Fermer la fenêtre
Votre IP : 209.237.238.224
Article paru sur le site NephroHUS
http://nephrohus.org le 5 octobre 2000


Vascularites : Classification

Première publication : septembre 2000
Mise en ligne :
5 octobre 2000

par

OBJECTIFS

-  Comprendre la classification des vascularites
-  Apprécier la valeur des critères diagnostiques proposés par l’ARA



La vascularite peut être définie comme une inflammation du mur pariétal vasculaire. Les vascularites peuvent avoir de nombreuses causes infectieuses ou inflammatoires. La classification actuelle (classification de Chapel Hill 1994) distingue les différentes vascularites en fonction du type de vaisseaux atteints :

voir la figure "Représentation schématique des vaisseaux et l’atteinte par les vascularites"

1. Vascularites des gros vaisseaux qui atteignent par définition l’aorte et ses branches principales (artérite de Takayashu ou artérite giganto-cellulaire, dite de Horton).



Ces deux artérites des gros vaisseaux comportent habituellement une phase active inflammatoire initiale mais peuvent évoluer au stade tardif de la maladie vers des processus de sclérose chronique. Ces deux types d’artérite peuvent occasionnellement toucher les reins. Le point d’impact majeur au niveau rénal, par le biais de l’hypertension artérielle, par exemple hypertension réno-vasculaire, lorsque l’atteinte inflammatoire de l’aorte atteint l’ostium ou l’une des grosses branches artérielles du rein.

2. Vascularites des vaisseaux de moyen calibre (artère viscérale principale, rénale, hépatique, coronaire, mésentérique).



3. Vascularites des petits vaisseaux.

Ces vascularites atteignent préférentiellement les petits vaisseaux comprenant les artérioles, les capillaires y compris capillaires glomérulaires et/ou les veinules. Occasionnellement, ces vascularites peuvent s’accompagner d’atteinte d’artères de plus gros calibre.

La classification de ces vascularites des petits vaisseaux se fait en fonction des organes préférentiellement atteints et d’autre part de la présence ou non de certains anticorps circulants ou tissulaires. On peut ainsi distinguer 4 formes de vascularite des petits vaisseaux :

voir la figure "Représentation schématique des chevauchements nosologiques entre les formes de vascularites"

a) Vascularites nécrosantes pauci-immunes à ANCA.

Les vascularites pauci-immunes à ANCA comprennent :



b) Vascularite à anticorps anti-membrane basale.

Cette vascularite est responsable d’un syndrome pneumo-rénal dit syndrome de Goodpasture. Il existe des formes limitées à expression soit pulmonaire soit rénale. Dans ce dernier cas le cadre nosologique est équivalent à celui dune glomérulonéphrite extracapillaire liée à des anticorsps anti-membrane basale glomérulaire.

voir la figure "Anticorps anti-membrane basle glomérulaire au cours d’un syndrome de Goodpasture : fixation linéaire des IgG sur la membrane basale in immunofluorescence."

c) Vascularite à complexes immuns.

Ces vascularites sont caractérisées par des dépôts d’immunoglobulines ou de complexes immuns au niveau des lésions vasculaires des petits vaisseaux. Deux formes principales sont distinguées : le purpura rhumatoïde et la vascularite cryoglobulinémique.



Remarques

Un cas particulier représenté par l’angéite leucocytoclastique cutanée qui est par définition une angéite exclusivement cutanée sans signe d’atteinte systémique ou de glomérulonéphrite.

voir la figure "Vascularite leucocytoclasique sur une biopsie cutanée"  : dépots pariétaux de fibrine dans une veinule post-capillaire avec un infiltrat angiocentrique mixte neurophilique et lymphocytique. Cet aspect non spécifique peut être observé dans un grande nombre de vascularites (lupus, arthrite rhumatoide, connectivte mixte, Sjögren, maladie de Behcet, polychondrite).

Avant de retenir ce diagnostic, il est nécessaire d’exclure toute forme de vascularite systémique car des patients avec une granulomatose de Wegener ou microangéite, un syndrome de Churg et Strauss, un purpura rhumatoïde, une vascularite cryoglobulinémique peuvent manifester une angéite leucocytoclastique cutanée en plus de l’atteinte vascularitique des autres sites. Les patients ayant une angéite leucocytoclastique avec des dépôts d’immunoglobulines ou de complexes immuns ou associés à des ANCA ont un risque beaucoup plus important d’avoir une vascularite systémique. Il est important de noter que certains patients peuvent développer initialement une atteinte leucocytoclastique cutanée isolée mais secondairement une atteinte systémique d’une vascularite des petits vaisseaux.

Le terme vascularite d’hypersensibilité autrefois très utilisé ne devrait plus être employé car ce terme suggère à tort que ces formes sont secondaires à des médicaments. D’autre part les critères retenus par l’ACR correspondent à plusieurs maladies très différentes. La plupart des vascularites d’"hypersensibilité " sont mieux caractérisées par le terme polyangéite microscopique ou angéite leucocytoclasique cutanée.

Critères Diagnostiques des Vascularites

En 1990, l’American College of Rhumatology (ACR) a établi, à partir d’une banque de données de 800 patients atteints de vascularite et étudiés prospectivement, une série de critères pour classer les vascularites en vue dessais cliniques.
Plusieurs remarques doivent être faites concernant ces critères de classification :

  1. l’approche est essentiellement épidémiologique servant à comparer différents groupes de malades et leur évolution,
  2. ces critères ont établi avant la reconnaissance et l’utilisation des ANCA qui ont bouleversé la classification des micro-vascularites.
  3. ces critères cliniques ont une forte valeur d’orientation mais ne dispensent en rien de la confirmation histologique qui reste indispensable.


Ces critères ne permettent pas un diagnostic dans les formes paucisymptomatiques, ni parmi les multiples expressions cliniques et pathologiques des vascularites des petits vaisseaux. Par exemple, un patient de 20 ans ayant une vascularite des petites vaisseaux, un purpura, une angéite leucocytoclasique, des myalgies, une multinévrite et une glomérulonéphrite correspond à 3 maladies différentes selon les critères de lACR : vascularite d’hypersensibilité, purpura rhumatoïde, polyartérite noueuse pour lesquelles les orientations thérapeutiques sont résolument différentes.


Artérite de Takayashu

Le diagnostic d’artérite de Takayashu est retenu lorsque 3 parmi les 6 critères suivants sont présents. La sensibilité et la spécificité sont de 90,5 et 97,8 % respectivement.

  1. âge de début de la maladie inférieur ou égal à 40 ans.
  2. Claudication des membres.
  3. Diminution des pouls de l’une ou deux artères brachiales.
  4. Différence d’au moins 10 mmHg de pression artérielle systolique entre les deux bras.
  5. Souffle sur l’une ou les deux artères sous-clavières ou l’aorte abdominale.
  6. Aspect artériographique de rétrécissement ou d’occlusion de l’aorte globale de ces branches principales ou des artères de gros calibre proximales des membres supérieurs ou inférieurs et non liés à l’athérosclérose, à une dysplasie fibromusculaire ou d’autres causes.
    voir la figure "Occlusion de l’artère sousclavière droite au cours d’une maladie de Takayashu"

Artérite giganto-cellulaire de Horton

La présence de 3 parmi les 5 critères suivants a une sensibilité de 94 % et une spécificité de 91 % pour le diagnostic :

  1. âge supérieur à 50 ans au début de la maladie,
  2. céphalées localisées d’apparition récente,
  3. sensibilité ou diminution du pouls de l’artère temporale,
  4. vitesse de sédimentation supérieure à 50 mm/heure,
  5. sur la biopsie artérielle : artérite nécrosante avec une prédominance de cellules mononuclées ou d’un processus granulomateux avec des cellules giganto-cellulaires multinuclées.
    voir la figure Artérite temporale responsable d’une induration palpable de l’artère temporale.
    voir la figure "Artérite gigantocellulaire temporale au cours d’une maladie de Horton". Biopsie de l’artère temporale. A gauche inflammation granulomateuse et lymphocytique de l’adventice et de la paroi. A droite rupture de la limitante élastique.

Lorsqu’on exclut l’augmentation de la vitesse de sédimentation mais que la sensibilité du scalp, une claudication de la joue ou de la langue ou des troubles de la déglutition sont présents, la sensibilité diagnostique est de 95 % et la spécificité de 91 %.

Périartérite noueuse

Le diagnostic de périartérite noueuse est retenu lorsque 3 parmi les 10 critères suivants sont présents avec une sensibilité et une spécificité de 82 et 87 % respectivement :

  1. amaigrissement de + de 4 kg sans explication apparente,
  2. livedo reticularis,
  3. douleurs ou sensibilité testiculaires,
  4. myalgies (à l’exclusion de l’épaule ou de la hanche, faiblesse, multinévrite),
  5. mono ou multinévrite,
  6. pression artérielle diastolique supérieure à 90 mmHg d’installation récente,
  7. créatinine plasmatique augmentée supérieure à 132 µmol/l,
  8. sérologie positive pour l’hépatite B,
  9. anomalies artériographiques caractéristiques à l’exclusion d’une origine athéromateuse fibrodysplasique, etc...
    voir la figure "Microanévrysmes artériels rénaux au cours d’une PAN"
  10. biopsie d’une artère de petit ou moyen calibre contenant des polynucléaires.


Maladie de Kawasaki

Le diagnostic requiert la présence d’une fièvre durant depuis au moins 5 jours sans autres explications et associée à au moins 4 des 5 critères physiques suivants :

  1. injection conjonctivale bilatérale,
  2. lésions muqueuses orales incluant des lèvres injectées ou fissurées, un pharynx érythémateux ou une langue framboisée,
  3. des signes cutanés distaux incluant un érythème palmo-plantaire ou un oedème des mains ou des pieds (phase aiguë) et une desquamation périunguéale (phase de convalescence),
    voir la figure "Erythème palmaire et lèvres rouges fissurées chez un enfant atteint de maladie de Kawasaki"
  4. un rash polymorphe,
  5. des adénopathies cervicales (au moins une adénopathie supérieure à 1,5 cm de diamètre).


Ces critères sont imparfaits car il existe des formes atypiques ou incomplètes de maladie de Kawasaki. De plus, certains patients peuvent présenter 5 ou 6 signes liés à d’autres pathologies.

Angéite de Churg et Strauss

Le diagnostic est retenu lorsque 4 ou plus parmi les 6 critères suivants sont présents avec une sensibilité de 85 % et une spécificité de 99,7 % :

  1. asthme (bradypnée ou sifflement expiratoire),
  2. éosinophilie supérieure à 10 %,
  3. mono ou multinévrite,
  4. opacités pulmonaires migratrices ou transitoires sur les radiographies pulmonaires,
  5. anomalies sinusiennes paranasales,
  6. biopsie contenant au moins un vaisseau avec l’accumulation d’éosinophile extravasculaire.
    voir la figure "Vasculite et infiltration éosinophilique au cours d’un syndrome de C&S : nécrose fibrinoide intimale et éosinophilie extravasculaire marquée".

Granulomatose de Wegener

Le diagnostic est retenu lorsque 2 ou plus parmi les 4 critères suivants sont présents :

  1. Inflammation nasale ou orale (ulcérations orales douloureuses ou pas ou mouchage purulent ou sanglant).
  2. Nodule à infiltrat fixe ou cavité sur la radiographie thoracique.
    voir la figure "Pneumopathie excavée au cours d’une maladie de Wegener"
  3. Sédiment urinaire actif (hématurie macroscopique ou cylindres hématiques).
  4. Inflammation granulomateuse sur la biopsie d’une artère ou d’une zone périvasculaire.


Selon ces critères, la sensibilité est de 88 % et la spécificité de 92 %. Ces critères ont été cependant établis avant la disponibilité des ANCA. Pratiquement 100 % des malades avec une maladie de Wegener présentent des ANCA habituellement de spécificité anti-protéinase 3 (PR 3). Cependant ces critères diagnostiques même associés à des ANCA positifs ne sont pas suffisamment spécifiques pour dispenser de l’histologie pour confirmer le diagnostic.

Vascularite d’hypersensibilité

Dans la classification de l’ACR, la vascularite d’hypersensibilité correspond à plusieurs diagnostics dont le purpura rhumatoïde, la cryoglobulinémie mixte, et les microvascularites à ANCA. Comme souligné antérieurement, les critère proposés ne permettent pas de différencier parfaitement les différents types de vascularite des petits vaisseaux et notamment ne différencient pas un purpura rhumatoïde d’une maladie sérique. Le terme de vascularite d’hypersensibilité ne devrait plus être utilisé et devrait être remplacé par les diagnostics correspondants :


Diagnostic différentiel des vascularites

De nombreuses maladies non de type peuvent se présenter avec des symptômes ou des signes qui simulent ceux des diffférentes vascularites. Parmi ceux-ci notamment les maladies rhumatologiques systémiques, comme le lupus érythémateux. D’autres maladies doivent être évoquées compte tenu d’une présentation analogue :

  1. dysplasie fibro-musculaire
  2. athéro-embolies de microcristaux de cholestérol,
  3. myxome de l’oreillette emboligène,
  4. endocardite infectieuse,
  5. certains cancers (notamment la granulomatose lymphomatoïde),
  6. les mycoses systémiques avec embolies systémiques et anévrysmes mycotiques,
  7. les bactériémies,
  8. l’ergotisme (affecte essentiellement les artères musculaires de moyen et petit calibre),
  9. les thrombopénies et autres maladies associées à un purpura,
  10. la fibrose radique,
  11. la neurofibromatose,
  12. la coarctation congénitale de l’aorte.


En pratique, les diagnostics les plus importants à éliminer sont les infections profondes au cours lesquelles la mise en route d’un traitement immunosuppresseur aurait des conséquences vitales catastrophiques.

P.S.

LECTURES RECOMMANDÉES

-  Jennette JC et al. Nomenclature of systemic vasculitides. Arthritis & Rheumatism 1994 ;37:187
-  Jennette JC, Falk RJ. Small-vessel vasculitis. New Engl J Med 1997 ;337:1512
-  Jennette JC et al. Diagnostic predictive value of ANCA serology. Kidney Int 1998 ; 53:796