Le traitement optimal de l'hypokaliémie dépend de la sévérité du déficit potassique mais aussi du mécanisme en cause : d'une façon générale, les suppléments potassiques sont indiqués lorsque du potassium a été perdu par voie digestive ou rénale. A l'exception de la paralysie périodique hypokaliémique, les hypokaliémies de redistribution ne sont pas traitées par supplément potassique en raison du risque d'hyperkaliémie rebond lorsque le processus initial est corrigé.
Déficit potassique
Il n'y a pas de corrélation stricte entre le déficit potassique et la concentration plasmatique de potassium. En général, la baisse de la kaliémie de 1 mmol/l correspond à une perte de 200 à 400 mmol de potassium. Pour des déplétions beaucoup plus importantes la kaliémie baisse rarement en-dessous de 2,0 mmol/l. L'existence d'une acidose associée masque souvent le véritable degré de déplétion potassique. C'est le cas tout particulier de l'acidocétose diabétique au cours de laquelle la kaliémie peut être normale, voire légèrement augmentée malgré une déplétion potassique importante. L'hypokaliémie se démasque généralement lors de la correction de l'acidose et du déficit en insuline.
Préparation en potassium
D'une façon générale, le chlorure de potassium doit être préféré pour corriger l'hypokaliémie. Celui-ci entraîne une augmentation plus importante de la concentration plasmatique de potassium que les sels alcalins. D'autre part, la plupat des patients ayant une hypokaliémie ont également une alcalose métabolique et l'administration de sels alcalins aggrave l'alcalose métabolique et d'autre part agit comme anion non réabsorbable dans le rein favorisant l'excrétion urinaire de potassium. Les sels alcalins de potassium, bicarbonate ou citrate, doivent être utilisés uniquement en cas d'acidose métabolique associée à l'hypokaliémie (acidose tubulaire rénale et diarrhées chroniques). Pour une raison similaire, l'augmentation de l'apport d'aliments riches en potassium, comme les fruits, notamment oranges et bananes est généralement moins effective qu'un supplément en chlorure de potassium. En effet, ces aliments contiennent du phosphate et du citrate de potassium qui sont moins efficaces pour corriger l'hypokaliémie et l'alcalose métabolique.
Voie d'administration
La voie orale est généralement suffisante avec des suppléments de chlorure de potassium oraux sous forme cristalline, liquide ou mieux de tablettes à libération prolongée. Ces préparations à libération prolongée peuvent cependant rarement causer des ulcérations de l'appareil digestif liées à l'accumulation locale de hautes concentrations de potassium.
La voie intra-veineuse pour l'administration de chlorure de potassium est réservée aux patients incapables d'avaler ou avec une hypokaliémie sévère. 20 à 40 mmol de potassium sont ajoutés à chaque litre de soluté pour éviter les douleurs et la sclérose des veines périphériques. Une solution à base de soluté salé doit être préférée aux solutions glucosées car celles-ci peuvent entraîner une diminution transitoire de la kaliémie de 0,2 à 1,4 mmol/l en raison de la stimulation de libération de l'insuline. Ceci peut favoriser les arythmies chez les patients susceptibles notamment ceux qui sont traités par digitaliques. L'utilisation de doses plus importantes de potassium nécessite le recours à une veine centrale en se méfiant des effets possibles d'une augmentation importante locale de la concentration de potassium sur la conduction cardiaque (en cas de voie central sous-clavièreou jugulaire).
Hypokaliémie légère à modérée
La plupart des patients ayant une hypokaliémie ont des valeurs entre 3 et 3,5 mmol/l. Ces hypokaliémies sont habituellement asymptomatiques excepté chez les patients ayant une maladie cardiaque traités par digitaliques ou une cirrhose hépatique avancée. Le traitement consiste à remplacer les pertes de potassium par l'administration de 60 à 80 mmol de chlorure de potassium chaque jour. Chez les patients sous diurétiques ou ayant un hyperaldostéronisme primitif, les pertes continues de potassium sont souvent associées à une hypomagnésémie qui doit être corrigée. Le recours à des diurétiques "épargneurs du potassium" (amiloride ou spironolactone) est généralement plus efficace chez ces patients car ces diurétiques réduisent à la fois la fuite urinaire de potassium et celle de magnésium. Les doses parfois importantes de spironolactone ou d'amiloride sont nécessaires compte tenu des très hautes concentrations d'aldostérone observées dans ces situations. L'amiloride est généralement préféré en raison de l'absence d'effets secondaires gastro-intestinaux ou hormonaux (aménorrhée, gynécomastie) observés de façon dose-dépendante avec la spironolactone.
Hypokaliémie sévère
En cas d'hypokaliémie sévère, il est nécessaire de corriger plus rapidement l'hypokaliémie chez les patients symptomatiques (arythmie, faiblesse musculaire). La voie orale reste tout à fait efficace et la concentration plasmatique de potassium peut monter de 1 à 1,5 mmol/l après 40 à 60 mmol et de 2,5 à 3,5 mmol/l après 135 à 160 mmol de potassium. Cet effet est souvent cependant transitoire car une partie du potassium est capté par les cellules.
Chez certains patients ayant une hypokaliémie sévère, il est nécessaire de recourir à la voie intraveineuse. Une voie centrale est souvent préférable et en raison de l'utilisation de soluté salé, le risque de surcharge hydrosodée est un risque potentiel. Une correction particulièrement agressive par voie intraveineuse de l'hypokaliémie est nécessaire chez les patients en acidocétose diabétique ou en hyperglycémie sans cétose. Le traitement par insuline et la réhydratation exacerbent l'hypokaliémie dans ces situations. L'addition de potassium au soluté salé isotonique augmente considérablement l'hypertonicité de ces solutions et il est préférable dajouter le potassium à des solutions semi-isotoniques (soluté salé à 4,5 %o).
En général la vitesse maximale d'administration du potassium par voie intraveineuse est 10 à 20 mmol/h à l'exception des sujets avec une paralysie périodique ou des arythmies menaçantes chez lesquels des doses de 140 à 100 mmol/h peuvent être nécessaires.
L'administration trop rapide par voie intraveineuse de potassium est potentiellement dangereuse même chez des sujets en déplétion potassique. L'administration de potassium à 20 mmol/h permet d'augmenter la kaliémie d'environ 0,25 mmol/h. L'hyperkaliémie rebond est toujours possible si bien qu'un monitorage électrocardiographique et des concentrations de potassium sont toujours indispensables.