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Article paru sur le site NephroHUS
http://nephrohus.org le 5 octobre 2000


Potassium : Diagnostic de l’Hypokaliémie

Première publication : septembre 1999
Mise en ligne :
5 octobre 2000

par

OBJECTIFS

-  Savoir définir une hypokaliémie et connaître les principales complications associées

-  Connaître la démarche diagnostique devant une hypokaliémie

-  Connaître les principales causes d’hypokaliémie et leurs caractéristiques diagnostiques



Généralités

L’hypokaliémie est définie par une diminution de la concentration plasmatique de potassium inférieure à 3,5 mmol/l. L’hypokaliémie est l’une des anomalies hydroélectrolytiques les plus fréquemment rencontrées en médecine clinique.

Conséquences et complications de l’hypokaliémie

La plupart des patients avec une hypokaliémie chronique sont asymptomatiques et la concentration plasmatique de potassium abaissée est découverte par hasard sur un examen sanguin systématique.

Lorsque la concentration plasmatique de potassium descend au-dessous de 3 mmol/l, peuvent survenir une faiblesse musculaire, induite en partie par les modifications du potentiel de membrane de repos, une polyurie- polydypsie liées à une résistance tubulaire à l’hormone antidiurétique.

L’hypokaliémie peut également prédisposer à des modifications électrocardiographiques, comme une dépression du segment ST, un aplatissement de l’onde T et l’apparition d’une onde U ainsi que diverses arythmies cardiaques en particulier chez les patients prenant des digitaliques ou ayant une insuffisance coronaire aiguë. Dans ce dernier contexte, la libération d’adrénaline par le stress peut contribuer à aggraver l’hypokaliémie. L’hypokaliémie augmente à la fois l’automaticité et le délai de repolarisation. Il en résulte divers types d’arythmie, notamment une ectopie ventriculaire prématurée, un bloc atrio-ventriculaire et même une tachycardie ou une fibrillation ventriculaire.

voir la figure "Apparition d’une onde U (après l’onde T) et pseudo-allongement de QT caractéristique des modifications ECG de l’hypokaliémie".

voir la figure Modifications séquentielles de l’ECG selon le degré d’hypokaliémie (voir texte).

Outre le risque d’arythmie ventriculaire déjà évoqué, l’hypokaliémie peut favoriser l’augmentation de pression artérielle. L’effet antihypertenseur des diurétiques thiazidiques est diminué par l’hypokaliémie et majoré par la réplétion potassique. De plus, la pression artérielle semble davantage sodium-dépendante en présence d’une hypokaliémie. Selon la dose et l’apport sodé jusqu’à 50 % des patients traités par diurétiques, notamment de longue durée d’action et thiazidiques peuvent développer une hypokaliémie en-dessous de 3,5 mmol/l. Malgré le bénéfice du traitement de l’hypertension artérielle, l’hypokaliémie induite par les diurétiques peut avoir des conséquences importantes en majorant le risque de mort subite chez les hypertendus traités par diurétiques thiazidiques en l’absence de diurétiques épargneurs du potassium.

L’hypokaliémie altère à la fois la libération d’insuline et la sensibilité à l’insuline des organes-cibles ce qui aggrave l’hyperglycémie chez les patients diabétiques.

La déplétion potassique aboutit à diverses anomalies neuromusculaires. L’hypokaliémie polarise les cellules musculaires squelettiques en diminuant la capacité de contraction. La déplétion potassique diminue également le débit sanguin aux muscles squelettiques, ce qui peut prédisposer à la rhabdomyolyse, notamment en cas d’exercice intense. Ces différents effets aboutissent à une faiblesse musculaire, une fatigabilité, à la survenue de crampes et de myalgies. Une paralysie est plus inhabituelle mais peut survenir en cas de déficit potassique très profond.

L’hypokaliémie affecte de façon importante l’homéostasie acido-basique. L’hypokaliémie entraîne une alcalose métabolique en stimulant la réabsorption tubulaire proximale de bicarbonate et l’ammoniogénèse et en diminuant l’excrétion urinaire de citrate. L’hypokaliémie entraîne une acidification intracellulaire et inhibe la sécrétion d’aldostérone. Dans certains cas (acidose tubulaire rénale), une hypokaliémie sévère aboutit à une paralysie musculaire respiratoire et au développement d’une acidose respiratoire.

Une hypokaliémie entraîne souvent une polyurie modérée de 2 à 3 litres par jour liée à la fois à une augmentation de la soif et à un diabète insipide néphrogénique modéré.

L’hypokaliémie chronique et sévère en association avec un hyperaldostéronisme peut aboutir à la formation de kystes rénaux. Ces kystes développés aux dépens de l’épithélium du tube collecteur sont souvent associés à des cicatrices interstitielles. La correction de l’hypokaliémie fait régresser les kystes. En augmentant l’ammoniogénèse et l’accumulation médullaire d’ammonium, l’hypokaliémie stimule l’activation du système complémentaire (formation de C3-amidé) générateur d’inflammation et de fibrose interstitielle. Au moins expérimentalement, une supplémentation en bicarbonate diminue l’ammoniogénèse et réduit la fibrose interstitielle associée à l’hypokaliémie indépendamment des modifications du potassium sérique.

voir la figure Néphropathie hypokaliémique au stade initial : fines vacuoles dans les cellules tubulaires proximales. (H & E x 480)

voir la figure Néphropathie hypokaliémique : stade tardif avec de larges vacuoles intracytoplasmiques déplacant les noyaux. (H & E x 430)

L’hypokaliémie contribue au développement ou aggrave les symptômes de l’encéphalopathie hépatique. L’hypokaliémie en effet augmente l’ammoniogénèse dans le tube proximal et 50 % environ de cette production repasse dans la circulation systémique sous la forme d’ammoniaque. En cas d’insuffisance hépatique, la quantité d’ammoniaque est suffisante pour développer ou aggraver les symptômes d’encéphalopathie hépatique.

Causes des hypokaliémies

L’apport alimentaire normal en potassium est d’environ 1 mmol/kg/jour davantage en cas d’alimentation riche en légumes et en fruits. L’adaptation rénale à la conservation du potassium permet d’excréter un minimum de 5 à 25 mmol/jour, même en présence d’une déplétion potassique sévère. Une hypokaliémie liée à un apport alimentaire insuffisant en potassium n’est donc pas possible en-dehors d’une cause supplémentaire de pertes potassiques, comme un traitement diurétique ou un régime hypocalorique riche en protéines pour une perte de poids (régime amaigrissant rapide).

L’alcalose, soit métabolique, soit respiratoire, favorise la rentrée de potassium dans les cellules. Cet effet direct de l’élévation du pH extracellulaire est relativement modéré avec une baisse de la concentration plasmatique de potassium de - 0,4 mmol/l pour chaque augmentation de 0,1 Unités pH. Cependant l’hypokaliémie est très souvent associée à l’alcalose métabolique probablement parce que le mécanisme de la maladie sous-jacente (diurétiques, vomissements, hyperaldostéronisme) induit à la fois une perte urinaire de protons et de potassium.

L’insuline fait rentrer le potassium dans les cellules musculaires squelettiques et les cellules hépatiques en augmentant l’activité de la pompe Na-K-ATPase. Cet effet est particulièrement marqué avec l’administration d’insuline chez des patients en acidocétose diabétique ou avec une hyperglycémie importante sans cétose.

Les catécholamines agissant via les récepteurs béta 2 adrénergiques font rentrer le potassium dans les cellules en augmentant l’activité de la Na-K-ATPase. Une hypokaliémie transitoire peut être observée dans toute situation s’accompagnant d’une hyperadrénergie induite par le stress, comme au cours des maladies aiguës, de l’ischémie coronaire ou de l’intoxication à la théophylline. De même l’administration d’agonistes béta-adrénergiques tels que l’albutérol, la terbutaline ou la dopamine utilisés pour traiter l’asthme, l’insuffisance cardiaque ou prévenir un accouchement prématuré peuvent induire une hypokaliémie de plus de 0,5 à 1 mmol/l. Cet effet hypokaliémiant de l’adrénaline peut être bloqué par un bétabloqueur non sélectif mais inversement un bétabloqueur sélectif béta 1 ne confère aucune protection.

Il s’agit d’une maladie rarissime caractérisée par des épisodes de paralysie ou de faiblesse musculaire pouvant toucher les muscles respiratoires et donc avec un risque léthal potentiel. Au cours des poussées aiguës déclenchées par le repos après un exercice, le stress ou un repas riche en glucides, la kaliémie peut descendre jusqu’à 1,5 à 2,5 mmol/l. La paralysie périodique hypokaliémique peut être soit génétique, soit acquise.
Dans la forme génétique, transmise selon un mode autosomique dominant, il existe dans la plupart des cas une mutation ponctuelle sur la sous-unité alpha 1 du canal calcium sensible aux dihydropyridines du muscle squelettique. La mutation de ce canal aboutit à une augmentation du calcium intracellulaire mais le lien entre ce phénomène et l’hypokaliémie reste mal éclairci.
La forme acquise s’observe chez des patients hyperthyroïdiens, notamment d’origine asiatique et de sexe masculin. L’hormone thyroïdienne augmente l’activité de la NaK-ATPase et l’hyperthyroïdie pourrait chez certains sujets susceptibles (mutation d’un canal calcium ?) favoriser l’expression phénotypique d’une anomalie génétique sous-jacente.
Le traitement fait appel à l’administration de 60 à 120 mmol de chlorure de potassium qui permet habituellement de corriger une poussée aiguë en l’espace de 15 à 20 minutes. L’administration d’un bétabloqueur non sélectif est indiquée à la fois dans la forme génétique et acquise.

L’anabolisme cellulaire intense, notamment des cellules hépatopoïétiques s’accompagne d’une captation de potassium et d’une hypokaliémie. Cette circonstance est plus fréquemment observée au cours de l’administration de vitamine B12 ou d’acide folique pour traiter une anémie mégaloblastique ou de l’administration de GMCSF pour traiter une neutropénie.
Certaines cellules métaboliquement actives peuvent également capter le potassium après que le sang ait été prélevé. Ceci se voit au cours des leucémies myéloïdes aiguës avec une hyperleucocytose importante. Dans ce cas, la concentration mesurée plasmatique de potassium peut être artificiellement abaissée de 1 mmol/l si le sang est conservé à la température ambiante.

L’intoxication au baryum et par la chloroquine peut causer une hypokaliémie sévère inférieure à 2 mmol/l pour la chloroquine. Ces médicaments bloquent les canaux potassium de la membrane cellulaire.

Les pertes de liquide gastrique ou intestinal de toutes causes (vomissements, diarrhées, laxatifs, drainage digestif) sont associées à une perte de potassium et une hypokaliémie. La concentration de potassium dans les liquides digestifs bas est relativement élevée, 20 à 50 mmol/l. L’origine digestive de l’hypokaliémie rend compte d’une kaliurèse basse et d’un GTTK également effondré.
Inversement la concentration en potassium du liquide gastrique est seulement de 5 à 10 mmol/l et la déplétion potassique dans ce contexte est essentiellement liée à une perte urinaire de potassium. En effet, la soustraction de liquide gastrique acide induit une alcalose métabolique et la fuite urinaire de potassium. Un élément diagnostique est la concentration abaissée de chlore urinaire dans ce contexte.

Les pertes liquidiennes du tractus gastro-intestinal bas sont riches à la fois en bicarbonate et en potassium, ce qui est responsable habituellement d’une acidose métabolique tout du moins en aigu. Chez les patients ayant des diarrhées induites ou en cas d’abus de laxatifs plus ou moins occulte ou chez les patients ayant des diarrhées prolongées sur des périodes importantes par exemple à la suite d’un adénome villeux ou d’une tumeur sécrétant du VIP (vipome), l’acidose métabolique peut être au contraire remplacée par une alcalose métabolique hypokaliémique. Dans ce cas, l’alcalose est attribuée à la contraction volémique induite par les déplétions prolongées.

L’hypokaliémie secondaire à un abus de laxatifs peut être parfois difficile à mettre en évidence d’autant qu’elle s’associe parfois à un abus de diurétiques. La recherche de diurétiques dans les urines et une sigmoïdoscopie à la recherche d’une mélanose colique peut s’avérer utile chez les patients prenant des laxatifs de type antracène pendant plus de 4 mois. En cas de laxatif phénolphtaléine, l’alcalinisation des selles produit une couleur rose. Avec les catartiques contenant du magnésium ou du phosphate, la mesure directe de ces composés dans les selles peut confirmer le diagnostic.