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Insuffisance rénale aiguë


OBJECTIFS
  • Savoir établir le diagnostic étiologique des nécroses tubulaires aiguës
  • Faire le diagnostic différentiel des différentes formes d'IRA

 
NephroHUS Online PLAN DU CHAPITRE
 

L'insuffisance rénale aiguë (IRA) est caractérisée par une détérioration de la fonction rénale survenant sur une période de quelques heures ou quelques jours et aboutissant à l'incapacité par le rein à éliminer des déchets métaboliques terminaux, notamment azotés et à maintenir l'homéostasie hydroélectolytique.


1. Anamnèse et examen physique

L'anamnèse, le contexte de survenue et l'examen physique permettent souvent d'établir la cause de lIRA.


2. Evaluation urinaire

Des informations précieuses peuvent être obtenues à partir de l'analyse des urines et des indices urinaires.

Les indices urinaires évaluant l'osmolalité urinaire et la concentration en sodium des urines permettent de différencier lIRA fonctionnelle (au cours de laquelle les capacités de réabsorption du tubule et la concentration des urines sont préservées) et la nécrose tubulaire (dans laquelle ces deux fonctions sont altérées). L'un des défauts fonctionnels les plus précoces observés au cours de la nécrose tubulaire est la perte de pouvoir de concentration des urines. Les patients avec une oligurie et une IRA fonctionnelle tendent à avoir une osmolalité urinaire de plus de 500 mosm/kg d'eau, une concentration de sodium urinaire en-dessous de 20 mmol/l. Par contre chez les patients ayant une nécrose tubulaire, l'osmolalité urinaire est inférieure à 350 mosm/kg d'eau (iso-osmolaire par rapport au plasma), la concentration urinaire de sodium dépasse 40 mmol/l. Dautres indices peuvent être utilisés comme le rapport urine/plasma de la créatinine qui évalue la réabsorption tubulaire deau. Les valeurs numériques de ces indices dans les différentes situations dIRA sont résumées dans le Tableau 3 :

Tableau 3 : Indices urinaires et plasmatiques dans le diagnostic différentiel de lIRA fonctionnelle (IRAF) et de la nécrose tubulaire aiguë (NTA)
Indice IRAF NTA Commentaires
Uosm (mOsm/kg) > 500 < 350
U/P créat > 40 <20 analyse la réabsorption d'eau
Urée/Créat plasma > 100 50 augmente si hypercatabolisme
UNa (mmol/l) < 20 > 40 sauf si diurétique
FENa (%) < 1 > 2 le plus discriminant
FEau (%) <12 >20 voir texte


En pratique aucun des indices précités na une sensibilité-spécificité suffisante et la détermination de la fraction dexcrétion du sodium (FENa) reste lexamen le plus discriminatif pour différencier lIRA fonctionnelle de la nécrose tubulaire aiguë, les deux situations cliniques les plus fréquentes. La fraction dexcrétion du sodium est définie par la clairance du sodium rapportée à la clairance de la créatinine ce qui permet de corriger la concentration de sodium urinaire pour la réabsorption deau et la fonction rénale résiduelle. En pratique la formule de la FENa peut être simplifiée et celle-ci calculée à partir dun échantillon sanguin et urinaire :



Typiquement, une FENa en-dessous de 1 % indique une IRA fonctionnelle (rétention appropriée de sodium) alors quune FENa supérieure à 2 % indique généralement une nécrose tubulaire aiguë.

Les limites de linterprétation de la FENa doivent cependant être connues. Une FENa inférieure à 1% peut ainsi être observée dans diverses circonstances autres que lIRA fonctionnelle :

  • à la phase toute initiale des nécroses tubulaires aiguës particulièrement celles secondaires à une myoglobinurie ou aux produits de contraste iodés;
  • 10% des nécroses tubulaires aiguës non-oliguriques installées, en raison de la persistance dagression ischémique répétées ;
  • les glomérulonéphrites aiguës ou les vascularites (la fonction tubulaire reste normale).
  • certaines néphropathies interstitielles aiguës (pour la même raison) ;

La FENa peut augmenter en cas dIRA fonctionnelle dans la situation fréquente où des diurétiques ont été administrés. Enfin il est important de souligner que tous les indices urinaires y compris la FENa perdent leur valeur diagnostique en cas dinsuffisance rénale pré-existante. Dans ce cas les capacités de concentration des urines et la réabsorption de sodium sont limitées par la maladie rénale sous-jacente. Dans cette situation précise il est souvent utile de tenter un remplissage vasculaire prudent, quelqe soient les indices urinaires, si lon suspecte une déplétion volémique à lorigine de laugmentation aiguë de la créatinine plasmatique.

Enfin il est important de souligner que tous les indices urinaires y compris la FENa perdent leur valeur diagnostique en cas d'insuffisance rénale pré-existante. Dans ce cas les capacités de concentration des urines et la réabsorption de sodium sont limitées par la maladie rénale sous-jacente. Dans cette situation précise il est souvent utile de tenter un remplissage vasculaire prudent, quelqe soient les indices urinaires, si l'on suspecte une déplétion volémique à l'origine de l'augmentation aiguë de la créatinine plasmatique.

3. Examens sanguins

L'élévation de l'urée et de la créatinine sanguines constitue classiquement les critères sur lesquels lIRA est définie. Les modifications quantitatives de la créatinine sont dune aide précieuse pour lévaluation de lIRA.
En pratique quune augmentation quotidienne de la créatinine plasmatique de 150-200 µmol/kg/j signifie une interruption quasi-totale de la filtration glomérulaire et quune augmentation progressive de la créatinine plasmatique pendant 3 jours témoigne toujours dune altération sévère et prolongée de la fonction rénale et doit faire envisager rapidement les mesures adaptées (dialyse).
En raison de l"inertie" liée à son espace de diffusion important (=eau totale), les variations de la créatinine plasmatique ne sont pas très sensibles pour apprécier des modifications très rapides de la filtration glomérulaire. Ceci explique quun grand nombre dépisodes de nécrose tubulaire soient méconnus.

Dune façon générale, l'élévation de la créatinine plasmatique est un indice spécifique mais très peu sensible d'insuffisance rénale. La baisse de la clairance de la créatinine est plus précoce et plus sensible mais lorsque la fonction rénale se modifie rapidement dans le temps, le recours à la clairance de la créatinine classique par la formule UV/P ne peut être appliquée en raison des fluctuations importantes de la créatinine plasmatique dans un espace de distribution important. Il est aussi possible de recourir à la clairance estimée, par exemple par la formule de Cockcroft et Gault :


Cette formule, où Pcr représente la créatinine plasmatique, tient compte du sexe (a = 1.05 chez la femme et 1.25 chez lhomme), du poids du malade et de son âge et donne une assez bonne estimation de la filtration glomérulaire.

La signification de laugmentation de lurée dans lIRA est beaucoup plus variée. La concentration durée dépend beaucoup outre la fonction rénale de lapport alimentaire protéique, du catabolisme cellulaire (infection, hémorragie digestive, traitement glucocorticoïde, tétracycline) et aussi du débit urinaire (lurée très diffusible est réabsorbée passivement avec leau et le sodium dès que le débit urinaire est < 2 ml/min.). Une dissociation entre l'augmentation de lurée et de la créatinine plasmatique peut orienter vers la cause ou le mécanisme de lIRA. Le rapport molaire urée/créatinine plasmatique est normalement de 50. Lorsque l'urée augmente de façon disproportionnée à la créatinine et que ce rapport dépasse 100, il faut rechercher soit une IRA fonctionnelle, soit un hypercatabolisme surajouté. Le rapport urée sur créatinine plasmatique augmente aussi en cas de réduction de la masse musculaire (maladies chroniques graves, sujets agés) et donc de la concentration de créatinine plasmatique même si la fonction rénale est inchangée. A linverse de la forte valeur dorientation dun rapport urée sur créatinine plasmatique élevé, ce rapport lorsquil est normal nélimine en rien une IRA fonctionnelle en particulier lorsque la production durée est réduite en raison dun apport alimentaire limité en protide ou de maladie hépatique sous-jacente. Enfin et inversement le rapport urée / créatinine dans le plasma peut être abaissé au cours de la nécrose tubulaire secondaire à une rhabdomyolyse (hyperproduction de créatinine).

D'autres examens sanguins peuvent orienter vers l'origine de lIRA. La présence d'une hypercalcémie ou d'une hyperuricémie oriente vers une néoplasie. Lélévation des LDH oriente vers une lyse cellulaire (hémolyse, rhabdomyolyse, hémopathie) ou une néphropathie vasculaire aiguë (microangiopathie thrombotique, infarctus rénal). L'augmentation de la créatinine-phosphokinase suggére une rhabdomyolyse et une immunoélectrophorèse anormale un myélome. Une anémie hémolytique avec schizocytose oriente vers une microangiopathie thrombotique. L'existence d'un trou osmolaire (la différence entre l'osmolalité calculée et l'osmolalité mesurée) suggère la présence de néphrotoxines de faible poids moléculaire notamment de l'éthylène-glycol. Enfin des tests immunologiques variés (anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles, anticorps anti-membrane basale glomérulaire, complément) peuvent orienter vers une maladie systémique et confirmer une suspiçion de glomérulonéphrite rapidement progressive.

4. Evaluation d'une obstruction

La recherche d'un obstacle sur les voies urinaires est un point capital dans l'évaluation d'une IRA tout particulièrement chez les patients qui sont très oliguriques ou totalement anuriques. Le cathétérisme vésical permet d'éliminer une obstruction sous-vésicale. L'examen échographique du rein et des voies urinaires est un moyen assez simple de diagnostiquer un obstacle post-rénal mais sa sensibilité n'est que de 85 % tout particulièrement lorsque l'obstruction est aiguë. En effet, l'absence de dilatation des voies urinaires n'exclut pas complètement la possibilité d'une obstruction notamment lorsqu'il s'agit d'un obstacle aigu ou dans un contexte de fibrose rétropéritonéale ou encore chez des patients hypovolémiques. L'échographie rénale permet également d'identifier la présence de calculs rénaux ou urétéraux, la taille des reins qui lorsqu'ils sont diminués suggèrent une insuffisance rénale chronique sous-jacente. Lorsqu'il existe un degré important de suspicion pour un obstacle urinaire, il peut être nécessaire de réaliser une pyélographie antégrade ou rétrograde pour établir l'obstruction, son site et lever l'obstacle.

5. Rôle de la biopsie rénale au cours de l'insuffisance rénale aiguë

D'une façon générale, la biopsie rénale n'est pas nécessaire pour le diagnostic et le traitement des patients ayant une IRA.

voir la figure "Nécrose tubulaire aiguë à la phase initiale. Même si la nécrose tubulaire aiguë reste la cause la plus fréquente d'IRA organique, elle n'en est pas synonyme et les autres formes d'atteinte rénale nécessitant un traitement spécifique doivent être rigoureusement éliminées.

Cependant, lorsque l'histoire, la présentation clinique et certains résultats biologiques ou radiologiques ont éliminé une insuffisance rénale fonctionnelle et un obstacle et suggèrent plutôt une maladie rénale primitive de nature autre que ischémique ou toxique, la biopsie rénale peut s'avérer utile pour le diagnostic et pour la suite du traitement. Les indications admises de la biopsie rénale au cours de lIRA sont résumées dans le Tableau 4.

Tableau 4 : Indications de la biopsie rénale dans lIRA
  1. IRA sans cause évidente (pas de toxique, sepsis ou hypotension)
  2. Présence d'une protéinurie abondante et/ou d'une hématurie
  3. Présence de signes extra-rénaux orientant d'emblée vers une maladie générale ou une vascularite
  4. Nécessité dexclure une néphropathie interstitielle aiguë immuno-allergique alors que le médicament suspecté doit être continué.
  5. Oligurie ou anurie persistante depuis 2-3 semaines


 Pr T. Hannedouche


LECTURES RECOMMANDÉES
  1. Faber MD, Kupin WL, Gopal KG, Narins RG. The differential diagnosis of acute renal failure. In : JM Lazarus, Brenner BM. Acute renal failure, New York, Churchill Livingstone, 1993 : 133-192.
  2. Thadhani R, Pascual M, Bonventre JV. Acute renal failure. N Engl J Med, 1996, 334 : 1448-60.

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Mise-à-jour :  samedi 16 septembre 2000

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