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1. Généralités
Les maladies kystiques du rein représentent un ensemble hétérogène daffections qui partagent en commun les caractéristiques de cavités bordées d'épithélium, remplies de liquides ou de débris semi-solides à l'intérieur des reins. Les kystes peuvent être simples ou multiples, congénitaux ou acquis, survenir durant l'enfance ou chez des sujets âgés, cliniquement silencieux et asymptomatiques ou produire une insuffisance rénale.
Certaines circonstances cliniques suggèrent des affections kystiques spécifiques. Par exemple la présence de masses abdominales chez un nouveau né ou un enfant doit faire évoquer la possibilité d'une polykystose autosomique dominante ou autosomique récessive, une sclérose tubéreuse ou l'un des nombreux syndromes congénitaux. La mise en évidence d'une insuffisance rénale lors de l'adolescence suggère une polykystose autosomique récessive ou une maladie kystique de la médullaire. La découverte d'un kyste solitaire chez un sujet de 50 ans est plus compatible avec le diagnostic de kyste simple. Une histoire familiale de kystes suggère la possibilité d'une polykystose autosomique dominante, autosomique récessive ou d'une maladie kystique de la médullaire. Les lithiases rénales peuvent survenir au cours de la polykystose autosomique dominante ou de la maladie de Cacci-Ricci. La survenue d'une hématurie macroscopique chez un patient traité par hémodialyse chronique suggère la possibilité d'une maladie acquise kystique du rein. Les manifestations extrarénales associées constituent souvent des indices diagnostiques importants.
2. Kystes simples
Les kystes rénaux simples sont les plus fréquents et les moins graves de toutes les affections kystiques du rein. Leur fréquence augmente avec l'âge, de 0,1 à 4 % chez l'enfant, jusqu'à plus de 30 % au-delà de 70 ans. Le plus souvent les kystes simples sont asymptomatiques et sont découverts de façon fortuite sur des imageries abdominales. Occasionnellement, les patients peuvent développer une hématurie ou des douleurs lombaires, soulevant alors le problème de la malignisation de ces kystes. En échographie rénale, un kyste simple est caractérisé par des parois régulières, une bonne transmission échographique et aucun débris intrakystiques. Si ces caractéristiques échographiques ne sont pas réunies, un scanner rénal doit être réalisé. Cet examen permet dans pratiquement tous les cas de différencier des lésions bénignes ou malignes. Lorsque les kystes simples sont responsables de douleurs ou d'hypertension rénine-dépendante documentées, ils peuvent être ponctionnés sous contrôle échographique, drainés et sclérosés par l'instillation d'alcool à l'intérieur du kyste.
3. Maladies polykystiques du rein
Les maladies polykystiques du rein comprennent 4 affections ayant une diffusion systémique. Trois d'entre elles ont une transmission autosomique dominante : (1) la polykystose autosomique dominante qui est de loin la plus fréquente, (2) la sclérose tubéreuse de Bourneville, (3) la maladie de Von Hippel Lindau (VHL). La polykystose autosomique dominante et la sclérose tubéreuse ont une hétérogénéité génétique et des gènes situés sur le chromosome 16. La polykystose autosomique récessive, la polykystose dominante et la sclérose tubéreuse peuvent être détectées par l'imagerie rénale au cours de l'enfance. Par ailleurs, les formes dominante ou récessive de polykystose peuvent avoir des aspects échographiques rénaux très proches in utero, si bien quune mauvaise classification diagnostique entre ces 3 affections est fréquente. Ainsi l'âge de survenue de la maladie kystique, le mode de transmission et les anomalies associées doivent être évaluées de façon extrêmement soigneuse.
Il s'agit d'une affection rare survenant dans 1/50 000 naissances vivantes. Cette polykystose a été classée en formes périnatale, néonatale, infantile et juvénile, selon l'âge de survenue. Le gène anormal responsable est localisé sur le chromosome 6. Les manifestations cliniques comportent un retard de croissance, des masses abdominales, une hypertension artérielle et une insuffisance rénale.
Les reins sont augmentés de taille tôt dans la vie et peuvent ensuite diminuer de volume. Une coupe du rein montre des kystes fusiformes en orientation radiale. L'échographie est la méthode diagnostique de choix. L'examen des parents et dans certains cas, la biopsie hépatique des enfants atteints, sont nécessaires pour distinguer une polykystose autosomique récessive d'une présentation précoce de polykystose autosomique dominante. Une échographie rénale normale chez les parents, notamment s'ils sont âgés de plus de 30 ans, suggère fortement la polykystose récessive. Tous les enfants avec une polykystose récessive manifestent un certain degré d'atteinte hépatique mais elle n'est cliniquement apparente que chez les enfants plus âgés avec une forme juvénile qui peuvent avoir une fibrose hépatique suffisamment sévère pour développer une hypertension portale et ses complications. Un traitement précoce et agressif de l'hypertension artérielle systémique est important pour préserver la fonction rénale ultérieure. Les enfants avec une polykystose autosomique récessive progressent habituellement vers l'insuffisance rénale terminale avant l'adolescence. Celle-ci survient au cours des premières semaines de vie dans les formes périnatales. Parmi les enfants qui survivent la première année, 80 % environ sont encore en vie à l'âge de 15 ans. Le traitement de l'insuffisance rénale de la polykystose récessive est similaire à celui des autres formes d'atteinte rénale de l'enfant.
4. Maladies kystiques acquises
La maladie kystique acquise se rapporte au développement de kystes chez des patients ayant des reins préalablement non kystiques et ayant une insuffisance rénale terminale secondaire à une maladie autre qu'une maladie kystique du rein. La fréquence de survenue est variable, 7 à 22 % des patients ayant une insuffisance rénale chronique d'évolution lente et jusqu'à 90 % des patients traités par dialyse depuis 10 ans ou plus. Les hommes semblent avoir une fréquence plus importante de ces kystes acquis. La plupart des patients n'ont pas de symptômes liés aux kystes alors que d'autres développent des hémorragies rétropéritonéales ou intrarénales ou encore dans le système pyélocaliciel ce qui est responsable d'une hématurie macroscopique. Les tumeurs rénales à la fois adénomes et carcinomes peuvent compliquer cette transformation kystique. Le risque carcinologique associé à ces kystes (jusqu'à 25 % de cancérisation dans certaines séries) justifie le dépistage systématique dans les groupes à haut risque. L'échographie rénale permet d'établir le diagnostic mais la petite taille des reins et des kystes fait que le scanner rénal est plus sensible. Une hématurie macroscopique sévère et récidivante peut être traitée par des embolisations artérielles rénales car la nécessité de préserver le parenchyme rénal est moins importante chez des patients déjà dialysés. Les tumeurs rénales de moins de 3 cm peuvent être suivies sur la base d'un scanner rénal annuel. Les tumeurs de plus grande taille nécessitent la chirurgie en raison de leur risque plus important à développer une cancérisation.
5. Maladies kystiques de la médullaire rénale
La maladie kystique de la médullaire et la maladie de Cacci-Ricci (encore appelée ectasie canaliculaire précalicielle) constituent les deux principaux désordres kystiques de la médullaire.
La maladie kystique de la médullaire est une affection peu fréquente qui a été appelée néphronophtise familiale juvénile. Une atteinte familiale est habituelle avec un mode de transmission autosomique récessive dans la néphronophtise juvénile familiale et autosomique dominante dans la maladie kystique de la médullaire. La néphronophtise se présente dans l'enfance ou l'adolescence et s'associe volontiers avec des atteintes extrarénales, notamment des anomalies rétiniennes (rétinite pigmentaire). La maladie kystique de la médullaire survient plus fréquemment chez des adultes jeunes.
Sur le plan histologique, les reins sont de petite taille et présentent généralement quelques kystes à la jonction cortico-médullaire et dans la médullaire. Certains glomérules sont hyalinisés et les tubules d'apparence variable souvent atrophiques et tortueux. La néphropathie interstitielle chronique avec une fibrose extensible de l'interstitium est prédominante et les kystes sont en fait inconstants et de survenue tardive au stade d'insuffisance rénale terminale.
Cliniquement, une majorité de patients se présentent dans l'enfance ou l'adolescence précoce avec une polydipsie, une polyurie et une énurésie. Ces anomalies reflètent un défaut de concentration des urines et une polydipsie secondaire. Chez l'enfant, il existe souvent un retard de croissance et une anémie. Une perte de sel avec hypotension peut survenir chez certains patients au stade d'insuffisance rénale terminale.
Le diagnostic de cette affection est souvent difficile. L'analyse urinaire est pauvre et la protéinurie minime ou nulle. Les imageries rénales retrouvent des reins de petite taille si bien que certains patients sont simplement classés comme insuffisance rénale chronique terminale ou pyélonéphrite chronique. L'affection doit être évoquée systématiquement chez l'enfant ou l'adulte jeune ayant une insuffisance rénale, des petits reins et une histoire familiale d'insuffisance rénale. Il n'y a pas de traitement spécifique. La prise en charge est similaire à celle de tous les enfants ayant une insuffisance rénale avec toute l'attention nécessaire à la croissance, l'ostéodystrophie et la balance sodée. La possibilité d'une anomalie rétinienne doit être également prise en compte dès l'évaluation initiale.
La maladie de Cacci-Ricci ou ectasie canaliculaire précalicielle est une affection relativement fréquente survenant chez 1/5 000 à 1/20 000 individus. Il n'y a pas de mécanisme physiopathologique connu. Les dilatations tubulaires surviennent dans les tubes collecteurs médullaires. Les patients se présentent avec une hématurie macroscopique récidivante, des infections urinaires ou des calculs rénaux. Le diagnostic est établi sur l'urographie intraveineuse qui montre des reins de taille normale avec des ectasies canaliculaires médullaires, décrites comme des aspects en flammèche, en pinceau ou bouquets de fleurs sur les fonds caliciels. Souvent il existe des calculs ou des calcifications des zones kystiques sur la radiographie de l'abdomen sans préparation.
Une hypercalciurie de même qu'une hyperparathyroïdie primitive peuvent être associées à la maladie de Cacci-Ricci et doivent être recherchées de façon systématique. A l'inverse jusqu'à 20 % des patients évalués pour lithiases rénales peuvent avoir une authentique maladie de Cacci-Ricci. Les autres manifestations cliniques de la maladie de Cacci-Ricci reflètent les altérations structurales de la papille rénale avec comme conséquences, une diminution de la capacité de concentration des urines, une altération de l'acidification avec une acidose tubulaire rénale incomplète et parfois une anomalie de l'excrétion rénale du potassium en réponse à une charge aiguë en potassium. Malgré ces défauts souvent subtils de la fonction tubulaire, les concentrations des électrolytes sériques sont presque toujours normales.
Le traitement comprend la prise en charge appropriée des infections rénales et des calculs. La possibilité d'une obstruction de l'arbre urinaire doit être évoquée devant chaque épisode de colique néphrétique. En l'absence d'obstruction, la fonction rénale reste habituellement normale.
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