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L’atteinte rénale : un facteur de risque cardiovasculaire ?
mercredi 14 avril 2004
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Les patients avec une atteinte rénale, quelle qu’en soit la sévérité manifestent des altérations cardiovasculaires fréquentes et sévères (1). Ces altérations entraînent une mortalité d’origine cardiovasculaire prématurée qui représente près de 50 % de la mortalité totale de ces patients. De plus, la survie après un évènement cardiaque majeur est nettement inférieure à celle de la population indemne d’atteinte rénale présentant le même évènement (2). Il existe donc un lien fort entre les atteintes rénales et cardiovasculaires, lien qui n’est pas lié à la dialyse comme on l’a parfois évoqué, mais qui est bien secondaire à l’état urémique (3). Ce lien s’exprime au cours de différentes formes d’atteinte rénale depuis le stade de la protéinurie isolée, chez les patients présentant une sténose de l’artère rénale jusqu’au stade d’insuffisance rénale terminale. Dans cette revue, nous nous sommes délibérément limités à l’atteinte rénale en dehors du diabète, celle-ci ayant été largement étudiée ces dernières années. Protéinurie et risque cardio-vasculaireLa présence d’une protéinurie isolée a longtemps été considérée comme "bénigne" ne conférant aucun risque particulier à long-terme. Des données épidémiologiques plus récentes suggèrent au contraire que la présence d’une protéinurie constitue un marqueur de risque vasculaire important. Une analyse rétrospective de l’étude Framingham retrouve une prévalence de la protéinurie de 3-5 %, celle-ci étant plus importante chez les sujets hypertendus (x 2,3 à 4,4 selon l’âge et le sexe). La protéinurie, même de faible abondance, est associée à un excès de mortalité totale et cardio-vasculaire : odds ratio 1.3 (intervalle de confiance à 95%, IC 0,6-2,7) chez les femmes, 1.7 (IC 1,0-2,9) chez les hommes (4). Le lien entre la présence d’une albuminurie, la coronaropathie d’une part (5, 6), et l’artérite périphérique d’autre part (6, 7), a été établi dès les années 80. La valeur prédictive de l’albuminurie sur la survenue d’évènement cardiovasculaire est très puissante. Dans l’étude suédoise de Göteborg (8) réalisée chez 835 patients hypertendus et traités, suivis pendant au moins 10 ans, l’excrétion urinaire d’albumine est significativement plus élevée chez les patients qui développent une complication cardio-vasculaire (120 ± 52 mg/24 h vs 23 ± 8 mg/24 h, P < 0,05). L’incidence cumulée des évènements cardio-vasculaires est significativement plus importante chez les 41 malades protéinuriques (37 % à 10 ans) que chez les patients sans protéinurie (13 % à 10 ans). Dans cette étude, la valeur prédictive de la protéinurie excède largement celle des facteurs de risque classiques (tabagisme et hypercholestérolémie) puisqu’elle a une puissance similaire à celle de l’insuffisance coronaire symptomatique (risque d’environ 42 % à 10 ans). Les patients hypertendus ont une excrétion urinaire d’albumine qui peut atteindre 10 à 20 fois celle des sujets normaux même en restant dans les limites de la normale 9. En moyenne la prévalence de la microalbuminurie chez des hypertendus jamais traités varie de 15 à 24 % 10-12 et dépend fortement du niveau de pression artérielle (13). Une albuminurie détectable à la bandelette est retrouvée chez 32 % des hommes et 28 % des femmes parmi une population de 11343 hypertendus depuis 69 mois en moyenne ce qui pourrait traduire le fait que la prévalence augmente avec la durée de l’HTA (14). La valeur prédictive de la microalbuminurie sur la survenue d’événements cardiovasculaires est bien connue chez les sujets diabétiques en particulier diabétiques de type 2. La valeur pronostique de la microalbuminurie chez les sujets hypertendus sans diabète reste en revanche plus controversé. La valeur prédictive de la microalbuminurie sur la morbidité-mortalité semble dépendre de son débit. Ainsi dans une étude suédoise prospective chez 345 sujets hypertendus (hypercholestérolémiques et/ou fumeurs) âgés de 50-72 ans et suivis 3,3 ans en moyenne, la présence initiale d’une microalbuminurie (excrétion urinaire d’albumine 34-200 mg/24 h), retrouvée chez 24,3 % des patients, ne prédit pas la survenue subséquente de la morbidité-mortalité cardio-vasculaire. Par contre, la présence d’une "macro"albuminurie (excrétion urinaire d’albumine > 200 mg/24 h) est associée à une augmentation marquée de la morbidité cardio-vasculaire surtout coronaire (41,7 % vs 2,4 % (microalbuminurie), vs 9,6 % (normoalbuminurie), p < 0.0001) et de la mortalité cardio-vasculaire (16,7 %, vs 0 % (microalbuminurie), vs 4,0 % (normoalbuminurie) P < 0,01) (15). L’étude HOPE a apporté quelques informations intéressantes sur ce point (16). L’étude HOPE consistait à analyser l’effet sur la morbi-mortalité cardiovasculaire de l’addition d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion versus son placebo, en plus d’un traitement antihypertenseur conventionnel chez des patients normo- ou hypertendus mais avec un risque vasculaire élevé. En pratique, 9267 patients ont été inclus, d’âge moyen 66 ± 7 ans, dont 75 % d’hommes, 48% des patients étaient hypertendus, 38 % diabétiques et 21 % avaient une microalbuminurie. Les critères d’atteinte cardiovasculaire préexistante étaient largement remplis puisque 80 % des patients avaient une atteinte coronaire symptomatique dont 52 % un infarctus du myocarde antérieur, 11 % avaient eu un accident vasculaire cérébral et 43 % avaient une artériopathie périphérique des membres inférieurs. Parmi les sujets non diabétiques, 14,8 % avaient une microalbuminurie initiale (définie par un raport albumine/créatinine urinaire > 2 mg/mmol). La présence d’une microalbuminurie a augmenté le risque relatif (RR) ajusté d’évènement cardiovasculaire majeur (RR 1,83, IC 95% : 1,64-2,05), de mortalité de toute cause (RR 2,09, IC 95 :1,84-2,38), et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque congestive (RR 3,23, IC 95 :2,54-4,10). L’augmentation du risque relatif était comparable chez les sujets diabétiques ou non-diabétiques, même après ajustement pour les autres facteurs de risque vasculaire. L’augmentation du risque est proportionnelle à la valeur de excrétion urinaire d’albumine, sans seuil inférieur, et commence à des valeurs d’excrétion urinaire d’albumine bien inférieures au seuil définissant la microalbuminurie (30 mg/j ou 2 mg/mmol). Pour chaque augmentation de 0,4 mg/mmol du rapport albumine/créatinine, le risque de survenue d’évènement cardiovasculaire majeur augmente de 5,9 % (CI 95 : 4,9-7,0%) (17). Dans cette même étude la microalbuminurie constitue un facteur de risque de survenue d’une protéinurie chez les sujets diabétiques (risque relatif ajusté 14,8 CI95 : 10,3-21,5) et non diabétiques (risque relatif ajusté 17,2 CI95 : 10,0-38,0). Le risque de survenue de protéinurie augmente avec la valeur initiale du rapport albumine/créatinine et ce risque est réduit par l’utilisation d’un traitement IEC (18). Dans HOPE, la microalbuminurie et l’insuffisance rénale représentent des facteurs de risque indépendants de survenue de complication cardiovascuilaire. Cependant le risque associé à la microalbuminurie et celui associé à l’insuffisance rénale sont additif. L’incidence d’un événement combiné principal à 4,5 ans est de 28,6% chez les sujets ayant à la fois une microalbuminurie et une insuffisance rénale contre 13,6 % chez les sujets sans microalbuminurie ou insuffisance rénale. Le risque est intermédiaire chez les individus avec une microalbuminurie ou une insuffisance rénale isolée (16). Insuffisance rénale et risque cardio-vasculaireL’insuffisance rénale même modérée confère également un risque cardio-vasculaire important. Dans l’étude nord-américaine HDFP (19), 10 940 patients hypertendus ont été suivis pendant au moins 5 ans. Respectivement 3 et 6 % de ces patients avaient une créatinine plasmatique ? 150 µmol/l et 133 µmol/l. Chez ces malades tous traités pour leur hypertension (dont la moitié en milieu spécialisé), la mortalité globale (essentiellement cardio-vasculaire) à 8 ans est 2 à 4 fois plus importante (et proportionnelle à la concentration initiale de créatinine plasmatique) chez les patients ayant une insuffisance rénale modérée par rapport aux sujets ayant une créatinine plasmatique < 107 µmol/l, et après ajustement pour le niveau de pression artérielle. Dans cette étude et après ajustement pour l’âge, la valeur prédictive de la créatinine plasmatique sur la mortalité est supérieure à tous les autres facteurs en particulier le diabète, l’insuffisance coronaire ou l’hypertrophie ventriculaire gauche, pourtant considérés comme des facteurs prédictifs très puissants. Dans une étude prospective nord-américaine chez 662 patients âgés (81 ± 8 ans), tous hypertendus et/ou diabétiques et suivis en moyenne pendant 41 mois, Aronow retrouve une créatinine plasmatique élevée ? 133 µmol/l (observée au moins à deux reprises) chez 28 % des patients 20. Pendant la période d’observation, un évènement coronarien majeur survient chez 61 % (60/99) des patients hypertendus non-diabétiques contre 44% (122/278) (p< 0,005) des patients hypertendus non diabétiques sans augmentation de la créatinine plasmatique. La survenue d’un évènement coronarien majeur est également plus fréquente chez les hypertendus diabétiques avec une créatinine plasmatique élevée : 72 % (42/58) vs 48 % (47/97) si la créatinine plasmatique est normale (p<0.005). Dans une étude danoise chez 216 sujets non-diabétiques âgés de 60-74 ans et suivis 62 à 83 mois, Damsgaard et al., (21) retrouvent une surmortalité nette chez les sujets ayant une augmentation de la créatinine plasmatique (26%) contre (5%) dans le groupe à créatinine plasmatique basse. Après ajustement sur l’ensemble des facteurs de risque, l’odds ratio de prédiction du risque de mortalité est de 4,16 (IC : 1,52-11,36 ; p<0,01) pour la créatinine plasmatique. Cette valeur prédictive de la créatinine plasmatique survient pour des augmentations très modérées au-dessus de la médiane qui est de 93 µmol/l (sans distinction de sexe). Dans les critères d’inclusion de l’étude HOT (Hypertension Optimal Therapy), la créatinine plasmatique devait être inférieure à 20 mg/l. Cette définition libérale de l’hypertension artérielle "essentielle" a fait inclure un certain nombre de patients ayant une insuffisance rénale 22. En effet 470 patients avaient une créatinine plasmatique supérieure à 15 mg/l (contre 18 127 avec une créatinine plasmatique inférieure ou égale à cette valeur) et 2821 patients avaient une clairance de la créatinine calculée inférieure à 60 ml/mn contre 15 770 patients avec une valeur supérieure à cette valeur. Les patients ayant une insuffisance rénale avaient un profil différent de ceux qui n’en avaient pas. Il s’agissait plus souvent d’hommes, la moyenne d’âge est plus élevée de 5 à 8 ans, leur pression artérielle initiale, surtout systolique est plus élevée et ils ont plus souvent un antécédent d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral ou de diabète. Les patients avec une insuffisance rénale définie sur la créatinine plasmatique supérieure à 15 mg/l, soit 132,6 µmol/l, ont un risque plus important de développer un événement cardiovasculaire majeur et un décès de toutes causes ou d’origine cardiovasculaire, que les patients sans insuffisance rénale. Le risque relatif de mortalité cardiovasculaire est de 3,24 et celui de mortalité de toutes causes confondues de 2,86. L’influence de la fonction rénale sur le risque cardiovasculaire et les résultats de HOPE a été analysée (16). Dans cette étude, l’insuffisance rénale a été définie comme une augmentation de la créatinine plasmatique au-delà de 124 µmol/l ou une clairance de la créatinine calculée inférieure à 65 ml/mn. Ceci concernait environ 12 % des patients de HOPE. Sur le critère, créatinine plasmatique supérieure ou égale à 124 µmol/l, 980 patients étaient concernés contre 8307 ayant une créatinine plasmatique inférieure à 124. Le profil des patients avec insuffisance rénale était significativement différent pour l’âge, plus élevé 68 contre 65 ans, le sex ratio (87 % d’hommes contre 72 %), la fréquence moindre du diabète (33 % contre 39 %), la prévalence plus forte de l’insuffisance coronaire symptomatique (88 % contre 79 %), de l’artériopathie périphérique (50 % contre 42 %) et enfin de l’hypertension artérielle (55 % contre 45 %). Plusieurs arguments suggèrent très fortement un diagnostic de néphropathie vasculaire chez ces patients : l’absence de protéinurie qui faisait partie des critères d’exclusion, un plus faible pourcentage de néphropathie diabétique et surtout la coexistence quasi constante d’une maladie artérielle associée sévère, coronaire ou artériopathie périphérique. En terme de risque cardiovasculaire, la présence d’une insuffisance rénale confère un excès de risque important d’un facteur environ 2. Sur le critère combiné primaire infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, mortalité cardiovasculaire, l’incidence observée d’évènements cardiovasculaires est de 11,4 %/année à 4,5 ans contre 6,6 pour 1000 patients/année en l’absence d’insuffisance rénale. Ceci correspond sur ce critère combiné à un risque cardiovasculaire absolu de 48 % à 10 ans et 34 % à 10 ans chez les patients sans insuffisance rénale. Le risque est pratiquement doublé lorsque l’on prend en compte les autres évènements cardiovasculaires dits secondaires (ischémie myocardique, dite silencieuse et revascularisation). L’effet de l’altération de la fonction rénale est encore plus important en terme de morbidité-mortalité cardiovasculaire chez les sujets diabétiques avec une créatinine plasmatique supérieure à 124 µmol/l. En terme d’intervention, l’effet bénéfique du ramipril sur le critère combiné primaire et sur la mortalité cardiovasculaire totale, est très fortement bénéfique chez les patients ayant une créatinine plasmatique supérieure à 124 µmol/l lesquels en valeur absolue bénéficient davantage de l’intervention. Il faut noter cependant que malgré le bénéfice majeur de l’intervention, le chiffre absolu de morbidité-mortalité cardiovasculaire chez les patients insuffisants rénaux traités par ramipril reste encore supérieur à celui des patients sans ramipril mais sans insuffisance rénale avec ou sans diabète. En conclusion, plus de 1000 patients avec une insuffisance rénale modérée ont été inclus dans l’étude HOPE. Chez ces patients, le risque cardiovasculaire est augmenté et ceci de façon dose-dépendante à la réduction de la fonction rénale. Il s’agit d’une population très particulière avec une néphropathie vasculaire et en situation de prévention secondaire, ceci y compris pour la faible fraction de sujets diabétiques. En raison du caractère très particulier de la population concernée, il n’est pas possible d’extrapoler l’augmentation du risque et le bénéfice des IEC sur ce risque dans les populations d’insuffisants rénaux ayant par exemple une atteinte de type glomérulaire. Globalement, l’analyse du sous-groupe de patients ayant une insuffisance rénale débutante dans les deux études HOT et HOPE confirme l’excès de risque cardiovasculaire associé à l’insuffisance rénale même modérée. L’excès de risque dans ces 2 études oscille d’un facteur relatif de 2 à 3, ce qui est comparable aux valeurs observées dans d’autres études épidémiologiques, en particulier HDFP et l’étude Framingham Heart ; ces deux études ne permettent cependant pas de savoir quel est le mécanisme associant l’excès de risque cardiovasculaire et une insuffisance rénale de degré aussi modéré. Il est peu vraisemblable que les altérations métaboliques observées au cours de l’insuffisance rénale avancée soient déjà opérationnelles à ce stade et expliquent cet excès de risque. Il est probable que l’association soit liée aux co-morbidités, notamment l’existence d’une atteinte vasculaire généralisée dont la prévalence est nettement plus importante chez les sujets ayant une altération modérée de la fonction rénale. Mécanismes présumés du risque vasculaire excessif dans les populations « rénales »Les facteurs qui font que les patients présentant une atteinte rénale ont un pronostic cardiovasculaire aussi sombre sont mal connus. Cependant, plusieurs hypothèses, non mutuellement exclusives, peuvent être évoquées : • prévalence particulièrement élevée des facteurs de risque vasculaire classiques dans cette population • présence d’autres facteurs de risque vasculaires plus ou moins identifiés et spécifiques de l’urémie • comorbidités associées (par exemple néphropathies diabétique et vasculaire) • spécificités liées au syndrome néphrotique (dyslipidémie, état prothrombotique) et/ou aux traitements immunosuppresseurs (glucocorticoïdes, cyclosporine). L’hypertension artérielle est fréquente, retrouvée chez 80% ou plus des patients au stade d’insuffisance rénale avancée. A ce stade, la composante de rétention hydrosodée est fréquente mais souvent mal appréciée. Les diurétiques sont de plus souvent utilisées à doses prudentes par crainte de l’insuffisance rénale fonctionnelle. Cette inflation hydrosodée même latente est cependant déterminante dans l’absence de baisse tensionnelle nocturne ("non-dipper") qui elle-même joue un rôle important dans la constitution d’une hypertrophie ventriculaire gauche (23). L’augmentation de la pression pulsée, secondaire à la rigidité de l’arbre artériel, est particulièrement fréquente chez l’urémique et ses conséquences néfastes sur le système artériel, l’hypertrophie ventriculaire gauche et la consommation myocardique d’O2 ont été revues récemment (24). En fait l’hypertension artérielle est fréquente aussi chez des patients sans insuffisance rénale atteints de polykystose rénale ou de diverses glomérulonéphrites (25, 26). De plus l’hypertension artérielle joue un rôle essentiel sur la progression de la plupart des maladies rénales 27. L’étude MDRD montre que l’obtention de chiffres tensionnels normaux bas est possible, bien tolérée et réduit la vitesse de progression (surtout la néphropathie avec protéinurie > 3 g/24 h) et l’incidence des hopitalisations pour complications vasculaires (27, 28). L’hypertrophie ventriculaire gauche électrique est un prédicteur puissant du risque de morbi-mortalité cardio-vasculaire dans l’étude de Framingham (29). L’hypertrophie ventriculaire gauche échographique est extrêmement fréquente chez l’insuffisant rénal : la prévalence atteint 75-80% des patients au moment de la mise en dialyse (30). La prévalence de l’hypertrophie ventriculaire gauche augmente cependant parallèlement à la réduction de fonction rénale, à la pression artérielle systolique et au degré d’anémie pendant la période pré-dialytique (31, 32). Chez l’urémique l’augmentation de la masse ventriculaire gauche traduit surtout un excès de fibrose inter-cardiomyocytaire avec des conséquences sur la dysfonction diastolique et l’hyperexcitabilité ventriculaire. L’hypertrophie ventriculaire gauche chez l’urémique est probablement multifactorielle : hypertension artérielle, anémie, rôle possible du "milieu urémique" et de l’hyperparathyroidie. La valeur prédictive de l’hypertrophie ventriculaire gauche sur la mortalité cardio-vasculaire chez l’urémique non dialysé est probablement forte, comme chez le dialysé, mais n’a pas été formellement démontrée ni quantifiée dans cette population. La dyslipidémie est fréquente chez les sujets ayant soit une insuffisance rénale soit une protéinurie. L’hypertriglycéridémie est plus fréquente chez l’urémique alors que l’hypercholestérolémie prédomine chez les patients ayant une protéinurie abondante (de rang néphrotique) (33). Ces désordres lipidiques ont longtemps été négligés parce que leur valeur pronostique à long terme n’était pas bien connue 34. De plus le maniement des hypolipémiants est plus délicat en cas d’insuffisance rénale (risque de rhabdomyolyse) et la baisse du cholestérol obtenue par traitement avec une statine (- 25% en moyenne) ne permet pas toujours de normaliser les hypercholestérolémies parfois très importantes associées au syndrome néphrotique. Enfin les traitements immuno-suppresseurs (glucocorticoïdes et cyclosporine) peuvent majorer les anomalies lipidiques. Le risque cardio-vasculaire lié à la présence d’un syndrome néphrotique n’est pas définitivement établi mais fortement suggéré par une étude cas-témoins (35). Ce risque dépend probablement aussi de la durée et de la sévérité du syndrome néphrotique. Il est cependant important de noter que les anomalies lipidiques ne sont pas "tardives" rencontrées seulement au stade de syndrome néphrotique ou d’urémie avancée. Une étude néo-zélandaise chez 5670 sujets agés de plus de 40 ans rapporte ainsi une relation directe entre l’excrétion urinaire d’albumine (< 300 mg/24h), la pression artérielle diastolique et la concentration plasmatique de cholestérol (36). Dans l’hypertension artérielle "essentielle", la microalbuminurie est aussi associée à une hyperlipidémie et une insulino-résistance (37). Il a été suggéré que la microalbuminurie dans cette circonstance pourrait ne représenter que l’expression rénale d’une dysfonction endothéliale généralisée, ce qui expliquerait sa forte valeur prédictive sur la morbi-mortalité cardio-vasculaire (38). Enfin certains facteurs de risque semblent particulièrement prévalents et modifiés dans leur amplitude chez les malades urémiques (revue dans 24). Parmi ces facteurs, citons l’accumulation de LDL oxydées et/ou modifiées par les AGE (39), l’hyperhomocystéinémie (40) ou l’hyperparathyroidie secondaire et les calcifications vasculaires (24). ConclusionsEn dépit d’une prévalence assez faible dans la population générale, la présence d’une protéinurie même minime (c’est-à-dire 100-200 mg/dl ou par 24h) ou d’une insuffisance rénale même modérée (créatinine plasmatique à 130-150 µmol/l) confère un excès de risque en terme de morbidité et de mortalité totale et cardio-vasculaire. Cet excès de risque est particulièrement net chez des patients hypertendus mais semble aussi exister chez les malades normotendus 4 au moins dans la tranche d’âge de 50-80 ans. L’excès de morbidité-mortalité cardio-vasculaire semble lié d’une part à une prévalence plus importante des facteurs de risque vasculaires classiques de l’athérome mais aussi d’autre part à des facteurs de risque plus récemment identifiés et particulièrement prévalents au cours de l’urémie. L’atteinte rénale semble avoir des significations multiples : il s’agit un marqueur du risque présent ou passé chez certains patients (ceux ayant déjà fait des complications cardio-vasculaires) ; chez d’autres patients l’atteinte rénale constitue surtout un prédicteur de risque ultérieur. L’amélioration de la prise en charge des patients ayant une atteinte rénale passe indicutablement par l’évaluation et le traitement des facteurs de risque et/ou des atteintes cardio-vasculaires associées. L’importance du risque cardiovasculaire rapportée ci-dessus suggère l’opportunité d’une intervention multi-factorielle systématique chez tous les patients protéinuriques et/ou insuffisants rénaux sur l’ensemble des facteurs de risque vasculaire (pression artérielle, cholestérol, tabac, etc...). Une approche comlémentaire basée sur la recherche et le traitement précoce des anomalies plus spécifiques de l’urémie est actuellement en cours d’évaluation.
Post-scriptum :
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> L’atteinte rénale : un facteur de risque cardiovasculaire ? 20 août 2006, par
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Bonjour celà fait 4 ans et quelques mois que je suis atteinte d’un purpura rhumathoide, je fais des analyses frequement pour surveiller l’atteinte renale, je n’ai pas fait de biopsie renale mais les medecins ne m’ont pas demandés cette analyse, alors je voudrai savoir si cette atteinte renale doit etre surveiller ou pas ? veuillez m’orienter et celà en me transmettant une adresse email d’un medecin ou d’un forum sur internet ou je pourrai discuter de ma maladie si celà est possible bien sur. je vous remercie. |
> L’atteinte rénale : un facteur de risque cardiovasculaire ? 18 octobre 2004, par
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quelle est la réalité de la cardiomyopathie urémique ? est’elle reconnue définitivement par la communauté scientifique ou il s’agit seulement d’hypothèses. est elle primitive ou secondaire. ? |
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