ACTH avec un hypercortisolisme endogène majeur.

3.3.3. Hyperaldostéronisme sensible aux corticoïdes

L’hyperaldostéronisme suppressible par les glucocorticoïdes (GRA, pour "glucocorticoïd remediable aldosteronism") est une forme rare d’hyperplasie surrénale au cours de laquelle l’hypersécrétion d’aldostérone peut être supprimée par un traitement glucocorticoïde. L’hyperminéralocorticisme est lié à un gène chimérique (aldostérone synthase + promoteur de la 11ß-hydroxylase sensible à l’ACTH) [2].

Le GRA est une maladie génétique transmise selon un mode autosomique dominant. Cette maladie rare doit être suspectée sur la notion d’une histoire familiale d’hypertension artérielle et la survenue précoce de l’hypertension avant l’âge de 21 ans. La concentration plasmatique de potassium est normale dans plus de la moitié des cas à la différence des hyperaldostéronismes primitifs liés à un adénome surrénalien. Un autre signe devant faire suspecter la possibilité d’un GRA est la survenue d’une hypokaliémie lors de l’administration d’un diurétique thiazidique.

Le GRA peut êtrez suspecté devnt la suppression prolongée et à un niveau très bas de l’aldostéronémie sous déxaméthasone (Dectancyl®, 2mg/j pendant 5j). Le diagnostic de GRA est établi sur l’hypersécrétion marquée de produits oxydés en C18 du cortisol, 18-hydroxycortisol et 18-oxocortisol. La confirmation génétique repose sur démonstration du gène hybride par l’analyse de l’ADN du sang périphérique.

Le traitement fait appel à l’administration exogène de faibles doses de glucocorticoïdes, dexaméthasone ou prednisone, qui corrigent l’hyperproduction d’aldostérone en diminuant la libération de l’ACTH et aboutissant habituellement à la normalisation de la pression artérielle. La dose de glucocorticoïde doit être suffisante pour corriger l’excès d’aldostérone mais inversement tout surdosage doit être soigneusement évité.

3.3.4. Hyperplasie surrénale congénitale

Des déficits peuvent affecter chacun des enzymes impliqués dans la synthèse surrénalienne des stéroïdes. Ces déficits sont transmis selon un mode autosomique récessif et les défauts moléculaires spécifiques sont maintenant bien identifiés. Les manifestations résultent de concentrations inadéquates des produits terminaux de la synthèse des stéroïdes, en particulier le cortisol. La concentration basse de cortisol stimule la sécrétion d’ACTH qui entraîne à son tour l’accumulation des stéroïdes précurseurs proximaux au bloc enzymatique et stimule la stéroïdogénèse des voies qui ne sont pas bloquées. Les manifestations cliniques de l’hyperplasie congénitale surrénale sont souvent évidentes à la naissance mais varient largement selon le degré du bloc enzymatique et les variétés de stéroïdes sécrétés par les glandes surrénaliennes hyperplasiques. Le traitement fait globalement appel aux glucocorticoïdes, habituellement du cortisol à doses suffisantes, pour bloquer la libération de l’ACTH.

La forme la plus commune est le déficit en 21-hydroxylase, responsable de plus de 90 % de toutes les formes d’hyperplasie surrénale congénitale. Ce déficit n’est pas associé à une hypertension artérielle mais par contre à une haute prévalence de tumeurs surrénales bénignes.

Les deux formes d’hyperplasie surrénale congénitale au cours desquelles l’hypertension artérielle est présente, sont les déficits en 11-hydroxylase où la 11 désoxycorticostérone et les androgènes surrénaliens sont présents en excès (chez l’homme : développement sexuel précoce, chez la femme : virilisation) et le déficit en 17-hydroxylase qui se manifeste également par un excès en désoxycorticostérone mais un déficit de la production des androgènes (chez l’homme : pseudohermaphrodisme, chez la femme : absence de développement sexuel secondaire). Ces deux formes sont associées à une hypertension artérielle avec hypokaliémie et excès de différents minéralocorticoïdes.


[1] L’interprétation doit être faite en tenant compte de la volémie et de l’excrétion sodée. Le patient ne doit pas être en régime désodé ou hypovolémique (natriurèse inférieure à 50 mmol/jour) car la diminution de l’excrétion de sodium et surtout de son débit au niveau du site distal de sécrétion du potassium peut diminuer l’excrétion de potassium même chez les patients avec un hyperaldostéronisme

[2] Les sujets normaux synthétisent l’aldostérone dans la zone glomérulée de la corticosurrénale qui est dépourvue de l’enzyme 17-hydroxylase requise pour la synthèse du cortisol mais pas dans la zone fasciculée sensible à l’ACTH qui ne possède pas les enzymes requis pour ajouter la fonction aldéhyde à la corticostérone en position C18. Les patients avec un GRA ont une production d’aldostérone sensible à l’ACTH, survenant dans la zone fasciculée. L’anomalie en cause dans toutes les familles atteintes de cette maladie est un gène chimérique sur le chromosome 8 qui contient la région de régulation de la 11-béta-hydroxylase, l’enzyme qui assure la conversion du déoxycortisol en cortisol et la séquence codante du gène de l’aldostérone synthase (18-hydroxylase). La séquence promotrice confère la sensibilité à l’ACTH et la localisation dans la zone fasciculée de la synthèse d’aldostérone.