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1.3 Hématurie
Question 315
juin 2001
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L’hématurie n’est pas une maladie mais un symptôme relativement fréquent. Cependant la mise en évidence d’une hématurie a une grande valeur diagnostique car celle-ci peut être le symptôme révélateur d’une maladie rénale ou urologique grave. Une hématurie isolée n’est pas dangereuse en elle-même sauf lorsqu’un saignement extra-glomérulaire est abondant et qu’il est responsable de la formation de caillots obstruant les uretères. Une hématurie même abondante n’est pas non plus a priori responsable d’une déglobulisation ou d’une anémie. 1. Définition de l’hématurie L’hématurie peut être directement visible et on parle alors d’hématurie macroscopique ou au contraire invisible à l’oeil nu et détectée seulement par le comptage des hématies (hématurie microscopique). 1.1. Hématurie macroscopique L’hématurie macroscopique survient généralement pour un débit des hématies supérieur à 300 000 éléments/mn. L’hématurie macroscopique est suspectée devant la présence d’urines rouges ou brunes. Le diagnostic est confirmé par la présence d’innombrables hématies au microscope ou à l’examen cytologique des urines. La couleur par elle-même ne reflète pas directement la quantité de sang présente puisque 1 ml de sang par litre d’urine est suffisant pour induire une modification visible de la couleur de l’urine. Il est important de souligner que l’excrétion intermittente d’urines rouges à brunes peut être observée dans plusieurs contextes cliniques différents d’une véritable hématurie : hémoglobinurie et myoglobinurie, diverses colorations alimentaires ou médicamenteuses. Les modifications de la coloration urinaire en cas d’hématurie macroscopique permettent parfois d’orienter l’origine du saignement vers le glomérule ou une autre partie de l’appareil urinaire [1] 1.2. Hématurie microscopique L’hématurie microscopique est définie par la présence d’une quantité anormale de globules rouges dans l’urine mais cependant indécelables à l’oeil nu. Cette hématurie ne peut donc être mise en évidence que lors de recherches systématiques (par exemple dépistage en médecine scolaire ou du travail). Au compte d’Addis qui reste l’examen de référence, le débit des hématies est supérieur à 10 000 éléments/mn (normal < 5 000/mn). Ceci correspond à peu près à la présence de plus de 10 hématies/mm3 sur un comptage cytologique (normale < 5 hématies/mm3). Pour des raisons de simplicité et de coût, le compte d’Addis est de plus en plus remplacé par le comtage des hématies sur le culot de centrifugation. Le dépistage de l’hématurie microscopique repose sur la bandelette urinaire qui a une sensibilité extrême puisque celle-ci est capable de détecter 1 à 2 globules rouges/mm3. Les faux positifs de la bandelette sont la présence de myoglobine ou d’hémoglobine libre dans l’urine ou encore la présence de contaminants urinaires oxydants comme la bétadine (povidone-iodine). Par contre les faux négatifs sont exceptionnels si bien qu’une bandelette urinaire négative pour l’hématurie permet d’exclure quasi-formellement toute hématurie anormale. Une recherche de sang positive à la bandelette urinaire doit impérativement être confirmée par un compte d’Addis ou un comptage du sédiment urinaire. Une bandelette positive non confirmée par l’examen du sédiment urinaire ne doit pas conduire à une évaluation uro-néphrologique complète. 2. Etiologie des hématuries L’hématurie peut être le symptôme de maladies sous-jacentes dont certaines sont menaçantes en terme vital et/ou traitables. D’une façon générale les principales causes d’hématurie sont l’inflammation ou l’infection de la prostate et de la vessie. Les lithiases rénales, les cancers et les maladies glomérulaires représentent un grand nombre des cas restants. Par contre, l’hypertrophie bénigne de la prostate (adénome de la prostate) n’est pas une cause significative d’hématurie et sa découverte ne doit pas dissuader de réaliser des investigations plus poussées. Les principales causes d’hématurie sont listée dans le tableau 1. Tableau 1 : Principales causes d’hématurie (liste non exhaustive)
3. Evaluation de l’hématurie 3.1. L’hématurie est transitoire ... Lorsque l’interrogatoire et/ou l’examen clinique retrouve une cause évidente d’hématurie microscopique comme les menstruations, un exercice intense récent, une activité sexuelle, une maladie virale ou un traumatisme, un analyse urinaire doit être répétée dans les jours suivants. Si cette analyse est négative il n’est pas utile de faire une évaluation exhaustive. Si l’hématurie persiste une évaluation complète doit être mise en route. L’infection urinaire simple est une cause fréquente d’hématurie microscopique ou macroscopique en particulier chez la femme. L’hématurie peut être facilement rapportée à l’infection urinaire devant la présence de leucocytes et de bactéries à l’uroculture. Dans ce contexte l’hématurie ne représente pas un signe de gravité et ne doit pas faire modifier l’attitude diagnostique et thérapeutique vis à vis de l’infection urinaire. En cas d’infection urinaire avec hématurie un contrôle à la recherche de l’hématurie doit être effectué plusieurs semaines après le traitement et la résolution de l’infection. Si l’hématurie a disparu il n’est pas nécessaire de faire une évaluation urologique (sauf à la recherche d’un facteur favorisant l’infection). 3.2. L’hématurie est à l’évidence d’origine glomérulaire ... Pratiquement toutes les maladies glomérulaires peuvent être responsables d’hématurie. Cependant l’hématurie glomérulaire est rarement isolée si bien que la plpupart des patients présentent d’auters signes évocateurs permettant de rattacher facilement l’hématurie à sa cause glomérulaire. L’identification de l’origine glomérulaire d’une hématurie est importante à la fois en terme pronostique mais également pour optimiser la démarche diagnostique ultérieure. Par exemple, les individus avec des signes évidents d’hématurie glomérulaire n’ont pas besoin d’être systématiquement évalués pour une maladie urologique. La cystoscopie et d’autres examens invasifs urologiques sont inutiles et le seul examen pertinent dans ce contexte est la ponction biopsie rénale. L’origine glomérulaire d’une hématurie (micro- ou macro-) peut être quasiment affirmée : Tous ces signes ont une grande valeur diagnostique lorsqu’ils sont présents, mais leur absence ne permet pas d’exclure une maladie glomérulaire (voir « Hématurie strictement isolée »). Les patients avec une hématurie glomérulaire doivent être adressés au néphrologue pour discuter l’indication d’une ponction biopsie rénale. En cas d’hématurie glomérulaire strictement isolée et de faible abondance, a fortiori si elle est intermittente, la biopsie rénale n’est pas systématiquement effectuée car les informations qu’elle apporte affectent généralement peu le pronostic et le traitement de ces patients. Même dans ces conditions la biopsie rénale est souvent acceptée voire demandée par les patients qui souhaitent la confirmation d’un diagnostic bénin et éviter des examens urologiques répétés et inutiles. Attention La biopsie doit être impérativement réalisée soit d’emblée, soit secondairement lors du suivi si l’hématurie s’associe à d’autres signes d’évolutivité de la maladie rénale par exemple une protéinurie progressivement croissante, une augmentation de la créatinine plasmatique ou une hypertension artérielle. 3.3 L’hématurie est à l’évidence urologique ... L’origine urologique (ou extraglomérulaire) d’une hématurie peut être fortement suspectée en présence de certains signes d’appels évocateurs de l’appareil urinaire :
En l’absence de signes évocateurs d’atteinte glomérulaire et a fortiori en présence de signes évocateurs d’atteinte urologique, une hématurie impose une évaluation urologique extensive à la recherche notamment de cancers urothéliaux. En cas d’hématurie persistante, d’origine extraglomérulaire et sans cause évidente lors de l’interrogatoire, l’incidence de cancer détecté va de 5 % pour une hématurie microscopique jusqu’à 20 % en cas d’hématurie macroscopique. Dans tous les cas, la proportion de cancers est fortement âge-dépendante et augmente de façon substantielle chez les patients de plus de 50 ans. La démarche diagnostique fait appel à la cytologie urinaire, à l’imagerie de l’appareil urinaire et à la cystoscopie. 3.3.1. Cytologie urinaire La cytologie urinaire a pour but de dépister les cancers urothéliaux qui sont parmi les cancers les plus fréquemment retrouvés chez les patients ayant une hématurie microscopique. La sensibilité de la cytologie urinaire est de 40 à 75 % selon le nombre de prélèvement, le grade de la tumeur urothéliale et l’expertise dy cythopathologiste. Une cytologie positive est virtuellement diagnostique de la préssence d’un cancer urothélial. Une cytologie négative apporte peu d’information en raison de l’incidence élevée de faux-négatifs mais permet cependant d’exclure raisonablement une tumeur de grade élevé. La cytologie urinaire est indiquée chez tous les patients avec une hématurie et un ou plusieurs facteurs de risque de cancer urothélial (voir le tableau suivant). Facteurs de risque de cancer urothélial chez un patient hématurique
3.3.2. Imagerie La recherche d’une tumeur du rein, du système collecteur, des uretères et dans une moindre mesure de la vessie repose essentiellement sur l’imagerie de l’appareil urinaire. La démarche optimale d’imagerie reste mal établie parce que la majorité des patients ont des signes radiologiques débutants. La rentabilité diagnostique chez l’adulte augmente avec l’âge et elle est plus importante avec l’hématurie macroscopique (5 à 23 %) qu’avec l’hématurie microscopique (jusqu’à 14 %). Une urographie intra-veineuse ou une échographie rénale à la recherche de calculs, d’une tumeur du rein ou d’une polykystose sont généralement effectuées. L’urographioe intraveineuse est préférable chez les jeunes patientscar cette examen détecte aussi des Lésions comme l’ectasie canaliculaire précalicielle qui ne sont pas visualisées par l’échographie. Chez les patients qui ont une contre-indication à l’urographie intra-veineuse (par exemple allergie au produit de contraste) l’échographie peut être utilisée à la place. Cet examen est moins coûteux mais la rentabilité diagnostique est plus faible. Les patients jeunes avec une urographie intra-veineuse normale ne nécessitent pas d’échographie dans la mesure où cet examen a une très faible valeur diagnostique dans ce contexte. Le scanner est plus sensible que l’échographie pour la détection de petites tumeurs du rein de moins de 3 cm. Le scanner est la meilleure modalité pour l’évaluation des calculs rénaux et des infections rénales ou périrénales. Tableau : Avantages et inconvénients des différentes modalités d’imagerie
3.3.3. Indications de la cystoscopie La cystoscopie est plus performante que l’imagerie pour détecter un cancer de la vessie. Les indications de la cystoscopie lorsque l’urographie intra-veineuse et l’échographie sont négatives doivent être circonstanciées :
3.4 L’hématurie est strictement isolée... Une hématurie est dite strictement isolée lorsqu’il n’existe aucun signe associé orientant soit vers une cause glomérulaire soit vers une cause urologique. Cette situation est relativement fréquente et peut correspondre à un saignement provenant en théorie de n’importe quel point de l’appareil urinaire (depuis le glomérule jusqu’à l’urètre terminal). En fait 2/3 des patients avec une hématurie microscopique strictement isolée présentent une majorité d’hématies dysmorphiques à l’examen microscopique des urines suggérant une hématurie glomérulaire. En l’absence d’élément d’orientation précis une évaluation urologique exhaustive est habituellement effectuée (cytologie, imagerie, cystoscopie) dans la crainte d’un cancer urothélial mais une telle éventualité est rare chez un sujet de moins de 40 ans en l’absence de facteur de risque. Si aucun diagnostic n’est apparent à partir des antécédents, de l’analyse urinaire, des examens radiologiques et de la cystoscopie, la cause la plus vraisemblable d’hématurie isolée persistante est une forme mineure de glomérulonéphrite, tout particulièrement chez les sujets de moins de 40-45 ans. Lorsqu’une hématurie persistante est la seule manifestation d’une maladie glomérulaire, 3 affections seulement sont vraisemblables :
Une de ces 3 affections est retrouvée chez 50 à 80% des patients adultes avec une hématurie isolée, un examen radiologique normal et une cystoscopie négative. Une glomérulonéphrite post-infectieuse à distance et l’exercice physique intense peuvent également induire une hématurie glomérulaire isolée, cependant dans ce cas, l’hématurie est typiquement transitoire et non pas persistante. 3.5. L’hématurie est en apparence inexpliquée (= suivi régulier) Dans 10 à 40 % (surtout si la biopsie rénale n’a pas été effectuée) aucune cause n’est retrouvé à l’hématurie. La combinaison d’une échographie négative et d’une cystoscopie négative est habituellement suffisante pour exclure un cancer de l’appareil urinaire. Cependant un cancer peut se révéler secondairement dans un faible pourcentage de cas. Ce risque de cancer d’apparition ultérieure est estimé à environ 1-3 % dont la plupart se révèlent dans les 3 ans. L’attitude dans cette situation n’est pas standardisée. Chez les sujets tout particulièrement à risque, une cytologie urinaire peut être réalisée initialement puis à intervalle régulier, par exemple tous les 6 mois. Un scanner peut être aussi effectuer à la recherche de petites tumeurs qui n’ont pas été détectées par les autres examens. Une autre attitude est de répéter l’échographie et la cystoscopie à 1 an chez les patients à haut risque chez lesquels l’hématurie persiste. Inversement chez les patients à faible risque avec une hématurie microscopique persistante, un simple suivi est suffisant avec des examens urinaires périodiques. Attention : Dans tous les cas une surveillance clinique et biologique doit être effectuée à distance pour déceler les signes d’aggravation ou d’évolution d’une maladie urologique ou glomérulaire. |
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T. Hannedouche
[1] L’urine est typiquement rouge à rosée au cours d’une atteinte extraglomérulaire. Une telle coloration peut également être observée avec certaines lésions glomérulaires. Par contre une coloration brunâtre "coca-cola" des urines suggère la combinaison d’un temps de transit prolongé à travers le néphron et d’un pH urinaire acide aboutissant à la formation de méthémoglobine qui a cette couleur particulière. Cet aspect est donc plus évocateur d’une origine glomérulaire. Celle-ci est par exemple de la coloration dite "bouillon sale" des urines au cours du syndrome néphritique aigu. [2] L’évaluation de la morphologie des érythrocytes urinaires en microscopie à contraste de phase a une grande valeur de localisation d’une hématurie. Les érythrocytes réguliers, biconcaves, arondis, uniformes en taille (comme dans un frottis sanguin normal périphérique) sont plus probablement d’origine extrarénale, provenant du pelvis, de l’uretère, de la vessie, de la prostate ou de l’urètre. L’hématurie est dite normo- ou isomorphique. Inversement, l’hématurie glomérulaire est typiquement caractérisée par des érythrocytes dysmorphiques, fragmentés, avec des excroissances et des pertes segmentaires de membrane et qui ont perdu presque complètement leur contenu en hémoglobine. Ces altérations morphologiques des globules rouges résultent à la fois du traumatisme mécanique lors du passage dans le capillaire glomérulaire et du traumatisme osmotique lorsque les érythrocytes passent à travers les différents segments du néphron. Ces hématies dysmorphiques traduisent des lésions parenchymateuses rénales y compris mais pas uniquement glomérulaires. La présence d’acanthocytes, c’est-à-dire d’érythrocytes en anneaux avec des protrusions vésiculaires, observés en microscopie à contraste phase, est encore plus prédictive de l’origine glomérulaire d’une hématurie que les érythrocytes dysmorphiques. [3] L’hématurie isolée même macroscopique n’entraîne pas d’augmentation significative de l’excrétion urinaire d’albumine ou d’autres protéines. Ainsi 1 ml de sang dans 1 litre d’urines est suffisant pour provoquer une coloration rouge de l’urine mais cette quantité de sang contient approximativement 150 000 hématies et 0,6 ml de plasma soit seulement 35 mg de protéines (si la concentration protéique est de 60 g/l). L’existence d’une concentration urinaire d’albumine supérieure à 100 mg/l est très suggestive d’atteinte glomérulaire associée même lorsqu’il existe une hématurie macroscopique. Le filtrage des urines avant le dosage de protéinurie ou la recherche directe d’albumine par technique radio-immunologique permet facilement de rattacher la protéinurie à une anomalie glomérulaire (par opposition aux diverses protéines provenant de débris cellulaires). |
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