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OBJECTIFS

  • Connaitre le lien entre hyperhomocystéinémie et risque cardiovasculaire
  • Interpréter les causes d'hyperhomocystéinémie
  • Connaître le role de l'interaction entre polymorphisme génétique et carence en folate dans le déterminisme de l'hyperhomocystéinémie

 
NephroHUS Online PLAN DU CHAPITRE
 

1. Introduction

L'homocystéine est un acide aminé soufré qui est formé durant le métabolisme de la méthionine, une étape essentielle à la formation de donneurs de méthyl et à la réparation cellulaire. Au cours de certaines maladies rares comme l'homocystinurie, une maladie autosomale récessive liée à un déficit génétique en cystathionine-beta-synthase, une élévation importante de l'homocystéine circulante est associée à une athérosclérose et des thromboses artérielles prématurées. Plus récemment il a été montré que dans la population générale, les sujets ayant une augmentation très modérée de l'homocystéine circulante présentaient également un excès de risque d'atteintes vasculaires athéro-sclérotiques ou thrombotiques.

2.Métabolisme de l'homocystéine

    2.1.Forme circulante de l'homocystéine

Dans le plasma, environ 80 % de l'homocystéine est lié aux protéines. L'homocystéine non liée existe essentiellement sous forme de disulfide mixte homocystéine-cystéine. De petites quantités existent sous forme de dimères homocystéine-homocystéine encore appelés homocystine ou sous la forme d'homocystéine libre vraie. Cette dernière fraction constitue environ 1 % de toute l'homocystéine circulante mesurée (Figure 1). Par convention, l'homocystéine totale représente la somme de toutes les fractions libres ou liées d'homocystéine ; elle est habituellement écrite "homocyst(é)ine" et souvent abrégée sous la forme "tHcy" (Mudd and Levy 1995). Les valeurs normales d'homocystéine varient légèrement entre les différents laboratoires et suivant les techniques de dosage (pour revue, voir la référence (Ueland, Refsum et al. 1993)). Une valeur de 16 µmol/l à jeûn représente le 95ème percentile de la distribution dans la plupart des études et cette valeur est donc généralement considérée comme la limite supérieure de la normale. Dans l'insuffisance rénale, les concentrations à la fois de l'homocystéine liée aux protéines et de l'homocystéine libre augmentent souvent de façon considérable mais le rapport de ces deux formes reste normal (Hultberg, Andersson et al. 1995).

    2.2.Métabolisme de l'homocystéine et sa régulation

L'homocystéine est un métabolite intermédiaire formé pendant le métabolisme de la méthionine, un amino-acide essentiel présent en grande abondance dans l'alimentation occidentale. Alors que les apports recommandés en méthionine sont de 0,9 g/jour, les apports réels sont d'environ 2 g/jour dans une alimentation riche en protéines. Un apport prolongé riche en méthionine peut contribuer à une augmentation chronique modérée de la concentration d'homocystéine.

La méthionine est initialement transformée en S-adénosyl méthionine (SAM), une réaction catalysée par la méthionine-adénosyl-transférase puis en S-adénosyl-homocystéine qui est par la suite hydrolysée pour produire de l'adénosine et de l'homocystéine .

voir la Figure : "Métabolisme de l'homocystéine"
L'homocystéine est ensuite soit reméthylée pour produire de la méthionine ou transulfurée pour produire de la cystathionine et puis enfin de la cystéine. En présence d'une quantité suffisante de méthionine, environ 50 % de l'homocystéine est transformée en cystathionine par la transulfuration, voie régulée par la cystathionine-béta-synthase (CBS) qui nécessite la pyridoxine-5'-phosphate (vitamine B6 activée) comme co-facteur. La cystathionine est ensuite convertie en cystéine dans une réaction qui nécessite également de la vitamine B6. La cystéine occupe un rôle central dans un grand nombre de réactions cellulaires notamment la production de glutathion, de taurine et d'autres acides aminés soufrés. Le glutathion est le plus important des tampons redox intra-cellulaires. La plupart de ces amino-acides soufrés sont excrétés dans les urines.

Dans les situations où l'épargne de méthionine est nécessaire, l'homocytéine est reméthylée en méthionine par une 5-méthyltétrahydrofolate-homocystéine-méthyl-transférase (méthionine synthase) et une 5,10-méthylènetétrahydrofolate réductase (MTHF-réductase). Ces réactions nécessitent des quantités suffisantes de vitamine B12 et d'acide folique. La méthionine peut également être reformée par une reméthylation supplémentaire de l'homocystéine, réaction catalysée par la bétaïne homocystéine-méthyl-transférase (réaction essentiellement hépatique). La S-adénosyl-méthionine (SAM), est le métabolite principal régulant le débit d'homocystéine entre les voies de transulfuration et de reméthylation. Ainsi, des quantités élevées de SAM reflètent un excès de méthionine et inhibent la méthylènetétrahydrofolate réductase pour favoriser la transulfuration. Le métabolisme de la méthionine est également influencé par l'apport alimentaire protéique et son contenu en méthionine, certaines hormones dont les estrogènes et l'âge (Ueland, Refsum et al. 1993).

3.Facteurs affectant la concentration d'homocystéine

Pour éviter l'accumulation intra-cellulaire d'homocystéine, il existe un mécanisme d'export de l'homocystéine vers le plasma. La concentration normale à jeûn d'homocystéine plasmatique est habituellement d'environ 10 mmol/l. Dans l'étude Framingham, la concentration de 14 µmol/l correspond au 90ème percentile des valeurs obtenues chez des sujets ayant des concentrations normales de vitamines B6, B9 et B12 (Selhub, Jacques et al. 1995). Dans la Physicians' Health Study, le 95ème percentile se situe à 15,8 µmol/l (Stampfer, Malinow et al. 1992) et dans l'étude Hordaland ainsi qu'une série française, 15 et 15,7 µmol/l définissent la limite supérieure de la moyenne + 2 déviations standards (Nygard, Vollset et al. 1995; Montalescot 1996). Le 95ème percentile est d'environ 16 mmol/l dans la plupart des études et cette valeur est donc généralement considérée comme la limite supérieure de la normale. Cependant dans la Framingham Heart Study, la fréquence de sténose carotidienne augmente au delà du seuil de 11,4 µmol/l (Selhub, Jacques et al. 1995).

La concentration d'homocystéine est d'environ 10 % supérieure chez l'homme par rapport à la femme, chez les fumeurs par rapport aux non-fumeurs et augmente progressivement avec l'âge dans les deux sexes (Ueland, Refsum et al. 1993; Nygard, Vollset et al. 1995). La concentration plasmatique de créatinine et d'albumine sont deux variables affectant indépendamment la concentration plasmatique d'homocystéine dans la population générale. La génération d'adénosyl-homocystéine à partir de la SAM est couplée à la synthèse de créatine-créatinine à partir du guanidino-acétate ce qui explique probablement la relation directe entre tHcy et la créatinine plasmatique dans la population générale à fonction rénale normale. Environ 70-80% de l'homocystéine est liée à l'albumine ce qui semble rendre compte des relations entre tHcy et albuminémie dans la population générale.

Dans certaines situations, la concentration d'homocystéine à jeûn est normale mais augmente après charge en méthionine. Cette charge en méthionine est actuellement essentiellement utilisée pour le dépistage des sujets hétérozygotes pour le déficit en CBS. La signification d'une hyperhomocystéinémie provoquée isolée (tHcy à jeûn normale) dans la population générale est pour le moment controversée en terme de prédiction du risque vasculaire (Boushey, Beresford et al. 1995; Graham, Daly et al. 1997).

Des facteurs génétiques contribuent également à la concentration d'homocystéine. Les concentrations d'homocystéine sont corrélées entre jumeaux et personnes aparentées et ceci reflète probablement le rôle et l'activité des différents enzymes impliqués dans le métabolisme de l'homocystéine. Dans une étude, 14 % des sujets ayant une insuffisance coronaire prématurée (sténoses significatives à l'angiographie avant l'âge de 60 ans) ont une hyperhomocystéinémie familiale (Genest, McNamara et al. 1991).

 

Les causes d'hyperhomocystéinémie sont nombreuses et les principales sont représentées dans le Tableau 1. La cause génétique la plus fréquente d'hyperhomocystéinémie majeure est représentée par le déficit en cystathionine-béta-synthase (CBS), une maladie autosomique récessive rare caractérisée chez l'enfant par des anomalies oculaires, squelettiques et neurologiques. La prévalence du gène est estimée entre 1/50 et 1/200. Des complications thrombotiques surviennent chez 50 % des patients avant l'âge de 30 ans et sont attribuées aux concentrations plasmatiques excessives d'homocystéine qui peuvent atteindre jusqu'à 500 µmol/l chez les sujets non traités. D'autres maladies génétiques encore plus rares augmentent la concentration d'homocystéine ; celles-ci correspondent à des déficits en MTHF-reductase et à différentes anomalies génétiques du métabolisme de la vitamine B12.

Au moins, un des enzymes intervenant dans le métabolisme de l'homocystéine a été reconnu comme polymorphe sur le plan génétique. La méthylènetétrahydrofolate réductase possède un variant dit thermolabile qui est associé à des concentrations plus élevées d'homocystéine dans certaines conditions (voir infra).

Il existe de nombreuses causes acquises d'hyperhomocystéinémie au premier rang desquelles figure l'insuffisance rénale chronique (voir la page "Homocystéine et insuffisance rénale"). D'autres causes sont représentées par des déficits absolus ou relatifs en vitamines B (folates, vitamine B12, vitamine B6), certains cancers, le psoriasis et l'hypothyroidie ainsi que certains médicaments interférant avec le métabolisme des vitamines B.

Tableau 1 : Principales causes d'hyperhomocystéinémie
  • Génétiques : Mutation inactivatrice sur le gène codant pour un enzyme-clé du métabolisme de l'homocystéine
    • MTHF-réductase thermolabile (C677T)
    • Cystathionine-béta-synthase
    • Méthylènetetrahydrofolate homocystéine méthyltransférase
    • Méthionine synthase

Acquises :

  • Déficit en vitamines B6, B12 et folates
  • Insuffisance rénale chronique
  • Ménopause
  • Cancer (Leucémie aiguë lymphoblastique)
  • Psoriasis sévère
  • Hypothyroidie
  • Apports chroniques excessifs en méthionine

Médicaments et toxiques

  • Tabac
  • Méthotrexate
  • Antocomitiaux (phénytoine, carbamazépine)
  • Théophylline
  • Estro-progestatifs de synthèse (?)

Méthyltétrahydrofolate réductase thermolabile :

Un variant génétique relativement fréquent défini phénotypiquement par une forme "thermolabile" de la MTHF-réductase a été récemment décrit. Les extraits de lymphocytes des individus atteints ont une activité résiduelle de MTHF-réductase à 30 % après inactivation par la chaleur à 46° pendant 5 minutes. Le variant génétique expliquant cette thermolabilité résulte d'une mutation translation de C en T sur le nucléotide 677 du gène de la MTHF-réductase aboutissant au remplacement d'une Alanine en Valine ce qui peut-être détecté par PCR dans le sang périphérique. La fréquence allèlique du gène variant MTHF-réductase (val) dans la population générale est estimée à environ 19-30 % et la fréquence de l'homozygotie (val-val) à environ 7-12% (Kang, Passen et al. 1993; Gallagher, Meleady et al. 1996; Guttormsen, Ueland et al. 1996).

Des études récentes ont précisées les interrelations entre le phénotype MTHF-reductase thermolabile et la concentration d'homocystéine. Dans une étude réalisée chez 365 individus sains, les homozygotes pour C677T, ont une concentration à jeûn d'homocystéine en moyenne supérieure de 24 % à celle des individus ayant un génotype normal (ala-ala) mais ceci concerne essentiellement les sujets ayant les valeurs de folates plasmatiques les plus basses (Jacques, Bostom et al. 1996). Il n'y avait pas de différence significative de concentrations d'homocystéine entre les deux génotypes chez les patients ayant des concentrations plasmatiques en folates supérieures à 15 ng/l. De tels résultats ont été confirmés par d'autres groupes (Harmon, Woodside et al. 1996) et suggèrent donc une interaction de type gène-environement entre le phénotype MTHF-réductase thermolabile et une carence en folates. D'une façon générale, la prévalence de l'hyperhomocystéinémie augmente chez les sujets porteurs de la MTHF-réductase thermolabile ou carencés en folates. Dans une étude de population portant sur 18 043 individus âgés de 40 à 67 ans, Guttormsen & al. retrouvent une concentration d'homocystéine supérieure à 40 µmol/l chez 67 individus (0,4 %), l'homozygotie pour la MTHF-réductase thermolabile est présente chez 73 % des sujets de ce sous-groupe contre seulement 10.2 % des individus témoins (Guttormsen, Ueland et al. 1996). Les données de cette large étude de population indique que l'hyperhomocystéinémie dans les valeurs de 4 à 5 fois la limite supérieure de la normale est relativement peu fréquente dans la population générale et que lorsque de telles valeurs sont observées, elles représentent habituellement la combinaison d'une concentration abaissée en folates et de la mutation MTHF-réductase thermolabile.

Plusieurs études ont analysé les interrelations entre la MTHF-réductase thermolabile, l'hyperhomocystéinémie et concentration en folates et le risque d'insuffisance coronaire. Plusieurs études retrouvent un lien entre l'homozygotie MTHF-réductase (val-val) et une concentration d'homocysteine plus élevée mais pas avec la survenue d'un infarctus du myocarde (Ma, Stampfer et al. 1996; Christensen, Frosst et al. 1997). Ces études rapportent une fréquence élevée d'homozygotes (val-val) de 12-15% et d'hétérozygote (ala-val) de 41-48%, fréquence non-différente entre la cohorte de sujets ayant fait un infarctus et la cohorte témoin (Ma, Stampfer et al. 1996; Christensen, Frosst et al. 1997). Seule l'étude cas-témoins de Gallagher retrouve une association significative entre l'hyperhomocystéinémie, la fréquence de l'homozygotie MTHF-réductase (val-val) et la survenue d'un infarctus du myocarde (Gallagher, Meleady et al. 1996). Les divergences de ces études peuvent s'expliquer par le caractère retrospectif des études et un biais lié à "l'effet survivant". Les discordances pourraient aussi être liées à l'interaction gène-environnement ou gène-nutrition et largement dépendre des apports alimentaires en folates, ou encore à des différences de prévalence du gène variant dans les populations. Une autre hypothèse a en effet été suggérée sur la constatation que la MTHF-réductase thermolabile était plus fréquente dans les populations soumises à l'ensoleillement et ayant facilement accès à une alimentation basée sur les légumes verts riches en folates. A l'inverse dans des populations comme les lapons Inuits vivant au niveau du pôle arctique, la fréquence de la mutation est extrêmement faible (1% d'homozygotes, 6% d'hétérozygotes) ce qui leur conférerait une résistance naturelle à un régime alimentaire appauvri en folates et peut être à l'athéro-thrombose (Hegele, Tully et al. 1997).

Notons enfin que la fréquence de la mutation du gène de la MTHF-réductase ne semble pas différente chez les patients en insuffisance rénale terminale de celle observée dans la population de référence sans insuffisance rénale (Bostom, Shemin et al. 1996; Födinger, Mannhalter et al. 1997).

4.Signification de l'hyperhomocystéinémie dans la population générale

Les données épidémiologiques en faveur d'un rôle de l'homocystéine comme facteur de risque d'insuffisance coronaire ont été revues récemment (Clarke, Daly et al. 1991; Boushey, Beresford et al. 1995). Dans 20 études concernant plus de 2000 individus, les patients ayant une insuffisance coronaire ont une concentration d'homocystéine significativement plus élevée de 31% par rapport aux sujets témoins. Après ajustement pour les autres facteurs de risque cardiovasculaire, l'hyperhomocystéinémie reste un facteur indépendant de maladies cardiovasculaires avec un risque relatif d'insuffisance coronaire estimé à 23,9 par rapport aus sujets témoins (Clarke, Daly et al. 1991). Pour chaque augmentation de la concentration d'homocystéine de 5 µmol/l à jeûn ou de 10 µmol/l post-méthionine, le risque d'insuffisance coronaire augmente de 60% chez l'homme et 80% chez le femme, et le risque d'accident vasculaire cérébral augmente de 50% dans les deux sexes. L'excès de risque vasculaire attribué à une augmentation de la concentration d'homocystéine de 5 µmol/l est similaire à celui d'une augmentation de 0,5 mmol/l de la cholestérolémie (Boushey, Beresford et al. 1995).

Toutes les études prospectives concluent également que l'homocystéine constitue un facteur de risque cardiovasculaire fort et indépendants pour l'infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux ischémiques, et la mortalité coronarienne. Ces études prospectives suggèrent de plus une relation dose-effet le long de la distribution de concentration d'homocystéine ou au moins à effet seuil dans la moitié supérieure de la distribution (Stampfer, Malinow et al. 1992; Verhoef, Hennekens et al. 1994; Arnesen, Refsum et al. 1995; Perry, Refsum et al. 1995; Nygard, Nordrehaug et al. 1997). La "Physicians' Health Study" retrouve un risque relatif de 3,4 (IC 95 % : 1,3-8,8) pour la survenue d'infarctus du myocarde entre le 5ème percentile supérieur comparé au 90ème percentile inférieur de la distribution d'Hcy plasmatique et après ajustement pour les autres facteurs de risque cardiovasculaire (Stampfer, Malinow et al. 1992). Une relation dose-réponse entre l'hyperhomocystéinémie et le risque de mortalité coronarienne (risque relatif de 1,9 à 4,5 selon tHcy) est également retrouvé dans une population de sujets coronariens identifiés par coronarographie (Nygard, Nordrehaug et al. 1997).

Ces données épidémiologiques pourraient également orienter vers un mécanisme d'action de l'homocystéine Dans la "Phycicians' Health Study" une relation assez faible (odds ratio ajusté 1,6 (IC 95% : 0,7-3,5) est retrouvée entre l'hyperhomocystéinémie et le risque d'angor entre les 5èmes percentiles supérieur et inférieur, par comparaison au risque élevé d'infarctus. L'hyperhomocystéinémie pourrait ainsi agir en promouvant la thrombose et l'infarctus du myocarde plutôt que l'athérosclérose et l'angor.

5.Mécanismes de l'angiotoxicité de l'homocystéine

L'homocystéine exerce des propriétés athérogènes et prothrombotiques qui pourraient expliquer l'augmentation du risque vasculaire chez les patients hyperhomocystéinémiques.

Sur le plan histologique, les anomalies vasculaires observées au cours des hyperhomocystéinémies génétiques (déficit en CBS) associent un épaississement intimal, une rupture de la limitante élastique, une hypertrophie musculaire lisse, et des thrombi plaquettaires occlusifs (McCully 1969; Rolland, Friggi et al. 1995). Une particularité des ces lésions est la présence fréquente de calcifications diffuses situées dans la media et la limitante élastique interne, sans cellules spumeuses ou macrophagiques associées.

Les mécanismes, encore spéculatifs, par lesquels les concentrations élevées d'homocystéine pourraient favoriser l'athérosclérose et/ou la thrombose sont les suivants :

  • effet cytotoxique direct sur les cellules endothéliales, en partie lié à la formation de radicaux libres lors de l'oxydation de l'homocystéine réduite (Berman and Martin 1993; Mansoor, Bergmark et al. 1995).
  • stimulation de la prolifération des cellules musculaires vasculaires lisses comme en témoignent l'augmentation de la synthèse d'ADN et l'augmentation de l'expression de l'ARNm de la cycline A, de la transcription de la cycline A et de l'activité de la kinase associée à la cycline A dans ce modèle cellulaire (Tsai, Wang et al. 1996). La cycline-kinase associée la cycline A est à la fois un initiateur et un marqueur de mitose.
  • stimulation du stress oxidatif ; le métabolite thiolactone de l'homocystéine se combine au LDL-cholestérol et les aggrégats sont captés par les macrophages de l'intima artérielle (Loscalzo 1996; McCully 1996).
  • effets prothrombotiques divers, comprenant l'atténuation des sites de liaison endothéliaux au tPA, l'activation du facteur V, l'inhibition de la protéine C, et une diminution de l'activité antithrombotique endothéliale liée à des modifications de la fonction thrombomoduline (Lentz and Sadler 1991; Hayashi, Honda et al. 1992).
  • l'homocystéine modifie directement l'expression de nombreux gènes dans un modèle de cellules endothéliales humaines de cordon ombilical ; au moins six gènes sont surexprimés dont l'un codant pour la protéine de stress GRP 78/BIP et un autre codant pour un enzyme bi-fonctionnel ayant des propriétés de type MTHF-réductase (Kokame, Kato et al. 1996). La signification de ces constatations est encore imprécise mais suggère que l'homocystéine est impliquée dans un système complexe et dynamique de lésions et de réparations vasculaires.

Cependant, d'autres amino-acides soufrés qui s'accumulent en même temps que l'homocystéine sont également susceptibles d'exercer des effets prothrombotiques. Ainsi par exemple la méthionine et la cystine comme l'homocystéine sont capables d'altérer la fonction plaquettaire. La cystéine et la méthionine peuvent aussi altérer l'activation du facteur V et celle de la protéine C. Des lésions endothéliales analogues à celles constatées avec l'homocystéine sont également observées avec le mercaptoéthanol suggérant que les composés soufrés en général pourraient endommager l'endothélium.

D'autre part, la plupart de ces études ont été réalisées dans des modèles in vitro de cultures de cellules endothéliales et en présence de concentrations extra-physiologiques de formes non physiologiques d'homocystéine (D-L- homocystéine réduite à 1 000 à 1 000 000 µmol/l) (McCully 1996) alors que les concentrations d'homocystéine réduite observées en clinique ne dépassent pas 1% de tHcy, même au cours des déficits homozygotes en CBS.

Certains modèles expérimentaux, developpés récemment, semblent plus pertinents pour la compréhension physiopathologique des augmentations modérées de l'homocystéinémie observées en clinique. Ainsi, dans un modèle d'hyperhomocystéinémie induite par un régime enrichi en méthionine chez des rats soit normotendus, soit spontanément hypertendus, l'hyperhomocystéinémie exerce des effets angiotoxiques limités à l'aorte et caractérisés par une perte et une dégénération endothéliale avec une dissolution partielle de la média (Matthias, Becker et al. 1996). L'homocystéine et la cystathionine s'accumulent dans les tissus aortiques. Les effets de ce régime enrichi en méthionine sont plus prononcés chez les rats SHR et semblent de plus potentialisés par les stérols athérogéniques.

Dans un modèle d'hyperhomocystéinémie modérée induite par un régime enrichi en méthionine chez le singe, la réponse aux agents vasomoteurs est altérée (Lentz, Sobey et al. 1996). L'injection intra-artérielle de collagène réduit le débit sanguin fémoral d'environ 42 % chez les animaux alimentés par un régime enrichi en méthionine contre seulement 14 % chez les animaux témoins. La réponse à des vasodilatateurs endothélium-dépendants telle que l'acétylcholine ou l'ADP est diminuée chez les animaux hyperhomocystéinémiques et ceci sans anomalie structurale détectable.

De telles anomalies de relaxation endothélium-dépendante ont été également observées chez des sujets hyperhomocystéinémiques (Tawakol, Omland et al. 1997). La vasodilatation endothélium-dépendante est significativement diminuée chez les sujets hyperhomocystéinémiques par rapport aux sujets témoins, alors que la réponse endothélium-indépendante n'est pas différente dans les deux groupes. Ces études semblent impliquer le système NO dans les anomalies fonctionnelles vasculaires induites par l'hyperhomocystéinémie (Stamler, Osborne et al. 1993).

6.Traitement de l'hyperhomocystéinémie

L'hyperhomocystéinémie majeure (tHcy ~300-500 µmol/l) observée dans le déficit homozygote en CBS est traitée par régime restreint en méthionine et des doses supraphysiologiques de vitamine B6-B12-B9 et bétaine. De tels traitements sont capables non seulement de faire baissser les concentrations d'homocystéine mais aussi et surtout de réduire l'incidence des complications athéro-thrombotiques et de la mortalité chez ces patients.

L'expérience aquise dans le traitement des déficits en CBS a été extrapolée au traitement de l'hyperhomocystéinémie observée dans la population générale, essentiellement en prévention secondaire après un premier accident vasculaire coronarien ou cérébral. Globalement, une supplémentaion en folate 0,65 à 5,0 mg par jour réduit efficacement l'hyperhomocystéinémie à jeûn chez la plupart de patients. La vitamine B12 n'a d'efficacité démontrée qu'en cas de carence préalable documentée. La supplémentation en vitamine B6 (20 à 250 mg par jour) semble essentiellement efficace pour réduire l'hyperhomocystéinémie post-charge en méthionine.

Pr T. Hannedouche

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Mise-à-jour : Mer 7 mars 2001

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