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Généralités

Le diabète insipide néphrogénique se caractérise par une diminution de la capacité de concentration urinaire résultant d'une résistance rénale à l'action de l'hormone antidiurétique. Cette anomalie peut refléter soit une résistance au niveau du site d'action de l'ADH dans le tube collecteur, soit une interférence avec le mécanisme de contre-courant lié par exemple à des lésions médullaires ou à une diminution de la réabsorption du chlorure de sodium dans les portions médullaires de la branche ascendante large de l'anse de Henle.

Le diabète insipide néphrogénique dans sa forme modérée est relativement fréquent dans la mesure où presque tous les patients âgés ou avec une insuffisance rénale chronique ou aiguë ont une réduction de la capacité maximale de concentration des urines. Cette anomalie nest pas suffisamment sévère pour induire une polyurie même si certains patients peuvent se plaindre de nycturie. Au cours de l'insuffisance rénale, le trouble de la concentration est en partie liée à une augmentation de l'excrétion de solutes par néphron fonctionnel restant et à une diminution de l'expression du mRNA pour le récepteur V2 de l'ADH.
En dehors des diurèses osmotiques liées à une glycosurie au cours du diabète non contrôlé ou par fuite d'urée au cours de renutrition riche en protéines, une polyurie vraie liée à une résistance à l'ADH se voit essentiellement dans les circonstances suivantes :
  • diabète insipide néphrogénique héréditaire de l'enfant,
  • toxicité du lithium au long cours,
  • hypercalcémie,
  • hypokaliémie,
  • maladie rénale interstitielle.

Diabète insipide néphrogénique héréditaire de l'enfant

Le diabète insipide néphrogénique héréditaire est une maladie rare aboutissant à une résistance variable à l'effet de l'ADH. Il y a deux récepteurs différents à l'ADH, les récepteurs V1 et V2. L'activation des récepteurs V1 induit une vasoconstriction et une stimulation de la production de prostaglandines alors que les récepteurs V2 sont responsables de l'effet antidiurétique de la vasodilatation périphérique et de la libération du facteur VIII et du facteur Von Willebrand à partir des cellules endothéliales.

Le diabète insipide néphrogénique héréditaire est dans sa forme habituelle transmis selon un mode lié à l'X. Les anomalies génétiques sont représentées par des mutations ou délétions du gène du récepteur V2 aboutissant généralement à une réponse défectueuse. Le récepteur V2 est codé par un gène situé sur le chromosome X et environ 90 mutations du gène AVPR2 dans plus de 100 familles non liées ont maintenant été décrites. En raison de l'atteinte spécifique sur le récepteur V2, c'est la réponse antidiurétique vasodilatatrice et des facteurs de la coagulation qui est anormale dans cette affection alors que l'effet sur la vasoconstriction et la libération de prostaglandines sont inaltérés. En raison du caractère de transmission lié à l'X, les jeunes garçons tendent à avoir une polyurie plus marquée. Les femmes porteuses sont habituellement asymptomatiques mais peuvent occasionnellement manifester une polyurie sévère. Ces femmes symptomatiques sont hétérozygotes pour la mutation et l'expression clinique est liée à une activation aléatoire dans certaines cellules ou tissus du chromosome X normal permettant l'expression du gène mutant. Les différentes mutations ont un effet variable sur le degré de résistance à l'ADH. Certaines femmes avec une résistance partielle à l'ADH peuvent être asymptomatiques la plupart du temps mais développer un syndrome polyurique à l'occasion d'une grossesse lorsque les vasopressinases placentaires augmentent significativement la clairance de l'ADH endogène. Chez l'enfant de sexe masculin, la présentation clinique se fait devant une déshydratation sévère avec hypernatrémie, vomissements et fièvre et une urine qui reste hypoosmolaire. Ces jeunes garçons habituellement ont un retard de croissance ainsi qu'un retard mental. Une hydronéphrose et une dilatation de l'ensemble de l'appareil urinaire sont relativement fréquentes.

voir la figure Récepteur de l'AVP et les différentes mutations ponctuelles décrites à l'origine du DIN lié à l'X.

Un deuxième type de diabète insipide néphrogénique héréditaire a été décrit. Celui-ci est transmis selon un mode autosomique récessif et correspond à des anomalies postrécepteurs du canal à eau ADH sensible, canal appelé l'aquaporine 2. Ces canaux aquaporine 2 sont normalement stockés dans le cytosol et sous l'influence de l'ADH se déplacent et fusionnent avec la membrane luminale permettant ainsi le transport transcellulaire d'eau selon le gradient de concentration. Chez les patients avec cette forme de diabète insipide néphrogénique, il existe des mutations du gène de l'aquaporine 2 qui aboutissent à diférentes anomalies de fonctionnement de la réabsorption de l'eau. Les effets extrarénaux médiés par le récepteur V2 (vasodilatation et libération de facteur VIII et de von Willebrand à partir des cellules endothéliales) restent normaux chez ces patients, ce qui permet de faire une distinction clinique relativement simple avec les formes plus habituelles de mutation sur le gène du récepteur V2.

Ni les traitements pharmacologiques ni hormonaux ne sont efficaces. Dans la mesure où l'excrétion de solutes nécessite des pertes d'eau supplémentaires, la réhydratation doit inclure des solutés hypotoniques plutôt que du glucose à 5 %. L'apport en solutes doit être maintenu le plus faible possible (régime sans sel). Les diurétique thiazidiques diminuent le volume urinaire par le biais d'une contraction des volumes extracellulaires et dune augmentation de la réabsorption proximale tubulaire de sodium et d'eau. L'addition d'amiloride (Modamide ®) à l'hydrochlorothiazide (Esidrex®) est habituellement utile pour corriger l'hypokaliémie.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, tels que la tolmentine, sont généralement bien tolérés. Une augmentation de l'osmolalité urinaire de 50 à 200 mosmol/kg est très importante en pratique car cela permet une réduction substantielle du débit urinaire de 10 - 12 litres par jour à seulement 3 - 4 litres quotidiennement.

Toxicité du lithium

Une polyurie survient chez environ 20 % des patients traités de façon chronique par le lithium et 30 % supplémentaires ont des anomalies infracliniques de la concentration des urines. L'anomalie de concentration semble expliquée par la diminution de la densité des récepteurs de l'ADH (récepteur V2) ou par une diminution de l'expression de l'aquaporine 2.

Hypercalcémie

Des anomalies de la concentration peuvent devenir cliniquement apparentes lorsque la calcémie reste constamment au-dessus de 2,75 mmol/l (110 mg/l). Cette anomalie qui est généralement réversible avec la correction de l'hypercalcémie est associée à des anomalies de la réabsorption du chlorure de sodium dans la branche ascendante large de l'anse de Henle et de la capacité de l'ADH à augmenter la perméabilité hydrique dans le tube collecteur.

Le mécanisme de ces modifications n'est pas parfaitement élucidé. Il avait été initialement suggéré que les dépôts calciques dans la médullaire et les lésions tubulo-interstitielles secondaires jouaient un rôle important. Plus récemment, il a été montré que les récepteurs-senseurs du calcium normalement présents dans la membrane basotérale de la branche ascendante large de l'anse de Henle et sur la membrane luminale des cellules du tube collecteur médullaire interne peuvaient être activés par des concentrations élevées de calcium, ce qui pourrait altérer directement la capacité de concentration affectant à la fois l'anse de Henle et le tube collecteur. D'autres hypothèses font également intervenir une dysrégulation des canaux à eau (aquaporine 2) ou un hyperprostaglandisme E2.

Le défaut de concentration induit par l'hypercalcémie est généralement réversible avec la restauration d'une concentration plasmatique normale de calcium. Cependant le défaut peut persister chez les patients ayant une néphropathie interstitielle induite par une néphrocalcinose.

Hypokaliémie

La capacité de concentration peut être altérée par une hypokaliémie sévère persistante (kaliémie inférieure à 3 mmol/l). Des études expérimentales ont montré la responsabilité à la fois d'une diminution de la réponse à l'ADH dans le tube collecteur et une diminution de la réabsorption de NaCl dans la branche ascendante large du l'anse de Henle. Cependant le défaut de concentration est généralement moins sévère qu'au cours de l'hypercalcémie ou de l'intoxication par le lithium et une polyurie et une polydypsie symptomatique sont relativement rares. Lorsque ces symptômes surviennent un effet dipsogéne direct pourrait également jouer un rôle contributif.

Affections variées

Un diabète insipide néphrogénique symptomatique est une manifestation relativement peu fréquente d'un grand nombre de maladies interstielles rénales dont notamment la drépanocytose, l'amylose rénale et le syndrome de Sjögren. Dans les deux derniers cas, les dépôts de substance amyloïde et l'infiltration lymphocytaire respectivement sont présumées responsables de la diminution de la réponse à l'ADH dans le tube collecteur. Certains médicaments autres que le lithium sont des causes peu fréquentes de diabète insipide néphrogénique. Ces médicaments comprennent notamment le cidofovir et le Foscarnet () qui sont utilisés pour traiter les infections à cytomégalovirus chez les patients HIV.

Une forme inhabituelle de résistance transitoire à l'ADH peut également survenir chez certaines femmes pendant la deuxième moitié de la grossesse, une anomalie qui est appelée diabète insipide gestationnel. La grossesse est associée à une libération de vasopressinase depuis le placenta aboutissant à une dégradation rapide de l'ADH endogène ou exogène mais pas de la DDAVP (desmopressine, un analogue de largine-vasopressine).

voir la figure "Structure chimique de la molécule d'arginine-vasopressine (ADH ou AVP) naturelle humaine et de son analogue de synthèse l'acétate de desmopressine (DDAVP). La substitution de 2 acides aminés confère notamment la résustance aux vasopressinases (demi-vie plus longue) et l'absence d'effet vasoconstricteur."

Un mécanisme encore différent est responsable de la polyurie précoce survenant à une chirurgie transfrontale pour caranopharyngiome. Dans cette situation, l'augmentation du débit urinaire semble résulter de la libération d'un précurseur de l'ADH depuis l'hypothalamus, précurseur qui se fixe sur le récepteur V2 antidiurétique mais sans l'activer (inhibition compétitive). Ces patients ont initialement un taux élevé d'ADH circulante, mesurée par radio-immuno-essai mais peu ou pas d'activité biologique et une réponse diminuée à l'administration d'hormone exogène. Ils se comportent donc comme s'ils avaient un diabète insipide néphrogénique.

Pr T. Hannedouche


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  Kumar S, Berl T. Sodium. Lancet 1998;352:220

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 Mise-à-jour : lundi 12 juin 2000

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