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NephroHUS Online PLAN DU CHAPITRE


Linsuffisance rénale chronique peut être définie comme la réduction permanente des capacités dépuration du rein en rapport avec une destruction irréversible dune partie du parenchyme rénal. Lévolution est très variable selon la nature de la néphropathie, mais aussi pour une maladie rénale donnée entre les individus affectés.



1. Circonstances de découverte

En-dehors de quelques complications bruyantes souvent trompeuses (syndrome oedémateux ou élévation tensionnelle aiguë orientant souvent le malade à tord vers le cardiologue), linsuffisance rénale chronique se manifeste par peu de symptômes cliniques. Ceci est particulièrement vrai pour linsuffisance rénale débutante et le caractère asymptomatique de celle-ci, son caractère indolent, sont volontiers considérés comme synonyme de « peu grave », à la fois par les malades et les praticiens. Cest pourtant à ce stade débutant que les possibilités thérapeutiques sont les plus nombreuses et les plus efficaces pour influer sur le cours évolutif de la néphropathie.

En raison de leur caractère volontiers asymptomatique, les néphropathies doivent faire lobjet dun dépistage systématique en particulier dans tous les sous-groupes de patients à risque élevé datteinte rénale.
Ces sous-groupes à risque de néphropathie sont maintenant bien identifiés et il existe un ensemble de recommandations développées par lANAES et les différentes sociétés savantes, pour dépister une atteinte rénale et sa progression chez les sujets hypertendus, chez les sujets diabétiques, chez les sujets âgés (voir figure). On peut considérer que lapplication stricte de ces recommandations permettrait de dépister correctement et précocement plus de 75 % des néphropathies.


voir la figure "Principales circonstances de dépistage des maladies rénales : Les recommandations de l'ANAES"

Enfin les examens de dépistage devraient également être réalisés dans toutes circonstances orientant vers une atteinte rénale (par exemple la présence de signes urologiques ou dune lithiase, des antécédents personnels ou familiaux de néphropathie) ou comportant un risque datteinte rénale : grossesse, risque néphrotoxique (anti-inflammatoires, aminosides, chimiothérapies ou antiviraux) et maladies inflammatoires chroniques.

Il est important de souligner que le dépistage dune affection rénale repose sur des examens très simples et peu coûteux qui sont :

  • la mesure de la pression artérielle,
  • la recherche dune protéinurie par la bandelette,
  • la recherche dune micro-albuminurie chez le patient diabétique une fois par an (lexamen de dépistage proposé par lensemble des sociétés savantes est la réalisation dun rapport albumine/créatinine urinaire sur un échantillon durines au hasard)
  • la détermination de la créatinine plasmatique et le calcul ou lestimation de la clairance de la créatinine.

Rappelons enfin que le dosage isolé de l'urée sanguine n'a aucun intérêt pour le dépistage dune atteinte rénale et quil doit être remplacé systématiquement par celui de la créatinine plasmatique.

Linterprétation de la créatinine plasmatique reste un point important du dépistage car laugmentation de la créatinine plasmatique nest quun signe indirect, donc peu sensible et tardif pour dépister une altération débutante de la fonction rénale.
En raison de la relation exponentielle liant la créatinine plasmatique et le débit de filtration glomérulaire, une réduction de la filtration glomérulaire importante peut correspondre à une augmentation très minime de la créatinine plasmatique très inférieure à la reproductibilité du dosage dans de nombreux laboratoires

voir la figure Relation entre la créatinine plasmatique (Pcr, ordonnée) et le débit de filtration glomérulaire (DFG, abscisse). La forme hyperbolique de la courbe est liée à la relation inverse entre Pcr et sa clairance. La partie rectiligne presque horizontale de la courbe implique qu'une diminution importante de la filtration glomérulaire est nécessaire pour que la Pcr augmente de façon détectable. Une faible augmentation de la Pcr en deça des seuils de normalité peut donc correspondre à une réduction significative de la fonction rénale.

Par ailleurs, au cours de toutes les maladies rénales chroniques, les structures rénales restant fonctionnelles sadaptent (hyperfonction) si bien que la filtration glomérulaire ne baisse pas immédiatement même lorsquune fraction importante du rein est détruite.

voir la figure 2 : Schéma évolutif des néphropathies chroniques :
Au cours dune maladie rénale détruisant progressivement chaque année une partie des reins (ligne noire), le DFG (ligne rouge) ne commence à baisser que lorsque environ 50 % de la masse rénale fonctionnelle est perdue (hyperfonction transitoires des néphrons restants).
En raison de la relation exponentielle entre la filtration glomérulaire et la Pcr (ligne bleue), celle-ci ne sélève que tardivement : le doublement de la Pcr de 100 à 200 µmol/l traduit une réduction de 50% de la filtration glomérulaire et une masse rénale résiduelle fonctionnelle denviron 25 %.

En pratique, une créatinine plasmatique supérieure ou égale à 150 µmol/l traduit de façon certaine et dans les deux sexes une réduction significative de la filtration glomérulaire < 80 ml/min. (spécificité de 100 %). Un tel seuil est cependant trop tardif pour dépister précocement linsuffisance rénale car à cette valeur un grand nombre dindividu ont déjà une diminution de plus de 50% du débit de filtration glomérulaire.

Pour sensibiliser lévaluation de la fonction rénale à partir de la créatinine plasmatique, il est préférable de recourir à la clairance calculée ou mieux encore pour éviter les erreurs liées au recueil urinaire, à lestimation de la filtration glomérulaire par des formules comme la formule de Cockcroft et Gault, labréviation étant COcr (voir "Evaluation de la fonction rénale").

A partir de courbes ROC, on peut calculer que le meilleur compromis spécificité-sensibilité pour dépister une insuffisance rénale débutante chez un sujet asymptomatique est une valeur de créatinine plasmatique supérieure à 135 µmol/l chez lhomme ou 90 µmol/l chez la femme soit encore une clairance calculée selon Cockcroft < 60 ml/min. dans les deux sexes.


2. Diagnostic étiologique de linsuffisance rénale

Le diagnostic étiologique de linsuffisance rénale et de la néphropathie est justifié par lintérêt dun traitement spécifique lorsque celui-ci est possible. Le diagnostic étiologique de la néphropathie et le recours judicieux aux examens complémentaires permettant de le confirmer est grandement facilité par lanalyse dune part de la sémiologie de la maladie rénale, et dautre part par les circonstances de survenue qui ont souvent une grande valeur dorientation.

Lanalyse sémiologique de la néphropathie permet de distinguer de façon très schématique plusieurs syndromes typiques regroupant certains éléments sémiologiques plus ou moins spécifiques. On distingue ainsi les syndromes de néphropathie vasculaire, de néphropathie glomérulaire et de néphropathie interstitielle.

  1. Le syndrome de néphropathie vasculaire est caractérisé par une hypertension artérielle au premier plan, un syndrome urinaire pauvre ou absent et une insuffisance rénale souvent sévère et rapidement progressive. Le diagnostic de ces néphropathies vasculaires repose essentiellement sur limagerie artérielle et parfois la biopsie rénale.

  2. Le syndrome de néphropathie glomérulaire est plus variable dans sa présentation. La protéinurie est généralement au premier plan constituée principalement dalbumine, les oedèmes sont possibles en fonction de limportance de la protéinurie (syndrome néphrotique). Lhypertension artérielle est fréquente. Linsuffisance rénale est également fréquente mais sa progression est variable selon la nature de latteinte glomérulaire. Le diagnostic repose quasi-exclusivement sur lanalyse histologique du tissu rénal obtenu par biopsie rénale percutanée.

  3. Le syndrome de néphropathie interstitielle est caractérisé par une présentation plus insidieuse avec un syndrome urinaire modéré parfois limité à une leucocyturie. Lhypertension artérielle y est moins fréquente quau cours des syndromes glomérulaires ou vasculaires. Lhypertension est généralement tardive et concomitante dune insuffisance rénale avancée. Lévolution est lente, sur plusieurs années ou dizaines dannées. Le diagnostic repose souvent sur limagerie rénale et dans certains cas sur la biopsie rénale. Les atteintes kystiques du rein évoluant vers linsuffisance rénale sont souvent rattachées aux néphropathies interstitielles, en raison des lésions interstitielles péri-kystiques fréquemment associées.

Le deuxième élément à prendre en compte est le contexte de survenue de latteinte rénale. On peut schématiquement distinguer 4 principaux cas de figure : ladulte jeune, le sujet âgé, le patient diabétique et le sujet athéromateux.

  1. Chez ladulte jeune, il faut évoquer de principe les uropathies malformatives et les néphropathies héréditaires.
    Les uropathies malformatives, avec ou sans obstacle, avec ou sans infection urinaire, donnent plutôt un tableau de néphropathie interstitielle. Le diagnostic repose habituellement sur limagerie rénale : urographie intra-veineuse, scanner, voire dans certains cas des examens plus spécifiques.
    La néphropathie de reflux complique un reflux vésico-urétéral, souvent bilatéral et de haut-grade, volontiers revélé dans lenfance par des épisodes multiples de pyélonéphrite aiguë et confirmé par la cystographie retrograde. Linsuffisance rénale est habituellment précédée par une protéinurie et une hypertension artérielle.

    Parmi les néphropathies héréditaires, les maladies kystiques des reins sont les plus fréquentes notamment la polykystose autosomique dominante dont le diagnostic pose généralement peu de problèmes lorsquil existe une notion familiale et des kystes multiples bilatéraux. Dautres formes héréditaires de néphropathie sont évoquées selon lhistoire familiale et la présentation clinique en particulier le syndrome dAlport (syndrome néphrotique-hypoacousie chez des hommes jeunes dans la troisième décennie).

    Dans cette tranche dâge et chez les sujets dâge moyens, les glomérulonéphrites représentent une cause importante dinsuffisance rénale en particulier la glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux dIgA (ou maladie de Berger). Celle-ci se présente habituellement sous la forme dhématuries macroscopiques récidivantes et/ou dune protéinurie dabondance variable rarement de rang néphrotique.

  2. Chez le sujet âgé, il faut évoquer de principe lobstacle, la toxicité rénale médicamenteuse, la glomérulonéphrite extra-capillaire et le myélome.
    Lobstacle sur les voies urinaires peut être dorigine soit prostatique soit néoplasique. La recherche systématique dun obstacle doit faire partie de lévaluation dune insuffisance rénale tant les conséquences thérapeutiques sont importantes : la levée de lobstacle permet généralement la récupération et en tout cas la stabilisation de linsuffisance rénale.
    Chez le sujet âgé, il faut également suspecter systématiquement latteinte néphrotoxique en raison de la sensibilité particulière du rein agé à toute aggression exogène (voir recommandations ANAES) (encadré 2). En particulier le rôle aggravant des anti-inflammatoires non stéroïdiens doit être systématiquement évoqué lorsquil existe une néphropathie sous jacente, une déplétion volémique ou diverses associations médicamenteuses comportant notamment des diurétiques et/ou des inhibiteurs de lenzyme de conversion.
    Certaines formes de glomérulonéphrites extracapillaires survenant dans le cadre de microvascularites à ANCA évoluent par poussées successives et peuvent être découvertes au stade dinsuffisance rénale. La présentation est habituellement celle dune insuffisance rapidement progressive accompagnée dune protéinurie dabondance variable et dun sédiment urinaire actif avec hématurie et cylindres hématiques.
    Enfin, le myélome doit être évoqué devant une insuffisance rénale progressive avec une protéinurie abondante ne réagissant pas à la bandelette urinaire car constituée exclusivement de chaînes légères dimmunoglobuline.

  3. Chez le sujet athéromateux, en particulier lorsquil existe déjà une manifestation connue de lathérome (ischémie artérielle dans les territoires carotide, coronaire ou des membres inférieurs), une néphropathie vasculaire doit être évoquée. La réalisation dune échographie-doppler des artères du rein doit être largement, voire systématiquement indiquée à la recherche dune sténose de lartère rénale uni- ou bilatérale responsable dune hypertension réno-vasculaire ou dune néphropathie ischémique. Cette possibilité doit être tout particulièrement évoquée lorsque lon constate une aggravation de la fonction rénale sous traitement bloquant le système rénine-angiotensine. Rappelons aussi que 25 % des sténoses de lartère rénale ne saccompagnent pas dhypertension artérielle et que son absence nexclut donc pas le diagnostic de néphropathie ischémique.
    Les embolies de cristaux de cholestérol sont une cause importante mais largement méconnue dinsuffisance rénale survenant chez des sujets athéromateux. Ces atteintes sont assez facilement reconnues lorsquelles surviennent de façon aiguë dans les suites dune chirurgie cardio-vasculaire ou dun cathétérisme aortique. Les formes insidieuses dévolution lente sont beaucoup plus fréquentes mais méconnues car généralement responsables dun tableau dhypertension artérielle au premier plan avec une aggravation progressive de la fonction rénale sans syndrome urinaire. Beaucoup de ces malades sont classés à tort comme ayant une néphroangiosclérose secondaire à lhypertension artérielle, alors quen réalité lhypertension artérielle est dorigine rénale et complique latteinte vasculaire ischémique du rein.
    Les relations entre hypertension artérielle et néphropathie vasculaire restent complexes. Environ 3 % des hypertensions artérielles compliquent une atteinte rénale soit sténose de lartère rénale soit néphropathie parenchymateuse. Inversement, lhypertension artérielle aggrave lévolution de lensemble des maladies rénales quelquen soit lorigine. Cependant, le rôle de lhypertension artérielle essentielle dans le déclenchement d'une néphropathie vasculaire de type néphro-angiosclérose reste controversé.

  4. Chez le sujet diabétique, la survenue dune complication rénale doit être en principe dépistée annuellement par le dosage de lexcrétion urinaire dalbumine, la mesure de la créatinine plasmatique et de la pression artérielle (voir tableau 1 : recommandations ANAES).
    Chez un patient diabétique de type 1, jeune avec une protéinurie et une rétinopathie, les problèmes diagnostiques sont limités car dans cette circonstance la certitude dune glomérulosclérose diabétique est proche de 100 % et la biopsie rénale est inutile.
    Il en est tout autrement chez le diabétique de type 2 qui représentent 10 fois plus de malades et dont le risque de survenue dune atteinte rénale est comme dans le diabète de type 1 estimé proche de 30 %. Chez ces malades plus âgés, souvent hypertendus avant même la survenue du diabète, latteinte rénale nest pas toujours liée à la glomérulosclérose du diabète. Les études systématiques par léchographie-doppler des artères rénales et biopsie rénale ont montré que dans cette population 1/3 seulement des patients développaient des lésions caractéristiques de glomérulosclérose diabétique, 1/3 des lésions ischémiques rénales en rapport avec une néphropathie vasculaire athéromateuse et enfin 1/3 une néphropathie dautre nature. Cette dernière éventualité doit être évoquée dans les populations à haute prévalence du diabète, où la rencontre fortuite dune autre néphropathie chez un sujet diabétique agé, est tout à fait possible. La notion importante est que ces 3 formes datteintes rénales ne sont habituellement pas distinguables les unes des autres sur des bases purement cliniques (protéinurie, fonction rénale, hypertension). Dautre part, la valeur prédictive positive et négative dune rétinopathie diabétique au fond doeil ne permet pas de distinguer les patients avec ou sans glomérulosclérose.

Lensemble de la démarche diagnostique est récapitulé dans le tableau 2 à double entrée (syndrome néphrologique x circonstance de survenue).

voir la figure Tableau récapitulatif du diagnostic des maladies rénales selon l'age et selon la présentation

Globalement lattitude pratique est assez simple : lorsque des anomalies urinaires ou sanguines orientent vers une maladie rénale, la patient doit être addressé au néphrologue qui jugera de la démarche diagnostique optimale et du recours judicieux aux examens complémentaires adaptés à chaque cas : imagerie et/ou biopsie rénale.


3. Evaluation pronostique

Malgré son caractère initialement indolent, le pronostic de linsuffisance rénale chronique progressive nest pas bon. Il est important didentifier quelles néphropathies sont progressives vers linsuffisance rénale terminale et quels sont les facteurs déterminant cette progression sur lesquels il est possible dagir médicalement. Certains facteurs de progression des néphropathies identifiés ne sont pas modifiables comme la nature de la néphropathie, le sexe et certains facteurs génétiques. Dautres facteurs de progression sont par contre modifiables et accessibles à un traitement comme notamment lhypertension artérielle qui joue un rôle aggravant au cours de pratiquement toutes les néphropathies, ainsi que labondance de la protéinurie au cours des néphropathies glomérulaires et enfin de façon générale labsence de suivi néphrologique spécialisé&

Linfluence de la protéinurie a été clairement démontrée dans plusieurs études prospectives, le risque de progression étant particulièrement élevé lorsque la protéinurie est supérieure à 3 g/24 heures. Plus que la protéinurie initiale cest la protéinurie résiduelle sous traitement qui semble le facteur déterminant. Ceci et des arguments expérimentaux, suggèrent que la protéinurie exerce en soit un effet délétère en favorisant la fibrose interstitielle et la progression.

Une attitude passive nest plus justifiée en 2001 devant une néphropathie accompagnée dhypertension et de protéinurie abondante. Même lorsquil nexiste pas de traitement spécifique, tout doit être mis en oeuvre pour ralentir la progression avec des traitements symptomatiques, anti-hypertenseurs et anti-protéinuriques.

Pr T. Hannedouche


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Mise-à-jour : lundi 12 mars 2001

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