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5.15 Diurétiques - Prescription et Surveillance
(Q 176)
C. Hannedouche,
vendredi 28 juillet 2000
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1. DéfinitionsUn diurétique est une substance qui négative le bilan hydro-sodé des liquides extracellulaires de l’organisme. On distingue schématiquement les aquarétiques qui augmentent l’élimination de l’eau, les natriurétiques (ou salidiurétiques) qui augmentent l’élimination du sel, et les diurétiques dits d’épargne du potassium qui sont faiblement natriurétiques et surtout antikaliurétiques. Seules ces 2 dernières catégories seront envisagées ici. 2. Mécanismes d’action des diurétiquesChaque jour le rein filtre environ 25 000 mmol de sodium dont environ 99 % sont réabsorbés afin de maintenir le bilan sodé de l’organisme. Les mouvements tubulaires du sodium sont donc essentiellement dirigés dans le sens d’une réabsorption tubulaire, active dans sa plus grande partie. La régulation du bilan sodé dépend de l’ajustement d’une infime fraction (quelques %) de la réabsorption du sodium dans chacun des différents segments tubulaires. Les salidiurétiques agissent principalement en inhibant l’un des mécanismes de réabsorption tubulaire active du sodium. Les diurétiques peuvent être classés selon leur site tubulaire d’action ou mieux selon le type du transport actif qu’ils inhibent, celui-ci étant spécifique d’un segment de néphron. Les diurétiques sont des anions (acétazolamide, furosémide, thiazides) ou des cations (amiloride, triamtérène) organiques, tous fortement liés aux protéines et donc peu filtrés. Ils atteignent leur site d’action dans la lumière tubulaire essentiellement par sécrétion tubulaire proximale, transport pour lequel ils sont en compétition avec d’autres acides organiques (créatinine par exemple). 2.1 Tube proximal Dans le tube, environ 60% du sodium filtré est réabsorbé iso-osmotiquement (en parallèle avec de l’eau), en grande partie par des processus actifs faisant intervenir une pompe NaK-ATPase basolatérale et, sur le versant luminal, plusieurs co-transports dont le plus important est le contre-transport Na-H (= échangeur sodium-proton) qui assure la réabsorption d’un sodium contre l’excrétion d’un ion H+. Ce proton se combine dans la lumière tubulaire à un ion bicarbonate sous l’influence d’une enzyme luminale, l’anhydrase carbonique, pour donner du CO2. Le CO2 très soluble diffuse dans la cellule tubulaire pour générer à son tour (sous l’influence d’une anhydrase carbonique cellulaire) un ion bicarbonate qui sera réabsorbé en même temps qu’un ion sodium. Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (acétazolamide, benzolamide) inhibent la sécrétion de proton et donc la réabsorption de bicarbonate de sodium. Ces produits induisent une fuite urinaire de bicarbonate mais aussi de chlorure de sodium. L’effet diurétique net est cependant assez modeste en raison de l’importante réabsorption qui intervient dans les segments d’aval du néphron et en raison de l’acidose métabolique induite par la perte urinaire de bicarbonate. En raison de la grande quantité de bicarbonate de sodium délivré aux segments distaux du néphron et de l’hyperaldostéronisme induit par la déplétion volémique, l’excrétion de potassium est stimulée et les IAC induisent souvent une hypokaliémie. 2.2 Branche ascendante large de l’anse de Henle Dans la branche large ascendante de l’anse de Henle , 25% environ du sodium filtré est réabsorbé activement par un cotransport apical Na-K-2Cl. L’activité de cette protéine de transport est inhibée spécifiquement par les "diurétiques de l’anse" (furosémide, bumétanide) qui exercent un effet salidiurétique très puissant. La réabsorption de calcium dans l’anse de Henle étant essentiellement passive, les diurétiques de l’anse inhibent également la réabsorption du calcium et augmentent l’excrétion urinaire de calcium. 2.3. Tube contourné distal Dans le tube contourné distal, environ 5% du sodium filtré est réabsorbé activement par un cotransport apical Na-Cl. Celui-ci est inhibé spécifiquement par les diurétiques "thiazidiques" (chef de file : hydrochlorothiazide, HCTZ). En raison de leur pharmacocinétique, ces médicaments ont une longue durée d’action ce qui favorise un gradient sécrétoire de potassium, source fréquente d’hypokaliémie. Les thiazides sont également capables d’augmenter la réabsorption du calcium dans ce segment du néphron, et exercent un effet hypocalciurétique. 2.4. Tube collecteur cortical Dans le tube collecteur cortical, l’amiloride et les spironolactones exercent un effet natriurétique faible car seulement 3% de la charge filtrée de Na atteint ce segment tubulaire. L’amiloride et le triamtérène, un produit apparenté, bloquent le canal sodium apical (ENaC). En raison de la diminution de l’électronégativité luminale, ces 2 produits diminuent aussi la sécrétion de proton et de potassium (d’où le nom "diurétiques épargneurs du potassium"). La spironolactone ("antialdostérone") est un antagoniste compétitif du récepteur aux minéralocorticoïdes (MR). Ce produit a un effet complexe aboutissant à l’inhibition de la réabsorption du sodium. La principale différence d’action de ces produits est liée au fait que l’effet des spironolactones est d’autant plus marqué que la concentration d’aldostérone circulante est élevée ("hyperaldostéronisme") alors que l’amiloride exerce un effet constant indépendant de la concentration circulante d’aldostérone. Ces diurétiques ont globalement une activité diurétique faible si bien qu’ils sont habituellement utilisés en combinaison avec un diurétique de l’anse ou un thiazide, soit pour diminuer la perte de potassium soit pour augmenter l’effet diurétique net en cas d’oedème réfractaire. 2.5. Tube collecteur médullaire interne Dans le tube collecteur médullaire interne, intervient 1 à 2% de la réabsorption sodée. L’intérêt de ce segment réside dans sa situation, juste en aval de l’urine définitive, permettant les derniers ajustements du bilan sodé de l’organisme. Physiologiquement le peptide atrial natriurétique (ANP) et l’urodilatine (un peptide natriurétique structuralement apparenté à l’ANP mais synthétisé dans le rein) agissent sur ce segment en inhibant la réabsorption sodée. Les inhibiteurs de l’atriopeptidase qui augmentent la concentration aux sites d’action du peptide atrial natriurétique (ANP) constituent une nouvelle classe de diurétiques actifs per os actuellement en développement. Figure 1 : Schéma du néphron avec les sites de la réabsorption du sodium, les points d’impact des diurétiques et leur mécanismes d’action moléculaire. Tableau 1 : Principaux diurétiques selon leur classe pharmacologique, la spécialité et leur posologie
3. IndicationsLes principales indications des diurétiques sont le traitement de l’hypertension artérielle essentielle permanente et le traitement des rétentions hydrosodées avec ou sans oedème clinique. 3.1 Hypertension artérielle Les diurétiques réduisent la pression artérielle chez l’hypertendu par un mécanisme encore mal défini mais qui nécessite une réduction de la volémie. Le but habituel est d’obtenir une réduction progressive de la pression artérielle, sans provoquer de variations brutales de la volémie. Ceci est généralement obtenu avec les diurétiques "thiazidiques". L’utilisation de faibles doses de thiazides (équipotentes à 25 ou 12.5 mg par jour d’hydrochlorothiazide, Esidrex®) permet de diminuer la plupart des effets indésirables sans réduire l’efficacité antihypertensive. Les diurétiques constituent une bonne approche du traitement de l’hypertension artérielle associée à une rétention sodée comme c’est souvent le cas au cours de l’obésité et du diabète de type 2. Au cours de l’insuffisance rénale, l’HTA est souvent volo-dépendante et répond bien au traitement diurétique. Les diurétiques thiazidiques sont généralement inefficaces lorsque la filtration glomérulaire est < 30 ml/min. si bien que dans ce cas, le recours aux diurétiques de l’anse (furosemide, Lasilix® ; bumetanide, Burinex®) est souvent nécessaire. 3.2 Syndromes oedémateux Les syndromes oedémateux et les rétentions sodées même sans oedème cliniquement perceptible, constituent une autre indication des traitements diurétiques. L’insuffisance cardiaque, la cirrhose hépatique ascitique et le syndrome néphrotique en sont les causes les plus fréquentes. La spironolactone est souvent remarquablement efficace pour corriger les syndromes oedémato-ascitiques au cours de la cirrhose hépatique. Pour le syndrome néphrotique et l’insuffisance cardiaque, il est souvent nécessaire de recourir aux diurétiques les plus puissants type diurétiques de l’anse. Dans certaines situations urgentes comme l’oedème aigu pulmonaire, il est nécessaire de recourir à des doses importantes d’un diurétique de l’anse administré par voie intraveineuse (furosemide 40 mg IV, ou burinex 1 mg IV). 3.3 Autres indications plus rares D’autres indications des traitements diurétiques sont plus rares :
Tableau : Indications et posologies des diurétique Hypercalciurie compliquée
Tableau : Indications et contre-indications des diurétiques par classe pharmacologique Classe Indications Contre-Indications Inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (IAC) - Glaucome 4. Déterminants de la réponse diurétiqueL’efficacité d’un diurétique dépend de plusieurs facteurs, en particulier de son site d’action, de la durée d’action et de l’apport sodé alimentaire. L’effet natriurétique et la négativation du bilan sodé se manisfestent pendant les premiers jours suivant le début du traitement. Dès le troisième jour, la réponse natriurétique diminue de 40% par rapport à celle obtenue avec la première dose. Un nouvel état d’équilibre est ensuite atteint où l’excrétion sodée est égale à l’apport sodé alimentaire. Le maintien d’une balance sodée négative est assuré par la poursuite du traitement diurétique. Ce phénomène dit "d’échappement" à l’action des diurétiques est lié à l’intervention de facteurs physiologiques d’adaptation, intrarénaux, mais aussi systémiques tels que l’activation du système rénine-angiotensine. Il en résulte qu’il est très difficile d’obtenir une négativation de la balance sodée par les diurétiques sans assurer conjointement une limitation de l’apport sodé alimentaire, en particulier en cas de syndromes oedémateux. La dose optimale d’un traitement diurétique dépend de l’indication. Pour les syndromes oedémateux, la dose utile est souvent importante, déterminée en augmentant progressivement la dose unitaire jusqu’à l’obtention de l’effet diurétique souhaité ("titration"). Certains syndromes oedémateux peuvent être résistants à des doses conventionnelles de diurétiques de l’anse. La réponse diurétique est alors souvent limitée par la diminution de l’excrétion urinaire du diurétique et donc une concentration insuffisante dans la lumière tubulaire au site d’action. Ces anomalies d’excrétion du diurétique sont généralement liées à la réduction de la perfusion rénale et à la diminution de la sécrétion tubulaire, elle-même conséquence d’une hypoalbuminémie sévère ou de l’accumulation dans le plasma d’anions organiques. Ces anions organiques (créatinine au cours de l’insuffisance rénale, acides biliaires au cours de la cirrhose hépatique) entrent en compétition avec le diurétique pour la sécrétion tubulaire proximale. Au cours de l’insuffisance rénale, seuls les diurétiques de l’anse conservent une efficacité. Il est presque toujours nécessaire d’augmenter les doses des diurétiques de l’anse, parfois considérablement : des doses équipotentes à 250 ou 500 mg de furosémide oral peuvent être nécessaires au stade d’insuffisance rénale avancée. 5. Complications des traitements diurétiquesCes complications peuvent être divisées schématiquement en deux types : (1) complications liées à la structure chimique de la molécule, ou (2) complications liées au mode d’action pharmacologique, c’est-à-dire à l’effet diurétique. 5.1 Complications lieés à la structure chimique Les complications liées à la structure chimique sont essentiellement des accidents d’hypersensibilité (réactions cutanées, néphropathie interstitielle aiguë) avec les thiazides et les diurétiques de l’anse. Les diurétiques de l’anse sont responsables d’une ototoxité surtout à très forte dose ou en association avec d’autres ototoxiques comme les aminoglycosides. Les troubles endocriniens (dysménorrhées, gynécomastie) surviennent avec les spironolactones 5.2 Complications liées au mode d’action pharmacologique Les complications les plus fréquentes et potentiellement les plus graves sont des anomalies de l’hydratation et des électrolytes en rapport avec l’effet diurétique. Toutes ces complications surviennent dès les deux premières semaines de traitement. Inversement, lorsque l’apport hydrosodé et la dose de diurétique ne sont pas modifiés, des valeurs de créatinine, de sodium et de potassium plasmatiques normales après 15 j de traitement restent normalement inchangées par la suite. La déplétion volémique peut s’observer lorsque la réponse diurétique initiale est trop importante. La déplétion volémique peut se compliquer d’hypoperfusion tissulaire et d’insuffisance rénale fonctionnelle. Ces anomalies peuvent survenir même lorsque les oedèmes périphériques persistent parce la perte urinaire de sodium est plus rapide que la mobilisation du sodium accumulé dans l’interstitium. L’incidence et la sévérité de l’hypokaliémie dépendent largement de la dose et de la durée d’action du natriurétique. L’hypokaliémie est plus fréquente et plus sévère avec les fortes doses de diurétiques thiazidiques en particulier ceux d’élimination prolongée. Une alimentation riche en sel ou au contraire l’alcalose métabolique liée à la contraction volémique sont également des facteurs favorisants. Le risque de l’hypokaliémie est essentiellement arythmogène en particulier s’il existe des circonstances prédisposantes : cardiopathie préexistante, hypertrophie ventriculaire gauche, traitement digitalique ou antiarythmique, hypomagnésémie (qui est souvent associée car les diurétiques de l’anse et thiazidiques augmentent l’excrétion rénale du magnésium). Par contre, le risque métabolique au long cours (effet diabétogène, hypercholestérolémie) est négligeable à condition que l’hypokaliémie soit systématiquement prévenue ou corrigée (en limitant la dose maximale à 12.5 ou 25 mg d’hydrochlorothiazide et/ou en utilisant une combinaison thiazide-amilorideà mi-dose, Moduretic®1/2 cp/j). L’hyponatrémie survient essentiellement au début du traitement et quasi-exclusivement avec les diurétiques de type thiazidique. Il s’y associe presque toujours des circonstances favorisantes (régime sans sel trop strict, boissons abondates, syndrome oedémateux avec contraction volémique) L’hyperuricémie est relativement fréquente au cours des traitements diurétiques (thiazides et diurétiques de l’anse). Elle traduit la réabsorption tubulaire d’urate liée à la déplétion volémique. Cette hyperuricémie est sans conséquence et lorsqu’elle est asymptomatique ne nécessite pas de traitement hypo-uricémiant (sauf en cas de goutte associée). L’hyperkaliémie, souvent associée à une acidose métabolique, se voit uniquement avec les diurétiques "distaux" (amiloride, triamtérène, spironolactone). Il existe souvent un facteur favorisant associé : insuffisance rénale, diabète, hypoaldostéronisme, supplémentation en chlorure de potassium. Le risque d’hyperkaliémie est particulièrement important en cas de traitement concomitant par un médicament inhibant le système rénine-angiotensine (IEC ou ARA2), un anti-inflammatoire non-stéroïdien (y compris les COXIB), les héparines (standard ou HBPM), les anti-calcineurines (cyclosporine, tacrolimus), ou le trimethoprime à forte dose (contenu dans le Bactrim®). Les diurétiques distaux "épargneurs du potassium" sont donc formellement contre-indiqués en cas insuffisance rénale ou surrénale Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique induisent une diurèse bicarbonatée, sodée et potassique. Outre l’hypovolémie, le risque d’un surdosage est lié à l’acidose métabolique hypokaliémique.
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