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1. Sarcoïdose rénale
La sarcoïdose est une maladie systémique d'étiologie inconnue et caractérisée par la présence de granulomes non caséeux dans les organes atteints. La présentation clinique est habituellement dominée par les atteintes pulmonaires, cutanées et oculaires.
L'atteinte rénale est liée à l'infiltration de l'interstitium rénal par des granulomes et/ou des anomalies de la balance calcique induite par les granulomes. La présence de granulomes interstitiels rénaux n'est pas spécifique de la sarcoïdose car elle peut être observée dans d'autres maladies comme les néphropathies interstitielles immuno-allergiques médicamenteuses, la granulomatose de Wegener, la bérylliose, la tuberculose et la lèpre.
Les glomérules sont habituellement normaux et les granulomes peuvent occasionnellement toucher les vaisseaux rénaux. Les autres manifestations pathologiques rénales sont la fibrose interstitielle et une atrophie tubulaire. Des calcifications interstitielles peuvent être observées chez les patients avec une hypercalcémie ou une hypercalciurie sévère.
L'incidence précise de l'atteinte rénale dans la sarcoïdose n'est pas bien connue. Une prévalence de 7 à 37 % est rapportée dans les séries autopsiques, mais l'atteinte rénale clinique est le plus souvent inapparente car cliniquement asymptomatique. Dans une série de 152 patients, 49 % ont des anomalies rénales cliniques essentiellement protéinurie ou anomalies du sédiment urinaire, 14 % ont des calculs rénaux au cours de la maladie. Parmi les 25 patients ayant eu une biopsie rénale, 10 ont des granulomes épithéliaux rénaux. La néphropathie interstitielle granulomateuse se présente habituellement sous la forme d'une insuffisance rénale moyennement rapidement progressive sur plusieurs semaines ou mois. La protéinurie est modérée et il existe fréquemment des anomalies tubulaires notamment un diabète insipide, une acidose tubulaire et une glycosurie.
Les macrophages des granulomes sarcoïdosiques contiennent une 1-alpha-hydroxylase, enzyme capable d'activer la vitamine D en sa forme active (calcitriol). L'absorption intestinale de calcium cause une hypercalciurie et une hypercalcémie avec comme conséquence une lithiase calcique et/ou une néphrocalcinose (voir la section "Hypercalcémies"). L'incidence de l'hypercalciurie est d'environ 10 à 60 %, celle de l'hypercalcémie de 10 % et celle de la néphrocalcinose d'environ 5 %. La lithiase calcique survient chez environ 5 à 10 % des patients, peut être la présentation initiale. La néphrocalcinose observée chez plus de la moitié des patients avec une insuffisance rénale constitue la principale cause d'insuffisance rénale chronique au cours de la sarcoïdose. L'alpha-hydroxydase macrophagique est très particulière car elle n'est pas accompagnée par la 24-hydroxylase et n'a pas de rétrocontrôle négatif par son produit dihydroxylé. Elle est cependant très sensible à l'inhibition par les glucocorticoïdes.
La néphropathie interstitielle granulomateuse sarcoïdose peut être traitée effectivement par les glucocorticoïdes. Les patients répondent rapidement avec une amélioration de la fonction rénale et la récupération dépend largement de l'étendue des lésions, de la sévérité de l'inflammation et de la présence d'une fibrose irréversible avant l'initiation du traitement. Il n'y a pas de données concernant la dose ou la durée optimale du traitement. Une dose de 1 à 1,5 mg/kg de prednisolone est habituellement utilisée pendant deux à trois mois suivie d'une décroissance progressive guidée sur la réapparition des signes ou symptomes d'activité de la maladie. Le syndrome hypercalcémie-hypercalciurie répond également rapidement aux glucocorticoïdes avec des doses généralement moindres. Par contre, une récidive est fréquente à l'arrêt du traitement. D'autres traitements alternatifs sont efficaces pour diminuer la production de la vitamine D active, la calcémie et la calciurie comme la chloroquine et le kétoconazole un inhibiteur de la stéroïdogénèse.
2. L'atteinte rénale du syndrome Sjögren
Le syndrome de Sjögren est une inflammation chronique caractérisée essentiellement par une diminution des sécrétions glandulaires, lacrimales et salivaires responsable dun syndrome sec.
Cependant, d'autres manifestations peuvent également survenir, en particulier une atteinte viscérale :
Dans une série prospective chez 80 patients ayant un syndrome de Sjögren primitif, tous les patients avaient une maladie exocrine (kérato-conjonctivite sèche, xérostomie, xérophtalmie, hypertrophie des glandes salivaires), celle-ci étant la seule manifestation chez 31 %. Une atteinte viscérale est survenue chez 25 % des patients. Une prolifération lymphocytaire monoclonale B (lymphome non Hodgkinien) se développe chez 2,5 % des patients. Globalement, l'activité immuno-inflammatoire (concentration des IgG plasmatiques, taux d'anticorps anti-nucléaires) et le score des biopsies glandulaires salivaires corrèlent avec la diffusion de la maladie clinique.
Dans le syndrome de Sjögren, l'atteinte non exocrine peut également toucher les reins aboutissant essentiellement à un tableau de néphropathie interstitielle et à des anomalies de la fonction tubulaire. La néphropathie interstitielle du syndrome de Sjögren est caractérisée histologiquement par un infiltrat interstitiel qui peut envahir et léser les tubules.
Exceptionnellement, des granulomes peuvent être retrouvés et doivent faire éliminer les diagnostics différentiels classiques. Une atteinte interstitielle plus chronique entraine une atrophie tubulaire et une fibrose interstitielle. Les glomérules sont habituellement normaux quoique quelques cas de glomérulonéphrites membrano-prolifératives ou extra-membraneuses ont été rapportées.
Les manifestations cliniques comportent une élévation variable de la créatinine plasmatique, un sédiment urinaire relativement peu modifié et des anomalies de la fonction tubulaire, syndrome de Fanconi, acidose rénale tubulaire, diabète insipide néphrogénique, liés à une résistance tubulaire à l'action de l'hormone anti-diurétique et enfin une hypokaliémie.
Un défaut de l'acidification distale survient chez environ 25 % des patients avec un syndrome de Sjögren, mais l'acidose métabolique associée est habituellement très modérée. Dans certains cas s'associe une fuite urinaire de potassium, avec des hypokaliémies parfois sévères 1 à 2 mmol/l, responsables de paralysies musculaires et d'arrêts respiratoires.
Le mécanisme de l'acidose tubulaire de type 1 associée à un syndrome de Sjögren est mal connu. Les analyses immuno-histo-chimiques de tissu de biopsies rénales montrent dans ce cas, l'absence de pompe H+ATPase dans les cellules intercalées du tube collecteur, cellules responsables de la sécrétion distale des protons. Dans d'autres cas, ont été retrouvées des concentrations élevées d'auto-anticorps dirigés contre l'anhydrase carbonique de type 2.
Une polyurie et une polydipsie par diabète insipide néphrogénique est parfois observée au du syndrome de Sjögren. Une hypokaliémie sans acidose tubulaire associée est parfois observée et semble être la conséquence d'une fuite primitive tubulaire de sodium.
Les anomalies rénales du syndrome de Sjögren ne sont pas spécifiques, si bien que le diagnostic nécessite lassociation dun syndrome sec avec des signes objectifs de sécheresse oculaire et une infiltration lymphocytaire des glandes salivaires sur une biopsie. La présence dauto-anticorps anti-Ro (SSA) et anti-La (SSB) sont relativement spécifiques du syndrome de Sjögren mais sont parfois observés également au cours du lupus érythémateux. La présence de lensemble de ces signes est habituellement suffisante pour confirmer le diagnostic.
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