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OBJECTIFS
Connaître les indications du traitement antihypertenseur dans le néphropathie du diabète de type 2
Définir la cible tensionnelle
Rationaliser le choix des antihypertenseurs
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L’hypertension artérielle est fréquemment associée au diabète. Dans le diabète de type 2, l’hypertension artérielle précède fréquemment, parfois de plusieurs années, la survenue du diabète et ses liens avec la néphropathie sont moins univoques. Dans ce cas, l’hypertension artérielle constitue essentielement un facteur de progression d’insuffisance rénale et de surmortalité cardiovasculaire. L’évolution de la néphropathie du diabète de type 1 est relativement bien caractérisée par des études longitudinales et les différents stades en sont bien décrits même s’ils sont parfois un peu simplificateurs. Des observations semi-transversales chez certaines populations particulières de diabète de type 2 (indiens Pima) suggèrent que l’évolution de la néphropathie du diabète de type 2 est assez similaire à celle de type 1.
Pour ces deux formes de diabète, la survenue d’une atteinte rénale constitue un marqueur de surmorbidité et de surmortalité cardiovasculaire. Dans le diabète de type 2, la relation est moins clairement établie car la microalbuminurie peut précéder le diabète et un nombre moins important de diabétiques de type 2 microalbuminuriques évolue par la suite vers la néphropathie diabétique avérée. Une des explications est en peut-être la mortalité cardiovasculaire considérable et précoce ne laissant guère le temps à l’évolution de la néphropathie diabétique. Un argument en faveur de cette hypothèse est la valeur prédictive majeure de la microalbuminurie sur la morbidité-mortalité cardiovasculaire dans ce groupe de patients.
D’une façon générale, l’objectif d’un traitement antihypertenseur dans ces populations consiste d’une part à prévenir ou à ralentir l’évolution de la maladie rénale mais aussi d’autre part à prévenir les complications et la morbidité-mortalité cardiovasculaire. Schématiquement, trois situations de prévention peuvent être distinguées au cours des diabètes :
- La prévention primaire est la prévention de la survenue d’une néphropathie diabétique chez des sujets diabétiques hypertendus. Le traitement de l’hypertension dans ce cas est destiné à prévenir les complications cardiovasculaires et peut-être déjà à ce stade, la survenue d’une néphropathie.
- La prévention secondaire, précoce et tardive : dans le diabète de type 1, il s’agit du traitement de la microalbuminurie pour prévenir le passage à la néphropathie diabétique avérée. Au stade de néphropathie avérée, le traitement antihypertenseur vise à prévenir la progression de l’atteinte rénale vers l’insuffisance rénale terminale.
- La prévention tertiaire est la prévention des complications et de la mortalité cardiovasculaire chez les malades diabétiques, en dialyse et/ou transplantation rénale. Chez les malades transplantés, on pourrait également envisager que le traitement antihypertenseur prévient la progression d’une récidive de la néphropathie diabétiques sur le greffon.
Globalement, les éléments suivants doivent être discutés concernant le traitement antihypertenseur :
- Quels malades doivent bénéficier de ce traitement ?
- Quelle est la cible tensionnelle optimale à obtenir sous traitement ?
- Comment faut-il traiter ? ; choix du type de médicaments ; quelles sont les doses maximales ?, les meilleures associations ? Faut-il préférer une combinaison à faibles doses ou une approche en escalier aux doses maximales ?
- Quelles sont les interférences avec les co-morbidités et le contrôle glycémique ?
Pour tous ces éléments, il est important de pouvoir préciser le niveau de preuve des recommandations :
- Meta : méta analyse
RCT : essai randomisé controlé (étude expérimentale)
Retro : analyse rétrospective (étude cas-témoins)
F : suivi prospectif (étude de cohorte, y compris les études historiques)
X : etude transversale de population (étude de prévalence)
CNR : étude clinique non randomisée
SousGrD : analyse d’un sous groupe de diabétiques
Autre abbréviations utilisées dans ce texte :
- D2 : diabétiques de type 2
D1 : diabétiques de type 1
PA : pression artérielle
Pcr : créatinine plasmatique
IRC : insuffisance rénale chronique
IRCT : insuffisance rénale chronique terminale
BB : béta-bloqueur
CCB : antagoniste calcique, bloqueur des canaux calciques
DHP : CCB de type dihydropyridine
IEC : inhibiteur de l’inzyme de conversion de l’angiotensine
DFG : débit de filtration glomérulaire (ml/min.)
deltaDFG : variation du débit de filtration glomérulaire (ml/min./an)
L’approche décisionnelle du traitement antihypertenseur est traditionnellement basée sur une séparation dichotomique hypertension-normotension basée sur des chiffres tensionnels arbitraires. L’approche récente basée sur le risque cardiovasculaire absolu est plus « globale » et tient compte de l’âge et des facteurs de risque vasculaires associés notamment tabagisme, hypercholestérolémie et hypertrophie ventriculaire gauche. Cette dernière approche montre de façon générale que les sujets âgés bénéficient le plus, en valeur absolue, des traitement antihypertenseurs notion qui s’oppose à l’attitude pratique courante qui veut que l’on « tolère » des cibles tensionnelles plus élévées chez les sujets âgés.
1. Hypertension artérielle sans microalbuminurie :
Chez les sujets diabétiques de type 2, l’hypertension artérielle précède souvent la survenue du diabète et sa signification n’est donc pas univoque (HTA essentielle, obésité, HTA réno-vasculaire).
L’étude ABCD (20) (RCT) réalisée chez 950 patients D2 a permis de retrouver une corrélation entre pressions systoliques et diastoliques et la survenue de la néphropathie diabétique. L’hypertension (PA > 140/90 mmHg) augmente de 86% (odd ratio 1.86) le risque de survenue de néphropathie diabétique. Ces constatations suggèrent qu’il est possible de prévenir la néphropathie du diabète de type 2 par l’optimisation du traitement antihypertenseur. Cette hypothèse est actuellement examinée dans le Bergamo Nephrologic Diabetes Complication Trial (Bergamo NDCT) chez 2400 D2 hypertendus normoalbuminuriques (21).
Les données de l’étude HOT (22) montrent qu’il n’y a pas de courbe en J entre mortalité cardiovasculaire et niveau tensionnel soustraitement. Cependant chez les sujets non diabétiques il n’y a plus de bénéfice supplémentaire lorsque la pression artérielle est < 134/82 mmHg (effet plateau). En revanche , chez les diabétiques de type 2, il persiste au contraire une relation linéaire entre la morbidité/mortalité cardiovasculaire et le niveau tensionnel sous traitement. Ceci suggère l’intérêt d’obtenir les niveaux tensionnels les plus bas cliniquement supportés (à noter aussi le bénéfice de l’aspirine 75 mg/j en prévention primaire des accidents coronarien ce qui pourrait s’avérer particulièrement intéréssant chez le diabétique).
L’étude CAPPP (ISH 1998) démontre de plus le bénéfice du traitement antihypertenseur par des IEC par comparaison au traitement ß-bloqueurs ou diurétique (bénéfice limité au sous-groupe des diabétiques en très grande majorité de diabétiques de type 2). Dans cette étude les IEC diminuent également le risque de survenue de diabète et suggère un bénéfice clinique réel des IEC sur l’équilibre métabolique (insulino-résistance).
La restriction sodée modérée à 60 mmol/j a prouvé son efficacité chez le patient DNID, entraînant une baisse significative de la pression artérielle systolique (23).
La place des diurétiques thiazidiques chez le diabétique a été remise en question à la suite à l’étude observationnelle retrospective de Warram et al. (24) (Retro) réalisée chez des patients principalement D2 hypertendus et qui conclue à un excès de mortalité dans le groupe traité par diurétiques thiazidiques sans précison de dose par comparaison aux patients ne recevant pas de diurétiques. Pour expliquer cet effet délétère, ont été évoqués le rôle de l’hypokaliémie, de l’insulinorésistance et de la majoration de la dyslipidémie. L’examen attentif de l’article retrouve une pression pulsée plus importante dans le groupe traité par diurétique (voir infra) ainsi qu’une proportion plus importante de patients avec une insuffisance rénale (qui constitue en elle même un risque important de mortalité cardiovasculaire).
Le risque lié à l’emploi des antagonistes calciques reste aprement controversé. Plusieurs études prospectives comparant un IEC versus une dihydropyridine (ABCD, FACET, MIDAS) (25-27) chez des sujets diabétiques de type 2, retrouvent une différence significative de morbidité-mortalité cardiovasculaire en faveur des IEC sans qu’il ne soit possible d’établir définitivement si cela est lié à un effet bénéfique des IEC ou au contraire à un effet spécifique délétère des dihydropyridines. En faveur de l’effet délétère des CCB sont les données d’une étude épidémiologique observationnelle (EPESE) retrouvant un excès de mortalité chez les sujets diabétiques âgés traités par une dihydropyridine d’action rapide (nifédipine gellule) (28). En faveur d’un effet bénéfique supplémentaire des IEC, les relativement bons résultats de HOT avec une DHP d’action lente en première intention. L’ensemble des ces données suggère donc de ne pas utiliser les antagonistes calciques de type dihydropyridine chez les diabétiques de type 2 (et ce jusqu’à preuve du contraire).
L’hypertension systolique isolée est une complication fréquente du diabète de type 2. Celle-ci est liée à la rigidité accrue de l’arbre artériel et s’accompagne habituellement d’une augmentation de la pression pulsée. Celle-ci est délétère car elle augmente le travail cardiaque et la consommation myocardique d’oxygène tout en diminuant la perfusion coronaire en diastole. Le sous-groupe diabète de l’étude SHEP (PAS >160 et PAD < 90mmHg) (n = 583) montre sans ambiguïté que le traitement antihypertenseur à base de diurétiques thiazidiques (chlortalidone 12.5-25 mg ± ß-bloqueurs ± réserpine) versus placebo réduit l’incidence d’évènements cardiovasculaires majeurs de 35 % (valeur similaire aux sujets non-diabétiques) mais avec une réduction absolue du risque de 101 ‰ sur 5 ans (NST = 12) (29) (RCT, SGD). Cette étude suggère donc de recourir de préférence au traitement diurétique thiazidique malgré les données favorables de Syst-Eur obtenues avec une DHP (30) et les données négatives de l’étude rétrospective de Warram et al. (24).
Recommandations :
o cible tensionnelle < 135/85 mm Hg (HOT).
o pas d’argument pour une cible tensionnelle différente chez les sujets âgés.
o par un IEC de préférence (CAPP, ABCD).
o HTA systolique isolée après 60 ans : l’objectif est de réduire la pression artérielle systolique en-dessous de 160 mm Hg lorsqu’elle est initialement supérieure à cette valeur, ou en-dessous de 140 mm Hg lorsqu’elle est initialement comprise entre 140 et 160 mm Hg. Il faut recourir de préférence à un diurétique thiazidique sans dépasser les doses de chlortalidone 12.5-25 mg ou équivalent (SHEP).
2. Hypertension avec microalbuminurie
L’hypertension constitue un risque indépendant de développement de protéinurie (31). Biesenbach et al. montrent également une diminution plus rapide de la filtration glomérulaire chez les sujets daibétiques hypertendus (>160 mmHg) (32).
Chez les sujets D2 normotendus, l’étude de Ravid et al. (33) suggère que l’énalapril réduit l’excrétion urinaire d’albumine, l’incidence de survenue d’une macroalbuminurie et la pente de décroissance de 1/Pcr. Chez 94 patients D2 normotendus microalbuminuriques, randomisés en double insu (enalapril vs. placebo) pendant les 5 premières années (RCT) puis suivis en ouvert pendant 2 ans (34), la créatinine plasmatique et l’excrétion urinaire d’albumine sont restés stables sous traitement IEC (enalapril 10 mg/j) pendant 7 ans. Par comparaison, les patients recevant un placebo avaient une augmentation de 16 % de la créatinine plasmatique et une augmentation de la protéinurie (de 123 à 393 mg/j) pendant la même période. A 7 ans le bénéfice de l’enalapril se maintient, diminuant de 42% le risque de progression vers une macroprotéinurie (34)
Des résultats comparables sont retrouvés par Sano et al. chez 62 D2 normotendus microalbuminuriques àfonction rénale normale et suivis pendant 4 ans après randomisation pour enalapril (5 mg/j) ou placebo (RCT). L’enalapril réduit la microalbuminurie de 115±80 à 75 ±45 mg/j alors que celle-ci augmente sous placebo de 94±70 à 150±144 mg/j. Dans les deux groupes cependant il n’y a pas de modifications significatives de la clairance de la créatinine (35).
Plusieurs études ont examiné l’influence des différents types de traitement antihypertenseur.
Dans le sous-groupe microalbuminurique de l’étude de Lebovitz et al. (36) 38 patients D2 hypertendus microalbuminuriques ont été randomisés pour recevoir soit enalapril (5-40 mg/j) (n = 17) soit son placebo (n=21). Après un suivi de 3 ans 21 % dans le groupe placebo et 7% dans le groupe enalapril évoluent vers le stade de protéinurie permanente.
L’étude de Walker et al. (37) (D+Ra) chez 84 patients D2 hypertendus et micro- ou macroalbuminuriques, recevant soit enalapril soit hydrochlorothiazide, le contrôle tensionnel était obtenu de façon équivalente. L’évolution de la fonction rénale (débit de filtration glomérulaire apprécié par la clairance du Tc99DTPA) était non significativement différente (-3 ±1.4 ml/min./an vs -4.1±1.3 dans le groupe IEC vs. diurétique).
L’étude de Velussi et al. (38) (RCT) comportant 44 patients D2 normo- (n= 26) ou microalbuminuriques (n= 18), randomisés pour recevoir un traitement par cilazapril (2.5 mg/j) ou amlodipine(5 mg/j) pendant 3 ans ne retrouve pas de différence significative sur la progression de l’insuffisance rénale (clairance du CrEDTA) et la diminution de la protéinurie. Cependant la puissance de l’étude (effectif trop faible) ne permet pas de conclure sur l’absence de différence réelle d’effet rénal.
Toutes ces études ont en commun un effectif faible (puissance insuffisante pour conclure sur la présence d’un effet différentiel), une population hétérogène (mélange de sujets normo- et microalbuminuriques, normo- ou hypertendus), et enfin une durée d’observation insuffisante (nécessité de recourir à des critères de jugements intermédiaires).
Recommandations
- Le traitement antihypertenseur diminue l’excrétion urinaire d’albumine et la survenue d’une protéinurie. Cet effet est retrouvé aussi chez les patients normotendus.
- Le choix de l’antihypertenseur en terme de bénéfice rénal est mal documenté. Il faut peut-être préférer les IEC en première intention bien que les anticalciques et les diurétiques puissent représenter une alternative sur la base des critéres intermédiaires (microalbuminurie et deltaDFG). Cependant en terme de mortalité il existe une différence significative en faveur de l’enalapril vs. La nisoldipine dans le sous-groupe hypertendu de l’atude ABCD, sous groupe qui comporte environ 30% de sujets microalbuminuriques.
- La cible tensionnelle n’est pas bien définie mais elle est probablement basse car les IEC sont aussi efficaces sur l’excrétion urinaire d’albumine en cas de normotension (valeurs normales hautes) (34).
3. Hypertension avec protéinurie
Lorsque la protéinurie survient, la vitesse de perte de DFG et l’effet délétère de l’hypertension sont équivalents à celui observé dans le diabète de type 1, et en l’absence d’un traitement agressif, le délai de progression de la protéinurie à l’insuffisance rénale terminale est en moyenne de 6 à 7 ans dans les deux formes de diabète.
L’hypertension artérielle chez ces patients s’accompagne le plus souvent d’un absence de baisse tensionnelle nocturne (« non-dipper ») elle-même associée à une augmentation du volume extracellulaire et une forte prévalence de dysautonomie neuro-végétative (X, n= 55) (39).
Il n’existe pas de données sur l’évolution rénale provenant d’essais randomisés contrôlés dans cette population. Les résultats d’ABCD devraient être connus à la mi-1998. Deux autres études sont actuellement en cours avec un bloqueur AT1, l’une (RENAAL) compare le losartan versus son placébo chez des sujets diabétiques hypertendus avec une protéinurie > 1 g/j et une fonction rénale normale ou peu altérée. L’autre (IDTN) compare l’irbesartan versus amlodipine versus placebo dans une population à peu près similaire.
Les données d’efficacité reposent actuellement dans ce groupe de malades uniquement sur des études évaluant des critères intermédiaires (pression artérielle, protéinurie, deltaDFG).
Dans l’étude de Nielsen (40) (RCT) 36 patients D2 hypertendus ont été randomisés pour recevoir pendant 3,5 années soit du lisinopril (10-20 mg/j) soit de l’atenolol (50-100 mg/j). La pression artérielle a été réduite de façon équivalente (-11 mm Hg) avec les 2 traitements. Le lisinopril a eu un effet anti-protéinurique plus prononcé que l’aténolol (-55 vs. -15 %). Cependant, la filtration glomérulaire a diminué en moyenne de 0.60-0.67 ml/min/mois sans différence significative entre les deux groupes avec une diminution biphasique (plus importante dans les 6 premiers mois de l’étude). Ces résultats correspondant cependant à une réduction d’environ moitié de la décroissance "naturelle" de la filtration glomérulaire chezce type de patients (par rapport à un groupe historique).
Il faut aussi noter que plus des 3/4 des patients de chaque groupe sont traités par bithérapie incluant un diurétique(diurétique de l’anse ou thiazidique), ce qui confirme même chez des patient à fonction rénale peu altérée initale (GFR 75ml/min/1.73m2) la nécessité de recourir à une polythérapie pour l’obtention des valeurs optimales de PA.
Bakris et al. (41) (RCT) ont étudié 53 diabétiques D2, hypertendus, présentant une insuffisance rénale modérée (Pcr 141-168 µmol/l) et randomisés en 3 groupes de traitement (lisinopril vs CCB non-dihydropyridine vs aténolol) suivis pendant en moyenne 63 ± 7 mois. La diminution de la filtration glomérulaire était significativement moindre dans les groupes lisinopril et inhibiteur calcique par rapport au groupe betabloqueur (0.98 ± 0.44 et 1.44 ± 0.63 vs 3.48 ± 1.1 ml/min/an respectivement). La protéinurie était réduite de façon similaire dans les groupes IEC et CCB. La mortalité globale était de 11.6% et 9% des patients atteignaient le stade d’insuffisance rénale terminale.
Dans une autre étude ces mêmes auteurs (42) ont comparé l’effet du CCB non DHP vérapamil vs ? le BB aténolol sur la progression de la ND chez 34 D2 afroaméricains suivis pendant 54 mois en moyenne. Dans le groupe vérapamil la variation de Ccr a été plus faible (-1.7±0.9 ml/min./an vs. -3.7±1.4 ml/min./an ; P<0.01). que dans le groupe aténolol. Une réduction plus importante de la protéinurie a été notée avec le vérapamil. Dans cette étude la normotension (<140/90 mmHg) est obtenue au prix d’une association de 2 médicaments antihypertensurs chez 20-30% des patients (dont le furosémide en 2ème ligne). Trois médicaments sont nécessaires chez 40-50% des patients et même 4 médicaments chez 20-30% ce qui illustre la nécessité de polythérapie (incluant un diurétique de l’anse) dans ces populations de patients.
o Par contre l’étude de Guasch (43) (RCT) réalisée chez 31 Afro-américains D2 protéinuriques (> 500 mg/j), randomisés en deux groupes pour recevoir soit du captopril soit de l’israpidine (dihydropyridine) a montré une majoration de 50% de la protéinurie (2 vs. 3 mg/mg de créatininurie) dans le groupe israpidine et une diminution de 20% de la protéinurie (2.83 vs. 2.3 mg/mg de créatininurie) dans le groupe captopril en 6 mois de traitement, ceci indépendemment de tout changement de fonction rénale et après ajustement pour le contrôle tensionnel.
Dans l’étude de Lebovitz et al. citée précédemment (36) 46 patients D2 hypertendus et protéinuriques ont reçu soit un traitement par enalapril (n=28) soit un traitement conventionnel plus un placebo (n= 18). La protéinurie a baissé de 2.84 ±0.04 (sem) à 2.53 ±0.61 g/j dans le groupe enalapril alors qu’elle a augmenté de 3.89 ±0.6 à 4.36±1.0 g/j sous traitement conventionnel + placebo. Après 2,5 ans de suivi il n’a cependant pas été noté de différence significative d’évolution de la fonction rénale(-6.4 vs. -9.6 ml/min/an).
Yokoyama et al. (44) rapportent une étude chez 182 D2 insuffisants rénaux modérés (créatininémie : 133-177 µmol/l) dont 107 développent une insuffisance rénale terminale et sont finalement traités par EER (Retro). Les patients ont été retrospectivement répartis selon trois groupes en fonction du traitement antihypertenseur : traités sans IEC (n=98), traités par IEC (n=28), et normotendus sans traitement (n=56). Pour un contrôle tensionnel comparable, les patients traités par IEC ont une diminution significative du risque d’évolution vers l’IRCT et ce essentiellement chez les sujets protéinuriques modérés (>2.5 g/j), ou l’incidence annuelle d’IRCT était de 1.7 vs. 10.7 %. D’autre part l’absence de réponse anti-protéinurique (> 2.5 g/j sous IEC) s’est révélée être un facteur extrèmement péjoratif de survenue d’IRCT multipliant par 17 le risque d’évolution vers IRCT. Il faut néanmoins noter que dans cette étude japonaise les traitement anti-hypertenseurs non-IEC étaient majoritairement composés par des CCB de type dihydropyridinique (nifédipine ou nicardipine) (n=91/98), ce qui a pu majorer l’évolution vers l’IRCT dans ce groupe.
L’ensemble de ces études suggère un bénéfice des IEC au moins en ce qui concerne la diminution de la protéinurie par rapport aux BB et aux CCB. Cette diminution de la protéinurie est un critère évolutif cliniquement pertinent dans la mesure ou il s’agit du facteur principal de progression des néphropathies glomérulaires (45) et ou la baisse de protéinurie sous traitement notamment IEC est corrélée avec la réduction de la vitesse de déclin du DFG à plus long terme y compris chez le diabétique (45, 46). L’effet bénéfique des IEC sur la fonction rénale est moins bien établi et devra faire l’objet d’études spécifiques incluant la mort rénale comme critère de jugement.
Recommandations
- L’objectif optimal tensionnel et le choix du type d’antihypertenseur chez le patient D2 avec protéinurie devraient être définitivement assuré avec les résultats de l’étude ABCD qui s’achève en mai 1998, chez 950 patients D2 normo- ou hypertendus, avec un schéma d’étude bifactoriel : deux cibles de pression artérielle (PA diastolique 75 vs 80-89 mmHg), et deux types de traitement anti hypertenseur (CCB-DHP nisoldipine vs. IEC enalapril) (47) (RCT). Cette étude incluse environ 25% de sujets D2 protéinuriques. En terme de mortalité-morbidité cardiovasculaire, les résultats sont disponibles dans le sous-groupe de 470 patients D2 hypertendus. Pour un objectif tensionnel similaire et après ajustement pour les facteurs confondants le traitement par nisoldipine est associé à un risque plus élevé d’infarctus du myocarde mortels ou non mortels (OR 9.5, IC 95% 2.3-21.4) que le traitement par enalapril (26). Ces résultats inattendus suggèrent donc que tous les antihypertenseurs ne sont pas comparables en terme de prévention des complications cardiovasculaires chez les patients diabétiques (données analogues à celles du sous-groupe diabétique de CAPPP).
- En l’absence des résultats d’études spécifiques, les recommandations peuvent être raisonnablement extrapolées à partir de l’étude MDRD (48) (RCT) pour le niveau tensionnel (pression artérielle cible < 135/85 mmHg voire < 125/75 mmHg en cas de protéinurie > 1g/j) ainsi que des études chez les sujets non-diabétiques pour le choix préférentiel d’un IEC (45, 49, 50). Le groupe d’expert du JNCVI aboutit à des conclusions analogues et recommande : « La présence d’une néphropathie glomérulaire objectivée par une protéinurie supérieure à 1 gramme par jour doit faire ramener la pression artérielle au dessous de 125/75 mmHg, quel que soit l’importance du traitement antihypertenseur à mettre en œuvre » (51).
4. Considérations pratiques sur le choix des antihypertenseurs dans le traitement de la néphropathie diabétique.
Le traitement IEC est généralement efficaice et bien toléré chez le sujet diabétique. Une complication potentielle de ces médicaments est la chute brutale de la pression artérielle qui peut entraîner une baisse du DFG d’origine hémodynamique au cours des premiers mois de traitement. La baisse du DFG dans cette situation ne reflète pas des lésions structurelles et dans la mesure où elle est médiée par une réduction de la pression intraglomérulaire, elle peut être associée à un ralentissement à long terme de la vitesse de progression. Il est démontré que cette diminution initiale du DFG est réversible. Chez 42 patients diabétiques D1 hypertendus l’arrêt du traitement IEC a augmenté à la fois la pression artérielle et le DFG (de 76 à 81 ml/min.) (52). Le risque d’aggravation initial est particulièrement important pour les patients fortement déplétés (régime sans sel, diurétiques) et lorsque la fonction rénale est très altérée ceci peut même amener à recourir plus rapidement à l’épuration extrarénale.
Il faut se méfier également du risque important d’hyperkaliémie ou d’acidose métabolique dans ce contexte (insuffisance rénale, diabète, hypoaldostéronisme, bas débit de sodium au tube collecteur distal). Il est souvent intéressant d’associer un diurétique pour limiter la rétention hydrosodée (insuffisance rénale, syndrome néphrotique) et/ou faciliter l’élimination rénale de potassium. Enfin l’association IEC et AINS comporte une risque plus important de survenue d’IRA et/ou d’acidose métabolique hyperkaliémique.
Il n’y a pas de données spécifiques concernant l’utilisation de bloqueurs AT1 chez les sujets diébatiques atteint de néphropathie diabétique. Des données très préliminaires chez les sujets non diabétiques suggèrent un effet antiprotéinurique à peu près comparable à celui des IEC (53). Ces médicaments exposent a priori cependant aux mêmes risques d’acidose hyperkaliémique et d’aggravation de la fonction rénale que les IEC.
L’utilisation des béta-bloquants chez le diabétique a été longtemps limitée par le risque de minoration des symptômes adrénergiques d’hypoglycémie, de perturbation de l’équilibre glycémique et lipidique (élévation du LDL-cholestérol et des triglycérides, réduction du HDL-cholestérol) et la réduction du débit sanguin périphérique chez l’artéritique. Les BB cardiosélectifs n’empèchent pas la remontée de la glycémie après une hypoglycémie induite par l’insuline (54).
Néanmoins les béta-bloquants ont fait la preuve de leur efficacité en terme de prévention primaire des complications cardio-vasculaire (MRC, HAPPHY). En prévention secondaire du post-infarctus les 73 études randomisées vs. placebo (51 563 patients) regroupées dans la méta-analyse de Soriano (55) montre un risque relatif de décès de 0.89 pour les patients traités par bétabloquant, la réduction du risque étant d’autant plus forte que le béta-bloquant est sélectif, lipophile, sans activité stabilisatrice de membrane et dépourvu d’ASI (Meta).
Les indications des ß-bloqueurs sélectifs devraient probablement être élargies chez tous les diabétiques en prévention primaire. Les ß-bloqueurs sélectifs sont indispensables en prévention secondaire et probablement en cas d’insuffisance coronaire symptomatique. Certains ß-bloqueurs comme le carvedilol et le bisoprolol (CIBIS2) doivent être privilégiés en cas d’insuffisance cardiaque, en plus du traitement conventionnel par IEC + diurétiques y compris probablement chez les patients urémiques et/ou traités par dialyse (56).
Les CCB de type dihydropyridine (nifedipine, nitrendipine, isradipine, amlodipine...) ont un effet variable, depuis l’augmentation de l’excrétion protéique à l’absence d’effet ou une diminution de l’excrétion protéique suivant les études (57) (Meta). Seul le diltiazem et le verapamil semblent aussi régulièrement efficaces que les IEC pour diminuer l’excrétion protéique chez les patients diabétiques (57). Les antagonistes calciques de type dihydropyridine doivent être évités en raison de l’incertitude qui persite sur le risque d’accident coronarien aigu (58). Lorsque cette classe de médicaments s’avère cependant nécessaire, il faut alors préférer une DHP de durée d’action longue (par exemple l’amlodipine qui n’aggrave pas la mortalité chez l’insuffisant cardiaque, étude PRAISE). Les dihydropyridines ainsi que les autres anticalciques (phénothiazidines) peuvent en outre simuler une rétention hydrosodée en raison d’œdème des membres inférieurs liés à leurs propriétés vasodilatatrices.
Les antihypertenseurs centraux et les alpha1-bloqueurs périphériques (prazosine-alpress®) ont l’intérêt d’être relativement neutres sur le plan métabolique (lipides, insulino-résistance) mais ils peuvent aggraver l’hypotension orthostatique (dysautonomie) et /ou une impuissance.
Les diurétiques représente une indication logique du traitement antihypertenseur chez le sujets diabétique a fortiori s’il existe une néphropathie compte tenu de la fréquence et de l’importance d’une rétention hydrosodée. Les principaux inconvénients des dirétiques (hypokaliémie, insulino-résistance, hyperosmolalité chez le sujet agé, élévation modérée du cholestérol-LDL et des triglycérides) sont dose-dépendants et ne sont guère détectables lorsque des posologies de 12.5 -25 mg d’hydrochlorothiazide ou équivalent sont utilisées. Le recours au diurétique de l’anse est souvent indispensable en cas de néphropathie avérée avec ou sans syndrome néphrotique. Le risque d’hypokaliémie est alors négligeable et ces médicaments permettent même de corriger l’hyperkaliémie induite par les IEC tout en potentialisant leurs effets antihypertenseurs.
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