|
|
       
|
|
|
|
OBJECTIFS
- Connaître les facteurs favorisant la crise aiguë sclérodermique
- Apprécier l'intérêt du traitement antihypertenseur par les IEC
|
|
 |
PLAN DU CHAPITRE
|
|
|
Définition et épidémiologie
La sclérodermie est un ensemble hétérogène de conditions ayant en commun une atteinte cutanée comportant une peau épaissie et sclérotique. La sclérodermie systémique ou sclérose systémique est une maladie généralisée du tissu connectif caractérisée par des modifications inflammatoires et dégénératives qui aboutissent à une fibrose intense et généralisée. La peau et les tissus sous-cutanés sont atteints de façon prédominante mais un certain nombre d'organes viscéraux peuvent être touchés notamment l'intestin, les poumons, le coeur et les reins.
La sclérodermie systémique est une maladie rare avec une incidence d'environ dix nouveaux cas par million d'habitants et par an et une prévalence environ dix fois supérieure. Il y a une forte prédominance chez les femmes (sex ratio 3/1). Les études autopsiques montrent que 80 % des patients atteint de sclérodermie ont une atteinte rénale. L'atteinte rénale clinique est moins fréquente : 50 % des patients manifestent une protéinurie de faible abondance, une augmentation modérée de la créatinine plasmatique et/ou une hypertension artérielle. La plupart de ces patients ont un bon pronostic rénal et il est probable que cetains d'entre eux ont des anomalies urinaires ou une hypertension qui n'est pas directement liée à la sclérodermie. L'atteinte rénale sévère encore appelée "crise aigüe rénale sclérodermique" se développe chez 10 à 15 % des patients.
Facteurs de risque :
L'atteinte rénale survient habituellement tôt dans l'évolution de la maladie et pratiquement toujours dans les cinq premières années. Plusieurs facteurs de risque de survenue de l'atteinte rénale ont été identifiés ; le plus important de ces facteurs est une atteinte cutanée diffuse en particulier si sa progression est rapide. Dans une série de 753 patients, l'incidence de la crise aigüe rénale était de 12.4 % chez les sujets avec une sclérodermie cutanée diffuse contre 1.6 % chez ceux ayant une sclérodermie cutanée limitée.
La crise aigüe survient souvent au cours des mois froids suggérant un rôle favorisant du vasospasme induit par le froid qui pourrait exacerber l'ischémie rénale et l'hypersécrétion de rénine.
La crise sclérodermique est plus fréquente chez les sujets noirs (21 % chez les sujets noirs contre 7 % chez les sujets blancs). Ceci pourrait être liée à une plus forte prévalence de l'hypertension artérielle essentielle chez les sujets noirs. D'autres facteurs ont probablement un rôle dans la survenue de la crise aigüe : les corticostéroïdes à forte dose (au-dessus de 20 mg/jour), la cyclosporine, le tabac et peut-être les diurétiques (hyper-réninisme) et les béta-bloqueurs (vasoconstriction).
Présentation clinique
La crise aigüe sclérodermique est typiquement caractérisée par les éléments suivants :
- survenue brutale d'une insuffisance rénale ;
- survenue brutale d'une hypertension artérielle modérée à sévère essentiellement liée à l'activation ischémique du système rénine-angiotensine. L'hypertension est souvent sévère avec une rétinopathie hypertensive de stade III ou IV mais elle est parfois totalement absente ;
- un sédiment urinaire habituellement normal et une protéinurie de faible abondance.
D'autres manifestations peuvent être observées comme une anémie hémolytique microangiopathique, un oedème pulmonaire, des céphalées, des troubles visuels puis une encéphalopathie hypertensive avec convulsions. En l'absence de traitement, l'insuffisance rénale terminale se développe sur une période de un à deux mois.
Diagnostic :
Le diagnostic repose sur trois éléments :
- les signes extra-rénaux de sclérodermie,
- la présence dauto-anticorps,
- l'histologie rénale.
La crise aigüe sclérodermique survient habituellement dans un contexte de sclérodermie cutanée connue mais dans certains cas relativement rares, l'atteinte rénale ou viscérale de la sclérodermie survient sans les signes cutanés caractéristiques.
Dans cette situation appelée sclérose systémique sine scleroderma, il faut rattacher l'atteinte rénale à une sclérose systémique en recherchant :
- des anomalies capillaires du lit unguéal en capillaroscopie ;
- une atteinte gastro-intestinale en particulier des anomalies précoces de la motilité oesophagienne ou une atteinte pulmonaire (diminution de la capacité de diffusion du CO), d'une atteinte pulmonaire interstitielle ;
- des auto-anticorps spécificiques.
Les auto-anticorps observées au cours des sclérodermies comportent plusieurs spécificités :
- les anticorps anti-centromères (qui sont plutôt en faveur d'un variant de la sclérose systémique, le syndrome CREST) ;
- les anticorps anti-topo-isomérases 1 (SCL70) qui sont hautement spécifiques de sclérodermie systémique mais assez peu sensibles ;
- les anticorps anti-RNA polymérase 1 et 3 qui sont relativement spécifiques de la sclérose systémique ;
- les anticorps anti-U3-RNP qui sont plutôt présents dans les scléroses systémiques avec hypertension pulmonaire.
La plupart des anticorps précédents sont relativement spécifiques de la sclérodermie mais leur sensibilité est faible si bien que leur absence n'exclut en rien le diagnostic. Inversement, la présence d'anticorps anti-nucléaires est relativement fréquente au cours de la sclérodermie mais ceux-ci sont très peu spécifiques puisque rencontrés dans un grand nombre d'autres maladies rhumatologiques comme le lupus érythémateux par exemple. Les ANCA sont négatifs au cours de la sclérodermie systémique sauf en cas exceptionnel de vascularite des petits vaisseaux associée (notamment après administration de pénicillamine).
Les lésions histologiques rénales concernent essentiellement les artères arquées et inter-lobulaires ainsi que les glomérules.
Au cours de la crise aigüe sont constatées des plages de nécrose fibrinoïde et des thrombi fibrineux. Au stade cicatriciel, laspect est celui dun épaississement intima mucoïde puis une hypertrophie concentrique dites en "bulbe d'oignon" des artères inter-lobulaires.
Ces lésions histologiques rénales sont similaires à celles des atteintes vasculaires des autres organes. Ces anomalies histologiques constatées à la biopsie rénale ne sont pas totalement spécifiques de la crise sclérodermique car des lésions proches peuvent être observées au cours de la microangiopathie thrombotique du SHU, de la néphroangiosclérose maligne, de la néphrite radique et du syndrome des anti-phospholipides.
Traitement de la crise aiguë sclérodermique
Le contrôle tensionnel constitue la pierre angulaire du traitement de la crise aigüe sclérodermique. Un traitement intensif de l'hypertension peut stabiliser et même améliorer la fonction rénale dans 55 à 70 % des cas si le traitement est institué avant la constitution de dégâts vasculaires irréversibles. Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion constituent les agents de choix permettant un contrôle tensionnel dans plus de 90 % des cas. Sous traitement, l'objectif est d'obtenir une diminution progressive de la pression artérielle jusqu'à une valeur de pression artérielle diastolique de 85 à 90 mmHg.
Le traitement IEC permet globalement :
- une meilleure probabilité de survie sans dialyse à six mois : 56 versus 8 % sans IEC,
- une plus grande frésuence de récupération de la fonction rénale suffisante pour permettre l'arrêt de la dialyse chez les patients chez qui elle était initialement nécessaire (55 versus 0 %). La récupération survient dans un délai de 3 à 18 mois et elle est dépendante de la poursuite du traitement par IEC.
- une amélioration de la survie à un an (76 versus 15 %). Cette dernière notion est extrêmement importante car dans la mesure où la récidive de la crise aiguë est peu fréquente, la survie à long terme est habituelle chez les patients qui survivent la première année sous traitement IEC.
Traitement de fond :
Il n'y a pas de traitement de fond établi de la sclérose systémique. Le rôle de la D-pénicillamine nest toujours pas établi formellement. Des études rétrospectives suggèrent un effet sur la survie et sur la réduction de l'incidence de l'atteinte rénale et pulmonaire.
Traitement préventif et surveillance :
Le traitement est d'autant plus efficace qu'il est institué précocément avant la constitution de dégâts rénaux irréversibles. Les patients ayant une atteinte cutanée diffuse sont ceux ayant le risque le plus élevé. Chez ces patients, une surveillance rapprochée est indispensable au cours des cinq premières années de la sclérodermie :
- surveillance tensionnelle mensuelle et voire même plus souvent par auto-mesure à domicile,
- dosage de la créatinine plasmatique, de la protéinurie des 24 h et de la rénine plasmatique tous les 3 à 6 mois.
En cas d'anomalie biologique ou tensionnelle, institution d'un traitement IEC (et cela même même si les patients sont encore normotendus).
|
|
LECTURES RECOMMANDÉES
Donohoe JF. Scleroderma and the kidney. Kidney International 1992;41:462
|
|
TEXTES COMPLÉMENTAIRES DANS LE SITE
- HTA essentielle de l'adulte
- Traitement de l'HTA essentielle,
HTA "résistantes"
Crises aiguës hypertensives(Urgences hypertensives),
Médicaments de l'urgence hypertensive,
HTA secondaires de l'adulte
HTA d'origine médicamenteuse
HTA des néphropathies,
HTA réno-vasculaire,
Néphropathies ischémiques,
HTA et néphroangiosclérose malignes
HTA et néphroangiosclérose "bénigne"
HTA stéroidiennes
Hypertension artérielle au cours de la grossesse
Néphropathies vasculaires
Athéro-emboles de cristaux de cholestérol,
Microangiopathies thrombotiques,
Sclérodermie,
Syndrome des anti-phospholipides,
|
|
Mise-à-jour : vendredi 5 mai 2000
Copyright © Tous Droits Réservés pour le site entier Nephrohus 2000
|
|
|
|