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Utilisation du risque cardiovasculaire en pratique médicale
François Gueyffier
dimanche 8 octobre 2000




Indices d’efficacité des interventions de prévention du risque

Le bénéfice des interventions thérapeutiques de prévention s’exprime par une modification du risque, que l’on mesure par des indices d’efficacité. Deux grandes catégories d’indices existent : relatifs et absolus. Les indices relatifs sont le risque relatif, le rapport des cotes (odds ratio des anglo-saxons), le rapport des taux. Les indices absolus sont la différence des risques et le nombre de patients à traiter pour éviter un accident. Les indices absolus ont une interprétation directe. Les indices relatifs représentent la proportion d’accident que le traitement ne prévient pas. Il est donc plus naturel d’utiliser un indice complémentaire, qui reflète la proportion d’accidents que le traitement prévient : le bénéfice relatif.

Les indices relatifs semblent beaucoup plus stables pour une intervention donnée que les indices absolus, qui varient en général proportionnellement au risque spontané.

L’efficacité d’une intervention, sur une période de temps donnée, est d’autant plus importante en termes absolus que le risque spontané est important.

Une confusion fréquente à éviter

Il est fréquent de confondre la différence de risque de deux individus qui diffèrent uniquement par le niveau d’un facteur de risque, et la différence de risque à attendre de la modification d’un facteur de risque chez un individu donné. Cette confusion est appelée hypothèse d’isotropie.

L’efficacité d’une intervention thérapeutique se démontre, mais aussi se mesure, grâce à la réalisation d’essais cliniques, et de méta-analyses d’essais cliniques lorsque plusieurs essais sont disponibles pour une même intervention. La mesure fournie est fiable, non biaisée, et représente la meilleure estimation de ce que peut faire espérer l’application d’une thérapeutique. Parfois, cet effet correspond à ce que l’on espère pour une modification donnée du facteur de risque sur lequel agit l’intervention (hypothèse d’isotropie), mais cette correspondance n’est pas automatique, comme plusieurs exemples le prouvent. Il serait abusif et erroné d’espérer que tout modification d’un facteur de risque, aussi établi soit-il, se traduise par une modification correspondante du risque. Même concernant les interventions pour lesquelles un bénéfice est formellement démontré (essentiellement antihypertenseurs et hypocholestérolémiants pour ce qui concerne la prévention cardiovasculaire), le calcul du bénéfice attendu par une modification du facteur de risque n’est pas fiable.

Cette confusion peut être trompeuse, comme le suggère l’exemple du tabagisme. Il est bien établi que le tabagisme de cigarette est un facteur de risque majeur de cancer du poumon, mais aussi un important facteur de risque cardiovasculaire. Aussi logique que soit ce raisonnement, il n’est cependant pas démontré que les interventions visant à faire qu’un individu fumeur cesse son tabagisme soient d’un bénéfice quelconque. Chez des individus motivés, les essais cliniques suggèrent que les différentes interventions testées multiplient la probabilité d’arrêt du tabagisme par 2, mais la probabilité finale du groupe intervention n’atteint jamais 50% à un an (au mieux 35 à 40%, contre la moitié dans le groupe de comparaison). Cependant il n’a pas été réalisé d’essai clinique permettant d’estimer l’impact de l’aide au sevrage en termes de risque cardiovasculaire. Plusieurs essais, parfois de très grande dimension, ont été réalisés pour évaluer l’impact d’interventions multifactorielles (dirigées en général contre le tabagisme, l’hypertension artérielle et les dyslipidémies ou le surpoids). Ces études donnent des résultats excessivement décevants, sans que l’on puisse en dissocier la part qui revient à l’intervention contre le tabagisme. Donc, aujourd’hui, aucun bénéfice n’a été prouvé concernant les interventions contre le tabagisme en termes de risque cardiovasculaire. Cependant, le risque lié au tabagisme est si solidement ancré dans les raisonnements que personne, et surtout pas les médecins, n’a tendance à remettre en question l’intérêt des aides au sevrage. S’il est logique de proposer des interventions d’aide au sevrage à des individus qui sont motivés pour arrêter de fumer, il est abusif de faire croire à des fumeurs qui n’ont aucune demande que leur risque rejoindra celui des non fumeurs qui ont par ailleurs le même profil de risque. Ainsi, la seule façon honnête de commenter l’écart entre deux profils individuels selon que l’un comporte un tabagisme et l’autre non, est qu’il s’agit de deux profils différents. Il est beaucoup trop banal, abusif et erroné de confondre l’écart entre ces deux profils et le bénéfice que peut espérer un médecin de l’aide au sevrage qu’il peut proposer.

Un autre exemple illustre que cette approche est erronée : les études épidémiologiques ne parviennent pas à établir un lien entre cholestérolémie et accident vasculaire cérébral (AVC). Pourtant, les statines semblent bien réduire le risque d’AVC. L’association entre cholestérolémie et AVC ischémique pourrait être masquée par une association négative entre cholestérolémie et AVC hémorragique. Les statines n’augmentent pas le risque d’AVC hémorragique. Si le mécanisme d’action des statines est bien la baisse de cholestérolémie, alors, l’association cholestérolémie et AVC ischémique serait causale, contrairement à l’association cholestérolémie et AVC hémorragique.

Quand peut-on parler de causalité ?

Généraliser l’hypothèse d’isotropie, c’est confondre association statistique et causalité. L’essai clinique de bonne méthodologie nous fournit une démonstration formelle de causalité entre l’intervention testée et l’effet observé : c’est bien l’usage des statines qui a réduit le risque d’accident cardiovasculaire de certains individus. Cette démonstration ne doit pourtant pas être prise pour une preuve que c’est bien les changements de cholestérolémie qui expliquent la réduction du risque cardiovasculaire. L’argument est fort, mais pas définitif.

Ne pas se tromper de cible

La distinction est aisée entre les facteurs de risque dits modifiables et les autres : on voit mal les individus changer de sexe pour diminuer le risque cardiovasculaire& bien que l’on ait essayé par le passé de donner des hormones féminines aux hommes survivants d’infarctus du myocarde ! Cependant, une différence plus importante mérite d’être envisagée : celle entre les facteurs de risque théoriquement modifiables, et les facteurs de risque efficacement modifiable.

Tableau : différentes catégories de facteurs de risque selon leur accessibilité aux mesures de prévention, théorique, ou validée
Facteurs de risque non modifiables Age

Sexe

Antécédents

Taille

Facteurs de risque théoriquement modifiables Tabagisme

Hypertrophie ventriculaire gauche

Poids

Facteurs de risque efficacement modifiables Pression artérielle

Cholestérolémie

Diabète

 

 

Quelle est l’estimation la plus fiable du bénéfice à attendre d’une intervention préventive ?

L’estimation correcte du bénéfice à attendre d’une intervention dans une situation individuelle est obtenue par l’application du bénéfice relatif estimé par méta-analyse à une estimation individuelle du risque.

 Les étapes de la démarche sont :

  1. Déterminer l’objectif thérapeutique, c’est à dire le type d’accident dont on veut modifier le risque de survenue. Eventuellement, déterminer la liste des objectifs thérapeutiques, mais s’il en existe plusieurs, essayer de les regrouper dans une seule catégorie d’accident.
  2. Fixer la période de temps pendant laquelle le traitement est envisagé, pour estimer le bénéfice sur la période en question.
  3. Estimer le risque absolu de survenue de l’accident (objectif thérapeutique) de l’individu pour lequel se pose la question du bénéfice, pour la période de temps considérée.
  4. Rechercher une estimation fiable du bénéfice relatif (le complémentaire en probabilité du risque relatif) d’après une méta-analyse
  5. Vérifier qu’il n’a pas été mis en évidence d’interaction entre le bénéfice relatif et des caractéristiques que l’individu présente
  6. Multiplier le bénéfice relatif par l’estimation du risque absolu, opération qui fournit une estimation du bénéfice absolu.
  7. L’inverse du bénéfice absolu donne le nombre de patient à traiter pour éviter un accident.

Quel est l’intérêt de quantifier le bénéfice à attendre d’une intervention de prévention ?

Pourquoi quantifier ?

La quantification existe en fait déjà dans l’approche de prévention. La définition de l’hypertension artérielle et du diabète en sont des exemples. La variation dans le temps des définitions adoptées illustre la fragilité de ces définitions, toujours arbitraires, normatives. L’exemple de l’efficacité des statines, censées agir par la baisse du cholestérol des LDL, pour des niveaux de cholestérolémie nettement inférieurs à la moyenne de la cholestérolémie en France, montre que ces définitions ne sont pas opérationnelles isolément. La distinction entre prévention primaire et prévention secondaire est l’exemple le plus parlant de l’intérêt de l’approche décisionnelle fondée sur l’estimation du risque.

Quantifier le risque ou le bénéfice ?

Coller une étiquette d’individu à bas, moyen ou haut risque, ne présente pas un intérêt strictement positif en soi. Cet individu peut en être malheureux. L’intérêt majeur de l’estimation quantifiée du risque réside dans l’espoir que la prévention du, la lutte contre le risque, en sera plus efficace. Espoir relativement raisonnable si cette utilisation du risque est elle-même raisonnable.

La quantification du bénéfice a des intérêts multiples :

  1. Délivrer une information complète à l’individu, susceptible de prendre un traitement pendant de longues années, et qui souhaite cette information.
  2. Dissiper la confusion entre bénéfice statistiquement démontré et bénéfice cliniquement pertinent, le fossé pouvant être majeur.
  3. Disposer des éléments décisifs, en tant que médecin et qu’individus en demande de soins, concernant les avantages et inconvénients des différentes interventions possibles dans une situation donnée.
  4. Orienter une politique de santé, comme par exemple d’exonération du ticket modérateur, en fonction de critères pertinents en termes de coût efficacité.

Il est possible en outre que la généralisation du raisonnement fondé sur le risque nous fasse découvrir des bénéfices que l’approche monofactorielle ignorait. C’est le cas des statines en prévention secondaire, qui sont efficaces pour des profils lipidiques parfaitement normaux au sens statistique du terme.

Tableau 2 : Efficacité moyenne (proportion d’accidents évités) pour les interventions validées contre les facteurs de risque modifiables
 Objectif thérapeutique
 Infarctus du myocarde
Accident vasculaire cérébral 
Décès cardiovasculaire 
Traitement      
Antihypertenseurs
 20%
35% 
 10 à 20%
Statines
 30%
30% 
30% 
Antidiabétique oraux
  ?
  ?
  ?

 

 L’approche quantifiée a aussi des conséquences négatives à ne pas sous-estimer

 Le travail critique qui conduit à proposer une stratégie fondée sur la prédiction du bénéfice via la prédiction du risque, s’accompagne d’une profonde remise en question des avantages du modèle thérapeutique monofactoriel, traditionnel en prévention cardiovasculaire. La classification bimodale normotendu - hypertendu est confortable pour le médecin et le soigné : cette classification reproduit naturellement la distinction normal - pathologique, et lorsque l’on se considère dans une situation pathologique, la nécessité du traitement est facilement acceptée. L’introduction dans la décision thérapeutique de la notion quantitative de bénéfice pointe vers la notion de risque, avec un risque sans traitement qui souvent n’est pas suffisamment élevé pour emporter la conviction qu’il faut agir à son encontre, et un risque sous traitement qui n’est jamais nul, et souvent peu réduit. La prise en compte du risque au niveau individuel souligne l’incertitude de l’avenir, tant dans la survenue de l’accident que dans l’incertitude de l’effet préventif.





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