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Complications hydro-électrolytiques et ostéo-articulaires
L'urémie (ou syndrome urémique) représente l'ensemble des manifestations cliniques et biologiques associées à l'insuffisance rénale chronique (IRC) terminale. Ces manifestations ne sont généralement pas observées avant la survenue dune réduction importante de la fonction rénale, cest-à-dire en-dessous de 25 % de la normale (25 ml/mn.). Avant ce stade, la plupart des patients ont peu ou pas de symptômes et les anomalies biochimiques sont peu démonstratives.
L'indolence et l'absence de symptômes est souvent considérée à tort par les patients et même les médecins comme un signe de bonne tolérance témoignant du caractère anodin de l'insuffisance rénale chronique. En réalité, dès le stade précoce de l'insuffisance rénale, toute une série de modifications cliniques et biologiques s'installent qui vont s'aggraver très progressivement (si bien que la tolérance clinique est parfois surprenante) et vont se décompenser brutalement lorsque la fonction rénale chute en-dessous de 25 %. Certaines de ces complications (hypertension artérielle, anémie, surcharge hydrosodée, dénutrition) jouent un rôle important dans la morbidité - mortalité survenant chez l'insuffisant rénal chronique, aussi bien au stade pré-dialytique que pendant le traitement par dialyse ou par transplantation rénale. Ceci implique donc un dépistage précoce, un suivi attentif et un traitement rigoureux de l'ensemble de ces complications liées à l'insuffisance rénale.
1. Désordres hydro-électrolytiques
Lorsque le débit de filtration glomérulaire diminue en-dessous de 25 ml/mn, des anomalies hydroélectrolytiques peuvent survenir. Chez un sujet avec un apport alimentaire normal, même lorsque la filtration glomérulaire est réduite à 5-10 ml/mn, il peut n'y avoir que de minimes modifications des concentrations plasmatiques des électrolytes et du contenu en eau de l'organisme. Ceci résulte du fait que lorsque la filtration glomérulaire diminue, la clairance fractionnelle des électrolytes et de l'eau augmente.
En maintenant un volume urinaire d'environ 2 l/jour, le patient avec une IRC est capable d'excréter l'apport habituel deau, de sodium (environ 150 mmol/jour), de potassium (environ 70 mmol/jour), dosmoles (environ 600 mosm/jour) et d'azote (6 g équivalent à 72 g de protéines) sans avoir besoin d'excréter ou de concentrer les urines davantage.
Cette adaptation a été appelée le phénomène de "magnification" qui implique que le rein malade continue à rester sous le contrôle des systèmes biologiques régulant l'excrétion des électrolytes et que la réponse excrétoire par néphrons stimulés par ces systèmes de régulation varie de façon inverse avec le nombre de néphrons fonctionnels restants. Pour cette raison les individus avec une insuffisance rénale avancée sont encore capables d'excréter la majorité des déchets métaboliques et des électrolytes provenant d'une alimentation normale, permettant le maintien d'une balance hydroélectrolytique satisfaisante.
Cependant, la liberté métabolique, c'est-à-dire la fourchette dans laquelle ces individus peuvent maintenir une situation stable est réduite. En raison de l'incapacité à concentrer les urines lorsque l'apport hydrique est restreint, le patient peut développer une déshydratation et hypernatrémie et l'urée sanguine augmente en raison de l'altération de l'excrétion des déchets azotés. Inversement, si l'apport hydrique est excessif par rapport aux capacités rénales de dilution, une hyponatrémie peut survenir avec une intoxication par l'eau.
Lorsque ces patients sont mis à un régime sans sel, la majorité d'entre eux soit sont incapables de diminuer l'excrétion urinaire de sodium au niveau de l'apport alimentaire soit ont besoin de trois à quatre fois plus de temps pour arriver à l'équilibre quun sujet normal.
Chez quelques patients, habituellement avec une maladie kystique de la médullaire ou une polykystose rénale ou une néphropathie interstitielle, une supplémentation en sodium alimentaire peut être nécessaire pour maintenir une balance sodée équilibrée. Certains patients peuvent même nécessiter jusqu'à 10 ou 20 g de sel supplémentaires pour maintenir le volume extra-cellulaire et une fonction optimale. De tels degrés de perte de sel sont exceptionnels et ne surviennent qu'à l'occasion d'insuffisance rénale très avancée.
Une restriction alimentaire n'est donc pas indiquée même au stade avancé de l'insuffisance rénale en raison du risque de dénutrition protéino-calorique et parce que la réduction de l'excrétion osmolaire empêche l'élimination de la charge hydrique aboutissant éventuellement à une intoxication par leau. Une restriction sévère en sodium alimentaire n'est pas nécessaire chez la majorité des patients avec une insuffisance rénale chronique et peut même être néfaste en raison du risque d'aggravation fonctionnelle. Par contre un apport alimentaire trop riche en sodium est contre-indiqué chez les patients en insuffisance rénale chronique en raison du risque dHTA et de surcharge hydrosodée.
En l'absence d'une charge en potassium endogène ou exogène, l'hyperkaliémie survient rarement chez des patients ayant une filtration glomérulaire supérieure à 5 ml/mn. La balance potassique est maintenue chez la majorité des patients par l'intermédiaire d'une sécrétion tubulaire augmentée de potassium médiée en partie par l'aldostérone et l'augmentation des pertes fécales de potassium. Dans la mesure où ces mécanismes d'adaptation fonctionnent au maximum lorsque l'insuffisance rénale s'avance, il y a plusieurs circonstances au cours desquelles l'hyperkaliémie peut survenir. L'inhibition compétitive des récepteurs de l'aldostérone par la spironolactone ou l'inhibition de la secrétion distale de potassium par des médicaments comme l'amiloride (Modamide ®) ou le triamtérène (Teriam ®) peuvent induire une hyperkaliémie sévère. Une autre cause d'hyperkaliémie est l'augmentation de l'apport alimentaire en potassium, ainsi qu'une acidose métabolique aiguë qui favorise le transfert du potassium intra-cellulaire vers le secteur extra-cellulaire. Ainsi pour chaque diminution d'environ 0,1 unité pH, la kaliémie augmente d'environ 0,6 mmol/l.
Même lorsque la fonction rénale est peu altérée, l'hyperkaliémie peut survenir plus précocément au cours de certaines néphropathies altérant les mécanismes de secrétion tubulaire du potassium. Ceci s'observe tout particulièrement au cours du diabète et des néphropathies interstitielles (uropathies obstructives, drépanocytose) au cours desquelles un hypoaldostéronisme hyporéninémique ou une résistance tubulaire à l'action de l'aldostérone peuvent s'observer respectivement.
1.3. Phosphore, calcium et magnésium
L'accumulation dans l'organisme d'autres électrolytes est globalement préservée quoique imparfaitement par les reins malades. Il en résulte que peu ou pas de manifestations cliniques sont observées sauf au stade d'insuffisance rénale terminale. Ainsi, par exemple, la clairance fractionnelle du phosphore, du magnésium et du calcium augmente au fur et à mesure que la filtration glomérulaire diminue. Les concentrations plasmatiques de magnésium et de phosphore n'augmentent pas tant que la filtration glomérulaire ne chute pas en-dessous de 25 ml/mn. Même dans ce cas, les valeurs plasmatiques n'augmentent que modestement tant que la filtration glomérulaire reste supérieure à 10 ml/mn. La concentration plasmatique de magnésium peut être légèrement augmentée lorsque les patients ingèrent une alimentation normale en magnésium. Cependant, certains patients peuvent avoir des difficultés à excréter des charges en magnésium si bien que les anti-acides contenant du magnésium et les laxatifs doivent être évités.
Bien que la clairance fractionnelle du calcium augmente au cours de l'insuffisance rénale, l'excrétion absolue est diminuée. A la différence des autres minéraux, ceci a des conséquences importantes sur le métabolisme du calcium au cours de l'insuffisance rénale. La concentration plasmatique d'hormone parathyroïdienne (iPTH) augmente dès la diminution du débit de filtration glomérulaire à 70-80 % de la normale et celle de la 1-25-dihydroxy-vitamine D3 (calcitriol) chute lorsque la filtration glomérulaire diminue en-dessous de 40 % de la normale. L'hypocalcémie est une manifestation fréquente de l'insuffisance rénale avancée et qui résulte d'une combinaison de calcitriol abaissé avec pour conséquence une diminution de l'absorption gastro-intestinale de calcium, de l'hyperphosphatémie et enfin dune résistance à l'action osseuse de l'hormone parathyroïdienne.
Le catabolisme quotidien des protéines soufrées alimentaires produit une charge acide d'environ 1 mmol/kg/j, normalement totalement éliminée par les reins essentiellement sous forme d'ions ammonium NH4+ et d'acidité titrable en majeure partie représentée par les ions H2PO4-.
Au cours de l'insuffisance rénale chronique, l'excrétion globale d'ammonium et d'acidité titrable diminuent progressivement malgré l'adaptation des néphrons restants fonctionnels qui augmentent leur excrétion jusqu'à 3 ou 4 fois la normale. Cependant, lorsque la filtration glomérulaire est inférieure à 40 ml/mn, ce processus est dépassé car la quantité d'ammonium produite diminue parallèlement avec la réduction de la masse rénale fonctionnelle. Par ailleurs, une baisse de l'acidité titrable urinaire est également observée, conséquence de la restriction protidique et de l'utilisation de chélateurs intestinaux du phosphore. Lors de l'insuffisance rénale avancée, l'excrétion totale quotidienne de protons est réduite à 30 à 40 mmol/l, si bien que au cours de leur évolution, de nombreux patients ont une balance positive de protons de 20 à 40 mmol/jour qui s'accumulent dans l'organisme. Ces protons accumulés sont tamponnés par les sels osseux.
L'acidose métabolique observée chez les malades insuffisants rénaux chroniques est normo-chlorémique avec d'une part une diminution de l'ammoniurie et d'autre part un trou anionique souvent augmenté, conséquence de la rétention des sulfates, phosphates et anions organiques. Chez la plupart des patients, l'acidose métabolique est modérée avec un pH rarement inférieur à 7,37 et une concentration plasmatique de bicarbonate généralement comprise entre 12 et 20 mmol/l.
Une acidose plus importante doit faire rechercher soit une cause surajoutée (perte de bicarbonates par des diarrhées), soit une acidose tubulaire hyperchlorémique associée avec un trou anionique normal. Ceci est plus fréquemment observé au cours des néphropathies interstitielles ou tubulaires détruisant l'architecture normale du rein et altérant les mécanismes de secrétion des protons.
L'absence d'acidose chez un malade en insuffisance rénale chronique est rare. Elle doit faire rechercher une restriction protidique alimentaire, l'absorption de citrate (notamment présent dans les fruits et rapidement métabolisé en bicarbonate), ou une alcalose métabolique surajoutée conséquence de vomissements ou d'un traitement diurétique.
Le traitement alcalin est impératif chez l'enfant en raison du retard de croissance qui complique la persistance d'une acidose métabolique. La justification du traitement de l'acidose métabolique chez l'adulte en insuffisance rénale chronique repose sur les arguments suivants :
- le tamponnement osseux des protons en excès libère en échange du calcium et des phosphates osseux ; il en résulte une déminéralisation progressive, une ostéopénie et le développement d'une hyperparathyroidie. La correction de l'acidémie permet de prévenir ces conséquences osseuses.
- l'acidose augmente la protéolyse musculaire et diminue la synthèse d'albumine en présence d'un excès de cortisol et d'une carence en Insulin-like Growth Factor 1 (IGF 1).
- L'adaptation néphronique et notamment l'augmentation de l'excrétion d'ammonium par chacun des néphrons restants, est à l'origine d'une activation locale du complément et de lésions tubulo-interstitielles inflammatoires.
Il est démontré chez l'homme ou chez l'animal que toutes ces anomalies peuvent être prévenues lorsque l'acidose métabolique est corrigée par l'administration d'alcalins.
Le but du traitement est de maintenir la concentration plasmatique de bicarbonates à une valeur proche de 25 mmol/l, même si en apparence l'acidose paraît cliniquement bien tolérée. Ceci est obtenu par l'utilisation de bicarbonate de sodium à la dose de 0,5 à 1 mmol/kg/jour, administré per-os. Les tampons à base de citrate de sodium doivent être proscrits en raison du risque d'augmentation de l'absorption d'aluminium au niveau digestif.
Ce traitement est bien toléré. Contrairement au chlorure de sodium, le risque de rétention sodée et d'hypertension avec le bicarbonate de sodium est marginal. Les risques d'hypocalcémie et de tétanie sont facilement prévenus et la correction de l'hyperkaliémie est facilitée.
2. Anomalies neuro-musculaires :
Les anomalies neuro-musculaires observées chez les patients en insuffisance rénale avancée sont parmi les manifestations cliniques les plus précoces découvertes au cours de l'urémie.
Les symptômes initiaux sont modestes et comprennent une labilité émotionnelle, une insomnie et un manque de concentration idéatoire. Si l'état urémique progresse, des anomalies plus marquées sont observées avec une hyperreflectivité tendineuse, des clonies, un asterixis et une altération de la conscience qui évolue vers le coma, les convulsions et le décès.
La neuropathie urémique est une autre complication invalidante de l'IRC. La manifestation la plus précoce est le "syndrome des jambes sans repos" (le patient a tendance à éviter linactivité des membres inférieurs en raison d'une sensation d'engourdissement). Ce syndrome est suivi par une neuropathie sensorielle caractérisée par des paresthésies et une hyperalgie spécialement au niveau des pieds. Dans les cas les plus sévères, peut survenir une neuropathie motrice, symétrique et prédominant au niveau distal et pouvant manifester initialement par un steppage bilatéral. Histologiquement, les lésions des nerfs périphériques surviennent dans la portion distale des fibres médullées et comportent une perte de myéline (neuropathie démyélinisante). Pour des raisons inconnues, la neuropathie motrice est beaucoup plus fréquente chez l'homme que chez la femme.
3. Ostéodystrophie rénale
Une autre cause majeure d'impotence au cours de l'IRC et spécialement chez l'enfant est liée aux anomalies ostéoarticulaires regroupées sous le terme global dostéodystrophie rénale.
Chez l'enfant avec une IRC la croissance est nettement retardée. Ce retard de croissance peut être amélioré par la dialyse et un régime riche en protides et en calories mais même de cette façon, les enfants grandissent rarement normalement en dialyse. L'usage de glucocorticoïdes après transplantation est également associé à un retard de croissance. L'hormone de croissance permet de ratrapper ce retard de croissance chez l'enfant urémique et chez l'enfant transplanté rénal.
Un rachitisme avec déformation et impotence peut se développer chez l'enfant avec une insuffisance rénale avancée. Les anomalies radiographiques typiques du rachitisme sont des lignes irrégulières et fragmentées séparant la métaphyse du cartilage de croissance. L'espace séparant la ligne métaphysaire et le noyau épiphysaire est élargi et le centre épiphysaire apparaît de façon retardée. Un traitement par vitamine D et calcium peut être efficace pour corriger ces anomalies.
Cependant, chez l'enfant et chez l'adulte ayant une IRC avancée, les manifestations squelettiques les plus fréquentes sont liées à l'hyperparathyroïdie secondaire qui est caractérisée par une augmentation de la résorption osseuse ostéoclastique. L'histomorphométrie osseuse retrouve ce type de lésion chez plus de 80 % des patients urémiques. Les glandes parathyroïdiennes sont fortement hyperplasiques et la concentration circulante d'hormone parathyroïdienne (iPTH) est augmentée en raison de lhypocalcémie, de lhypocalcitriolémie et de lhyperphosphatémie. Cliniquement, il y a peu de symptômes et le diagnostic est établi devant des lésions osseuses caractéristiques de résorption sous-périostée des phalanges et l'aspect "poivre et sel" du crâne sur des radiographies de profil.
Certains patients développent parfois des tumeurs ostéoclastiques importantes ("tumeurs brunes" kystiques) dans les zones porteuses du squelette. La parathyroïdectomie est indiquée, permettant habituellement la guérison de ces lésions kystiques. L'hyperparathyroïdie se corrige habituellement après transplantation rénale. Dans certains cas cependant, il persiste une hypercalcémie menaçant la fonction du greffon et qui peut nécessiter une parathyroïdectomie.
Chez le sujet adulte insuffisant rénal chronique, l'ostéomalacie est devenue relativement rare et résulte essentiellement d'une intoxication aluminique plus que de l'urémie elle-même. L'ostéomalacie urémique aluminique est caractérisée par des douleurs osseuses fracturaires et une myopathie proximale. Cette forme d'atteinte osseuse est habituellement peu sensible aux analogues de la vitamine D.
Récemment, un troisième type d'atteinte osseuse a été rapporté, l'os adynamique. La définition est histologique avec l'absence de formation osseuse et de résorption. Il n'y a habituellement pas de traduction clinique, la PTH est normale ou basse (hypoparathyroïdie fonctionnelle) et en raison de l'absence de complication de cette situation, aucun traitement n'est habituellement nécessaire.
Les patients avec une IRC avancée ont typiquement une hypocalcémie modérée, une hyperphosphatémie variable (qui dépend de l'apport alimentaire), une hypocalcitriolémie modérée et des signes histologiques et biologiques d'hyperparathyroïdie. La prévention de l'hyperphosphatémie peut être obtenue par l'administration de chélateur du phosphore qui se lie au phosphate alimentaire dans l'intestin et en empêche l'absorption. Les sels d'aluminium ne sont plus utilisés en raison du risque d'intoxication aluminique et les principaux chélateurs du phosphore utilisés sont actuellement le carbonate ou l'acétate de calcium. Pour augmenter l'efficacité et la chélation du phosphate et en même temps diminuer le risque de survenue d'une hypercalcémie, ces médicaments doivent être administrés au milieu des principaux repas. La plupart des patients n'ont pas besoin de traitement par calcitriol. Le traitement par calcitriol nest indiqué à faible dose que chez les patients ayant une hyperparathyroïdie sévère et progressive. Cette situation se voit essentiellement au cours des néphropathies interstitielles chroniques de très longue durée d'évolution et souvent associées à une dysfonction tubulaire (néphronoptise par exemple).
4. Calcifications métastatiques
Une complication sévère de l'insuffisance rénale chronique est représentée par les calcifications métastatiques. Trois types distincts de dépôts métastatiques de phosphates de calcium sont décrits chez les patients urémiques. Les mécanismes spécifiques responsables de ces dépôts ne sont pas bien connus et il est possible que ces trois formes aient des mécanismes physiopathologiques différents.
La forme la plus potentiellement grave de calcifications métastatiques est représentée par les calcifications vasculaires. Ces calcifications vasculaires peuvent affecter n'importe quelle artère de moyen calibre de l'organisme et peuvent parfois causer une insuffisance vasculaire ischémique avec une gangrène des extrémités, des ulcérations ischémiques de la peau mais aussi du tractus gastro-intestinal. Ces calcifications vasculaires persistent généralement après parathyroïdectomie ou même après transplantation rénale. Des signes histologiques de calcifications vasculaires surviennent même chez les jeunes patients urémiques et après l'âge de 50 ans, des signes radiographiques de calcifications vasculaires sont présents chez pratiquement 100 % des patients urémiques.
La deuxième variété de dépôts de phosphates de calcium résulte de l'hyperphosphatémie. Ces dépôts peuvent être rapidement immobilisés en réduisant la concentration plasmatique des phosphates et donc le produit phospho-calcique par la dialyse, les chélateurs intestinaux du phosphore ou encore par la transplantation.
Ces dépôts peuvent se présenter sous plusieurs formes : calcifications conjonctivales avec rougeur et sensation d'irritation des yeux ; calcifications péri-articulaires limitant les mouvements articulaires en raison de la taille parfois importante de ces dépôts ; épisodes d'arthrite aiguë par dépôts de cristaux d'hydroxyapatite dans le liquide synovial (chondrocalcinose).
Le dernier type de calcifications observées chez les patients urémiques sont les calcifications viscérales qui surviennent au niveau du poumon, du muscle squelettique et du myocarde. Ces dépôts amorphes de phosphates de calcium ont une composition physico-chimique différente des deux autres formes de dépôts de phosphate de calcium. Les calcifications vasculaires et celles induites par l'hyperphosphatémie sont constituées d'hydroxyapatite (c'est-à-dire le calcium minéral similaire à celui de l'ostéogénèse) alors que les calcifications viscérales ont des propriétés physico-chimiques de whitlockite.
Les calcifications cardiaques surviennent initialement dans le tissu de conduction et peuvent être responsables d'arythmie sévère. Lorsque les calcifications cardiaques sont plus importantes, elles peuvent atteindre l'ensemble du myocarde et entraîner le décès par bas-débit cardiaque. Les calcifications pulmonaires induisent une réponse fibreuse des petites artérioles et des septa-alvéolaires. Il en résulte des anomalies de diffusion et restrictives aboutissant à l'hypoxémie. Le mécanisme physio-pathologique responsable du développement de ces dépôts viscéraux de phosphates de calcium n'est pas bien compris. On ne sait pas non plus si ces dépôts sont mobilisables par la réduction du produit phospho-calcique ou même la transplantation.
Le prurit généralisé est une complication extrêmement désagréable de l'insuffisance rénale chronique. Dans certains cas, le contenu élevé en calcium au niveau de la peau peut être en cause. La parathyroïdectomie améliore parfois le prurit mais chez la plupart des patients, la réduction du phosphate sanguin avec des chélateurs intestinaux ou l'intensification de la dialyse sont suffisants.
5. Amylose ß2m
La béta2-microglobuline est une protéine de petit poids moléculaire (PM 12 KD), dont la production est de 200 mg/jour, éliminée par filtration glomérulaire, puis catabolisme tubulaire proximal. La béta2-microglobuline s'accumule au cours de l'insuffisance rénale avec des concentrations plasmatiques qui peuvent atteindre 50 X les valeurs normales et se dépose dans les tissus sous la forme damylose. Lamylose béta2-microglobuline est responsable des manifestations articulaires, du syndrome du canal carpien, des lésions lytiques sous-condrales au niveau des points d'insertion des tendons, des disques inter-vertébraux et enfin des dépôts dans la moëlle osseuse. Cliniquement, les dépôts d'amylose béta2-microglobuline sont responsables du syndrome du canal carpien, de kystes osseux, d'une spondylarthropathie destructive en particulier au niveau cervical, d'arthrite et de périarthrite scapulo-humérale et enfin de camptodactylie. Lamylose ß2m est une complication plus fréquente chez les sujets âgés et nécessite généralement plusieurs années de dialyse avant de se manifester. Ces dépôts d'amylose béta2-microglobuline sont pas ou peu réversibles par la transplantation rénale.
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