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Article paru sur le site NephroHUS
http://nephrohus.org le 5 octobre 1999


Lithiase urinaire : Formes cliniques

Première publication : septembre 1999
Mise en ligne :
5 octobre 1999

par

Généralités

La lithiase urinaire est définie comme un agrégat cristallin survenant dans le système collecteur de l’appareil urinaire (à la différence de la néphrocalcinose où ces agrégats cristallins surviennent dans le parenchyme rénal) et qui a atteint une taille suffisante pour aboutir à des manifestations cliniques ou être visibles par l’imagerie.


Epidémiologie

Dans les pays occidentaux, la lithiase urinaire est pratiquement toujours rénale. 0,1 à 0,4 % de la population développe une lithiase rénale chaque année et environ 8 à 15 % de la population des pays occidentaux développent une lithiase rénale à un moment donné de leur vie. La lithiase rénale tend à récidiver et le taux de récidive est d’environ 75 % à 20 ans.

La plupart du temps, la lithiase rénale est une maladie relativement bénigne sans grandes conséquences cliniques à long terme mais cependant responsable d’un nombre important d’arrêts de travail. Dans quelques pourcents des cas, la lithiase rénale est sévère et aboutit directement ou indirectement à la perte de la fonction rénale. Ce sont ces formes graves de lithiase qui nécessitent d’être identifiées, évaluées à la recherche d’une cause nécessitant un traitement spécifique.

Formes de la lithiase rénale

La lithiase oxalo-calcique représente 80 à 85 % des formes de lithiase. Ces lithiases sont parfois associées à du phosphate de calcium.

Dans environ 50 % des cas, on retrouve une hypercalciurie favorisant la lithiase oxalo-calcique. L’hypercalciurie est définie par une excrétion urinaire de calcium supérieure à 0,1 mmol/kg de poids/jour dans les deux sexes (4 mg/kg).
En-dehors de quelques formes spécifiques peu fréquentes, le mécanisme de l’hypercalciurie n’est pas bien connu et celle-ci est donc dite "hypercalciurie idiopathique".

Dans environ 2 à 5 % des cas de lithiase hypercalciurique, la calcémie est élevée parfois très modérément ce qui doit faire rechercher une cause hormonale :

Dans environ la moitié des cas, la lithiase calcique ne s’associe pas à une hypercalciurie franche.

La plupart de ces formes correspondent soit à des anomalies métaboliques anciennes transitoires, soit à la cristallisation et la formation de calculs liée à un apport hydrique insuffisant, (le débit de calcium et d’oxalate urinaire sont normaux mais la concentrations est élevée au dessus du seuil lithogène) ou soit encore à des anomalies constitutionnelles des voies urinaires aboutissant à des défauts subtils de la composition urinaire (Maladie de Cacci-Ricci) avec hypercalciurie et tendance à l’acidose.

voir la figure "Maladie de Cacci-Ricci ou ectasie canaliculaire précalicielle : aspect macroscopique, la médullaire comporte de nombreux tubes collecteurs dilatés et kystiques.

voir la figure "Maladie de Cacci-Ricci : dilatations kystiques précalicicielles (médullaires) contenant des concrétions non-calciques (matrice potentielle de calculs)

voir la figure "Néphrocalcinose au cours d’une forme sévère de maladie de Cacci-Ricci"

Le pH urinaire est un déterminant majeur de la supersaturation en acide urique et la formation de calculs. Un pH urinaire acide de 5, même en cas de concentration normale en acide urique urinaire (inférieure à 800 mg/24 h ou /l) peut aboutir à une supersaturation et favoriser la lithogénèse. Le pH urinaire, c’est-à-dire la concentration en protons libres dans l’urine est déterminée par la quantité d’acide endogène nette produite et la proportion de cette acidité excrétée soit sous forme d’ammonium, soit sous forme d’acidité titrable. Lorsque l’acidité peut être éliminée sous forme d’ammoniurie (ammoniaque + proton), la concentration urinaire de proton libre diminue et le pH urinaire augmente. Les sujets développant une lithiase urique semblent excréter l’acidité urinaire davantage sous la forme dacidité titrable que sous la forme dammoniurie.

La quantité d’acide urique endogène et donc l’excrétion urinaire dépend essentiellement chez l’individu sain de la consommation alimentaire de purines à partir de la viande, de la volaille et du poisson. Certains patients atteints de goutte ont une hyperproduction modérée d’acide urique ; celle-ci étant par ailleurs fortement augmentée dans certains défauts génétiques rares du métabolisme des purines comme le syndrome de Lesch et Nyhan. Les patients avec un syndrome myéloprolifératif peuvent produire des quantités massives d’acide urique à l’occasion d’une chimiothérapie (syndrome de lyse tumorale). Les sujets ayant des diarrhées chroniques sont à risque de développer une lithiase uratique en raison de la déshydratation de l’acidose métabolique chronique induite par la perte de base dans la diarrhée et donc des urines acides. Le traitement par probénécid et par larges doses de salicylés favorise l’excrétion d’acide urique urinaire et prédispose également à la formation des calculs uriques.

voir la figure "Calcul d’acide urique pur. La surface est homogène, microcristalline, de couleur beige-orangé.

voir la figure "Section d’un calcul d’acide urique : aspect arrondi, lisse et brun à l’extérieur ; structure laminée typique à l’intérieur.

voir la figure "Cristallurie d’acide urique"

La base du traitement de la lithiase urique repose sur l’hydratation, la modération des purines alimentaires, l’alcalinisation des urines et, si nécessaire, l’administration d’allopurinol (Zyloric®). L’alcalinisation particulièrement importante est assurée sous la forme soit de bicarbonate, soit de citrate et doit viser à obtenir un pH urinaire supérieur à 6 mais inférieur à 7 tout au long du jour et de la nuit. Si le pH urinaire diminue l’acétazolamide peut être utilisé mais avec le risque d’une acidose métabolique hypokaliémique systémique modérée. Un pH urinaire supérieur à 7 doit être évité car celui-ci favorise le risque de lithiase oxalo-calcique.
Dans certains cas des lithiases oxalocalciques peuvent être favorisées par une nucléation hétérogène liée à des quantités importantes d’acide urique urinaire. Dans ces cas, l’allopurinol semble pouvoir avoir un effet favorable sur la formation de lithiase oxalocalcique.

    3) Lithiase phospho-ammoniaco-magnésienne encore appelée struvite ou lithiase d’infection

Ces lithiases se forment uniquempent lorsque l’urine est infectée par des bactéries possédant l’équipement enzymatique pour dégrader l’urée. La plupart des espèces de Protéus et de Providencia possèdent cette uréase de même que Klebsiella Pneumoniae, Serratia Marcesens, Ureoplasma Urealiticum et certains Hemophilus.
L’uréase bactérienne hydrolyse l’urée pour former de l’ammoniaque NH3, du gaz carbonique CO2, de l’eau et consomme un proton durant l’hydrolyse ce qui aboutit à une augmentation du pH urinaire. Dans cette urine alcaline, l’ammoniaque NH3 s’hydrolyse spontanément en hydroxyde d’ammonium et en bicarbonate. Le pH urinaire très alcalin favorise la dissociation des phosphates en phosphates trivalents favorisant la formation de struvite (phosphate ammoniaco-magnésien) et de carbonate apatite. Cette cascade d’évènements est totalement dépendante de la présence de l’uréase bactérienne.
Les lithiases de struvite peuvent survenir secondairement à d’autres calculs obstructifs et favorisant une infection. Les calculs de struvit peuvent augmenter rapidement de taille et remplir le système collecteur rénal aboutissant à la formation de calculs coraliformes. L’hématurie est fréquente de même que l’insuffisance rénale consécutive à l’obstruction et à l’infection.

voir la figure "Macroscopie d’un rein : calculs coraliformes obstructifs

voir la figure "Volumineux calcul coraliforme moulant le bassinet. La surface est de couleur et de structure hétérogène avec des couches incomplètes témoignant d’une croissance rapide.

voir la figure "Section d’un calcul de phosphates calcique et magnésien : structure concentrique avec alternance de couches claires et sombres. Le noyau souvent excentré témoigne d’un croissance rapide et souvent asymétrique.

voir la figure "Radiographie sans préparation : volumineux calculs coraliformes bilatéraux. Ces formes s’accompagnent de lésions rénales interstitielles et d’insuffisance rénale.

Lablation chirurgicale des calculs est rarement efficace car tout fragment lithiasique résiduel contient des germes qui sont le nid d’une formation de nouveaux calculs. La néphrolithotomie percutanée peut être utilisée pour essayer d’éradiquer complètement les calculs de struvite.
Une antibiothérapie chronique peut diminuer la progression de la maladie mais est rarement curative. L’uréase bactérienne peut être inhibée par l’acide acétohydroxonamique qui ralentit la vitesse de formation des calculs. L’utilisation de ce produit est limitée par ses nombreux effets secondaires.
Globalement, le traitement des lithiases de struvite est difficile mais cependant important car ces formes de lithiases évoluent souvent vers la néphrectomie et/ou linsuffisance rénale.

    4) Lithiase cystinique

La cystinurie est une maladie héréditaire rare définie par un défaut tubulaire du transport des aminoacides dibasiques aboutissant à laugmentation de l’excrétion urinaire de cystine, d’ornithine, de lysine et d’arginine. Les lithiases urinaires se forment habituellement au cours de la troisième ou quatrième décennie, mais une représentation retardée est parfois possible.
En raison du contenu en souffre de la molécule de cystine, les calculs volumineux, souvent coraliformes, bilatéraux sont visibles sur les radiogaphies d’abdomen sans préparation. Un petit calcul isolé cependant peut être faiblement visible et passer inaperçu.

voir la figure "Lithiase cystinique : Les lithiases volumineuses sont habituellement radio-opaques en raison de la présence de l’atome soufre dans ces calculs.

voir la figure "Lithiase cystinique, faite de gros cristaux, non acérés, polygonaux, de couleur brun jaune-clair.

voir la figure "Cristallurie cystinique. La présence de tels cristaux hexagonaux dans l’urine est toujours pathologique.

La cystine est un acide aminé très peu soluble à 300 mg/l à pH neutre. La quantité normale de cystine éliminée dans l’urine, environ 30 à 50 mg/jour est facilement soluble dans un volume urinaire normal de 1 litre. Chez des patients cystinuriques homozygotes excrétant entre 250 et 1000 mg de cystine quotidiennement, la cystine insoluble précipite et favorise la formation de calculs. Les sujets cystinuriques hétérozygotes excrètent des quantités intermédiaires avec un risque lithogène plus faible.
Il existe au moins 3 types distincts de cystinurie, classifiés en fonction des anomalies de transport intestinal associées. Dans la cystinurie de type 1, des mutations du gène pour le transporteur des aminoacides dibasiques (SLC 3 A1) ont été découvertes. Les défauts moléculaires dans la cystinurie de type 2 et de type 3 ne sont pas pour l’instant déterminés.

Le traitement de la cystinurie vise à diminuer la concentration urinaire de cystine en-dessous des limites de la solubilité. Le précurseur de la cystine, la méthionine, est un acide aminé semi-essentiel et il est donc difficile de réduire son apport alimentaire. L’augmentation du volume urinaire à 3-4 litres par jour est l’approche initiale mais peu pratique et souvent insuffisante. L’augmentation du pH urinaire au-delà de 7,5 augmente la solubilité de la cystine mais cet objectif est souvent difficile à obtenir, surtout à maintenir sur une période de temps prolongée. La thiopronine (Acadione®) ou la D-pénicillamine (Trolovol®) se lient à la cystine et réduisent la supersaturation urinaire en formant un disulfide mixte soluble avec la cystine. Ces médicaments présentent de nombreux effets secondaires liés à leur groupement sulfhydrile (SH) qui en limite l’usage et les font réserver aux lithiases compliquées et toujours en complément des traitements précités. L’intérêt du captopril (Lopril®) aux doses actuellement utilisées (< 150 mg/j) reste encore très controversé.

P.S.

LECTURES RECOMMANDÉES

-  Pak CY. Kidney stones. Lancet 1998 ;351:1797
-  Bushinsky DA. Nephrolithiasis. JASN 1998 ; 917