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5.3 Acidoses métaboliques
Question d’internat 219
, C. Hannedouche
jeudi 28 février 2002
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1. Diagnostic positif des acidoses métaboliquesLa présence d’une acidose métabolique peut être suspectée devant :
L’évaluation d’un patient avec une diminution de la concentration plasmatique de bicarbonate doit commencer par la réalisation de gaz du sang artériel pour exclure une hyperventilation primitive (diagnostic différentiel d’une concentration plasmatique basse de bicarbonate). L’acidose métabolique est définie par une augmentation de la concentration plasmatique des protons > 42 nmol/l ou un abaissement du pH sanguin < 7,38. L’acidose est dite "métabolique" si la concentration plasmatique de bicarbonate est < 22 mmol/l. La PCO2 s’abaisse secondairement par compensation ventilatoire. Si la compensation ventilatoire est adéquate, la PCO2 diminue d’environ 1,25 mmHg (0,16 kPa) pour chaque baisse de 1 mmol/l de la bicarbonatémie. Si la PCO2 est significativement plus basse ou plus élevée que cette valeur, il faut alors suspecter un trouble acido-basique complexe : respectivement une alcalose ou une acidose respiratoire associée (Figure 1). La détermination du trou anionique plasmatique est la deuxième étape importante dans le diagnostic d’une acidose métabolique. Le trou anionique (TA) plasmatique représente la différence entre les cations et les anions mesurés / TA = [Na] - [ Cl] - [HCO3] Les valeurs normales "classiques" du trou anionique plasmatique sont de 12 ±4 mmol/l. Un TA > 16 mmol/l est considéré comme significatif et traduit la rétention d’anions indosés Figure 1 : Intervales de confiance de la compensation respiratoire au cours d’une acidose métabolique 2. Diagnostic étiologique et physiopathologique des acidoses métaboliquesPrincipales causes d’acidose métabolique
Diagnostic des acidoses métaboliques (AM) 2.1. Acidoses métaboliques avec trou anionique augmenté Lorsque l’acidose est liée à l’accumulation d’un proton combiné à un anion peu ou pas métabolisé, l’accumulation de cet anion non mesuré augmente le trou anionique. L’acidose est bien liée à l’accumulation de protons mais l’anion indosé non métabolisé représente un outil diagnostique précieux. Au cours de tous ces désordres aboutissant à une acidose métabolique avec une augmentation du trou anionique, l’acide organique est ingéré ou généré plus rapidement qu’il ne peut être métabolisé ou excrété aboutissant à la fois à une perte nette de bicarbonates et à l’accumulation du sel de sodium de cet acide dans le plasma. Les principales causes d’acidose métabolique et l’anion indosé reponsable du trou anionique élevé sont représentés dans le tableau suivant :
Les acides cétoniques, lactates, salicylates, méthanol et éthylène-glycol sont facilement mesurables et quantifiables par la plupart des laboratoires cliniques. L’ingestion d’éthylène-glycol ou de méthanol est habituellement associée à une augmentation du trou osmolaire plasmatique et l’éthylène-glycol produit une cristallurie d’oxalate de calcium. 2.2. Acidoses métaboliques avec trou anionique normal (= acidoses hyperchlorémiques) Dans une acidose métabolique où l’excès d’acide est tamponné par un bicarbonate extracellulaire, le bicarbonate est remplacé sur une base équimolaire par le chlore et il n’y a pas de modification du trou anionique. L’acidose métabolique est dite "hyperchlorémique" en raison de l’augmentation de la concentration plasmatique de chlore. L’acidose hyperchlorémique est une conséquence de la rétention nette d’HCl ou d’un équivalent métabolique (par exemple le chlorure d’ammonium et les sels chlorés d’amino-acides) ou une perte de bicarbonate de sodium ou son équivalent métabolique (excrétion de sel ou d’anion organique en excès proportionnel de chlore). Les causes rénales de perte de bicarbonate peuvent être distinguées des causes non rénales par la mesure de l’ammoniurie. Au cours de l’acidose hyperchlorémique, une excrétion urinaire quotidienne d’ammonium inférieure à 1 mmol/kg est anormale et indique que le rein est la cause principale de cette anomalie. Si la mesure de l’ammoniurie n’est pas facilement disponible, celle-ci peut être estimée au lit du malade pr le calcul du trou anionique urinaire : TAU : UNa + UK - UCl Un TAU > 0 signe l’origine tubulaire rénale de l’acidose alors qu’un TAU < 0 signe l’origine extrarénale de l’acidose. 2.2.1. Acidose métabolique avec TA urinaire négatif (ammoniurie augmentée)
2.2.2. Acidoses métaboliques avec TA urinaire positif (= ammoniurie abaissée = Acidoses tubulaires rénales) Les acidoses tubulaires rénales (ATR) définissent un groupe de maladies dans lesquelles la sécrétion tubulaire de protons est altérée de façon disproportionnée à toute réduction de filtration glomérulaire. Toutes ces affections sont caractérisées par une acidose métabolique hyperchlorémique à trou anionique normal. Ces acidoses tubulaires rénales peuvent être distinguées sur la base des variations du pH urinaire en réponse aux modifications de la bicarbonatémie. Le pH urinaire est inférieur ou égal à 6 pour une bicarbonatémie normale à 24 mmol/l et la baisse de la bicarbonatémie induit une réduction progressive du pH urinaire. Les défauts spécifiques responsables de ces altérations de l’acidification engendrent 3 syndromes distincts appelés respectivement : acidose tubulaire proximale (type 2), acidose tubulaire distale classique (type 1) et acidose tubulaire distale hyperkaliémique (type 4).
L’acidose tubulaire proximale est caractérisée par un défaut de réabsorption des bicarbonates. A l’exclusion du cas spécifique des inhibiteurs de d’anhydrase carbonique, la nature du défaut de l’acidification responsable de cette fuite de bicarbonates reste inconnue. Celle-ci pourrait traduire des défauts de l’échangeur sodium-proton luminal, du co-transporteur basolatéral NaHCO3, ou encore de l’activité de l’anhydrase carbonique. La plupart des patients avec une acidose tubulaire proximale ont des anomalies de la fonction tubulaire proximale (syndrome de Fanconi). Cette dysfonction tubulaire proximale généralisée pourrait refléter un défaut dans la fonction de la pompe Na-K ATPase basolatérale. Les principales causes d’acidose tubulaire proximale sont :
Le principal défaut cellulaire responsable de l’acidose tubulaire distale classique est lié à une altération de fonction de la pompe H+-ATPase luminale (insuffisance de pompe à proton ou défaut sécrétoire). Les autres mécanismes sont beaucoup plus rares et surviennent dans un contexte spécifique (anomalie de l’échangeur chlore-bicarbonate basolatéral ; activité anormale insuffisante de l’anhydrase carbonique ; augmentation de la perméabilité membranaire luminale pour les ions hydrogène (rétrodiffusion de protons ou défaut de perméabilité). La plupart des causes d’acidose tubulaire distale classique reflètent un défaut sécrétoire alors que l’amphotéricine B est la seule cause établie de défaut de perméabilité. La forme héréditaire est la cause la plus fréquente de cette affection chez l’enfant. Les principales causes chez l’adulte sont représentées par les maladies auto-immunes au premier plan desquelles le syndrome de Sjögren, certaines formes d’hypercalciurie et certaines néphropathies interstitielles (uropathies obstructives, drépanocytose).
L’acidose tubulaire hyperkaliémique représente la cause principale d’acidose tubulaire rencontrée chez l’adulte. L’acidose métabolique hyperchlorémique caractéristique s’accompagne d’une hyperkaliémie traduisant une dysfonction généralisée du tube collecteur cortical avec diminution de la réabsorption de sodium et altération de la sécrétion combinée de proton et de potassium. L’hyperkaliémie diminue la production et l’excrétion d’ammonium (ammoniogénèse au niveau du tube proximal) et contribue de façon prépondérante à la génération de l’acidose métabolique. Les causes de ce syndrome sont schématiquement classées entre d’une part les affections aboutissant à un déficit en aldostérone (hypoaldostéronisme) et d’autre part celles au cours desquelles il existe une résistance à l’action de l’aldostérone. Pour cette raison l’acidose tubulaire distale hyperkaliémique de type 4 peut être considérée comme synonyme d’hypoaldostéronisme (au sens large). Le déficit en aldostérone peut être la conséquence d’une diminution de la rénine, d’une altération de la conversion de l’angiotensine I en angiotensine II, ou d’une synthèse anormale d’aldostérone. Les causes les plus fréquentes sont médicamenteuses (IEC et ARA2, AINS, héparines, anticalcineurines) et le syndrome d’hyporéninisme-hypoaldostéronisme rencontré au cours de la néphropathie diabétique et de certaines néphropathies interstitielles. L’insuffisance surrénale représente une autre cause de déficit primitif de la sécrétion d’aldostérone associée à un deficit en glucocorticoide. La résistance à l’aldostérone correspond principalement aux 2 mécanismes suivants : Principales caractéristiques des acidoses tubulaires
Diagnostic des acidoses tubulaires (AT) rénales 3. Traitement des acidoses métaboliques3.1 Acidoses métaboliques aiguës L’acidose métabolique aiguë sévère (définie par un pH < 7,10 et une bicarbonatémie < 8 mmol/l en présence d’une compensation respiratoire adéquate) est une situation grave mettant en jeu le pronostic vital en raison de multiples complications (insensibilité aux catécholamines, diminution de la contractilité cardiaque, diminution des débits cardiaques et tisulaires, sensibilisation aux arythmies ventriculaires, inhibition du métabolisme cellulaire, confusion et coma). La prise en charge d’une acidose métabolique nécessite :
Pour les acidoses métaboliques par excès d’acides inorganiques (acidoses hyperchlorémiques et les acidoses par intoxication notamment par des produits à effet stabilisant de membrane), ou les acidoses associées à une hyperkaliémie, avec ou sans insuffisance rénale sous-jacente, le traitement fait généralement appel à l’administration exogène de bicarbonate de sodium. Le bicarbonate de sodium doit être administré en perfusion intraveineuse. La quantité de bicarbonate est calculée sur la base du déficit en bicarbonate et du volume de distribution présumé : quantité HCO3 en mmol = d[HCO3-] x 0,5 x PDC (en kg). L’objectif est de remonter rapidement le pH sanguin au-dessus de 7,20 et la bicarbonatémie au-dessus de 10 mmol/l. L’administration de bicarbonate de sodium dans le traitement des acidoses métaboliques par excès d’acides organiques (acidoses lactiques, acidocétoses) est plus controversée. La controverse tient au fait que :
En cas d’insuffisance rénale ou cardiaque ou lors de certaines intoxications, l’épuration extra-rénale peut être nécessaire. L’épuration extra-rénale (par hémodialyse avec bain bicarbonaté ou mieux biofiltration) permet d’augmenter la concentration plasmatique de bicarbonate sans risque de surcompensation ou de surcharge hydrosodée. L’épuration extra-rénale permet aussi d’éliminer directement la charge acide exogène de certains toxiques ou de leurs métabolites. 3.2. Acidoses chroniques Le traitement de ces acidoses chroniques d’origine rénale est impératif afin de prévenir ou de corriger la fonte musculaire (la protéolyse musculaire est stimulée par l’acidose métabolique et l’hypercortisolisme résultant), la lithiase rénale ou la néphrocalcinose, la déminéralisation osseuse et chez l’enfant le retard de croissance. Dans l’acidose tubulaire proximale et l’acidose tubulaire distale de type 1, le traitement fait appel à une supplémentation par des sels alcalins (bicarbonate ou citrate) de sodium ou de potassium selon l’anomalie prédominante. Dans les acidoses tubulaires hyperkaliémiques, le traitement fait appel à la fludrocortisone (minéralocorticoide de synthèse) en cas de déficit en aldostérone et à l’administration de résine échangeuse d’ion potassium (polystyrène sulfonate, Kayexalate®) et/ou de furosémide (Lasilix®) dans les autres cas. |
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C. Hannedouche
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