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OBJECTIFS
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PLAN DU CHAPITRE
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1. Incidence
La toxicité rénale des médicaments est une situation extrêmement fréquente responsable dune morbidité et dune mortalité importantes. Les principales formes de toxicité rénale des médicaments sont représentées par linsuffisance rénale aiguë. Linsuffisance rénale aiguë représente environ 1 % des causes dadmission hospitalière dont 70 % sont attribués à une insuffisance rénale fonctionnelle et 10 20 % aux médicaments. Lincidence de linsuffisance rénale aiguë survenant en cours dhospitalisation est mieux connue. Selon les séries, 20 à 40 % des insuffisances rénales aiguës acquises en milieu hospitalier sont liées directement ou indirectement à la toxicité rénale des médicaments. Les principaux facteurs de risque de survenue dune insuffisance rénale aiguë médicamenteuse sont la préexistence dune hypertension artérielle ou dune maladie rénale. Le rôle de lâge, de lexistence dune goutte, dun diabète ou dun traitement diurétique est par contre moins solidement établi.
Les données les plus exhaustives concernant linsuffisance rénale aiguë médicamenteuse en milieu hospitalier proviennent dune enquête de la Société de Néphrologie, conduite pendant une période de 1 an chez tous les patients ayant une insuffisance rénale aiguë en France, pour déterminer à la fois lincidence et les causes des lésions rénales aiguës médicamenteuses. 2 175 cas dinsuffisance rénale aiguë ont été recensés dont 398 (18,3 %) ont été attribués à un médicament. La proportion des médicaments responsables est assez analogue à celle retrouvée dans dautres séries de plus petite taille. Les antibiotiques représentent environ 35 % des causes de toxicité rénale, en premier lieu, les aminoglycosides. Les produits de contraste iodé représentent environ 13 % des causes, les diurétiques 5 %, les agents chimiothérapeutiques antinéoplasiques 4 %. Environ 35 % des cas sont liés soit aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, soit à la glafénine; celle-ci représentant à elle seule environ 20 % des cas signalés. En raison entre autre de cette toxicité rénale, la glafénine a été depuis retirée du marché. Le rôle croissant des anti-inflammatoires non stéroïdiens dans la toxicité rénale médicamenteuse est une situation préoccupante dans la mesure où ces médicaments sont de plus en plus largement prescrits dans une population dont lâge moyen augmente régulièrement. Le risque lié aux anti-inflammatoires non stéroïdiens est particulièrement inquiétant lorsque lon sait que lun de ces produits (ibuprofene) est maintenant disponible comme OTC (pour « Over The Counter » = médicament vendu sans ordonnance).
Il est enfin important de rappeler que 2/3 des insuffisances rénales aiguës médicamenteuses sont liées à lassociation de 2 médicaments néphrotoxiques ou plus. Dans une étude évaluant les facteurs de risque de survenue dune insuffisance rénale aiguë en cours dhospitalisation, les facteurs suivants : déplétion volémique, utilisation des aminoglycosides, insuffisance cardiaque congestive, exposition aux produits de contraste iodé et choc septique sont les facteurs contributifs prédominant au développement dune insuffisance rénale aiguë. La décision dadministrer des aminoglycosides ou des produits de contraste iodé dans ce contexte est clairement dépendante dun choix médical et pourrait être donc éliminée.
Contrairement à une idée répandue, le pronostic des insuffisances rénales aiguës médicamenteuses nest pas bon. Dans la série de la Société de Néphrologie, 45 % des insuffisances rénales aiguës se présentaient sur un mode oligurique, les patients non oliguriques ont globalement un meilleur pronostic à la fois rénal et vital mais ceci traduit initialement une meilleure conservation de la fonction rénale. Moins de 5 % des patients ont bénéficié dune technique dépuration extra-rénale mais ce chiffre faible traduit probablement la difficulté daccès aux techniques dialytiques dans de nombreux centres. La mortalité globale du groupe dinsuffisance rénale aiguë médicamenteuse est de 13 %. Il est intéressant de noter que la récupération de la fonction rénale nest pas complète puisque environ 20 % des patients gardent une insuffisance rénale chronique à la suite de leur épisode aigu dont la moitié nécessite par la suite un traitement par dialyse. Ceci a fait suggérer que les séquelles dinsuffisance rénale aiguë médicamenteuse représentent une cause non négligeable dinsuffisance rénale chronique.
2. Vulnérabilité du rein aux lésions toxiques
La susceptibilité particulière du rein à diverses agressions médicamenteuses ou toxiques sexpliquent par plusieurs spécificités de cette organe. Le rein est un organe vital intervenant dans de nombreuses fonctions uniques de lorganisme qui peuvent être altérées par des médicaments comme par exemple la régulation du bilan hydro-électrolytique, la régulation de la pression artérielle, lélimination et lépuration des déchets azotés et des xénobiotiques, la détoxification de certains toxiques et médicaments et enfin la synthèse et la libération dhormones dont notamment la rénine, lérythropoïétine, le calcitriol et linsulin growth factor-1.
La situation anatomo-fonctionnelle du rein est lun des facteurs expliquant que la fréquence particulière de la néphrotoxicité vis à vis de la plupart des substances circulantes. Chaque minute les reins reçoivent environ 1/5 du débit cardiaque et la surface déchange endothéliale entre le sang et les tissus rénaux est très importante puisque la surface totale de lendothélium rénal développée est équivalente à la superficie dun terrain de tennis. Environ 1/5 des substances circulantes et non liées aux protéines est filtré par le glomérule et arrive directement dans lurine primitive en contact avec le tubule rénal. Une partie des xénobiotiques est réabsorbée par lun des systèmes de transport du tubule rénal et peut saccumuler dans les cellules tubulaires ou dans linterstitium adjacent. Ce phénomène est encore magnifié par le système anatomo-fonctionnel rénal de concentration des urines qui aboutit à la réabsorption et laccumulation de substances xénobiotiques dans linterstitium et tout particulièrement la médullaire rénale.
Une autre fraction des médicaments est éliminée à partir des systèmes de transport communs aux acides et bases organiques, essentiellement dans le tube proximal qui assure une voie importante délimination des molécules non filtrables (liées aux protéines). Certains de ces systèmes de transport sont indispensables à laction pharmacologique des médicaments, par exemple les diurétiques de lanse qui doivent être sécrétés par le tube proximal pour arriver dans lurine tubulaire et agir sur leur site daction au versant luminal de la branche large ascendante de lanse de Henle.
Une autre particularité du rein liée à la disposition anatomique particulière des tubes rénaux est la diminution progressive du gradient cortico-papillaire de la tension doxygène dans les régions profondes du rein. Alors que le cortex rénal fonctionne dans un environnement riche en oxygène, les parties profondes de la médullaire fonctionnent au contraire à la limite critique des besoins en oxygène si bien que toute agression ischémique dans ces régions est responsable de lésions anatomiques, notamment des cellules tubulaires dont le renouvellement est rapide. Lensemble de ces facteurs explique la susceptibilité tout à fait particulière du rein à la néphrotoxicité dorigine ischémique. Il est important de souligner que tous ces facteurs sont majorés par lexistence dune néphropathie préalable et que le sujet âgé, en raison de la diminution quasi physiologique de la fonction rénale et des différentes fonctions tubulaires, est une cible particulière de cette néphrotoxicité. Cette notion est dautant plus importante que ces sujets âgés sont volontiers polymédicamentés.
3. Présentation clinique de la toxicité rénale des médicaments
Les manifestations cliniques des néphropathies toxiques sont très nombreuses et les symptômes de présentation ne sont pas différents de ceux des maladies rénales en général. Les médicaments peuvent donner pratiquement toutes les formes de syndrome néphrologique, si bien que devant une atteinte rénale, la possibilité de la responsabilité dun médicament en particulier chez les sujets âgés et/ou polymédicamentés doit être systématiquement évoquée. La responsabilité du médicament peut être établie sur les critères classiques dimputabilité basés sur la durée dexposition, la chronologie, la dose toxique connue ainsi que les différents facteurs favorisant comme lâge, le sexe, les phénotypes métaboliques délimination rénale ou hépatique des médicaments. La situation pratique nest pas toujours aussi simple en raison de nombreux facteurs confondants liés au terrain, à la multiplicité des médicaments administrés dont leffet toxique peut se potentialiser soit directement, soit indirectement via des interactions métaboliques ou cinétiques. De plus, un même médicament peut être responsable de plusieurs formes datteinte rénale.
La classification de latteinte rénale des médicaments est habituellement basée soit sur le type de présentation rénale, par exemple linsuffisance rénale aiguë ou chronique, tubulopathie, néphropathie interstitielle chronique, etc& Cette classification nest en pratique pas très utile car la plupart des médicaments sont responsables dune atteinte aiguë ayant la même présentation clinique. Il est préférable de recourir à un classification physiopathologique distinguant :
- la toxicité liée au mode daction pharmacologique,
- la toxicité liée aux phénomènes dhypersensibilité et enfin
- les toxicités liées à une interaction avec les fonctions tubulaires.
Les formes les plus fréquentes de toxicité rénale des médicaments sont liées au mode daction pharmacologique de ceux-ci. Ces formes de toxicité sont responsables habituellement de tableaux dinsuffisance rénale aiguë et dans quelques cas de formes chroniques liées à laccumulation lente de ces produits dans la médullaire rénale.
3.1. Certains médicaments affectent directement la circulation rénale et sont responsables dune insuffisance rénale aiguë dite fonctionnelle ou encore prérénale.
3.1.1. Lexemple le plus typique est représenté par lutilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens chez des patients dont la perfusion rénale est dépendante des prostaglandines vasodilatatrices, comme la PGE2 et la PGI2. Dans ces circonstances linhibition de la cyclo-oxygénase par les anti-inflammatoires non stéroïdiens aboutit à une vasoconstriction intrarénale et à une diminution de la perfusion rénale. Certains sous-groupes de patients sont tout particulièrement susceptibles au développement dune insuffisance rénale aiguë oligurique sous traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens. Il sagit des patients ayant une insuffisance cardiaque congestive, une insuffisance rénale chronique, une cirrhose hépatique avec ascite et dune façon générale tout patient âgé en déplétion volémique, notamment sous un traitement diurétique préalable. Toutes ces situations sont associées à une diminution de la perfusion rénale et une activation du système rénine-angiotensine. Langiotensine II constricte à la fois lartériole glomérulaire afférente et efférente. La constriction de lartériole efférente augmente la pression capillaire intraglomérulaire, ce qui augmente la filtration glomérulaire pendant les périodes de diminution de la perfusion rénale. Langiotensine II est également un stimulateur puissant de la synthèse rénale de prostaglandine E2 et de NO qui par leur effet vasodilatateur direct sur lartériole afférente bloque leffet constricteur de langiotensine II à ce niveau. Ce mécanisme de protection de la perfusion glomérulaire est interrompu lors de ladministration dinhibiteur de la cyclo-oxygénase, ce qui aboutit à leffondrement de la pression capillaire glomérulaire et donc de la filtration glomérulaire. Le mécanisme hémodynamique de latteinte rénale des anti-inflammatoires non stéroïdiens rend compte de linstallation brutale dune oligurie, dune rétention sodée et hydrique importante ainsi que de la réversibilité rapide après larrêt de lanti-inflammatoire. La récupération de fonction rénale survient habituellement en lespace de 2 à 3 jours mais un certain nombre de patients ayant une atteinte rénale préexistante (diabétiques) peuvent garder une insuffisance rénale résiduelle. En cas dinsuffisance rénale chronique sévère préexistante, laggravation peut être suffisamment grave pour nécessiter le recours définitif à lépuration extrarénale.
3.1.2. Un traitement diurétique trop agressif peut être responsable dune insuffisance rénale fonctionnelle par hypovolémie. Ceci survient essentiellement lors dépisodes surajoutés de déshydratation dorigine extrarénale comme à loccasion dépisodes de diarrhées ou dinfection fébrile avec diminution des apports liquidiens. Lexistence dun traitement diurétique avec hypovolémie constitue un facteur favorisant à la survenue dune insuffisance rénale aiguë causée par les autres formes de toxiques médicamenteux.
3.1.3. Les inhibiteurs de lenzyme de conversion sont une classe de médicaments antihypertenseurs et utilisés maintenant dans le traitement de linsuffisance cardiaque. Ces médicaments bloquent le système rénine angiotensine systémique et intrarénal et sont responsables dune part dune diminution de la perfusion du rein liée à leffet hypotenseur et dautre part à une diminution de la pression capillaire glomérulaire liée à la levée de la vasoconstriction angiotensine II dépendante de lartériole efférente. Leffet global sur le rein nest habituellement pas évident en raison de laugmentation du débit sanguin rénal liée à la vasodilatation. Cependant chez des individus prédisposés ayant notamment une insuffisance cardiaque, une insuffisance rénale chronique ou tout simplement des lésions artérielles soit sur le tronc des artères rénales, soit sur les artérioles intrarénales, la perfusion glomérulaire et la pression capillaire glomérulaire sont extrêmement dépendantes de la vasoconstriction post-glomérulaire médiée par langiotensine II. Dans toutes ces situations, linterruption de laction de langiotensine II va aboutir à leffondrement de la pression dultrafiltration et donc de la filtration glomérulaire. Il faut noter également que lassociation anti-inflammatoires non stéroïdiens et inhibiteurs de lenzyme de conversion est devenue actuellement la cause la plus fréquente dinsuffisance rénale aiguë acquise en-dehors du milieu hospitalier. Cette forme dinsuffisance rénale aiguë directement liée au mode daction pharmacologique de ces médicaments est grave en raison du terrain sur lequel elle survient, généralement des insuffisants cardiaques et en raison de lapparition simultanée dune acidose métabolique hyperkaliémique liée à lhypoaldostéronisme induit par ces deux types de médicaments.
3.1.4. Les produits de contraste iodés représentent une cause importante dinsuffisance rénale aiguë. Cette forme dinsuffisance rénale aiguë survient plus volontiers chez des sujets prédisposés, notamment les patients ayant une insuffisance rénale chronique sous-jacente et/ou les patients diabétiques. La déshydratation ou lhypovolémie, notamment par traitement diurétique est un facteur favorisant classique. Le mécanisme de la toxicité rénale est directement lié au mode daction pharmacologique. Laugmentation de losmolalité intraluminale par les produits de contraste filtrés est responsable dune activation du système de rétrocontrôle tubuloglomérulaire, lui-même responsable dune vasoconstriction rénale. La vasoconstriction est responsable de la survenue dune ischémie et de lésions de nécrose ischémique tubulaire.
3.1.5. Les anticalcineurines dont le chef de file est représenté par la cyclosporine sont responsables dune insuffisance rénale aiguë fonctionnelle liée à linteraction de ces médicaments sur la circulation rénale. Outre leur effet immunosuppresseur, ces médicaments sont en effet capables dinduire une vasoconstriction des artères rénales, vasoconstriction dépendante de la mobilisation du calcium intracellulaire. La vasoconstriction prédomine sur lartériole afférente préglomérulaire et est responsable dune hypoperfusion glomérulaire. Le mécanisme de cette toxicité rénale aiguë est dose-dépendant et potentialisé par tous les médicaments affectant la circulation rénale et précédemment cités. La nécessité absolue déviter cette toxicité rénale qui complique fortement le suivi des patients transplantés rénaux, par exemple, nécessite la recherche de la posologie la plus adéquate et la mesure régulière des concentrations sanguines de la cyclosporine et des médicaments apparentés, comme le tacrolimus.
3.2. Un deuxième mécanisme de toxicité rénale des médicaments est lié à un effet cytotoxique direct dose-dépendant de ces médicaments.
Cette toxicité rénale est habituellement cumulative, nécessitant habituellement quelques jours dadministration pour les médicaments les plus puissamment néphrotoxiques jusquà plusieurs années pour laccumulation médullaire de substances comme les associations aspirine-analgésique.
Les médicaments responsables de ce type de toxicité sont habituellement des médicaments interférant puissamment avec les mécanismes daction et de réparation cellulaire et qui sont utilisés soit comme antimitotiques, soit comme antibiotiques. Parmi les antimitotiques, certains comme le cisplatine ou les nitroso-urées ont un effet toxique tubulaire prédominant alors que dautres, comme la mitomycine, affectent plutôt lendothélium. Parmi les antibiotiques, les aminoglycosides et lamphotéricine B exercent une toxicité puissante directe sur les tubes rénaux. Certaines céphalosporines de première génération sont également tubulotoxiques mais à un moindre degré.
3.2.1 Les antibiotiques aminoglycosides sont largement utilisés dans le traitement des infections à germe gram négatif. 10 à 15 % des traitements se compliquent dune dysfonction rénale liée à des lésions tubulaires proximales. Ces formes datteinte rénale surviennent même lorsque les concentrations pic évaluées des médicaments restent dans les zone thérapeutiques. Les aminoglycosides sont des agents cationiques avec un poids moléculaire denviron 500. Ils sont excrétés par le rein avec une clairance quantitativement équivalente à la filtration glomérulaire. Dans la mesure où il ny a pas de métabolisme rénal des aminoglycosides, les concentrations résiduelles sériques reflètent la capacité rénale délimination. Une petite fraction des aminoglycosides filtrés se lie à des récepteurs phospholipidiques anioniques sur lépithélium tubulaire proximal où un système de transport de haute capacité internalise le médicament dans les cellules tubulaires. Les aminoglycosides interfèrent avec des processus biochimiques critiques intracellulaires qui aboutissent finalement à la nécrose cellulaire. Le médicament est concentré dans le cortex rénal avec des valeurs 10 à 20 fois supérieures à la concentration sérique simultanée. La demi-vie délimination des aminoglycosides qui est normalement de 2 heures est fortement prolongée lorsque la fonction rénale diminue. Ainsi lintervalle dadministration des doses doit être augmenté chez les patients ayant une insuffisance rénale préexistante.
Lefficacité thérapeutique des aminoglycosides est fortement corrélée avec le pic de concentration sérique et il est donc important dadministrer une dose initiale adéquate indépendamment de la fonction rénale. Parmi les aminoglycosides utilisés en clinique, il existe quelques nuances de néphrotoxicité qui peut être représenté de la façon suivante : Gentamycine > Tobramycine > Amikacine > Nétilmycine. Linsuffisance rénale aiguë non oligurique est la manifestation la plus fréquente de la néphrotoxicité des aminoglycosides. Peuvent sy associer différentes formes datteintes tubulaires isolées avec un syndrome de Fanconi ou un diabète insipide néphrogénique ou encore une hypokaliémie-hypomagnésémie. Ces anomalies tubulaires ou de la concentration précèdent lascension de la créatinine plasmatique chez les patients recevant un traitement de plus de 5 à 7 jours. Les anomalies du sédiment urinaire sont pauvres et napportent pas déléments diagnostique. Une enzymurie constituée par les enzymes de la bordure en brosse du tubule proximal, comme lalanine-aminopeptidase et la N-acétyl-glucosaminidase, augmentent de façon significative. La signification dune telle enzymurie reste cependant équivoque dans la mesure où lon de sait si elle représente une néphrotoxicité ou simplement un marqueur du traitement par aminoglycosides. Latteinte histologique rénale de la néphrotoxicité des aminoglycosides est caractérisée par une nécrose tubulaire proximale focale. En microscopie électronique, des anomalies dauto-phagocytose cellulaire sont observées avec des cytoségrésomes et des inclusions dites myéloïdes observées dans la lumière du tubule proximal.
Les aminoglycosides sont largement utilisés dans toute une série de circonstances cliniques graves qui sont celles prédisposant ou favorisant la survenue dune insuffisance rénale aiguë. La disponibilité dautres médicaments, notamment les fluoroquinolones, comme alternative aux traitements des infections à germes gram négatif, devrait permettre déviter le plus possible le recours à des traitements prolongés (plus de 5 jours) par les aminoglycosides. Dans la mesure où la clairance rénale des aminoglycosides est équivalente à la filtration glomérulaire, toute atteinte rénale peut être détectée précocément par lélévation des taux résiduels de ce médicament qui traduisent essentiellement une accumulation du médicament. Lélévation progressive des taux résiduels est le signe le plus précoce datteinte rénale et précède lélévation de la créatinine plasmatique qui est retardée et beaucoup moins sensible.
3.2.2. Lamphotéricine B est un antibiotique polyène avec une excellente activité contre un large spectre de champignons responsables dinfections chez lhomme. La néphrotoxicité est un problème fréquent, puisquelle est observée chez près de 80 % des patients recevant ce médicament. La néphrotoxicité est dose-dépendante et probablement inévitable pour des doses cumulatives supérieures à 5 g chez les sujets adultes. Les patients à haut risque sont les patients âgés et particulièrement ceux ayant une déplétion volémique. La présentation clinique habituelle de la néphrotoxicité de lamphotéricine B est caractérisée par des défauts de la concentration des urines et une acidose tubulaire distale. Dans certains cas ceci aboutit à la constitution dune insuffisance rénale aiguë non oligurique. La présence dune fuite urinaire de magnésium avec hypomagnésémie représente une caractéristique de la néphrotoxicité de lamphotéricine. Des cures répétées damphotéricine B peuvent aboutir à une altération permanente de la fonction rénale. La néphrotoxicité de lamphotéricine B peut être actuellement minimisée par une charge en sodium ou lutilisation de formulation encapsulée damphotéricine B.
3.2.3. La néphrotoxicité est un problème très important de lutilisation des dérivés du platine. Le cisplatine est un agent utilisé de plus en plus largement dans un grand nombre de cancers en particulier les séminomes du testicule. Il est également utilisé en adjonction de certains traitements chimiothérapeutiques au cours du cancer du poumon. La néphrotoxicité du cisplatine est dose-dépendante et se traduit par une insuffisance rénale soit rapidement progressive soit évoluant sur un mode plus insidieux sur plusieurs mois. La toxicité rénale tend à être cumulative et dans certains cas linsuffisance rénale peut même napparaître quà la fin de la chimiothérapie. La toxicité saccompagne dune vasoconstriction et dune baisse du débit plasmatique rénal. La toxicité est majorée par la déplétion volémique, une insuffisance rénale pré-existante. Une tubulopathie manifestée par une fuite urinaire de magnésium survient dans un grand nombre de patients. Il peut sy associer une hypokaliémie et une hypocalcémie lors des déplétions magnésiques importantes. Une fuite rénale de sodium est parfois associée, responsable dune aggravation de lhypovolémie et dans certains cas, dune tendance à lhypotension. Une réhydratation vigoureuse avec des solutés contenant du chlore (chlorure de sodium, chlorure de potassium, chlorure de magnésium) doit être administrée de façon préventive en association avec le cisplatine. Laugmentation du débit urinaire cependant, ne prévient pas directement la captation tubulaire du médicament. Des pertes en magnésium et en potassium doivent être anticipées et prévenues dans la compensation. Ladministration dautres néphrotoxiques comme les aminoglycosides, lamphotéricine B ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens, doit être absolument bannie. Un autre dérivé du platine, le carboplatine semble avoir une tolérance rénale meilleure que le cisplatine et peut être une alternative dans certaines situations.
Lhypersensibilité est un mécanisme dallergie qui peut survenir à la suite de ladministration de certains médicaments. Cet effet indésirable survient indépendamment de la dose, mais nécessite habituellement une sensibilisation préalable, ce qui explique sa survenue soit lors dun 2ème traitement (le 1er pouvant avoir eu lieu plusieurs années auparavant) ou une durée de traitement compatible avec la formation ou lactivation des cellules immuno-compétentes nécessaires à lexpression clinique de cette allergie. Il est important de rappeler que la sensibilisation à certains des produits, peut se faire sans notion de traitement préalable. Certains antibiotiques par exemple sont administrés de façon plus ou moins légale chez les animaux dabattage et peuvent être ingérés à linsu des patients. Latteinte allergique rénale peut concerner les différentes structures des reins, les vaisseaux qui sont alors le siège dune vascularite rénale, les glomérules et le plus souvent, linterstitium atteint par une néphropathie interstitielle aiguë.
3.3.1. La néphropathie interstitielle aiguë représente la forme la plus fréquente datteinte allergique rénale. Elle est habituellement observée dans un contexte dallergie systémique avec de la fièvre, une éosinophilie et souvent une éruption diffuse cutanée. Parfois, latteinte rénale allergique survient sans aucune manifestation systémique. Dans ces cas, le diagnostic dépend de la suspiçion clinique et une biopsie rénale est nécessaire pour confirmer le diagnostic montrant un infiltrat inflammatoire interstitiel aigu composé de lymphocytes et déosinophiles. Le sédiment urinaire est parfois évocateur en montrant une hématurie microscopique, une pyurie et surtout la présence déosinophiles urinaires. Linterruption du médicament responsable aboutit habituellement à une amélioration de la fonction rénale qui peut dans certains cas être accélérée de 10 à 15 jours par un traitement corticoïde. Linsuffisance rénale aiguë est souvent non oligurique mais peut être suffisamment sévère pour nécessiter lépuration extra-rénale. Les médicaments responsables les plus habituels sont lallopurinol, la cimétidine, les sulfonamides, certaines pénicillines, la rifampicine et la phénytoïne. Certains anti-inflammatoires non stéroïdiens produisent un syndrome clinique très particulier associant dune part une insuffisance rénale rapidement progressive et dautre part un syndrome néphrotique avec une protéinurie abondante. Lexamen histologique rénal retrouve linfiltrat interstitiel caractéristique des néphropathies interstitielles aiguës et en microscopie électronique des lésions glomérulaires minimes avec fusion des pédicelles. Cette complication relativement rare peut survenir jusquà plusieurs mois ou années après le début dun traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens. Linterruption du traitement entraîne habituellement la régression de la protéinurie et de linsuffisance rénale.
3.3.2. Plusieurs médicaments peuvent être responsables de syndrome néphrotique. Ces médicaments sont entre autre la tridione, la tolbutamine et le probénécid. La forme la mieux connue de syndrome néphrotique médicamenteux est celui survenant après ladministration de sels dor. Latteinte glomérulaire est caractérisée par une glomérulonéphrite extra-membraneuse. Le syndrome néphrotique régresse habituellement lorsque la chrisothérapie est interrompue. La D-pénicillamine et le captopril à forte dose qui partagent tous deux lexistence dun groupement sulfhydrile, peuvent également être responsables de glomérulonéphrite extra-membraneuse.
3.4. Certains médicaments peuvent être responsables dune toxicité rénale en provoquant une obstruction intra-tubulaire.
Ces médicaments sont habituellement éliminés sous forme rénale mais sont relativement peu solubles dans lurine. Laugmentation de la concentration urinaire intra-tubulaire de ces médicaments favorise leur précipitation et la survenue dune insuffisance rénale aiguë souvent anurique. Certains de ces médicaments peuvent être également responsables de la formation dagrégats de volume plus important cest-à-dire de lithiases. Parmi les médicaments incriminés, citons le pyridoxalate et la glafénine maintenant retirés du commerce pour ces problèmes rénaux. Le triamtérène est de moins en moins utilisé. Actuellement, les deux principales spécialités responsables de précipitations intra-tubulaires sont le 7-hydroxyméthotréxate, métabolite du méthotréxate administré à fortes doses pour chimiothérapie et lindinavir, un anti-protéase utilisé dans le traitement des infections à VIH. Certains médicaments sulfamidés peu solubles dans lurine notamment la sulfadiazine, peuvent être également responsables de précipitations intra-tubulaires.
3.5. Enfin, signalons la possibilité de ce qui est appelé pseudo-insuffisance rénale.
Cette situation très particulière est liée à linterférence entre le dosage de la créatinine plasmatique (par certaines méthodes) et la présence de certains médicaments dans le sang. Ces interférences surviennent avec certains antibiotiques de la classe des céphalosporines et avec un anti-fongique comme la flucytosine. Dautres médicaments sont responsables dune augmentation artéfactuelle de la créatinine plasmatique sans modification réelle de la filtration glomérulaire. La créatinine qui est utilisée comme marqueur endogène de la fonction rénale est en effet partiellement filtrée par le tube proximal et ce phénomène de sécrétion tubulaire proximale est actif, en compétition avec lélimination de certains médicaments en particulier la cimétidine et les sulfamides. Ladministration de ces médicaments inhibe la sécrétion tubulaire de créatinine, ce qui abouti à une augmentation correspondante de la créatinine plasmatique même si la filtration glomérulaire est inchangée.
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Mise-à-jour : lundi 12 juin 2000
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