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7.5 Complications rénales des médicaments
(Q 252-253-171-181)
Bruno Moulin
mardi 23 mai 2000










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Objectifs

-  Connaître les principaux médicaments néphrotoxiques et les mécanismes de leur néphrotoxicité

-  Savoir diagnostiquer une atteinte rénale d’origine médicamenteuse

-  Argumenter les principes du traitement préventif des atteintes rénales médicamenteuses

-  Connaître les effets secondaires rénaux des IEC, ARA2, AINS, PCI

-  Savoir prescrire les AINS, les IEC

Le rein est avec le foie une des principales voies de métabolisme des médicaments mais aussi une cible privilégiée de leurs effets toxiques. On distingue les insuffisances rénales fonctionnelles les plus fréquentes des atteintes rénales organiques.

1. Insuffisance rénale fonctionnelle

Elle correspond à une baisse de la filtration glomérulaire liée à une hypoperfusion rénale sans atteinte lésionelle rénale.

L’autorégulation de la filtration glomérulaire est indépendante du débit sanguin rénal mais est fixée par les modifications des résistances artériolaires pré et postglomérulaires. En cas de stimulation du système rénine-angiotensine intrarénal, liée notamment à une déplétion en sodium, l’augmentation des résistances postglomérulaires, secondaire à l’effet de l’angiotensine II, permet le maintien de la filtration glomérulaire. Parallèlement, l’angiotensine II provoque la stimulation de la production de prostaglandines intrarénales vasodilatatrices au niveau du glomérule (PGE2, PGI2) participant également au maitien de la filtration glomérulaire.

Ainsi dans les situations de déplétion sodée, entraînant une déshydratation extracellulaire modérée à sévère (régime sans sel strict, traitement diurétique, syndrome diarrhéique, ...), ou d’hypovolémie efficace (insuffisance cardiaque, cirrhose, syndrome néphrotique), la prescription de médicaments inhibant les systèmes compensateurs (système rénine-angiotensine, prostaglandines rénales) permettant le maintien de la filtration glomérulaire va aboutir à une chute brutale des débits de filtration glomérulaire et à une insuffisance rénale fonctionnelle (voir schéma au cours de l’insuffinace cardiaque schéma 1).

1.1. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine :

Ils sont actuellement largement utilisés dans le traitement de l’hypertension artérielle et de l’insuffisance cardiaque. Ils sont de plus souvent associés à la prescription de diurétiques. Ils sont en général bien tolérés, efficaces. Ils peuvent toutefois être responsables d’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle dans les conditions citées plus haut et lorsqu’ils sont prescrits chez des patients ayant des sténoses artérielles rénales bilatérales ou chez des malades ayant une sténose artérielle sur rein unique fonctionnel.

A l’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle parfois sévère s’associent des troubles métaboliques à type d’acidose hyperkaliémique parfois aggravés par la coprescription avec des antiinflammatoires non stéroïdiens.

1.2. Les antagonistes des récepteurs AT1 de l’angiotensine II :

Ils exposent potentiellement aux mêmes risques, dans les mêmes conditions que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

1.3. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens,

En inhibitant la production de prostaglandine vasodilatatrice intrarénale, les AINS inhibent un système compensateur majeur du maintien de la filtration glomérulaire dans les situations de déshydratation et d’hypovolémie efficace. L’insuffisance rénale fonctionnelle est la complication la plus fréquente de ces médicaments. Certains facteurs prédisposent à ce risque : l’âge avancé, la déplétion volémique, l’état de choc, l’administration concomitante de diurétiques, l’insuffisance cardiaque, la cirrhose décompensée. Des troubles métaboliques à type d’acidose hyperkaliémique sont également observés.

1.4. Autres médicaments responsables d’insuffisance rénale fonctionnelle :

-  la ciclosporine A, immunosuppresseur utilisé dans le traitement de maladies autoimmunes et dans la prévention du rejet d’allogreffe, peut être responsable d’insuffisance rénale aiguë de nature fonctionnelle, secondaire à une vasoconstriction rénale intense. Cet effet est dose-dépendant, lié à une vasoconstriction prédominant sur l’artériole afférente préglomérulaire, secondaire à une production augmentée de thromboxane A2 et d’endothéline.

-  L’interleukine 2. L’interleukine 2 est une cytokine utilisée dans le traitement de tumeurs solides (carcinome du rein, mélanome, carcinome colorectal...). Elle peut être utilisée selon en association à l’interféron et être responsable d’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle secondaire à une hypovolémie liée à une hyperperméabilité capillaire.

1.5. Médicaments modifiant les fonctions tubulaires :

On retiendra essentiellement les médicaments agissant sur les récepteurs de l’ADH au niveau des cellules du tubule collecteur et responsable d’un diabète insipide néphrogénique : lithium, colchicine, vinblastine, amphotéricine B, cisplatine.

Certains médicaments sont capables de stimuler de façon inappropriée la sécrétion d’hormone antidiurétique ou de se comporter comme ADH like. Parmi ceux-ci on retiendra l’apomorphine, la nicotine, le cyclophosphamide, la vincristine, la carbamazépine.

2. Atteintes rénales aiguës toxiques organiques

Elles sont réparties entre les atteintes glomérulaires, tubulaires, interstitielles et vasculaires.

2.1. Les atteintes glomérulaires :

Elles se traduisent par l’apparition d’une protéinurie, voire d’un syndrome néphrotique. Une diminution de la fonction rénale peut également être observée. L’étude histologique rénale met en évidence soit des lésions glomérulaires minimes (syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes), soit des dépôts sur le versant externe de la membane basale glomérulaire évocateurs de glomérulonéphrite extramembraneuse. Ces atteintes glomérulaires médicamenteuses sont en général secondaires des processus immunologiques. La connaissance du risque de néphropathie lié à la prescription de certains médicaments permet de mettre en oeuvre une surveillance des paramètres urinaires (protéinurie, sédiment urinaire).

2.1.1. Les sels d’or :

Prescrits dans le cadre du traitement d’une polyarthrite rhumatoïde, ils sont responsables dans 10 à 20 % des cas de l’apparition d’une protéinurie, voire d’un syndrome néphrotique (1 % des cas). L’étude histologique révèle l’existence fréquente d’une glomérulonéphrite extramembraneuse. Le pronostic est en général excellent avec une rémission et une disparition de la protéinurie après arrêt du traitement, dans un délai de 4 à 18 mois. Il n’y a pas d’indication de traitement corticoïde dans cette situation. Une prédisposition génétique a été suggérée, notamment chez les porteurs de l’antigène tissulaire HLA B8 ou DR3.

2.1.2. Les sels de mercure

Ils ne sont pratiquement plus utilisés en thérapeutique. Ils étaient également responsables de glomérulonéphrite extramembraneuse.

2.1.3. Médicaments contenant un radical sulfhydril dans leurs molécules

Il s’agit de la D-pénicillamine, de la tiopronine ainsi que du captopril (uniquement à fortes doses). La D-pénicillamine (Trolovol"), médicament utilisé dans de nombreuses affections (polyarthrite rhumatoïde, maladie de Wilson, cystinurie, sclérodermie...) peut être responsable de la survenue d’une glomérulonéphrite extramembraneuse révélée par une protéinurie ou un syndrome néphrotique. Des cas d’atteintes rénales simulant un syndrome de Goodpasture (glomérulonéphrite extracapillaire et hémoptysie) ont également été rapportés.

La tiopronine (Acadione") est prescrite dans le traitement au long cours de la polyarthrite rhumatoide et de la lithiase cystinique. Elle peut également être responsable de glomérulopathies extra-membraneuses.

2.1.4. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens,

Ces médicaments particulièrement utilisés notamment en pathologie rhumatologie, peuvent être responsables d’atteinte rénale polymorphe. L’atteinte glomérulaire correspond en général à un syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes associé à une insuffisance rénale aiguë liée à des lésions de néphropathie interstitielle aiguë associées. Des signes cliniques et biologiques d’un état immunoallergique peuvent être associés avec notamment une éosinophilie. La rémission du syndrome néphrotique et de l’insuffisance rénale aiguë est la règle après arrêt du traitement.

Des cas de glomérulopathie extra-membraneuse survenant chez des malades traités par anti-inflammatoires non stéroïdiens (Diclofénac) ont également été rapportés.

2.1.5. Autres médicaments responsables de lésions glomérulaires :

-  Sels de lithium : Outre leurs effets tubulaires, ils peuvent être responsables d’un syndrome néphrotique lié soit à des lésions glomérulaires minimes, soit à une glomérulopathie extramembraneuse. La recherche d’une protéinurie doit être systématique chez les patients traités au long cours par des sels de lithium.

-  La mitomycine C, utilisée dans le traitement de cancers du tube digestif, du pancréas, du sein peut être responsable de syndrome hémolytique et urémique associant l’anémie hémolytique et un syndrome de néphropathie glomérulaire avec insuffisance rénale rapidement progressive.

- Interféron : l’interféron a largement utilisé dans le traitement de métastases de certains cancers (cancer du rein) ou le traitement des hépatites C. Il peut être responsable de l’aggravation d’une néphropathie glomérulaire préexistante ou de la survenue d’un syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes associé à une insuffisance rénale aiguë. Certains cas de microangiopathies thrombotiques ont également été rapportés.

2.2. Les atteintes tubulaires

De nombreux médicaments peuvent être responsables de l’insuffisance rénale aiguë par atteinte tubulaire. Le type d’atteinte est le plus souvent liée à une atteinte toxique directe plutôt qu’à un mécanisme immunoallergique. Ce chapitre est dominé par les complications rénales des antibiotiques.

2.2.1. Antibiotiques

La fréquence des néphropathies aiguës liées aux antibiotiques est très élevée (1/4 des insuffisances rénales aiguës d’origine médicamenteuse).

-  Amigloglycosides Il s’agit d’antibiotiques encore largement utilisés en thérapeutique et responsables d’une néphrotoxicité tubulaire rénale, dose dépendante survenant chez 50 % des patients traités pendant plus de 15 jours.

L’insuffisance rénale aiguë est d’installation progressive parfois précédée d’un syndrome polyuro-polydypsique et associée à un syndrome urinaire pauvre (absence de protéinurie ou d’anomalie du sédiment urinaire). La créatininémie commence à s’élever après 8 à 10 jours de traitement. L’insuffisance rénale peut être modérée mais parfois sévère nécessitant le recours à la dialyse. L’arrêt du traitement permet une récupération lente, en général complète. Dans certains cas, une insuffisance rénale chronique modérée persiste, rarement la poursuite de la dialyse est nécessaire.

Le mécanisme de la toxicité des aminosides est lié à leur accumulation dans les lysosomes de la cellule tubulaire proximale, bloquant les voies du métabolisme des phospholipides intra-cellulaires. L’accumulation de phospholipides intralysosomiaux aboutit à la nécrose cellulaire et à l’insuffisance rénale.

Les facteurs de risque de survenue d’une insuffisance rénale secondaire aux aminosides sont les suivants :

  • insuffisance rénale préalable,
  • déshydratation (troubles digestifs, traitement par diurétiques),
  • coprescription d’autres médicaments néphrotoxiques (antiinflammaotires non stéroïdiens, ciclosporine) ou de produits de contraste iodé.

Prévention du risque :

  • S’assurer d’une bonne hydratation des patients.
  • Ne pas dépasser 8 jours de traitement sauf en cas d’indication bactériologique précise.
  • Surveillance des taux résiduels des médicaments.

-  Autres antibiotiques responsables de toxicité tubulaire :

Les céphalosporines de première génération, actuellement moins utilisées. Il n’y a pas d’effet néphrotoxique démontré pour les céphalosporines de deuxième et troisième génération.

2. 3. Les atteintes tubulointerstitielles

On distingue les néphropathies TI dues à des mécanismes immuno-allergiques et celles consécutives à une toxicité directe.

2.3.1. Néphropathie interstitielle immuno-allergique

L’insuffisance rénale aigue secondaire à la méthicilline est l’exemple type de la néphrite tubulo-interstitielle (NTIA) immunoallergique. Classiquement, la présentation associe une insuffisance rénale aiguë à une hématurie macroscopique et des signes cliniques de la série immunoallergique : rush cutané, fièvre, éosinophilie et éosinophilurie. Les pénicillines et les céphalosporines sont également responsables de NTIA (peu fréquente). De même la rifampicine, les sulfamides, les antiinflammatoires non stéroïdiens et les diurétiques sulfamidés peuvent aussi provoquer un tableau de NTIA.

2.3.2. Néphrotoxicité directe

Le cisplatine est un antitumoral particulièrement utilisé en cancérologie. Il s’agit d’un médicament hautement néphrotoxique, responsable de lésions tubulaires nécrotiques et de fibrose interstitielle particulièrement grave par un mécanisme de toxicité directe. L’insuffisance rénale aiguë secondaire au cisplatine est une des rare insuffisances rénales aiguës toxiques pouvant ne pas récupérer après l’arrêt du traitement. Le risque de néphrotoxicité est majoré lors d’un surdosage et surtout lorsque la préparation du patient a été insuffisante. Il faut en particulier créer une expansion du volume extracellulaire en administrant avant l’injection de cisplatine, du soluté salé isotonique et en créant une diurèse abondante.

2.4. Les atteintes vasculaires

Elles sont rares, il s’agit en général d’angéite d’hypersensibilité secondaire à l’administration de pénicilline ou de quinolones.

3. Les intoxications chroniques :

Elles sont liées à la prescription de deux types de médicaments :

3.1. la néphropathie dite des analgésiques.

Il s’agit d’une néphropathie tubulointerstitielle liée à la prise au long cours d’un certain type d’analgésique (notamment la phénacétine, actuellement retirée du marché en France). Les lésions prédominent au niveau de la médullaire du rein et peuvent être responsables de nécrose papillaire. Le risque est cumulatif, les cas d’insuffisance rénale étant signalés après la prise de 3 à 5 kg de phénacétine sur plusieurs années.

Actuellement le débat s’est reporté sur la prise au long cours de paracétamol (principal métabolite de la phénacétine). Sa toxicité rénale isolée n’est pas encore formellement démontrée, toutefois la prise concomitante de paracétamol et d’aspirine au long cours semble comporter un risque identique à celui de la phénacétine.

3.2. La néphropathie liée aux laxatifs

Il s’agit d’une intoxication chronique, responsable d’une hypokaliémie (par fuites digestives secondaires à la prise de laxatifs). La déplétion potassique chronique peut être responsable d’une activation du complément au niveau du rein et de la survenue de lésions tubulointerstitielles. La mise en évidence de l’intoxication, souvent masquée, est toujours difficile.

3.3. Cyclosporine

Ce médicament immunosuppresseur peut être responsable d’une atteinte rénale polymorphe (fonctionnelle ou organique). Le traitement au long cours est en général associé à la survenue de lésions interstitielles et vasculaires, responsables d’un tableau d’insuffisance rénale chronique lentement progressive associée à une hypertension artérielle.

Tableau récapitulatif : Complications rénales des médicaments
I - Insuffisance rénale fonctionnelle
Diurétiques
AINS
IEC, AT1 bloqueurs
II - Les atteintes rénales aiguës toxiques organiques
1- Glomérulaire
Sels d’or
Sels de métaux lourds (Hg, Ag, Bismuth)
Radical sulfhydrile : D pénicillamine, Captopril
AINS, Sels de Lithium
Antitumoraux (Adriamycine, Mitomycine)
2- Tubulaire
Antibiotiques : Aminoglycosides, Céphalosporines
Polymixines, Tétracyclines
3- Tubulo-Interstitielle
Immuno-allergiques
Toxicité directe : Antitumoraux (cisplatine)
4- Vasculaire Angéite d’hypersensibilité (Pénicilline)
III - Intoxications chroniques
1- Les néphropathies dites des analgésiques
2- Néphropathie des laxatifs
IV - Anticalcineurines : Ciclosporine, tacrolimus





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