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2.8 Rein et myélome
(Q 166-252-253)
jeudi 10 octobre 2002










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Objectifs
-  Diagnostiquer un myélome multiple des os En ce qui concerne le rein :
-  Savoir diagnostiquer une atteinte rénale au cours du myélome
-  Connaître les principales atteintes rénales au cours du myélome
-  Argumenter les principes du traitement et de surveillance des atteintes rénales du myélome

1. Généralités

Le myélome est une prolifération d’un seul clone de cellules plasmocytaires malignes qui s’accumulent dans la moelle osseuse et produisent une immunoglobuline monoclonale. La cause en est inconnue. Sur le plan épidémiologique il y a environ 40 nouveaux cas par million d’habitants et par an. Le myélome représente environ 1 % de toute la mortalité liée aux cancers dans les pays occidentaux. C’est une maladie du sujet âgé avec un âge médian de 65 ans à la découverte de la maladie.

Le diagnostic de myélome repose sur la présence de 2 parmi les 3 signes suivants : une plasmocytose médullaire pathologique, une protéine monoclonale, soit immunoglobuline complète soit plasmatique soit chaînes légères d’immunoglobuline urinaire, des lésions ostéolytiques sur les radios du squelette.

2. Atteinte rénale du myélome

L’atteinte rénale est fréquente au cours du myélome : près de la moitié des patients ont une augmentation de la créatinine plasmatique >= 130 µmol/l (mesurée après 48 heures de réhydratation). L’atteinte rénale du myélome affecte aussi de façon considérable le pronostic. Il y a aussi une corrélation entre la présence et la sévérité de l’atteinte rénale et la survie à 1 an : 80 % chez les patients dont la créatinine plasmatique est<130 µmol/l contre 50 % chez ceux dont la créatinine plasmatique est > 200 µmol/l. Les causes de l’atteinte rénale du myélome sont multiples et souvent intriquées, il est cependant important de les rattacher précisement à leur mécanismes en raison des implications thérapeutiques spécifiques qui en découlent.

Schématiquement on distingue :
-  L’insuffisance rénale fonctionnelle, la plus fréquente, favorisée par l’hypercalcémie et les néphrotoxiques (AINS)
-  Les manifestations liées à l’hyperproduction d’une chaîne légère d’immunoglobuline monoclonale (CLIM). Ces formes d’atteinte rénale sont directement liées à la toxicité de la chaîne légère et ne sont donc observées que chez les patients qui produisent un excès de chaînes légères libres. Les chaînes légères d’immunoglobuline ont un poids moléculaire d’environ 22 kilodaltons (KD). Elles sont librement filtrées par les glomérules et sont progressivement concentrées dans la lumière tubulaire en parallèle avec la réabsorption de l’eau.

Présentation clinique et causes d’atteinte rénale au cours du myélome
Insuffisance rénale aiguë (5-10%)
-  Deshydratation
-  Hypercalcémie
-  Tubulopathie myélomateuse (cylindres)
-  Glomérulonéphrite extracapillaire
Insuffisance rénale chronique (45-75 %)
-  Tubulopathie myélomateuse (cylindres)
-  Amylose AL (chaines légères)
-  Infiltration interstitielle plasmocytaire (rare)
Syndrome néphrotique (50-80%)
-  Amylose AL
-  Maladie de dépôt de chaines légères (syndrome de Randall)
-  Maladie de dépôt de chaines lourdes (rarissime)
-  Glomérulonéphrite membrano-proliférative associée à une cryoglobulinémie
Syndrome de Fanconi (1%)
Lésions secondaires (20-30%)
-  Pyélonéphrite
-  Obstruction intratubulaire d’urate

2.1. Insuffisance rénale fonctionnelle secondaire à l’hypercalcémie

L’hypercalcémie est présente dans 20 à 30 % des myélomes au moment du diagnostic. L’hypercalcémie provient de l’augmentation de la résorbtion osseuse, elle-même liée en partie à une sécrétion augmentée d’interleukine 6. L’hypercalcémie favorise l’insuffisance rénale en favorisant la déshydratation extracellulaire, une vasoconstriction rénale et les dépôts intra-tubulaires de calcium et peut-être en augmentant la toxicité des chaînes légères filtrées. L’insuffisance rénale est le plus souvent fonctionnelle et peut être associée à un syndrome polyuro-polydipsique lié à un diabète insipide néphrogénique ADH résistant. L’insuffisance rénale et la résistance à l’ADH induites par l’hypercalcémie sont généralement réversibles grâce à une réhydratation et à l’utilisation de biphosphonates (pamidronate, Arédia®).

2.2. Tubulopathie du myélome

La néphropathie du myélome, encore appelée néphropathie des cylindres myélomateux est responsable d’une insuffisance rénale sévère, souvent révélatrice du myélome, résultant de la formation de cylindres myélomateux dans les tubules intra-rénaux.

Le tableau clinique est caractérisé par :
-  Une insuffisance rénale aiguë ou rapidement progressive,
-  Une protéinurie composée exclusivement de chaînes légères. Cette protéinurie n’est pas détectée par les bandelettes urinaires qui ne sont sensibles qu’à l’albumine. La CLIM doit être recherchée et dosée par colorimétrie (rouge de pyrogalol). L’identification de l’isotype de la chaîne légère (kappa ou lambda) et la quantification, nécessitent le recours à l’immunoélectrophorèse ou mieux l’immunofixation urinaire. un ou plusieurs facteurs déclanchants, favorisant la précipitation des CLIM (Tableau 2)
-  un myélome volontiers de masse tumorale élevée, généralement un myélome à chaines légères ou un myélome à IgD.

Tableau 2 : Facteurs cliniques favorisant la précipitation urinaire de chaînes légères
-  hypercalcémie
-  déshydratation extra-cellulaire
-  infections
-  médicaments néphrotoxiques (aminosides)
-  médicaments modifiant l’hémodynamique rénale (AINS, IEC, ARA2)
-  produits de contraste iodés

La biopsie rénale n’est pas systématique lorsque le contexte clinique est très évocateur. En revanche une albuminurie significatative (> à 1g/j) doit faire rechercher une atteinte glomérulaire en particulier amylose ou dépots de CLIM. Les lésions histologiques rénales caractéristiques de la tubulopathie myélomateuse comportent l’obstruction de la lumière des tubes distaux et collecteurs par des cylindres polychromatophiles (trichrome de Masson), d’aspects "cassant" (traits de fracture) et volontiers associés à une réaction giganto-cellulaire. La biopsie rénale peut apporter des informations précieuses sur le diagnostic et le pronostic rénal (les lésions de nécrose tubulaire ont un meilleur espoir de récupération que la fibrose interstitielle qui est définitive).

Le traitement de la tubulopathie myélomateuse fait appel à 2 approches complémentaires (voir Tableau 3) :

diminuer la précipitation urinaire de CLIM : - réhydratation vigoureuse pour corriger l’hypovolémie - éviction des diurétiques de l’anse et autres médicaments potentiellement néphrotoxiques (AINS) - diurèse abondante (> 3 litres par jour) - alcaliniser les urines en permanence (pH urinaire > 7 ) diminuer la quantité circulante de CLIM : - L’intérêt des échanges plasmatiques reste discuté. Leur justification théorique est de diminuer rapidement le taux d’immunoglobuline monoclonale circulante et donc l’élimination de chaînes légères dans les urines. - la chimiothérapie doit être débutée rapidement mais son action ne se manifeste pas avant plusieurs semaines. Une polychimiothérapie de type VAD (vincristine - adriamycine - dexaméthasone) est souvent préférée au MP classique (melphalan-prednisone) en raison de la rapidité d’action et de l’absence d’adaptation de la posologie à la fonction rénale. Cependant aucune ligne de chimiothérapie n’a fait la preuve de sa supériorité par rapport à une autre quant au pronostic rénal ou vital. Le recours à l’autogreffe de cellule souches hématopoiétique est en cours d’évaluation chez les patients en insuffisance rénale Le traitement symptomatique fait appel à la dialyse lorsque celle-ci est nécessaire. L’indication de la dialyse doit être relativement précoce compte-tenu de l’état hyper-catabolique (corticoïdes).

Tableau 3 récapitulant les interventions thérapeutiques et leur mode d’action

Interventions Mécanismes
diminuer la précipitation urinaire de CLIM prévient l’aggrégation en cylindre
remplissage volémique diminue la réabsorption d’eau (concentration tubulaire des CLIM)
éviter les néphrotoxiques (AINS) diminution du débit urinaire augmente la concentration tubulaire de CLIM
éviter diurétique de l’anse augmente la liaison CLIM-Tamm-Horsfall
diurèse abondante dilution des CLIM libres urinaires
alcalinisation des urines augmente la solubilité de la protéine de Tamm-Horsfall
diminuer la quantité circulante de CLIM CLIM librement filtrées par le glomérule
chimiothérapie diminue la production de CLIM
échanges plasmatiques ? soustraction directe des CLIM circulantes

Sous traitement l’amélioration de la fonction rénale est observée dans 50 à 75 % des cas, y compris chez certains malades initialement dépendants de la dialyse (et parfois plusieurs mois seulement après le début de la dialyse). Une insuffisance rénale résiduelle modérée est cependant fréquente. La récupération est généralement meilleure chez les patients ayant une insuffisance rénale liée à l’hypercalcémie et l’hypovolémie que chez ceux ayant une protéinurie de chaînes légères et des cylindres myélomateux. Le pronostic des patients atteints de myélome avec une insuffisance rénale grave s’est nettement amélioré au cours des dernières années même si l’insuffisance rénale contribue à diminuer l’espérance de vie. Chez les patients survivants aux deux premiers mois, la survie actuarielle est d’environ 45 % à 1 an et 25 % à 2-3 ans. La masse tumorale et la réponse à la chimiothérapie sont les deux facteurs pronostiques essentiels.

2.3. Syndrome de Fanconi

Chez certains patients l’effet toxique des chaînes légères filtrées est limité à une dysfonction tubulaire avec une filtration glomérulaire relativement normale. Les tubes proximaux sont principalement atteints en raison de la réabsorption des chaînes légères filtrées et de leur accumulation dans les cellules proximales. L’atteinte clinique se résume à un syndrome de Fanconi plus ou moins complet, associant de façon variable une acidose tubulaire proximale hypokaliémique, une glycosurie orthoglycémique, une amino-acidurie généralisée, un diabète phosphaté avec hypophosphatémie. La dysfonction proximale peut également exacerber la tubulopathie myélomateuse en diminuant la réabsorption des chaînes légères proximales et en augmentant le débit de chaînes légères et leur précipitation au niveau du néphron distal. Histologiquement, des inclusions cristallines cytoplasmiques sont volontiers retrouvées dans les cellules plasmocytaires de la moelle osseuse et dans les cellules tubulaires rénales. Ces inclusions cristallines sont pratiquement toujours constituées de fragments de chaînes légères kappa. L’intérêt de reconnaître ce syndrome est qu’il peut révéler, parfois plusieurs mois à l’avance, la survenue du myélome, généralement un myélome de type kappa d’évolution lente.

2.4. Amylose AL et maladie de dépôts de chaînes légères

Les patients produisant un excès de chaînes légères monoclonales ou rarement un excès de chaînes lourdes peuvent développer trois types d’anomalies au cours desquelles les fragments d’immunoglobulines se déposent dans le rein et les autres tissus : l’amylose AL (encore appelée improprement amylose primitive), la maladie des dépôts de chaînes légères (syndrome de Randall) et enfin exceptionnellement la maladie des dépôts de chaînes lourdes. Ces malades se présentent typiquement avec un syndrome néphrotique et une insuffisance rénale d’installation relativement lente. Au cours de l’amylose AL, les chaînes légères circulantes sont captées et partiellement métabolisées par les macrophages. Les fragments peuvent précipiter en formant une structure fibrillaire béta-plissée ayant une affinité tinctoriale rouge Congo positive caractéristique de l’amylose. Dans la maladie de dépôts des chaînes légères, des fragments d’immunoglobulines ne forment pas des fibrilles et les dépôts ne prennent pas la coloration rouge Congo. Dans un tiers des cas, les dépôts rénaux peuvent prendre un aspect de glomérulosclérose nodulaire (principal diagnostic différentiel : diabète).





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