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ETIOLOGIE DES SYNDROMES OEDÉMATEUX
Les principales causes d'oedèmes généralisés vus en clinique sont :
- linsuffisance cardiaque congestive,
- la cirrhose hépatique décompensée,
- le syndrome néphrotique et dautres maladies rénales,
- les oedèmes prémenstruaux et de la grossesse,
- les oedèmes idiopathiques généralement observés chez des jeunes femmes.
Les 3 principales formes d'oedèmes généralisés seront étudiées plus en détail : l'insuffisance cardiaque congestive, la cirrhose hépatique et les maladies rénales dont le syndrome néphrotique.
Dans la plupart des formes de maladies rénales, l'oedème est lié à une expansion volémique induite par une incapacité à excréter le sodium d'origine alimentaire. Il y a deux conditions dans lesquelles ces circonstances sont plus susceptibles de survenir :
- insuffisance rénale avancée avec une réduction marquée du débit de filtration glomérulaire limitant l'excrétion de sodium et
- au cours des néphropathies glomérulaires, comme la glomérulonéphrite aiguë ou le syndrome néphrotique.
Dans ces maladie glomérulaires, le débit de filtration glomérulaire peut être réduit mais la rétention de sodium est principalement liée à une augmentation de la réabsorption tubulaire notamment au niveau du tube collecteur. Inversement l'oedème est relativement inhabituel au cours des maladies tubulo-interstitielles et vasculaires. L'explication la plus vraisemblable est que le processus pathologique initial, tubulointerstitiel ou ischémique dans les néphropathies vasculaires, altère la réabsorption tubulaire de sodium.
Le syndrome néphrotique est un désordre caractérisé par une augmentation de la perméabilité glomérulaire aux macromolécules aboutissant à une constellation d'anomalies incluant notamment une protéinurie abondante dépassant 3,5 g par jour et une hypoalbuminémie. La constitution d'un syndrome oedémateux est fréquente dans cette situation n'appartient pas stricto sensu à la définition du syndrome néphrotique.
Il a été longtemps suggéré que le mécanisme responsable de la formation des oedèmes dans cette circonstance était différent de celui observé au cours des autres maladies rénales avec l'hypoalbuminémie et le sous-remplissage vasculaire responsable de la rétention primitive de sodium. Il est important cependant de noter que la distribution des fluides entre l'espace vasculaire et l'interstitium dépend du gradient de pression oncotique (POC) transcapillaire (POCcap -POCi) et pas seulement de la pression oncotique plasmatique. Au cours du syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes par exemple, la chute de la concentration plasmatique d'albumine au cours de la maladie active est associée à une diminution parallèle de la concentration interstitielle d'albumine liée à une diminution des entrées d'albumine dans l'interstitium. Il en résulte que le gradient oncotique transcapillaire est presque normal et ne peut donc pas être responsable du développement des oedèmes.
Les études expérimentales suggèrent que la maladie rénale induit par elle-même la rétention primitive rénale de sodium via une augmentation de la réabsorption tubulaire de sodium dans le tube collecteur. Ainsi l'oedème au cours du syndrome néphrotique résulte plus vraisemblablement d'un surremplissage de l'espace vasculaire sauf lorsque la concentration plasmatique d'albumine chute en-dessous de 15 à 20 g/l. Il y a plusieurs arguments cliniques compatibles avec cette dernière hypothèse. Probablement le meilleur argument est la mise en évidence au cours du syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes que la correction de la perméabilité glomérulaire par les glucocorticoïdes entraîne une augmentation substantielle de l'excrétion de sodium avec une résolution partielle des oedèmes avant toute élévation significative de la concentration plasmatique d'albumine. Il est dans ces conditions vraisemblable que c'est bien la maladie rénale plus que l'hypoalbuminémie qui est responsable de la rétention initiale de sodium.
L'insuffisance cardiaque congestive peut être produite par un grand nombre de maladies dont l'insuffisance coronaire, l'hypertension, les cardiomyopathies, les valvulopathies ou le coeur pulmonaire. L'oedème dans les différentes formes d'insuffisance cardiaque est lié à une augmentation de la pression veineuse qui produit une augmentation parallèle de la pression capillaire hydraulique.
Malgré une similarité de physiopathologie, le site de l'oedème est variable et dépend de la nature de la maladie cardiaque :
- l'insuffisance coronaire, l'hypertension artérielle, les valvulopathies du coeur gauche tendent à altérer préférentiellement la fonction ventriculaire gauche. Ces patients se présentent typiquement avec un oedème pulmonaire mais pas d'oedème périphérique.
- Le coeur pulmonaire par contre est initialement responsable dune insuffisance ventriculaire droite isolée aboutissant à la formation de volumineux oedèmes des membres inférieurs et parfois d'une ascite.
- Les cardiomyopathies tendent à toucher de façon équivalente le coeur droit et gauche aboutissant le plus souvent à l'apparition simultanée d'un oedème pulmonaire et périphérique.
Au cours de l'oedème aigu pulmonaire lié à un infarctus du myocarde, la maladie ventriculaire gauche aboutit à l'élévation de la pression télédiastolique ventriculaire gauche, élévation de pression qui est transmise de façon rétrograde par les veines pulmonaires jusqu'aux capillaires pulmonaires. En général, la pression capillaire pulmonaire doit dépasser 18 à 20 mmHg (normale 5 à 12 mmHg) avant qu'un oedème pulmonaire aigu ne survienne.
Au cours de l'insuffisance cardiaque chronique, le mécanisme de formation de l oedème est différent. Dans ce contexte, l'augmentation de la pression capillaire résulte de l'expansion volémique plasmatique non seulement de l'effet obstructif lié à l'atteinte cardiaque. Ceci est appelé hypothèse "antérograde" de l'insuffisance cardiaque au cours de laquelle l'évènement primitif est une réduction du débit cardiaque. La diminution de la perfusion tissulaire active les systèmes sympathiques et rénine-angiotensine, ce qui promouvoit la rétention d'eau et de sodium mais augmente aussi la résistance vasculaire, l'inotropie cardiaque afin de restaurer la perfusion tissulaire.
Globalement l'effet chez les patients avec une fonction cardiaque relativement bien préservée est une altération initiale minime dans les capacités d'excrétion du sodium. L'oedème est habituellement absent à ce stade sauf s'il y a un apport alimentaire en sodium excessif. Lorsque la maladie progresse, le débit cardiaque ne peut être restauré que par une augmentation du volume plasmatique et donc des pressions de remplissage intracardiaque qui deviennent alors suffisamment élevées pour produire l'oedème.
Des considérations analogues s'appliquent à l'insuffisance cardiaque à débit élevé, par exemple au cours de l'hyperthyroïdie ou des fistules artério-veineuses. Dans ces conditions, les patients se comportent comme s'ils étaient effectivement en hypovolémie efficace dans la mesure où le débit cardiaque est trop bas (de façon inappropriée) en relation avec les besoins tissulaires périphériques.
La séquence des évènements hémodynamiques au cours de l'insuffisance cardiaque chronique peut être appréciée à partir de la relation de Franck-Starling. Dans cette relation, l'augmentation de la pression télédiastolique ventriculaire gauche augmente le volume d'éjection systolique, un effet qui est médié semble-t-il par une augmentation de la contractilité cardiaque induite par l'étirement. Le développement d'une insuffisance cardiaque modérée tend à diminuer à la fois le volume d'éjection systolique et le débit cardiaque. La rétention rénale de sodium subséquente peut corriger ces anomalies dans la mesure où l'augmentation du volume plasmatique et donc de la pression télédiastolique du ventricula gauche (PTDVG) augmente la contractilité cardiaque. A ce stade, le patient est en nouvel état d'équilibre d'insuffisance cardiaque compensée au cours de laquelle toute rétention supplémentaire de sodium ne survient pas. Cependant la restauration d'une perfusion tissulaire ne peut intervenir qu'au prix d'une élévation de la PTDVG éventuellement à un niveau suffisant pour induire un oedème pulmonaire.
Les mécanismes sont différents au cours de l'insuffisance cardiaque sévère. Dans cette affection, la dysfonction myocardique est tellement importante que l'augmentation de la PTDVG ne peut normaliser le volume d'éjection systolique. Il en résulte que le débit cardiaque est également diminué et qu'il persiste une tendance continuelle à la rétention de sodium.
Plusieurs points méritent d'être rappelés concernant l'insuffisance cardiaque légère à modérée :
- la rétention hydrosodée et la constitution d'oedème a des effets doubles d'une part un effet bénéfique sur l'augmentation du débit cardiaque et un effet potentiellement délétère de l'augmentation de la pression veineuse.
- La congestion vasculaire avec augmentation de la pression télédiastolique du ventricule gauche et un bas débit cardiaque n'interviennent pas simultanément.
- La relation de Franck-Starling se modifie avec l'exercice. Les patients avec une insuffisance cardiaque modérée peuvent avoir un débit cardiaque au repos mais être incapable d'augmenter ce débit cardiaque de façon adaptée lors d'un exercice modéré. Dans ce contexte, la limitation de l'activité physique peut produire des améliorations substantielles. La simple position couchée pendant 1 à 2 heures maximise le débit cardiaque par rapport aux besoins tissulaires, ce qui peut induire une augmentation de 40 % du débit de filtration glomérulaire et un doublement de la réponse natriurétique aux diurétiques.
- Les patients avec une insuffisance cardiaque légère à modérée qui n'ont pas d'oedème au cours d'une restriction en sodium alimentaire mais peuvent devenir oedémateux en cas de charge en sodium.
La situation est cependant différente au cours de l'insuffisance cardiaque sévère. A ce stade, le plateau du volume d'éjection systolique survient plus tôt et à un niveau plus bas que dans l'insuffisance cardiaque modérée et l'augmentation de la pression télédiastolique du ventricule gauche ne peut normaliser le volume d'éjection systolique. Deux facteurs semblent rendre compte de ce plateau :
Il y a 2 principales modifications induites par la cirrhose hépatique et qui favorisent la rétention de sodium et la localisation de la plupart de cet excès de fluides dans le péritoine sous forme d'ascite : la vasodilatation qui diminue la résistance vasculaire systémique et deuxièmement l'obstruction post-sinusoidale induite par la fibrose hépatique.
Au fur et à mesure que la rétention d'eau et de sel augmente le volume plasmatique, l'obstruction post-sinusoïdale entraîne une élévation préférentielle de la pression hépatique sinusoïdale favorisant alors le mouvement de fluide en dehors des sinusoïdes à travers la capsule hépatique jusque dans le péritoine. L'augmentation du débit lymphatique retourne initialement ce fluide jusque dans la circulation systémique, mais alors que la maladie avance, cette compensation n'est plus suffisante pour prévenir la formation de l'oedème.
La réponse neuro-endocrinienne et rénale à la cirrhose hépatique est très proche de celle observée au cours de l'insuffisance rénale congestive : diminution du volume circulant effectif qui entraîne l'activation des hormones hypovolémiques, la rénine, la noradrénaline et l'hormone antidiurétique aboutissant à l'augmentation de la réabsorption d'eau et de sodium dans le rein. Cependant, les mécanismes d'hypoperfusion au cours de la cirrhose hépatique sont différents dans la cirrhose hépatique, les modifications hémodynamiques primitives sont la vasodilatation splanchnique et la formation de fistules artério-veineuses multiples à travers l'organisme (tels que les angiomes stellaires sur la peau). Le mécanisme vers lequel la cirrhose hépatique induit ces altérations hémodynamiques n'est pas connu. Quoiqu'il en soit, la réduction de la résistance vasculaire systémique diminue la pression artérielle systémique, ce qui favorise encore l'activation des systèmes de rétention du sodium.
A l'inverse du bas débit cardiaque observé dans l'insuffisance cardiaque congestive, le débit cardiaque dans la cirrhose hépatique est le plus souvent élevé. Cependant la plupart de ce débit cardiaque est ineffectif en court circuitant la circulation capillaire à travers les fistules artério-veineuses. Ainsi le débit atteignant réellement la circulation capillaire, y compris le capillaire glomérulaire est en réalité diminué malgré un débit cardiaque total augmenté.
Ces altérations (vasodilatation de la circulation splanchnique et vasoconstriction neuro-endocrinienne dans la circulation rénale et musculo-squelettique) deviennent progressivement plus sévères en parallèle avec l'aggravation de la maladie hépatique. Les manifestations rénales de ces modifications hémodynamiques comprennent une réduction du débit sanguin rénal et de la filtration glomérulaire et une excrétion de sodium qui peut finalement diminuer en-dessous de 10 mmol/jour. Chez les patients avec une maladie hépatique plus avancée,peut se développer une insuffisance rénale qui est principalement liée à la vasoconstriction rénale intense plutôt qu'à des lésions structurales rénales. Cette affection appelée le syndrome hépato-rénal qui est définit comme une augmentation progressive de la créatinine plasmatique, sans cause évidente autre chez un patient atteint de maladie hépatique avancée. Bien que ce désordre peut apparaître cliniquement comme ayant un début brutal chez un patient ayant une fonction rénale normale initialement, le syndrome hépatorénal représente la phase terminale d'un processus qui diminue progressivement le débit sanguin rénal et la filtration glomérulaire. En effet, la diminution de la filtration glomérulaire au cours de la cirrhose hépatique est souvent masquée par une réduction de la production d'urée, liée à la maladie hépatique et de créatinine, essentiellement liée à une perte de masse musculaire. Il en résulte que la concentration plasmatique de créatinine peut rester dans des valeurs apparemment normales de l'ordre de 100 à 130 µmol/l chez des patients avec une filtration glomérulaire abaissée jusqu'à 20 ml/mn.
La survie des patients est extrêmement limitée dans le syndrome hépatorénal sauf si la fonction hépatique peut être améliorée, par exemple par une transplantation hépatique. La mortalité est dans ce contexte essentiellement liée à l'encéphalopathie hépatique, aux hémorragies de varices oesophagiennes plus qu'à l'insuffisance rénale. La réinfusion de l'acide du patient dans la veine jugulaire interne à l'intermédiaire d'un shunt péritonéo-veineux peut permettre d'augmenter le volume plasmatique et dans certains cas d'améliorer la fonction rénale. Il n'y a cependant pas de bénéfice démontré en terme de survie dans la mesure où l'insuffisance hépatique persiste.
L'importance de la vasodilatation splanchnique responsable du sous-remplissage sur l'altération de la fonction rénale au cours de la cirrhose hépatique peut être illustré par la réponse à l'injection de l'ornipressine, un analogue de l'hormone antidiurétique. L'ornipressine est un vasoconstricteur préférentiel de la circulation splanchnique qui chez les patients avec cirrhose hépatique entraîne séquentiellement une élévation de la résistance vasculaire systémique, de la pression artérielle, une réduction de l'activité rénine plasmatique et de la concentration donneur adrénaline, puis une élévation du débit sanguin rénal, de la filtration glomérulaire et de l'excrétion urinaire de sodium.
Certains médicaments peuvent induire des oedèmes en augmentant la réabsorption rénale de sodium. Ceci survient essentiellement avec les deux vasodilatateurs directs très puissants que sont le minoxidil et le diazoxide. Le mécanisme de stimulation de la réabsorption rénale du sodium est mal connu. La diminution brutale et importante de la pression artérielle joue probablement un rôle important dans la mesure où ces vasodilatateurs directs activent le système rénine-angiotensine et sympathique.
D'autres médicaments sont susceptibles d'induire des oedèmes :
- les bloqueurs des canaux calciques, notamment les dihydropyridines qui induisent des oedèmes périphériques par fuite capillaire liée à la dilatation du sphincter précapillaire.
- Les anti-inflammatoires non stéroïdiens inhibent la synthèse rénale des prostaglandines et peuvent exacerber des oedèmes chez des patients présentant une insuffisance cardiaque ou une cirrhose hépatique sous-jacente.
- Les estrogènes seuls ou en combinaison avec un progestagène peuvent aussi favoriser la rétention de sodium essentiellement chez les patients ayant un métabolisme anormal des estrogènes en raison d'une maladie hépatique.
- La fludrocortisone est un minéralocorticoïde synthétique utilisé dans le traitement de l'hypoaldostéronisme et de l'hypotension orthostatique. Ce médicament induit une rétention hydrosodée modérée mais l'apparition réelle d'oedèmes est inhabituelle en raison du phénomène d'échappement aux minéralocorticoïdes.
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET DIAGNOSTIC DES OEDÈMES
Un grand nombre d'affections peut être responsable d'oedèmes notamment l'insuffisance cardiaque congestive, la cirrhose hépatique décompensée, le syndrome néphrotique. Le diagnostic fait intervenir essentiellement deux étapes : l'histoire clinique et l'examen clinique hémodynamique.
L'histoire clinique est très importante pour le diagnostic des oedèmes et en particulier 3 questions doivent être posées :
- y-a t-il des antécédents de maladie (insuffisance coronaire, hypertension, alcoolisme) ou la prise de médicaments susceptibles de provoquer une maladie cardiaque, hépatique ou rénale?.
- Quelle est la localisation de l'oedème ? Généralement la dyspnée oriente vers une insuffisance cardiaque, l'ascite vers une cirrhose hépatique et un oedème purement périphérique fait évoquer une insuffisance cardiaque, une maladie rénale ou une maladie veineuse localisée. Chez les patients avec une insuffisance cardiaque établie, la localisation de l'oedème apporte des informations diagnostiques : les patients avec une insuffisance cardiaque gauche présentent plutôt typiquement avec un oedème pulmonaire alors que les patients avec une cardiomyopathie ont habituellement une atteinte à la fois du coeur gauche et droit aboutissant à l'apparition simultanée d'oedèmes pulmonaires et périphériques.
- L'oedème est-il intermittent ou chronique persistant ? Un oedème intermittent est un symptôme fréquent des oedèmes prémenstruels. Certaines de ces femmes sont placées de façon inadvertante sous traitement diurétique chronique, ce qui peut induire un certain degré de dépendance aux diurétiques aboutissant à certains des cas d'oedème idiopathique.
L'examen clinique hémodynamique représente un temps essentiel du diagnostic à la recherche
- de la distribution des oedèmes,
- de la pression veineuse centrale
- de la présence ou l'absence d'oedème pulmonaire.
Oedème pulmonaire
Les patients avec un oedème pulmonaire se présentent avec une polypnée, une orthopnée et à l'examen clinique polypnée, râles crépitants et souvent bruit de galop. Le diagnostic doit être confirmé par une radiographie de thorax dans la mesure où d'autres anomalies nécessitant d'autres traitements peuvent induire des symptômes similaires en particulier l'embolie pulmonaire. Bien que l'insuffisance cardiaque représente la principale cause d'oedème pulmonaire, celui-ci peut être également induit par une surcharge volémique en cas de rétention primitive rénale de sodium (glomérulonéphrite aiguë par exemple) ou lors d'une augmentation de la perméabilité capillaire dans le syndrome de détresse respiratoire aiguë. Dans ces cas, si un diagnostic correct ne peut être établi à partir de l'histoire clinique, de l'examen clinique et des données biologiques, la mesure de la pression capillaire pulmonaire (PCP) bloquée peut être extrêmement utile. La PCP dépasse 18 à 20 mmHg en cas d'oedème pulmonaire par maladie cardiaque ou rétention primitive rénale de sodium mais reste relativement normale dans le syndrome de détresse respiratoire aiguë.
A l'inverse des maladies rénales et cardiaques, une cirrhose non compliquée n'entraîne pas d'oedème pulmonaire. L'obstruction post-sinusoïdale dans cette affection entraîne une augmentation des pressions capillaires et veineuses sélectivement en dessous de la veine hépatique et a un volume sanguin normal ou réduit dans la circulation cardiopulmonaire.
L'oedème pulmonaire ne complique pas les oedèmes avec hypoalbuminémie. Le capillaire alvéolaire a une perméabilité augmentée à l'albumine et donc une pression oncotique interstitielle supérieure d'environ 18 mmHg. Ceci constitue un important facteur de protection contre la constitution d'un oedème alvéolaire en cas d'hypoalbuminémie dans la mesure où la pression oncotique interstitielle diminue rapidement parallèlement à la pression oncotique plasmatique et minime le gradient de pression oncotique transcapillaire. En l'absence d'une augmentation associée de la pression capillaire pulmonaire, un oedème pulmonaire ne survient pas au cours des hypoalbuminémies même lorsque la concentration plasmatique d'albumine est suffisamment basse pour induire un oedème périphérique.
A la différence de l'oedème pulmonaire, les oedèmes périphérique et l'ascite sont inesthétiques mais sont responsables de complications et de symptômes moins sévères. Ceux-ci comportent un gonflement des jambes, des difficultés à la marche, une augmentation de la tension abdominale et éventuellement une dyspnée liée à la pression du liquide d'ascite sur le diaphragme chez les patients avec une ascite très tendue. Les oedèmes périphériques peuvent être détectés par la présence d'un godet persistant après la pression.
L'oedème périphérique se localise préférentiellement dans les zones déclives, extrémités inférieures des jambes chez les patients ambulatoires, au niveau des lombes chez les patients alités. L'ascite entraîne une distension abdominale et un mouvement liquide à la percussion de l'abdomen. Les patients avec un syndrome néphrotique peuvent avoir un oedème périorbital plus marqué en raison de la pression tissulaire faible dans cette zone (absence d'adhérence au tissu sous jacent).
La distribution des oedèmes et l'estimation de la pression veineuse centrale peuvent aider au diagnostic différentiel de l'insuffisance cardiaque, de la cirrhose hépatique et de la rétention primitive rénale de sodium et du syndrome néphrotique. Ceci est particulièrement important chez certains patients avec une insuffisance cardiaque du coeur droit chronique au cours de laquelle l'atteinte cardiaque peut entraîner à la fois une cirrhose liée à la congestion passive, chronique du foie et une protéinurie hémodynamique qui dans certains cas peu fréquents peut aller jusqu'aux valeurs néphrotiques. Pour mémoire, la pression veineuse centrale normale est de 1 à 8 cm d'eau soit 1 à 6 mmHg (1,36 cm d'eau = 1 mmHg).
Les signes physiques d'une rétention rénale primitive de sodium sont similaires à ceux observés au cours de l'insuffisance cardiaque biventriculaire : A la fois l'oedème pulmonaire et périphérique peuvent être présents et la pression veineuse centrale jugulaire est élevée dans la mesure où ces patients sont réellement en expansion volémique. Les anomalies du sédiment urinaire, la protéinurie et l'augmentation de la créatinine plasmatique permettent habituellement de distinguer ces patients avec une maladie rénale sous jacente de ceux avec une insuffisance cardiaque.
Cependant la différenciation peut être plus difficile chez certains patients dans la mesure où l'insuffisance cardiaque peut induire une insuffisance rénale fonctionnelle liée à la diminution de perfusion rénale et une protéinurie hémodynamique. Dans ce contexte le diagnostic correct est établi a postériori avec la normalisation de la fonction cardiaque lorsque la surcharge hydrosodée et l'excès de fluide sont corrigés.
- Syndrome néphrotique : les patients avec un syndrome néphrotique se présentent typiquement avec des oedèmes périphériques et péri-orbitaux et occasionnellement une ascite. Deux facteurs contribuent à la rétention de fluides dans ce contexte, une rétention rénale primitive de sodium liée à la maladie rénale sous-jacente, mais ceci est moins important, une diminution du gradient de pression oncotique transcapillaire qui semble jouer un rôle seulement dans les hypoalbuminémies très sévères. La pression veineuse centrale est habituellement normale à normale haute au cours du syndrome néphrotique.
- Oedème idiopathique : les patients avec des oedèmes idiopathiques se comportent comme s'ils étaient en déplétion volémique en raison d'une chute exagérée du volume plasmatique en position debout et de l'effet concomitant des diurétiques souvent administrés dans cette circonstance. Ces patients ont des oedèmes essentiellement périphériques avec une pression veineuse centrale normale ou normale basse et il n'y a pas d'oedème pulmonaire.
Insuffisance veineuse :
Une cause fréquente d'oedème périphérique est l'insuffisance veineuse dont la cause la plus fréquente est le syndrome postphlébitique après un épisode de thrombophlébite des membres inférieurs. En dehors de la notion d'une histoire de maladie veineuse ou de thrombophlébite et en l'absence d'autres causes apparentes d'oedèmes, les arguments cliniques en faveur de l'insuffisance veineuse sont les suivants :
- l'oedème est limité aux membres inférieurs et le plus souvent unilatéral,
- la pression veineuse centrale est normale,
- la réponse de l'oedème aux diurétiques est absente et certains patients développement même des signes d'hypoperfusion généralisés.
Oedème sans godet
Le signe du godet traduit le mouvement de l'eau interstitielle en excès en réponse à la pression. Le lymphoedème qui survient par exemple après une mastectomie ou une maladie lymphatique ou encore le myxoedème prétibial doivent être évoqués lorsque l'oedème ne présente pas de godet. Le myxoedème est composé de zones localisées de gonflement et il est observé chez les patients avec une maladie thyroïdienne.
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