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NephroHUS Online PLAN DU CHAPITRE

1. Généralités

L'urine est normalement claire et de couleur jaune pâle. La coloration de l'urine est plus claire lorsque l'urine est diluée (par exemple après diurétiques) et plus foncée lorsque l'urine est concentrée, comme après une restriction hydrique nocturne. L'urine peut être anormalement colorée ce qui traduit généralement un processus pathologique spécifique.

  1. L'urine peut être blanche, comme en cas de présence d'une pyurie (voir "Anomalies du sédiment urinaire") ou de cristaux de phosphate. Dans ce dernier cas, le trouble disparaît après adjonction de quelques gouttes dacide acétique. Cette situation nest pas pathologique et reflète lapport alimentaire riche en phosphate.
  2. Lurine mousseuse témoigne de la présence dune protéinurie abondante qui diminue la tension de surface (de façon analogue aux détergents).
    voir la figure Urines troubles et blanches : à gauche protéinurie abondante avec mousse en surface; à droite urines riches en phosphate (d'origine alimentaire), le trouble et le précipité disparaissent après acidification.
  3. Lurine lactescente, souvent par intermittence et rythmée par les repas, traduit la présence de globule graisseux dans lurine. La lipidurie atteint 2 à 40 g/l. Cette chylurie traduit une communication directe des lymphatiques avec le bassinet ou luretère. La cause la plus fréquente de chylurie est la filariose à Wuchereria Bancrofti surtout observée en Chine, dans le nord du Japon et le Pacifique sud. Il existe aussi des causes non parasitaires (malformations lymphatiques et obstruction du canal thoracique).
  4. L'urine peut être verte après l'administration de bleu de méthylène ou d'amitriptyline.
  5. L'urine peut enfin être noire dans certains cancers ou l'ochronose.

La coloration de l'urine en blanc, vert ou noir est extrêmement inhabituelle. Par contre, la coloration rouge ou brunâtre de l'urine peut être observée dans plusieurs conditions cliniques :

  1. Hématurie macroscopique
  2. Myoglobinurie et hémoglobinurie
  3. Excrétion de différents pigments endogènes ou de colorants alimentaires ou médicamenteux.

2. Etiologie des urines rouges

    2.1. Hématurie macroscopique

L'hématurie macroscopique est suspectée devant la présence d'urines rouges ou brunes. L'hématurie macroscopique survient généralement pour un débit des hématies supérieur à 300 000 éléments/mn.
La couleur par elle-même ne reflète pas directement la quantité de sang présente puisque 1 ml de sang par litre d'urine est suffisant pour induire une modification visible de la couleur de l'urine.
Les modifications ou subtilités de la coloration urinaire en cas d'hématurie macroscopique permettent d'orienter l'origine du saignement vers le glomérule ou une autre partie de l'appareil urinaire. L'urine est typiquement rouge à rosée au cours d'une atteinte extraglomérulaire. Une telle coloration peut également être observée avec certaines lésions glomérulaires. Par contre une coloration brunâtre "coca-cola" des urines suggère la combinaison d'un temps de transit prolongé à travers le néphron et d'un pH urinaire acide aboutissant à la formation de méthémoglobine qui a cette couleur particulière. Cet aspect est donc plus évocateur d'une origine glomérulaire. Celle-ci est par exemple de la coloration dite "bouillon sale" des urines au cours du syndrome néphritique aigu.

    2.2. Myoglobinurie

La source de la myoglobine en excès est une destruction du muscle squelettique (rhabdomyolyse) qui est également associée à une augmentation marquée de la concentration plasmatique de créatine phosphokinase (CPK). La myoglobine circulante est une protéine de petit poids moléculaire qui est librement filtrée par le glomérule et qui peut apparaître dans lurine en grande quantité. Lurine est alors trouble ou claire mais avec généralement une couleur brune. Après centrifugation de lurine, le surnageant reste coloré et réagit positivement avec test à la benzidine, même en labsence de globules rouges.

Il est important didentifier la myoglobinurie pour deux raisons :

  • La myoglobinurie est une cause importante dinsuffisance rénale aiguë qui peut être évitée par ladministration précoce et abondante de solutés salés et alcalins.
  • Il est important didentifier la cause de la rhabdomyolyse. En cas décrasement musculaire ou dischémie artérielle, des séquelles fonctionnelles permanentes peuvent êtres évitées par la chirurgie précoce. Les désordres métaboliques qui prédisposent à la rhabdomyolyse sont lhypophosphatémie, lhypothermie et lhypokaliémie qui nécessitent des traitements spécifiques. Les déficits génétiques en certaines enzymes musculaires (dont la phosphorylase) nécessitent un conseil génétique et des mesures appropriées. Dautres causes fréquentes de rhabdomyolyse sont les convulsions généralisées et lexercice musculaire intense.

    2.3. Hémoglobinurie

Lhémoglobinurie résulte de lhémolyse intravasculaire et survient lorsque la capacité de lhaptoglobine à lier lhémoglobine libre est dépassée. La coloration de lurine varie entre le rose et le noir. Des méthodes spectroscopiques peuvent être nécessaire pour distinguer lhémoglobinurie de la myoglobinurie.
Il est important didentifier lhémoglobinurie pour deux raisons :

  • Lhémoglobinurie est une cause importante dinsuffisance rénale aiguë qui peut être évitée par ladministration précoce et abondante de solutés salés et alcalins.
  • Il est important didentifier la cause de lhémolyse intravasculaire aiguë qui peut engager le pronostic vital même en labsence dinsuffisance rénale aiguë.

Tableau : Principales causes dhémolyse intravasculaire
  • Les principales causes dhémolyse intravasculaire aiguë sont :
    - transfusions sanguines incompatibles
    - paludisme à P. Falciparum
    - anémies hémolytiques immunes
    - hémolyses aiguës liées à des médicaments ou des produits chimiques (intoxication à larsenic)
    - brûlures étendues,
    - hypophosphatémie
    - éclampsie
    - injection de solutés hypotoniques pendant une prostectomie

  • Les hémolyses intravasculaires chroniques peuvent aussi être responsables dhémoglobinurie. Ces formes chroniques nentraînent pas toujours une insuffisance rénale aiguë ou une anémie aiguë mais lhémoglobinurie et lhémosidérinurie peuvent être les manisfestations révélatrices de plusieurs désordres chroniques tels que :

    - hémoglobinurie paroxystique nocturne
    - hémoglobinurie paroxystique au froid
    - hémoglobinurie à la marche (une myoglobinurie peut être associée dans ce cas)
    - hémolyse sur valve cardiaque mécanique

    2.4. Betteravurie

La coloration rouge de l'urine après l'ingestion de betteraves (betteravurie) survient chez environ 15 % des individus et est liée à l'excrétion d'un pigment rougeâtre, la bétalaine. Bien qu'elle soit une observation peu fréquente après l'ingestion de betteraves, une urine colorée en rouge survient quasi constamment après l'administration intraveineuse de bétalaine. Ainsi une augmentation de l'absorption intestinale semble être l'anomalie primitive chez les sujets manifestant une betteravurie. De plus cette sécrétion urinaire de betterave ne survient pas chez les patients avec une iléostomie suggérant que le site de l'absorption est le colon. La bétalaine est protégée par les agents réducteurs, tels que l'oxalate et au contraire décolorée par les ions ferriques, l'acide hydrochlorhydrique et les bactéries du colon. Ceci explique les différentes conditions au cours desquelles une betteravurie est plus susceptible de survenir :

  • Les déficits en fer qui lorsqu'ils sont corrigés limitent la coloration anormale de l'urine.
  • Les achlorydries liées à l'anémie de Biermer.
  • L'ingestion concomitante d'aliments contenant des oxalates.

    2.5. Alcaptonurie

Il sagit dune malade métabolique très rare caractérisée par lélimination accrue dacide homogentisique : lurine est claire à lémission et devient rapidement brun foncé à lair.

Tableau : Diagnostic étiologique des urines rouges
  • Hématurie macroscopique
  • Hémoglobinurie
  • Myoglobinurie
  • Autres colorations endogènes
    Porphyrie
    Alcaptonurie
    Pigments biliaires
    Mélanurie

  • Colorations médicamenteuses
    Analgésiques (phénacétine, antipyrine)
    Antibiotiques (rifampicine, métronidazole, nitrofurantoïne)
    Anticoagulants (phénindione, coumadine)
    Anticonvulsivants (phénytoïne)

  • Colorants végétaux
    Betteraves
    Paprika
    Certains colorants alimentaires


3.Diagnostic différentiel des urines rouges

La première étape de l'évaluation d'un patient avec des urines rouges est la centrifugation de l'échantillon urinaire pour vérifier si la coloration rouge se situe dans le sédiment urinaire ou dans le surnageant.

  1. L'hématurie est confirmée si la coloration rouge est observée uniquement dans le sédiment urinaire (culot de centrifugation) avec un surnageant clair.
  2. Si le surnageant est rouge orangé ou la coloration diffuse dans le tube, ce surnageant doit être testé à la recherche d'hème avec une bandelette urinaire. La présence d'hème témoigne soit d'une myoglobinurie soit d'une hémoglobinurie.
  3. Un surnageant négatif pour la recherche d'hème est une situation rare qui peut s'observer dans quelques situations, comme la porphyrie, l'utilisation de phénazopyridine (un analgésique vésical) et l'ingestion de betteraves chez des patients susceptibles.

    voir la figure Différente coloration de l'urine : à gauche urine normale; au centre hématurie (les hématies tendent à sédimenter dans le culot); à droite urine uniformement orangée au cours d'une hémoglobinurie.

La myoglobine et l'hémoglobine peuvent donner une coloration similaire de l'urine avec une réaction positive à la recherche d'hème. Ces deux composés ont cependant des effets différents et de grande valeur diagnostique sur la coloration du plasma.
L'hémoglobine est relativement faiblement filtrée en raison d'une liaison à des protéines de gros poids moléculaire, comme l'haptoglobine. Seul le dimère non lié est filtré, si bien que l'hémoglobinurie ne survient pas avant que la charge filtrée excède les capacités de réabsorption du tube proximal. Bien que ceci ne nécessite pas une très haute concentration plasmatique du dimère libre, la concentration totale d'hémoglobine à ce stade généralement dépassant 100 à 150 mg/dl ce qui entraîne une coloration rouge à brune du plasma (plasma "laqué").
La myoglobine par contre est un monomère non lié aux protéines, rapidement filtrée et excrétée si bien que le plasma garde sa couleur normale sauf si une insuffisance rénale vient limiter l'excrétion de myoglobine.

Pr T.Hannedouche


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