AccueilPages Med.MedlineCalculsRecommand.Liens


OBJECTIFS

 
NephroHUS Online PLAN DU CHAPITRE

La plupart des maladies rénales ont une évolution progressive et prévisible vers linsuffisance rénale dite "terminale" (synonyme de "mort rénale") ce qui va nécessiter une épuration extra-rénale pour assurer la survie du patient. Il est souhaitable d'identifier précocément les patients qui vont finalement nécessiter une épuration extra-rénale car une préparation adéquate diminue la morbidité et la mortalité. Cette identification précoce des sujets à risque permet d'initier la dialyse en temps optimal avec un accès vasculaire fonctionnel et permet également l'évaluation de la famille en vue d'une transplantation juste avant la mise en dialyse ou peu de temps après. De plus, la préparation psychologique à l'épuration extra-rénale est améliorée par un délai plus long entre la reconnaissance de l'insuffisance rénale terminale et l'initiation de la dialyse.

1. Intérêt d'une surveillance spécialisée

Les patients ayant une insuffisance rénale chronique (IRC) doivent être adressés aux spécialistes néphrologues tôt dans l'évolution de leur maladie pour la prise en charge des nombreuses complications associées à l'insuffisance rénale et pour le choix d'une technique d'épuration extra-rénale adéquate.

Un avis spécialisé précoce permet de réduire la morbidité et la mortalité des patients ayant une IRC :
Les patients non suivis en milieu spécialisé ont un risque très important de complications au moment de la mise en route de la dialyse :
  1. hypertension artérielle, surcharge hydrosodée, anémie sont beaucoup plus fréquentes avec le risque d'hypertrophie-dilatation ventriculaire gauche et dinsuffisance cardiaque qui jouent un rôle important dans la survie ultérieure en dialyse ;
  2. acidose métabolique avec le risque de protéolyse musculaire et de dénutrition ;
  3. hypoalbuminémie et dénutrition qui sont des déterminants majeurs de la survie en dialyse.

Les patients suivis en milieu spécialisé ont significativement plus souvent un accès vasculaire fonctionnel au moment de la mise en dialyse :

  1. l'hospitalisation est quatre fois plus courte que chez les sujets sans abord vasculaire,
  2. et lon évite les complications parfois mortelles (septicémies à Staphylocoque) liées à la mise en place d'un abord vasculaire temporaire.

Enfin, l'identification précoce de l'atteinte rénale permet doptimiser les interventions pour ralentir la progression vers linsuffisance rénale terminale :

  1. identification dune cause réversible dinsuffisance rénale
  2. institution d'un traitement antihypertenseur pour lobtention dun contrôle strict de la pression artérielle,
  3. recours précoce à un traitement par inhibiteur de l'enzyme de conversion dès l'identification du caractère progressif de l'insuffisance rénale. Ces traitements néphroprotecteurs ont un impact plus important lorsqu'ils sont initiés tôt dans l'évolution de la maladie rénale, lorsque la créatinine plasmatique n'excède pas 130 à 180 µmol/l. A ce stade, la plupart des patients ont déjà perdu plus de la moitié de leur filtration glomérulaire.


2. Réalisation pratique de la surveillance

Le suivi est habituellement effectué sous forme de consultations. La surveillance est clinique mais aussi biologique car la plupart des perturbations urémiques sont asymptomatiques jusquà un stade avancé de linsuffisance rénale. Le rythme du suivi clinique et biologique est très variable selon la maladie, le degré dinsuffisance rénale, la vitesse de progression mais aussi selon le malade et son entourage médical. En général, la fréquence des visites augmente en parallèle avec laggravation de linsuffisance rénale. Il faut également souligner que cest la régularité du suivi et la recherche constante des objectifs thérapeutiques définis qui valorisent le plus lefficacité de la prise en charge de ces patients.
Lobjectif de la surveillance et des traitements conservateurs est double et en apparence contradictoire: il sagit de prolonger la phase prédialytique le plus longtemps possible en ralentissant lévolution de la maladie rénale, sans toutefois que ce délai soit grévé de complications irréversibles ou compromettant la survie en dialyse et/ou en transplantation. Ceci implique que les indications du traitement dialytique soient bien connues.

Les buts du suivi et de la surveillance du malade en insuffisance rénale chronique peuvent être classés artificiellement en 3 types :

  1. traitements symptomatiques : correction de lhyperparathyroïdie, de lacidose métabolique ; traitements préventifs ou curatifs des complications cardiovasculaires : correction de lanémie, de la surcharge hydrosodée, traitements antihypertenseurs (voir le chapître "Complications de lurémie).
  2. traitements "néphroprotecteurs" qui visent spécifiquement à ralentir la vitesse de progression de la maladie rénale .
  3. préparation à la dialyse et à la transplantation : cette préparation est à la fois psychologique et médicale : choix de la technique de dialyse, mise en place dun abord vasculaire précoce ; vaccination contre lhépatite B ; éviction des transfusions sanguines pour prévenir les risques dinfections virales et dallo-immunisation.


3. Choix du traitement de suppléance rénale :

La transplantation rénale est le traitement de choix de l'insuffisance rénale chronique. Une transplantation rénale réussie améliore la qualité de vie et réduit la mortalité-morbidité chez la plupart des patients par rapport à la dialyse. Cependant, environ seulement 25 à 30 % des patients sont des candidats appropriés à la greffe rénale (cest-à-dire nont pas de contre-indications absolues ou relatives à cette procédure). Pour les patients non transplantables et pour ceux qui sont en attente de transplantation, le choix entre l'hémodialyse ou la dialyse péritonéale doit être discuté en fonction de considérations telle que la disponibilité, de la technique, des conditions sociales de vie et de l'éloignement du centre de dialyse et enfin des co-morbidités associées notamment la possibilité de tolérer des soustractions volémiques rapides pendant des séances d'hémodialyse. Par exemple, la dialyse péritonéale peut être plus appropriée chez un patient diabétique en insuffisance cardiaque et incapable de tolérer les variations volémiques rapides associées avec l'hémodialyse.

    3.1. Préparation à l'hémodialyse :

La réalisation de l'hémodialyse nécessite l'existence d'un accès vasculaire à la circulation. Cet accès doit être placé à l'extrémité du bras non dominant pour diminuer le risque de vol vasculaire et d'infection. La préservation du capital vasculaire commence tôt au cours de l'insuffisance rénale et les prélèvements veineux doivent être effectués dans le bras opposé à celui prévu pour le futur accès vasculaire et même idéalement au niveau des veines du dos de la main. A fortiori les gazométries artérielles radiales devraient être évitées chez ces patients.
Plusieurs types d'accès vasculaires sont disponibles pour l'hémodialyse chronique :

  1. la fistule artério-veineuse,
  2. les pontages synthétiques artério-veineux (pontage en Goretex®) ;
  3. les cathéters tunnelisés à double lumière et enfin des sites implantables sous-cutanés.

La fistule artério-veineuse au poignet représente l'accès de choix. Cette fistule met plusieurs mois à se développer si bien que sa création doit être envisagée rapidement dès que la fonction rénale est inférieure à 25 ml/mn, la créatinine plasmatique supérieure à 400 µmol/l ou plus rapidement encore chez les patients avec une vitesse de progression rapide (en particulier, chez les diabétiques).

La vaccination préventive contre l'hépatite B doit être effectuée de façon systématique. Elle doit être débutée relativement tôt c'est-à-dire dès que la créatinine plasmatique atteint 200 à 300 µmol/l de façon à disposer du temps nécessaire pour effectuer le protocole de vaccination complet y compris l'injection de rappel à un an. En effet, du fait de la diminution de la réponse immunitaire chez les patients urémiques, des protocoles renforcés comportant des injections multiples de vaccins sont nécessaires. Le protocole usuel comporte 4 injections de vaccin (Genhevac B® ou Engerix®) effectuées à 0 - 1 - 2 et 4 mois et suivies du titrage des anticorps anti-HBs. Si le titre obtenu est inférieur à 50 milliU/ml, une injection supplémentaire doit être effectuée. Dans tous les cas, un rappel est nécessaire au 12ème mois. Chez les patients très faibles répondeurs, les injections doivent être refaites à des intervalles de deux mois jusqu'à obtention d'un taux protecteur d'anticorps. Le recours à des injections intra-dermiques des vaccins peut améliorer la réponse. Ultérieurement, des titrages périodiques du taux des anticorps guident le calendrier des injections de rappels qui seront à poursuivre au cours du traitement par dialyse.

    3.2. Préparation à la dialyse péritonéale :

Les cathéters de dialyse péritonéale sont placés dans la cavité abdominale et peuvent être utilisés assez rapidement après leur mise en place. Cependant, pour minimiser le risque de fuite, il est préférable d'attendre au moins 10 à 14 jours avant de débuter la dialyse. Pour cette raison, les dialyses en urgence sont pratiquement toujours effectuées par hémodialyse et sur cathéter central temporaire et il est alors plus difficile dans un second temps de réorienter le malade sur une technique de dialyse péritonéale (anurie, etc.). La dialyse péritonéale est particulièrement indiquée chez les patients normo-albuminémiques qui gardent une bonne diurèse résiduelle.

    3.3. Préparation à la transplantation rénale :

La transplantation rénale doit être envisagée systématiquement en fonction de l'âge et des comorbidités associées. Chez les patients candidats a priori à une transplantation rénale, les transfusions de dérivés sanguins doivent être évitées afin de diminuer le risque d'allo-immunisation. Lorsque la transfusion de dérivés sanguins est absolument nécessaire, il faut tenir compte de létat sérologique CMV, EBV des futurs receveurs et des produits sanguins viro-inactivés doivent être utilisés.

4. Indications de l'épuration extra-rénale :

La décision de démarrer l'épuration extra-rénale chez un patient avec insuffisance rénale nécessite la prise en considération de nombreux paramètres subjectifs et objectifs. Les signes cliniques de mauvaise tolérance à l'urémie sont souvent minimisés par les patients par crainte de la dialyse et inversement certaines manifestations peuvent être induites par les traitements (par exemple troubles digestifs). La mise en route du traitement par la dialyse est formellement indiqué dans les circonstances suivantes qui mettent en jeu le pronostic vital à court terme :

Tableau : Indications à débuter le traitement par épuration extra-rénale
  • Indications absolues (risque vital)
    - Péricardite
    - Surcharge hydrosodée ou oedème pulmonaire réfractaires aux diurétiques
    - Hypertension accélérée résistante aux antihypertenseurs
    - Encéphalopathie ou neuropathie urémiques progressives
    (confusion, asterixis, myoclonies, convulsions)
    - Syndrome hémorragique menaçant et lié à lurémie
    - Nausées et vomissements persistants et responsables de dénutrition
    - Créatinine plasmatique > 1000 µmol/l et/ou urée sanguine > 40 mmol/l

  • Indications relatives :
    - Anorexie persistante,
    - Fléchissement de la vigilance et des fonctions cognitives, dépression,
    - Anémie résistante à lEPO,
    - Prurit persistant ou syndrome des jambes sans repos.

  • Remarques : Lexpression et la perception de ces différents symptômes sont souvent très variables dun patient à lautre. Certains saccoutument à leurs symptômes dont linstallation peut être progressive, dautres minorent les signes dans la crainte de la dialyse. Enfin de nombreux médicaments modifient les symptômes soit en les minimisant (correction de lanémie sous EPO) soit en les majorant (nausée sous traitement martial, asthénie, étourdissements sous antihypertenseurs surtout.
.

En fait, attendre ces signes "classiques" mais tardifs met en danger la vie du patient de façon inutile si bien qu'il est préférable de démarrer l'épuration extra-rénale chez des patients asymptomatiques avant la survenue de ces complications parfois graves et peu réversibles.
Ainsi lorsque la Pcr atteint 700 µmol/l lintervalle de temps avant la dialyse est généralement inférieur à 1 an et même inférieur à 3 mois chez environ 25 % des patients. Attendre que linsuffisance rénale chronique soit symptomatique pour démarrer la dialyse représente lun des principaux facteurs responsables de la mortalité élevée et de la réhabilitation médiocre des patients traités par dialyse.
Il existe une relation inverse entre la concentration dalbumine lors de la mise en route de la dialyse et le risque ultérieur de mortalité chez les patients traités par dialyse. Le risque excessif de mortalité est présent dès que lalbuminémie descend en-dessous de 40 g/l.
Un autre facteur majeur de mortalité est lexistence dune insuffisance cardiaque congestive ou dune hypertrophie ventriculaire gauche lors de la mise en dialyse, celles-ci étant présentes chez respectivement 31 et 74 % des sujets lors de la mise en dialyse.

La mise en dialyse "précoce" assure rapidement un meilleur contrôle de lhypertension artérielle et de la surcharge hydrosodée et autorise des apports alimentaires plus libéraux permettant de prévenir plus efficacement la dénutrition et les complications cardiovasculaires.
La mise en dialyse sur des critères biologiques plus précoces améliore la survie, réduit la durée des hospitalisations et améliore la réhabilitation.
La dialyse doit donc être démarrée plus tôt sur les critères suivants :

  1. filtration glomérulaire à 10 ml/mn (et même dès 15 ml/min chez les diabétiques et les insuffisants cardiaques)
  2. ou apport protidique < 0.8 g/kg/jour malgré des conseils diététiques.

Il faut noter cependant que ces critères pour débuter le traitement par dialyse restent très en-deçà des recommandations actuelles concernant la dose de dialyse délivrée aux malades (équivalente à une clairance résiduelle de 15 ml/mn) et les apports protidiques qui doivent être > 1.2 g/kg/jour pour éviter la dénutrition. Ces critères de suivi adéquat devraient être logiquement appliqués de façon plus large dans la décision de démarrer le traitement par épuration extra-rénale.

Pr T.Hannedouche


LECTURES RECOMMANDÉES

 

TEXTES COMPLÉMENTAIRES DANS LE SITE

Mise-à-jour : vendredi 5 mai 2000

Copyright © Tous Droits Réservés pour le site entier Nephrohus 2000