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5.5 Alcaloses métaboliques
(QI 219)
, C. Hannedouche
vendredi 28 juin 2002
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L’alcalose métabolique est un désordre acido-basique fréquent, définie par une augmentation du pH artériel > 7,42 (ou une diminution de la concentration plasmatique de proton < 38 nmol/l). L’alcalose est dite "métabolique" lorsque la concentration plasmatique de bicarbonate est augmentée > 27 mmol/l. L’élévation de la PCO2 est secondaire (compensatoire). Dans l’homéostasie acide-base normale, deux facteurs interviennent dans la défense contre l’alcalose métabolique : l’élimination rénale de bicarbonate et la production métabolique d’acides non volatils. Le rein normal possède une capacité extraordinaire à éliminer de grande quantité de bicarbonate. Même lorsque 100 % du bicarbonate filtré est réabsorbé, la production acide métabolique (alimentaire et endogène) consomme environ 1 mmol de bicarbonate par kg de poids et par jour. La génération d’une alcalose métabolique nécessite l’association de deux processus : une augmentation de l’addition d’alcalins (génération de bicarbonates) au liquide extracellulaire une altération de l’excrétion rénale de bicarbonate (entretien ou maintien de l’alcalose). 1. Principales causes d’alcalose métaboliqueL’alcalose métabolique est observée dans les situations cliniques qui favorisent à la fois la génération et la maintenance de l’alcalose métabolique. Ces situations cliniques peuvent être divisées en quatre grandes catégories : 1.1. Excès d’apports alcalins Une alcalose métabolique peut survenir lorsque de très grandes quantités de bicarbonate ou de n’importe quel anion organique sont administrées très rapidement ou lorsqu’il existe une diminution de la capacité d’excrétion du bicarbonate. Une alcalose métabolique peut être ainsi induite par l’administration rapide de larges quantités de sels alcalins :
En cas d’insuffisance rénale significative, la clairance du bicarbonate est diminuée et une alcalose métabolique sévère peut survenir après l’administration de bicarbonate exogène. Dans ce cas, il existe souvent la conjonction de plusieurs facteurs comme par exemple l’administration de carbonate de calcium, voire une supplémentation en bicarbonate de sodium et une contraction volémique par les diurétiques. 1.2. Défaut d’élimination rénale L’alcalose métabolique post-hypercapnique est liée à l’incapacité du rein à éliminer rapidement le bicarbonate accumulée lors de la correction rapide d’une hypercapnie chronique. Au cours de l’hypercapnie chronique (acidose respiratoire chronique) la réabsorption de bicarbonate est augmentée de façon appropriée ce qui permet de limiter l’élévation du pH artériel. Pendant cette phase d’hypercapnie, la rétention rénale de bicarbonate s’associe à une chlorurèse (et déplétion chlorée) qui est secondaire à la rétention de bicarbonate et à l’expansion volémique. La mise en route d’une ventilation assistée dans ce contexte abaisse rapidement la PCO2 alors que l’élimination rénale de bicarbonate est retardée et peut prendre quelques jours. Ceci aboutit à d’une part une alcalose métabolique sanguine et d’autre part une acidose cérébrale aiguë qui peut entrainer des désordres neurologiques sévères. 1.3. Alcalose métabolique par contraction volémique Ces situations sont caractérisées par une contraction du volume artériel efficace, et une stimulation du système rénine-angiotensine par l’hypovolémie. Cliniquement la pression artérielle est normale ou basse, avec hypotension orthostatique. Il existe souvent une hypokaliémie et un hyperaldostéronisme secondaire.
L’alcalose métabolique par fuite sodée d’origine rénale peut encore être rencontrée au cours des situations suivantes :
1.4. Alcalose métabolique avec expansion volémique, hypertension artérielle et excès de minéralocorticoïdes Ces situations cliniques sont caractérisées par une augmentation de l’activité minéralocorticoïde dite "primitive", c’est-à-dire persistant malgré une expansion du volume extracellulaire (pour en savoir plus voir le chapitre "Hyperaldostéronismes primitifs") . Sur une base clinique, trois sous-groupes peuvent être distingués selon le niveau de rénine et d’aldostérone circulante. 1.4.1. Patients avec un hyperaldostéronisme secondaire à une rénine élevée. Ces conditions comportent la sténose de l’artère rénale, l’hypertension artérielle maligne et la tumeur sécrétant de la rénine (réninome). Ces situations ne s’accompagne pas toujours d’une véritable expansion volémique qui dépend de l’état de vasocontriction et de la fonction rénale. Le principal diagnostic différentiel devant une HTA avec alcalose métabolique et hypokaliémie est le traitement diurétique. 1.4.2. L’hypersécrétion d’aldostérone peut être primitive et associée à une suppression de la rénine plasmatique. Il s’agit de toutes les formes d’hyperaldostéronisme primitif lié à un adénome surrénalien (syndrome de Conn), une hyperplasie surrénale bilatérale, un cancer surrénal ou encore l’hyperaldostéronisme sensible à la dexaméthasone. 1.4.3. Un troisième groupe de patients présente des signes d’activité excessive des minéralocorticoïdes mais liée à un agent autre que l’aldostérone. Dans ce cas, la rénine et l’aldostérone plasmatiques sont effondrées. Il s’agit des syndromes adrénogénitaux (hypersécrétion de désoxycorticostérone) et des syndromes de Cushing (hypersécrétion de cortisol), de toutes les situations s’accompagnant d’une diminution d’activité de la 11-béta-hydroxystéroïde déshydrogénase (syndrome d’excès apparent en minéralocorticoïdes). La diminution de l’activité 11-béta-HSD peut être soit génétique soit acquise notamment en présence d’un inhibiteur comme l’acide glycérrhétinique présent dans la réglisse, le zan, l’antésite. Le syndrome de Liddle (ou "pseudo-hyperaldostéronisme") est une maladie génétique rare à transmission autosomique dominante liée à une mutation activatrice d’une sous-unité du canal épithélial sodium dans le tube cortical augmentant la réabsorption de sodium en échange de la sécrétion de potassium et de proton. 2. Evaluation du patient ayant une alcalose métaboliqueEtape 1 : Suspecter l’alcalose métabolique (circonstances de découverte) La présence d’une alcalose métabolique peut être suspectée devant :
Etape 2 : Affirmer l’alcalose métabolique (diagnostic positif) L’étape suivante consiste en la réalisation indispensable des gaz du sang artériel pour confirmer l’existence d’une alcalose métabolique primitive plutôt que de la compensation d’une acidose respiratoire (diagnostic différentiel d’une élévation des bicarbonates plasmatiques). L’alcalose métabolique est définie par une augmentation du pH artériel > 7,42 (ou une diminution de la concentration plasmatique de proton < 38 nmol/l). L’alcalose est dite "métabolique" lorsque la concentration plasmatique de bicarbonate est augmentée > 27 mmol/l. L’élévation de la PCO2 intervient secondairement comme compensation. L’alcalose métabolique est souvent, mais pas toujours, accompagnée par une hypochlorémie et une hypokaliémie. Etape 3 : Eliminer un désordre acide-base complexe Il faut ensuite évaluer le caractère "pur" ou "mixte" de l’alcalose métabolique à partir des valeurs attendues de la PCO2 (compensation respiratoire adaptée ou non) (PCO2 (mmHg) augmente des trois-quarts de la variation des bicarbonates (delta PCO2 = 0,75 delta HCO3)). Si la PCO2 est moins élevée que ne le prédit la formule il faut suspecter un trouble complexe avec alcalose respiratoire surajoutée. Cette situation fréquente en mileu de réanimation est responsable d’une élévation extrème du pH artériel avec une mortalité élevée. Figure 1 : Intervalle de confiance des variations de la PCO2 au cours d’une alcalose métabolique pure. En condition stable, les valeurs tombant dans la zone grise sont suggestives d’alcalose métabolique pure. Les valeurs en dehors de cette zone témoignent d’une perturbation mixte. Etape 4 : Rechercher les facteurs d’entretien de l’alcalose Il faut rechercher les facteurs responsables de la maintenance de cette alcalose métabolique : insuffisance rénale, contraction volémique, hyperminéralocorticisme et augmentation du débit distal de sodium. Cette étape nécessite donc l’évaluation du volume circulant efficace sur la base de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque et de leurs modifications au cours de l’orthostatisme. L’élévation de l’uricémie et du rapport urée/créatinine plasmatique sont également suggestifs de contraction volémique. L’interprétation des électrolytes urinaires est très contributive. Les patients ayant une contraction volémique ont généralement une concentration urinaire abaissée de sodium et de chlore. Cependant la bicarbonaturie ou l’excrétion d’autres anions non réabsorbables peut augmenter la natriurèse même en présence d’une contraction volémique. Dans ce cas, la baisse de la concentration urinaire de chlore est un indice plus spécifique de contraction volémique. Une concentration urinaire de chlore < 25 mmol/l, est fortement suggestive de contraction volémique. Lorsque la concentration de sodium est dissociée et élevée, il s’agit probablement d’une bicarbonaturie ou de l’excrétion urinaire d’un excès d’anions non réabsorbables. Un pH urinaire supérieur à 7 suggère une bicarbonaturie significative (génération extrarénale de bicarbonate liée à des vomissements, une aspiration naso-gastrique, une perte de chlore, une diarrhée dans un contexte clinique généralement évident). Un pH urinaire inférieur à 6,5 suggère au contraire la présence d’un anion non réabsorbable comme de l’hydroxybutyrate ou un antibiotique (ex : carbénicillate). Une concentration urinaire de chlore élevée chez un patient ayant une contraction volémique suggère une prise de diurétique en cours, un syndrome de Bartter ou de Gitelman, ou une déplétion en magnésium. Si le patient a une hypertension artérielle et apparaît euvolémique ou en expansion volémique, une augmentation primitive des minéralocorticoïdes est plus vraisemblable. La détermination de la rénine et de l’aldostérone plasmatique représente l’étape diagnostique suivante. Récapitulatif : Arbre diagnostique devant une alcalose métabolique 3. Conséquences cliniques de l’alcalose métaboliqueL’alcalose métabolique légère à modérée est habituellement responsable de peu ou pas de symptomes sauf lorsque ’il existe une déplétion potassique importante associée. En revanche une alcalose métabolique sévère avec une bicarbonatémie > 40 mmol/l est habituellement symptomatique. L’alcalémie, l’hypoxémie, l’hypercapnie, et la baisse du calcium ionisé plasmatique contribuent chacunes auxmanifestations cliniques et au mauvais pronostic. Le potentiel arythmogène de l’alcalémie est plus prononcé chez les patients ayant une maladie cardiaque sous-jacente et est amplifié par la présence quasi-constante d’une hypokaliémie, en particulier chez ceux traité par digitaliques. Même une alcalémie modérée peut empècher l’obtention du sevrage chez des malades sous ventilation mécanique. L’alcalose métabolique est généralement perçue à tort comme une condition bénigne alors qu’elle contribue significativement à la mortalité :
4. Traitement de l’alcalose métaboliqueLe traitement de l’alcalose métabolique fait appel essentiellement à la correction du facteur responsable du maintien de l’alcalose. Il est de plus souvent utile de corriger le facteur qui a généré cette alcalose. Le traitement approprié nécessite donc une connaissance et l’identifications des mécanismes physiopathologiques en cause. En cas d’alcalose métabolique maintenue par la contraction volémique, l’administration de chlorure de sodium est efficace. Il est généralement souhaitable de corriger une carence en magnésium, une carence sévère en potassium (par du KCl), de supprimer lorsque c’est possible la source de l’excès en minéralocorticoïdes, d’arrêter un traitement diurétique ou une aspiration naso-gastrique. Une alcalémie sévère définie par un pH sanguin > 7,60 et une bicarbonatémie > 45 mmol/l en présence d’une réponse ventilatoire adaptée nécessite une intervention immédiate ayant pour but une correction au moins partielle de l’alcalémie, les cibles étant une bicarbonatémie de 35-40 mmol/l correspondant à un pH sanguin de 7,50-7,55. Les alcalémies métaboliques les plus sévères sont généralement les formes associées à une contraction du volume extracellulaire par un déficit en chlore (pertes d’acide d’origine gastrique et traitements diurétiques). Lorsque la vitesse de correction de l’alcalémie doit être accélérée, l’excès d’alcalin peut être titré par l’administration IV d’acide chlorhydrique. La perfusion par voie IV d’HCl hypotonique à 0,1% sur 8 à 24 heures représente une méthode sûre et très efficace de correction de l’alcalémie métabolique. La solution doit être injectée par voie veineuse centrale car l’HCl est très corrosif. La quantité d’HCl nécessaire en mmol peut être estimée à partir de l’espace de distribution du bicarbonate que multiplie l’excès de bicarbonate (HCl en mmol = 0,5 x poids du corps x (delta concentration plasmatique de bicarbonate observée - souhaitée). Les précurseurs de l’HCl ne devraient plus être utilisés en raison des risques importants : hyperkaliémie sévère avec l’hydrochloride d’arginine ; hyperammoniémie et encéphalopathie hépatique avec le chlorure d’ammonium chez les patients avec une insuffisance hépatique. En cas d’alcalose métabolique sévère associée à des troubles hydroélectrolytique complexes il est souvent utile de recourir à des technique d’épuration extra-rénale (par exemple biofiltration) Chez certains patients, avec une insuffisance cardiaque ou rénale ne permettant pas l’administration de chlorure de sodium ou d’HCl le traitement est particulièrement délicat. Chez les patients en bilan sodé positif et dont l’alcalose de contraction se majore sous traitement diurétique de l’anse, on peut recourir à un inhibiteur de l’anhydrase carbonique (acétazolamide, Diamox®). Le risque est l’aggravation de l’hypercapnie, en particulier chez des patients ayant une acidose respiratoire chronique. En cas de surcharge hydrosodée associée à une alcalose de contraction réfractaire il est souvent nécessaire de recourir à des techniques d’épuration extra-rénale pour corriger à la fois l’alcalémie et la surcharge hydro-sodée. Chez les patients avec une alcalose métabolique et une expansion volémique liées à un excès primitif de minéralocorticoïdes, il est nécessaire d’intervenir sur la cause de cette hyperactivité minéralocorticoïde (surrénalectomie ou traitement d’un syndrome de Cushing). Quand cela n’est pas possible, le traitement symptomatique fait appel à la spironolactone (Aldactone®) qui bloque compétitivement le récepteur aux minéralocorticoïdes, ou à un diurétique dit "épargneur du potassium" (amiloride, Modamide®) qui bloque le canal sodium épithélial dans le tube collecteur cortical.
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C. Hannedouche
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