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Revue critique des essais prospectifs rénaux et cardiovasculaires
Interventions ciblées sur le risque cardiovasculaire
mercredi 25 février 2004








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L’étude HOT (Hypertension Optimal Treatment) visait à comparer l’efficacité sur la morbi-mortalité cardiovasculaire de 3 cibles tensionnelles 4. Les critères d’inclusion étaient des malades âgés de 50 à 80 ans avec une pression artérielle diastolique initiale entre 100 et 115 mmHg mesurée à 3 reprises en position assise par un appareil automatique validé. En pratique 18 700 patients ont été inclus avec une moyenne d’âge de 62 ± 7 années, une pression artérielle initiale de 170/105 mmHg, 8 % de diabétiques et 22 % de patients ayant un diabète ou une atteinte ischémique. 2,7 % avaient des antécédents d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral : il s’agit bien d’un essai de prévention primaire. Trois cibles théoriques de pression artérielle diastolique avaient été établies : en dessous de 90, en dessous de 85, en dessous de 80 mmHg. L’étude devait durer 2 ans et demi et a été prolongée jusqu’à 3,8 ans.

Concernant les résultats il y a un chevauchement très important entre les 3 cibles tensionnelles théoriques prévues. Les valeurs moyennes dans les 3 groupes étaient finalement de 140/81, 142/83 et 144/85 mmHg, soit une différence de 2 mm de Hg seulement entre chacune des cibles prévues. Le nombre d’évènements observés est plus faible que celui qui avait été prévu initialement d’où la prolongation de l’étude et ceci explique sa puissance insuffisante. Lors de l’analyse en intention de traiter, c’est-à-dire par cible tensionnelle prévue, il n’y a pas de différence significative entre le taux de survenue des évènements en fonction des niveaux tensionnels. L’analyse par pression artérielle réellement obtenue indique que le risque minimal d’évènements cardiovasculaires est obtenu pour une pression artérielle de 138,5/82,6 mmHg. Il n’y a pas de courbe en J, c’est-à-dire pas d’excès d’évènements cardiovasculaires lorsque la pression diminue en dessous d’une valeur optimale et ceci y compris chez les patients avec des antécédents de pathologie ischémique. Lorsque l’on compare la pression artérielle optimale avec la pression artérielle la moins bonne obtenue au cours des essais, le bénéfice peut être calculé par la prévention de 4 évènements pour 1000 patients traités par an, c’est-à-dire une réduction du risque absolu de 4 % à 10 ans. Ceci correspond approximativement à une réduction du risque relatif de - 30 %.

Dans les critères d’inclusion de HOT, la créatinine plasmatique devait être inférieure à 20 mg/l. Cette définition libérale de l’hypertension artérielle "essentielle" a fait inclure un certain nombre de patients ayant une insuffisance rénale 5. En effet 470 patients avaient une créatinine plasmatique supérieure à 15 mg/l (contre 18 127 avec une créatinine plasmatique inférieure ou égale à cette valeur) et 2821 patients avaient une clairance de la créatinine calculée inférieure à 60 ml/mn contre 15 770 patients avec une valeur supérieure à cette valeur. Les patients ayant une insuffisance rénale avaient un profil différent de ceux qui n’en avaient pas. Il s’agissait plus souvent d’hommes, la moyenne d’âge est plus élevée de 5 à 8 ans, leur pression artérielle initiale, surtout systolique est plus élevée et ils ont plus souvent un antécédent d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral ou de diabète.

Les patients avec une insuffisance rénale définie sur la créatinine plasmatique supérieure à 15 mg/l, soit 132,6 µmol/l, ont un risque plus important de développer un événement cardiovasculaire majeur et un décès de toutes causes ou d’origine cardiovasculaire, que les patients sans insuffisance rénale. Le risque relatif de mortalité cardiovasculaire est de 3,24 et celui de mortalité de toutes causes confondues de 2,86 (Tableau 1).

HOT montre également qu’il est possible d’abaisser la pression artérielle chez les patients avec une créatinine plasmatique supérieure à 15 mg/l, ceci au prix d’une augmentation du nombre d’antihypertenseurs, cette augmentation du nombre d’antihypertenseurs étant d’autant plus importante que la cible tensionnelle est basse (en moyenne 1 antihypertenseur de plus pour l’obtention de la cible inférieure à 80 mmHg). Par contre en raison du trop faible nombre d’évènements dans cette population, il n’est pas possible d’analyser les interactions entre la cible tensionnelle et la survenue des évènements cardiovasculaires. En ce qui concerne la fonction rénale, très peu d’individus progressent vers une insuffisance rénale chronique plus sévère au cours de HOT. Après 3,8 années de suivi, seulement 120 sujets, soit 0,8 % de l’effectif total développent une créatinine plasmatique supérieure à 20 mg/l. Parmi ces patients aggravant leur fonction rénale, il y a 17,9 % des patients ayant déjà initialement à l’inclusion une créatinine plasmatique supérieure à 15 mg/l et 0,4 de patients ayant initialement une créatinine plasmatique inférieure à 15 mg/l. Le taux de progression de l’insuffisance rénale est donc extrêmement faible dans cette étude et les effectifs insuffisants ne permettent pas d’analyser l’influence des pressions artérielles cibles sur l’évolution rénale. Pour le néphrologue, cette étude démontre surtout le risque cardiovasculaire élevé associé à l’insuffisance rénale même modérée mais n’apporte pas d’information sur le bénéfice attendu et la cible tensionnelle optimale.

L’étude HOPE consistait à analyser l’effet sur la morbi-mortalité cardiovasculaire de l’addition d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion, le ramipril versus son placebo, en plus d’un traitement antihypertenseur conventionnel chez des patients normo- ou hypertendus mais avec un risque vasculaire élevé 6. Les critères d’inclusion étaient un âge supérieur à 55 ans et, soit un diabète + un facteur de risque vasculaire, soit une atteinte cardiovasculaire préexistante, c’est-à-dire des patients en prévention secondaire. En pratique, 9267 patients ont été inclus, d’âge moyen 66 ± 7 ans, dont 75 % d’hommes, 48% des patients étaient hypertendus, 38 % diabétiques et 21 % avaient une microalbuminurie. Les critères d’atteinte cardiovasculaire préexistante étaient largement remplis puisque 80 % des patients avaient une atteinte coronaire symptomatique dont 52 % un infarctus du myocarde antérieur, 11 % avaient eu un accident vasculaire cérébral et 43 % avaient une artériopathie périphérique des membres inférieurs.

L’étude a été menée sur 4 ans et demi, c’est-à-dire 6 mois avant son terme théorique. Le critère de jugement principal était une combinaison de l’incidence d’infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral et de mortalité cardiovasculaire. L’incidence réelle observée d’évènements cardiovasculaires basés sur ce critère principal est de 18 % à 4,5 ans, c’est-à-dire un risque de 45 % à 10 ans chez des patients déjà pour la plupart traités par statines, aspirine, bétabloqueurs et éventuellement autres antihypertenseurs. Il s’agit d’un risque cardiovasculaire élevé correspondant à une situation de prévention secondaire. La réduction de risque absolu a été de - 3,8 % et la réduction relative de risque de - 28 %, hautement significative. En terme de nombre de sujets à traiter, ceci correspond à une prévention de 150 évènements chez 70 patients pour 1000 patients traités pendant 4,5 ans.

Une analyse séparée de l’étude HOPE a été réalisée dans le sous-groupe des patients diabétiques, c’est-à-dire 39,2 % des patients de HOPE (n = 3577) composés à 98 % de diabétiques de type 2 7. Les critères d’inclusion étaient des patients diabétiques âgés de plus de 55 ans ayant soit un facteur de risque additionnel, soit des antécédents de complications vasculaires. En pratique, ces patients avaient un âge moyen de 65 ans, étaient pour 63 % des hommes, 56 % étaient hypertendus, 32 % avaient une microalbuminurie définie par une excrétion urinaire d’albumine entre 2 à 36 mg/mmol de créatinine urinaire. Au moins 70 % de ces patients diabétiques étaient en situation de prévention secondaire, 60 % avaient un antécédent d’infarctus ou d’ischémie coronaire, 8 % un accident vasculaire cérébral et 19 % une artériopathie périphérique des membres inférieurs.

Si l’on prend le critère d’évènements combinés primaires, ces patients diabétiques ont un risque absolu moyen de 19,8 % à 4,5 ans sous placebo. Lorsqu’on additionne l’ensemble des critères primaires et secondaires, le risque cardiovasculaire réel observé est de 67,1 % à 4,5 ans, ce qui correspond à environ 149 % de risque à 10 ans. Sous traitement par ramipril avec une baisse de pression artérielle moyenne relativement faible, - 2,2/-1,4 mmHg, la réduction relative de risque est de - 25 % sur le critère combiné primitif, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux, mortalité cardiovasculaire. Lors des analyses par sous-groupe, la réduction de risque relatif n’est pas significative chez les patients diabétiques de type 1, chez ceux qui sont traités par insuline, chez ceux qui n’ont pas de microalbuminurie et enfin chez ceux qui n’ont pas d’antécédent cardiovasculaire, c’est-à-dire ceux qui sont en prévention primaire.

L’effet sur l’atteinte rénale diabétique a été analysé. Le risque de survenue d’une néphropathie avérée, définie par une protéinurie supérieure à 300 mg/jour est de 16 % à 4,5 ans. Sous ramipril, la réduction du risque relatif de néphropathie avérée est de - 16 %, p < 0,04. La progression du stade de microalbuminurie au stade de néphropathie avérée survient chez 8 % des patients sous placebo, 7 % des patients sous ramipril. La réduction du risque relatif est de moins 22% et seulement marginalement significative, p < 0.07. Globalement, il faut traiter 15 patients pendant 4,5 ans par ramipril pour éviter un évènement combiné (critère primaire + critère secondaire + microangiopathie). En conclusion, on peut considérer que le bénéfice d’un traitement IEC est bien démontré chez les patients diabétiques de type 2 en prévention secondaire sur l’ensemble des complications cardiovasculaires mais de façon moins certaine sur la microangiopathie. Ce bénéfice n’est par contre pas clairement démontré chez les sujets diabétiques de type 2 en prévention primaire, même s’ils ont des facteurs de risque vasculaire associé.

Une analyse post-hoc a évalué l’influence de la fonction rénale sur les résultats de HOPE (8). L’insuffisance rénale a été définie comme une augmentation de la créatinine plasmatique au-delà de 124 µmol/l ou une clairance de la créatinine calculée inférieure à 65 ml/mn. Ceci concernait environ 12 % des patients de HOPE. Sur le critère, créatinine plasmatique supérieure ou égale à 124 µmol/l, 980 patients étaient concernés contre 8307 ayant une Pcr inférieure à 124. Le profil des patients avec insuffisance rénale était significativement différent pour l’âge, plus élevé 68 contre 65 ans, le sex ratio (87 % d’hommes contre 72 %), la fréquence moindre du diabète (33 % contre 39 %), la prévalence plus forte de l’insuffisance coronaire symptomatique (88 % contre 79 %), de l’artériopathie périphérique (50 % contre 42 %) et enfin de l’hypertension artérielle (55 % contre 45 %). Plusieurs arguments suggèrent très fortement un diagnostic de néphropathie vasculaire chez ces patients : l’absence de protéinurie qui faisait partie des critères d’exclusion, un plus faible pourcentage de néphropathie diabétique et surtout la coexistence quasi constante d’une maladie artérielle associée sévère, coronaire ou artériopathie périphérique.

En terme de risque cardiovasculaire, la présence d’une insuffisance rénale confère un excès de risque important d’un facteur environ 2. Sur le critère combiné primaire infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, mortalité cardiovasculaire, l’incidence observée d’évènements cardiovasculaires est de 11,4 %/année à 4,5 ans contre 6,6 pour 1000 patients/année en l’absence d’insuffisance rénale. Ceci correspond sur ce critère combiné à un risque cardiovasculaire absolu de 48 % à 10 ans et 34 % à 10 ans chez les patients sans insuffisance rénale. Le risque est pratiquement doublé lorsque l’on prend en compte les autres évènements cardiovasculaires dits secondaires (ischémie myocardique, dite silencieuse et revascularisation). L’effet de l’altération de la fonction rénale est encore plus important en terme de morbidité-mortalité cardiovasculaire chez les sujets diabétiques avec une créatinine plasmatique supérieure à 124 µmol/l.

En terme d’intervention, l’effet bénéfique du ramipril sur le critère combiné primaire et sur la mortalité cardiovasculaire totale, est très fortement bénéfique chez les patients ayant une créatinine plasmatique supérieure à 124 µmol/l lesquels en valeur absolue bénéficient davantage de l’intervention. Exprimé sous forme de nombre de sujets à traiter, il faut traiter pendant une période de 4,5 ans 62 sujets en prévention secondaire avec fonction rénale normale, ou 29 diabétiques de type 2 en prévention secondaire ou 16 patients en prévention secondaire avec une Pcr > 124 µmol/l pour éviter une mort d’origine cardiovasculaire. Il faut noter cependant que malgré le bénéfice majeur de l’intervention, le chiffre absolu de morbidité-mortalité cardiovasculaire chez les patients insuffisants rénaux traités par ramipril reste encore supérieur à celui des patients sans ramipril mais sans insuffisance rénale avec ou sans diabète.

En conclusion, plus de 1000 patients avec une insuffisance rénale modérée ont été inclus dans l’étude HOPE. Chez ces patients, le risque cardiovasculaire est augmenté et ceci de façon dose-dépendante à la réduction de la fonction rénale. Il s’agit d’une population très particulière avec une néphropathie vasculaire et en situation de prévention secondaire, ceci y compris pour la faible fraction de sujets diabétiques.

Chez ces patients, le traitement par ramipril confère un bénéfice cardiovasculaire très fort. On peut raisonnablement conclure que tous les patients ayant une néphropathie et des complications cardiovasculaires établies devraient être traités par ramipril ou un autre IEC pour réduire le risque de morbi-mortalité cardiovasculaire. L’introduction d’un IEC devrait être faite après exclusion d’une hypertension rénovasculaire ou d’une néphropathie ischémique. Un point d’interrogation persiste concernant les 1000 patients qui ont été exclus initialement lors de la phase de titration forcée et pour lesquels on ignore quelle est la proportion d’insuffisance rénale aiguë et/ou d’hyperkaliémie. En raison du caractère très particulier de la population concernée, il n’est pas possible d’extrapoler l’augmentation du risque et le bénéfice des IEC sur ce risque dans les populations d’insuffisants rénaux ayant par exemple une atteinte de type glomérulaire.

Globalement, l’analyse du sous-groupe de patients ayant une insuffisance rénale débutante dans les deux études HOT et HOPE confirme l’excès de risque cardiovasculaire associé à l’insuffisance rénale même modérée. L’excès de risque dans ces 2 études oscille d’un facteur relatif de 2 à 3, ce qui est comparable aux valeurs observées dans d’autres études épidémiologiques, en particulier HDFP et l’étude Framingham Heart study ; ces deux études ne permettent cependant pas de savoir quel est le mécanisme associant l’excès de risque cardiovasculaire et une insuffisance rénale de degré aussi modéré. Il est peu vraisemblable que les altérations métaboliques observées au cours de l’insuffisance rénale avancée soient déjà opérationnelles à ce stade et expliquent cet excès de risque. Probablement l’association est liée aux co-morbidités, notamment l’existence d’une atteinte vasculaire généralisée dont la prévalence est nettement plus importante chez les sujets ayant une altération modérée de la fonction rénale.



Post-scriptum :

3. Hannedouche T, Bouiller M, Caillard S. Absolute cardiovascular risk among nephrology patients. Nephrologie 1998 ; 19:197-201.

4. Hansson L, Zanchetti A, Carruthers SG, et al. Effects of intensive blood-pressure lowering and low-dose aspirin in patients with hypertension : principal results of the Hypertension Optimal Treatment (HOT) randomised trial. HOT Study Group. Lancet 1998 ; 351:1755-62.

5. Ruilope LM, Salvetti A, Jamerson K, et al. Renal function and intensive lowering of blood pressure in hypertensive participants of the hypertension optimal treatment (HOT) study. J Am Soc Nephrol 2001 ; 12:218-25.

6. Yusuf S, Sleight P, Pogue J, Bosch J, Davies R, Dagenais G. Effects of an angiotensin-converting-enzyme inhibitor, ramipril, on cardiovascular events in high-risk patients. The Heart Outcomes Prevention Evaluation Study Investigators. N Engl J Med 2000 ; 342:145-53.

7. Effects of ramipril on cardiovascular and microvascular outcomes in people with diabetes mellitus : results of the HOPE study and MICRO-HOPE substudy. Heart Outcomes Prevention Evaluation Study Investigators. Lancet 2000 ; 355:253-9.

8. Mann JF, Gerstein HC, Pogue J, Bosch J, Yusuf S. Renal insufficiency as a predictor of cardiovascular outcomes and the impact of ramipril : the HOPE randomized trial. Ann Intern Med 2001 ; 134:629-36.

9. Agodoa LY, Appel L, Bakris GL, et al. Effect of ramipril vs amlodipine on renal outcomes in hypertensive nephrosclerosis : a randomized controlled trial. Jama 2001 ; 285:2719-28.





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