Deux notions capitales doivent cependant être retenus :
- la récupération de la fonction rénale est meilleure lorsque la diurèse est conservée, témoin de lésions rénales moins sévères ;
- le moment de lintervention thérapeutique est fondamental : plus cette action est précoce, meilleur est le pronostic rénal en distinguant, les interventions prophylactiques (les plus efficaces), les interventions à la phase initiale (48 premières heures) et celles effectuées lorsque linsuffisance rénale aiguë est constituée (peu ou pas deffet).
Au cours de lIRA, trois types daction thérapeutiques sont utilisées : pharmacologique, nutritionnel et dialytique. Dans ce chapitre sera principalement laspect pharmacologique.
1) Expansion volémique
Au cours de lIRA, avant toute intervention thérapeutique, la volémie doit être appréciée et toute hypovolémie doit être corrigée. Tout retard à la correction dune déplétion volémique peut conduire à la constitution dune insuffisance rénale aiguë organique.
Dans la plupart des études cliniques, la correction dune déplétion volémique et même une hyperhydratation lorsque ceci est possible, est la mesure la plus efficace pour prévenir une nécrose tubulaire aiguë.
Cette expansion volémique est obtenue avec du soluté salé à 9 0 associé ou non à des solutés de remplissage vasculaire. Les solutés de remplissage à base d'amidon substitué sont moins bien tolérés sur le plan rénal que les gélatines modifiées au moins en post-transplantation rénale. Le débit de perfusion est variable, fonction de la clinique et de la pression veineuse centrale et notamment de la reprise ou non de la diurèse. La reprise dune excrétion sodée urinaire sans développement doedèmes (surveillance du poids) constitue un critère de bonne évolution.
2) Mannitol
Le mannitol est un agent osmotique qui inhibe la réabsorption tubulaire deau et de sel et diminue les capacités de concentration et de dilution du rein. Par son effet diurétique, il pourrait prévenir lobstruction tubulaire et par son effet osmotique limiter loedème et la destruction cellulaire.
Dans tous ces cas il est cependant difficile de séparer l'effet lié au mannitol de celui propre de l'hydratation.
Pour traiter une oligurie, les doses recommandées sont de 50 à 200 g par jour sous la forme de solutions à 15 ou 20 % perfusées sur 24 heures. Pour induire une diurèse, des doses uniques de 12,5 g sont préconisées.
Plusieurs complications sont décrites au cours de lutilisation de ce produit : linsuffisance cardiaque avec oedème aigu pulmonaire notamment chez les malades anuriques, la déplétion volémique et lhypernatrémie. Des concentrations plasmatiques de mannitol supérieures à 10 g/l ou une dose administrée supérieure à 200 g par jour, exposent les malades à une IRA.
Cette dernière est rapidement réversible après hémodialyse qui permet dépurer le mannitol. L'IRA aux produits de contraste iodés chez les diabétiques insuffisants rénaux chroniques est aggravée lorsque le mannitol est utilisé préventivement. Enfin, des hyperkaliémies ont été décrites conséquences de lhyperosmolalité plasmatique.
3) Diurétiques de lanse
Les diurétiques de l'anse augmentent le débit sanguin rénal et le débit urinaire et préviennent lobstruction tubulaire, inhibent la réabsorption tubulaire active au niveau de lanse de Henle et diminuent ainsi la consommation d'oxygène dans les cellules tubulaires médullaires.
Il nexiste toujours pas de preuve de leur efficacité prophylactique au cours de lIRA. Dans les deux seules études disponibles concernant la prévention de l'IRA secondaire aux produits de contraste iodés, lemploi du furosémide est délétère.
A la phase précoce de linsuffisance rénale aiguë, le furosémide a peu ou pas deffet sur lévolution de lIRA, mais il peut, lorsquil est employé dans les 24 heures qui suivent linstallation de linsuffisance rénale, permettre le passage dune IRA anurique à une IRA à diurèse conservée. Une méta-analyse suggère ainsi que la survie des patients est plus élevée lorsque ceux-ci ont une réponse initiale aux diurétiques. Cependant la réponse au diurétique prédit seulement un meilleur pronostic en rapport avec une forme moins sévère d'IRA et il nest pas démontré que la conversion d'une forme oligurique en une forme non-oligurique diminue en soit la mortalité. Dans l'état actuel des connaissances, l'utilisation des diurétique de l'anse est seulement justifiée à la phase initiale de l'IRA pour augmenter le débit urinaire et faciliter la balance hydrique. Aucun bénéfice n'est démontré en terme de recours à l'hémodialyse, de durée de l'IRA et de mortalité.
4) Dopamine "à dose rénale"
A faible dose (0,5-2,0 µg/kg/min.) la dopamine active les récepteurs dopaminergiques des vaisseaux rénaux et mésentériques et augmente le débit sanguin rénal ainsi que la filtration glomérulaire chez les sujets sains. Leffet natriurétique est essentiellement tubulaire. A la dose de 2,0-5,0 µg/kg/min. la dopamine active également les récepteurs adrénergiques beta et pour des doses supérieures à 5,0 µg/kg/min. l'effet adrénergiques alpha apparait. Une partie de l'effet rénal de la dopamine est expliqué par son effet inotrope sur le débit cardiaque et la pression artérielle. Cependant, les effets vasodilatateurs de la dopamine n'ont jamais été rigoureusement démontrés chez les patients en IRA chez lesquels l'autorégulation circulatoire rénale est perturbée et la vasodilatation rénale déjà maximale. La notion de dose rénale reste mal définie car il existe de grandes variations inter-individuelles de réponse et un chevauchement important et variable entre les doses utilisées et les récepteurs activés. Il n'y a pas vraiment de concentration seuil en-dessous de laquelle seuls les récepteurs dopaminergiques sont activés si bien aucune dose de dopamine n'est spécifiquement une "dose rénale".
Aucune étude clinique contrôlée n'a démontré le bénéfice de l'utilisation de la dopamine "à dose rénale" dans le cadre de lIRA. Par contre des risques bien réels liés à l'emploi de dopamine sont rapportés, notamment tachyarythmie, shunt pulmonaire et nécrose digitale ou intestinale.
Dans l'état actuel des connaissances, le recours à la dopamine (à la dose de 0,5-2,0 µg/kg/min.) doit être limité aux patients qui restent oliguriques après un remplissage vasculaire approprié et une absence de réponse au traitement diurétique. En cas d'échec de cette association, la dopamine et le diurétique doivent être arrétés rapidement. En cas de réponse à l'association, la dopamine peut généralement être arrétée après 24 heures d'utilisation.
Prise en charge de l'insuffisance rénale aiguë
1) Principes généraux
Les soins initiaux des patients ayant une IRA sont centrés sur la correction des causes sous jacentes et la correction des anomalies hydro-électrolytiques. Tous les efforts doivent être faits pour prévenir des lésions rénales supplémentaires et assurer des mesures symptomatiques jusqu'à la récupération de la fonction rénale. L'administration de substances néphrotoxiques doit être interrompue ou évitée.
L'hyperkaliémie peut être traitée par des résines échangeuses d'ions, du glucose-insuline, la correction de l'acidose et lorsque l'hyperkaliémie est réfractaire au traitement médical ou menaçante par dialyse. Lorsque l'acidose métabolique est liée à lIRA, l'administration de bicarbonate de sodium est le plus souvent utile.
Les doses des médicaments éliminés par le rein ou par la dialyse doivent être ajustées selon les besoins. L'anémie doit être corrigée mais la réponse à l'érythropoïétine est souvent différée. Les anomalies de la fonction plaquettaire liées à l'urémie prédisposent au saignement. Ces anomalies hémorragiques peuvent être corrigées par la transfusion érythrocytaire, les analogues de la vasopressine, les estrogènes conjugués et la dialyse. L'efficacité de ces interventions est cependant variable. En dehors de la maladie sous-jacente, la cause la plus fréquente de mortalité au cours de lIRA est actuellement le sepsis, si bien que des efforts importants doivent être faits pour prévenir et traiter les complications infectieuses.
2) Traitement dialytique
Le traitement dialytique reste l'essentiel du traitement symptomatique de lIRA sévère. Les indications classiques de la dialyse aiguë sont représentées par la surcharge volumique, l'hyperkaliémie, l'acidose métabolique ainsi que des signes d'urémie sévère.
Le traitement dialytique a été pendant longtemps assuré sous la forme d'hémodialyse intermittente et depuis quelques années, par des techniques de dialyse dites continues. Les avantages allégués de la dialyse continue par rapport à la dialyse intermittente sont représentés par une meilleure stabilité hémodynamique et peut-être chez les patients dans un contexte de sepsis ou de défaillance multiviscérale une déplétion des cytokines potentiellement délétères. Un autre avantage potentiel des techniques continues est la possibilité d'administrer des apports nutritionnels sans limitation de volume. Les inconvénients des techniques continues sont représentés par le besoin en anticoagulation prolongée et une surveillance constante et sophistiquée, et en cas d'hémofiltration sans dialyse une épuration des petites molécules relativement limitée. Il n'existe pas pour le moment d'essai prospectif randomisé validant la supériorité des techniques de dialyse continue par rapport à la dialyse intermittente.
La dialyse péritonéale peut s'avérer une alternative intéressante pour le traitement de lIRA notamment chez des patients en instabilité hémodynamique ou lorsque le matériel d'hémodialyse fait défaut. Le choix de ces différentes techniques est basé actuellement essentiellement sur des préférences individuelles, la disponibilité des matériels et la stabilité hémodynamique du patient.
Il n'y a actuellement pas de consensus sur le moment optimal et la fréquence avec laquelle il est nécessaire de dialyser les patients en IRA. Les résultats des études proposant une dialyse précoce et/ou intensive sont encore divergents.