Dans un grand nombre de désordres cliniques, les pertes liquidiennes entraînent une déplétion du volume extracellulaire. Une déplétion volémique sévère peut entraîner une diminution de la perfusion tissulaire et évoluer vers le choc potentiellement fatal.
1. Etiologie
Une déplétion volémique résulte primitivement d'une perte d'eau et/ou de sodium à partir des sites anatomiques suivants :
Chaque jour environ 3 à 6 litres de fluides sont sécrétés par l'estomac, le pancréas, la vésicule biliaire et l'intestin dans la lumière du tube gastro-intestinal. Presque tout ce fluide est réabsorbé avec seulement 100 à 200 ml perdus dans les selles. Cependant une déplétion volémique peut survenir lorsque la réabsorption est diminuée, comme par exemple lors d'une aspiration digestive ou au cours de vomissements ou encore lorsque la sécrétion est augmentée.
Un saignement aigu en n'importe quel point du tube digestif est également une autre cause fréquente de déplétion volumique.
En condition normale, l'excrétion rénale de sodium et d'eau est ajustée pour équilibrer les apports. Chez un adulte normal, environ 60 litres sont filtrés dans les glomérules dont 98 à 99 % sont ensuite réabsorbés par les tubes avec un débit urinaire d'environ 1 à 2 litres par jour, égal aux apports. Il en résulte qu'une réduction minime de la réabsorption tubulaire de 1 à 2 % peut aboutir à une augmentation de 2 à 4 litres de l'excrétion d'eau et de sodium.
Les causes les plus fréquentes d'excrétion urinaire excessive de NaCl et d'eau sont l'administration de diurétiques et la présence de solutés non réabsorbés dans l'urine, comme le glucose au cours du diabète déséquilibré.
Des pertes de sodium d'importance variable sont également présentes à l'occasion de différents maladies rénales. La plupart des patients avec une insuffisance rénale (filtration glomérulaire en-dessous de 25 ml/mn) sont incapables de conserver le sodium lorsqu'ils sont placés brutalement à un régime désodé. Ces patients ont une perte obligatoire de sodium de 10 à 40 mmol/jour à l'inverse des sujets normaux qui peuvent diminuer l'excrétion urinaire de sodium jusqu'à aussi peu que 5 mmol/jour.
Une déplétion volémique peut également survenir lors d'une augmentation sélective de l'excrétion urinaire d'eau qui n'est pas remplacée par un apport adéquat. Une augmentation des pertes d'eau libre est liée à une diminution de la réabsorption d'eau dans le tube collecteur où l'hormone antidiurétique favorise la réabsorption d'eau mais pas de sodium. Les anomalies soit de la sécrétion d'ADH (diabète insipide central) soit de la réponse rénale à l'ADH (diabète insipide néphrogénique) sont responsables de l'excrétion de quantités relativement importantes d'eau, jusqu'à 10 litres par jour dans les cas les plus sévères. Ces pertes d'eau sont habituellement balancées par une augmentation équivalente de l'apport en eau car l'élévation initiale de l'osmolalité plasmatique et de la concentration plasmatique de sodium stimule la soif. Cependant des pertes d'eau et une hypovolémie ainsi qu'une hypernatrémie persistante peuvent survenir chez des enfants, chez des patients comateux qui n'ont pas d'accès facile à l'eau ou lorsqu'il existe un mécanisme de la soif défectueux comme chez les sujets âgés.
Chaque jour environ 700 à 1000 ml d'eau sont perdus par évaporation cutanée et du tractus respiratoire. Quoique la production sudorale soit faible à l'état basal, celle-ci peut dépasser 1 à 2 litres par heure chez un sujet soumis à un exercice en climat chaud et sec. Une balance hydrique négative liée à ces pertes est habituellement prévenue par le mécanisme de la soif de façon analogue au diabète insipide. Cependant des pertes cumulées sudorales de sodium peuvent entraîner une hypovolémie.
La peau intervient comme une barrière prévenant la perte de fluide interstitiel dans l'environnement extérieur. Lorsque cette barrière cutanée est interrompue par des brûlures ou des lésions cutanées exsudatives, des quantités importantes de fluide peuvent être perdues. Quoique rares, les pertes pulmonaires autres que celles liées à l'évaporation peuvent entraîner une déplétion volémique. Ceci survient essentiellement chez les patients qui sont soumis à une aspiration continue d'un épanchement pleural se reproduisant, généralement d'origine maligne ou d'un carcinome alvéolaire avec une augmentation marquée des sécrétions bronchiques.
Une déplétion volémique peut être induite par la perte de fluide interstitiel et intravasculaire dans un 3ème compartiment. Par exemple, un patient avec une fracture de hanche peut perdre 1500 à 2000 ml de sang dans les tissus adjacents à la fracture. Bien que ce fluide va être réabsorbé dans le liquide extracellulaire sur une période de quelques jours à semaines, la réduction aiguë du volume sanguin peut, si elle n'est pas remplacée, entraîner une déplétion volémique sévère. D'autres exemples comprennent notamment les obstructions intestinales, la pancréatite aiguë sévère, des lésions d'écrasement, des saignements, notamment rupture d'anévrysme de l'aorte abdominale ou lors de traumatisme, péritonite et obstruction d'un tronc veineux profond.
2. Manifestations cliniques de la déplétion volémique
Une anamnèse précise et l'examen clinique permettent généralement détablir à la fois la présence et la cause d'une déplétion volémique. Par exemple, une histoire de vomissements, de diarrhées, d'utilisation de diurétiques pour une polyurie peuvent identifier facilement la source de liquide perdu.
Trois ensemble de symptômes peuvent survenir chez les sujets hypovolémiques :
- ceux liés à la déplétion volémique elle-même,
- ceux reliés au type de liquide perdu,
- ceux liés aux désordres hydroélectrolytiques et acide base qui accompagnent la déplétion volémique.
Les symptômes induits par l'hypovolémie sont essentiellement liés à la diminution de la perfusion tissulaire. Les signes les plus précoces comportent lassitude, fatigabilité, soif, crampes musculaires et vertiges posturaux. Une déplétion volémique plus sévère peut entraîner des douleurs abdominales, thoraciques, une léthargie, un syndrome confusionnel lié à l'ischémie des territoires mésentériques, coronaires ou cérébraux respectivement. Tous ces symptômes sont habituellement réversibles sauf si une nécrose tissulaire se développe lorsque le bas débit est persistant.
Une hypovolémie symptomatique survient le plus souvent chez les patients ayant une déplétion iso-osmotique en sodium et en eau et chez lesquels la plupart du déficit hydrique provient du fluide extracellulaire. Chez les patients ayant une perte d'eau isolée liée à des pertes insensibles ou un diabète insipide, l'osmolalité plasmatique et la concentration de sodium augmentent entraînant un mouvement d'eau selon le gradient osmotique depuis l'intérieur des cellules vers le secteur extracellulaire si bien que environ 2/3 des pertes d'eau proviennent du compartiment intracellulaire. Ces patients développement donc des symptômes liés à l'hypernatrémie bien avant ceux liés à la déplétion marquée des fluides extracellulaires.
Plusieurs types d'anomalies hydroélectrolytiques et acide-bases peuvent survenir selon la composition du fluide perdu. Les symptomes associées sont :
- faiblesse musculaire liée à l'hypokaliémie ou l'hyperkaliémie.
- polyurie et polydypsie liée à l'hyperglycémie ou une hypokaliémie sévère,
- léthargie, confusion, convulsions et coma liés à l'hyponatrémie, à l'hypernatrémie ou l'hyperglycémie.
2.2. Examen physique
Quoique relativement insensibles et non spécifiques certains éléments de l'examen clinique peuvent suggérer la déplétion volémique.
La diminution du liquide interstitiel diminue la turgescence et l'élasticité cutanée normale et lorsqu'elle est pincée, la peau revient plus lentement à sa position. Chez les sujets jeunes, la présence d'une diminution de la turgescence cutanée est un indicateur fiable de déplétion volémique. Chez le sujet âgé, ce n'est pas le cas, car l'élasticité cutanée diminue avec l'âge.
Les modifications de la pression artérielle dépendent du degré de l'hypovolémie. La pression artérielle est pratiquement normale pour une hypovolémie modérée, inférieure à 10 %. L'hypotension démasquée initialement en position orthostatique, puis avec l'aggravation de la déplétion volémique persiste même en clinostatisme lorsque l'hypovolémie s'aggrave. Une hypotension orthostatique avec vertiges peut être la principale manifestation clinique et hautement suggestive d'hypovolémie en l'absence de neuropathie végétative ou de traitement antihypertenseur par des adrénolytiques.
Au cours d'une déplétion volémique marquée, la vasoconstriction d'origine neuro-hormonale diminue l'intensité des sondes de Korotkow lorsque la pression artérielle est mesurée avec un sphygmomanomètre ou par le pouls radial. Ainsi une pression artérielle très basse suggérée par l'auscultation ou la palpation radiale peut en fait correspondre à une pression artérielle presque normale lorsque celle-ci est mesurée directement par un cathéter intra-artériel. Il faut noter enfin que la définition d'une pression artérielle normale dans ce contexte dépend essentiellement des valeurs initiales du patient. Une valeur de pression artérielle de 120/80 mmHg est considérée comme normale mais est en réalité basse chez un patient hypertendu dont la pression artérielle est habituellement à 180/100 mmHg.
La réduction du volume vasculaire observée au cours de l'hypovolémie survient essentiellement dans la circulation veineuse qui contient normalement 70 à 80 % du volume sanguin. L'hypovolémie est donc associée à une diminution de la pression veineuse et la mesure de celle-ci est importante pour confirmer le diagnostic d'hypovolémie et pour apprécier l'efficacité du remplacement volémique. La pression veineuse est mesurée le plus souvent directement par la mise en place d'un cathéter dans le veine jugulaire interne proche de l'oreillette droite.
La pression veineuse normale est de 1 à 8 cm d'eau ou 1 à 6 mmHg (1 mm de Hg = 1,36 cm d'eau) si bien qu'une valeur basse isolée peut être normale et n'établit pas nécessairement le diagnostic d'hypovolémie.
3. Anomalies biologiques
L'hypovolémie peut produire un grand nombre de modifications de la composition du sang et de l'urine. Outre la confirmation de la déplétion volémique, ces modifications peuvent donner des indices étiologiques importants.
La réponse rénale à la déplétion volémique est de conserver l'eau et le sel pour essayer de maintenir le volume extracellulaire. A l'exception des désordres au cours desquels la réabsorption du sodium est altérée, la concentration urinaire de sodium au cours des états hypovolémiques est inférieure à 25 mmol/l et peut même s'abaisser jusqu'à 1 mmol/l. Les valeurs supérieures à 25 mmol/l ne permettent pas d'exclure l'hypovolémie, notamment dans les situations où la réabsorption d'eau est proportionnellement encore plus importante que celle de sel.
La fraction d'excrétion du sodium évalue directement le comportement rénal du sodium et n'est pas affecté par le volume urinaire. La fraction d'excrétion du sodium est surtout utile dans le diagnostic différentiel de l'insuffisance rénale aiguë avec une filtration glomérulaire très abaissée. Dans cette situation, la fration d'excrétion du sodium est habituellement inférieure à 1 % chez les patients hypovolémiques. L'interprétation de la fraction d'excrétion du sodium est plus délicate chez les patients avec une fonction rénale normale car la charge filtrée de sodium est si importante que des valeurs différentes de fraction d'excrétion du sodium, inférieures à 0,1 - 0,2 % doivent être utilisées pour diagnostiquer la déplétion volémique.
Au cours des états hypovolémiques, l'urine est relativement concentrée et la l'osmolalité urinaire dépasse souvent 450 mosmol/kg d'eau. Cette réponse peut être absente cependant si les mécanismes de concentration sont altérés par une maladie rénale, une diurèse osmotique, l'administration de diurétiques ou un diabète insipide central ou néphrogénique.
Dans la plupart des circonstances, la concentration plasmatique d'urée et de créatinine varie inversement avec la filtration glomérulaire, c'est-à-dire augmentant lorsque celle-ci diminue. Cependant l'élévation de l'urée plasmatique peut être également induite par une augmentation de la production d'urée ou une réabsorption tubulaire augmentée. La créatinine plasmatique constitue donc un estimateur plus fiable du débit de filtration glomérulaire dans la mesure où il est produit à débit relativement constant par le muscule squelettique et n'est pas réabsorbé par le tube rénal. Chez les sujets normaux et ceux avec une maladie rénale non compliquée, le rapport urée/créatinine plasmatique est approximativement de 50.
Cette valeur peut s'élever substantiellement dans les états hypovolémiques en raison de l'augmentation de la réabsorption d'urée. En général, 40 à 50 % de l'urée filtrée est réabsorbée, la plupart de ce processus survenant dans le tube proximal où l'urée est réabsorbée passivement en parallèle avec la réabsorption de sodium et d'eau. Ainsi l'augmentation de la réabsorption proximale de sodium au cours de la déplétion volémique produit une augmentation parallèle de la réabsorption d'urée. La chute de l'excrétion urinaire d'urée et l'élévation de l'urée sanguine augmente fréquemment le rapport urée/créatinine plasmatique à des valeurs supérieures à 100. Cette élévation sélective de l'urée par rapport à la créatinine plasmatique est appelée insuffisance rénale pré-rénale, ce qui est synonyme d'insuffisance rénale fonctionnelle. La créatinine plasmatique naugmente dans cette situation que si le degré de l'hypovolémie est suffisamment sévère pour diminuer la filtration glomérulaire.
Le sédiment urinaire est habituellement normal au cours des états d'hypovolémie dans la mesure où le rein n'est pas en lui-même atteint. La présence d'une protéinurie ou de cellules anormales doit orienter vers l'existence d'une maladie rénale sous-jacente.
La concentration plasmatique de sodium peut être affectée de façon variable au cours des états hypovolémiques. Une perte d'eau pure, par exemple perte insensible ou diabète insipide, aboutit à une hypernatrémie. Inversement une perte d'eau et de sel avec hypovolémie peut être associée à une hyponatrémie. La déplétion volémique stimule la libération d'hormone antidiurétique qui tend à favoriser la rétention de l'eau ingérée.
L'hypokaliémie ou l'hyperkaliémie peuvent être observées chez des patients hypovolémiques. L'hypokaliémie est beaucoup plus fréquente notamment en cas de pertes de potassium à partir du tractus gastro-intestinal ou dans l'urine.
L'effet de la déplétion volémique sur la balance acide-base est également variable. Chez les patients avec des vomissements ou une aspiration gastrique ou encore recevant des diurétiques, il existe une tendance à l'alcalose métabolique en raison de la perte d'ions hydrogènes et de la contraction volémique. D'un autre côté une perte en bicarbonate liée à une diarrhée ou des fistules intestinales peut entraîner une acidose métabolique. De plus, une acidose lactique peut survenir au cours du choc et une acidocétose au cours du diabète décompensé.
Dans la mesure où les érythrocytes et l'albumine sont essentiellement contenus dans l'espace vasculaire, une réduction du volume plasmatique liée à une hypovolémie tend à augmenter à la fois l'hématocrite et la concentration plasmatique d'albumine. Cependant ces modifications sont volontiers absentes en raison d'une anémie sous-jacente et/ou d'une hypoalbuminémie, en cas par exemple de saignements.
4. Complication de l'hypovolémie = Choc
Lorsque le degré d'hypovolémie devient plus sévère, par exemple pour une perte de 30 % du volume sanguin à partir d'une rupture d'anévrysme aortique, il y a une réduction marquée de la perfusion tissulaire aboutissant à la constitution d'un syndrome clinique appelé choc hypovolémique. Ce syndrome est associé à une augmentation marquée de l'activité sympathique et il est caractérisé par une tachycardie, des extrémités froides et marbrées, une cyanose, un bas débit urinaire habituellement inférieur à 15 ml/h, une agitation et une confusion liées à la diminution du débit sanguin cérébral. Quoique l'hypotension soit généralement présente au cours du choc, cet élément n'est pas nécessaire pour le diagnostic car chez certains patients la vasoconstriction est suffisante pour maintenir une pression artérielle relativement normale.
5. Diagnostic
Une évaluation anamnestique et l'examen clinique permettent généralement de déterminer à la fois la présence et l'étiologie d'une déplétion volémique. Les données biologiques peuvent être également de grande valeur diagnostique. En particulier, une concentration urinaire basse de sodium est virtuellement pathognomonique d'une diminution de la perfusion tissulaire en l'absence de perte rénale de sel (néphropathie sous-jacente ou traitement diurétique) ou en l'absence d'ischémie rénale (sténose artérielle rénale bilatérale).
Cependant, l'existence d'une concentration urinaire basse en sodium ne signifie pas nécessairement que le patient a une véritable déplétion volémique car les syndromes oedémateux comme l'insuffisance cardiaque, la cirrhose hépatique avec ascite et le syndrome néphrotique sont des situations caractérisées par une réabsorption avide de sodium. Ces désordres sont tous caractérisés par une hypovolémie efficace. Il est souvent difficile de détecter une hypovolémie relative chez les patients avec un syndrome oedémateux ou une insuffisance rénale. Bien que certaines anomalies cliniques ou biologiques puissent suggérer une déplétion volémique dans ces circonstances, il est parfois nécessaire de recourir à un remplissage vasculaire empirique ou un monitorage intravasculaire pour corriger les conséquence de l'hypovolémie.
6. Traitement de l'hypovolémie sévère et du choc hypovolémique
Une réplétion volémique rapide est indiquée chez les patients avec une déplétion volémique sévère ou un choc hypovolémique. Un traitement retardé peut entraîner des lésions ischémiques et possiblement un choc irréversible.
Trois points doivent être considérés pour le traitement de la déplétion volémique sévère :
- La vitesse du remplacement liquidien,
- La nature des fluides perfusés
- Le rôle d'un traitement alcalin, notamment chez les patients avec une acidose lactique.
Les vasopresseurs tels que la noradrénaline et la dopamine ne sont habituellement pas administrés dans la mesure où ils ne corrigent pas le problème primitif et tendent à aggraver la perfusion tissulaire.
Il n'est pas possible de prédire de façon précise le déficit hydrique total chez un patient donné en choc hypovolémique, notamment si la perte continue est liée à saignement ou à la séquestration dans un 3ème secteur. En général, 1 à 2 litres de soluté sont administrés pendant la première heure pour essayer de restaurer rapidement la perfusion tissulaire. D'autres quantités de fluide peuvent être administrés avec l'aide d'un monitorage de la pression veineuse centrale ou de la pression capillaire pulmonaire. La réplétion volémique doit être continuée à la vitesse initiale aussi longtemps que les pressions de remplissage cardiaque et la pression artérielle systémique restent basses.
Le choix du liquide de substitution dépend en partie du type de pertes liquidiennes. Par exemple, une transfusion érythrocytaire est indiquée chez des patients qui ont saigné. En général, l'hématocrite ne doit pas être augmentée au-dessus de 35 % : une augmentation supplémentaire n'est pas nécessaire pour faciliter le transport de l'oxygène et pourrait augmenter la viscosité sanguine, ce qui potentiellement aggrave la stase dans une circulation capillaire déjà compromise.
Le déficit en fluide extracellulaire peut être corrigé soit par des solutés salés isotoniques, appelés improprement « sérum physiologique » (ce terme ne devrait pas être utilisé car il ne s'agit pas d'un produit dérivé du sang), soit solution colloïde. L'administration de solution à base de colloïdes, comme l'albumine ou l'HEA a été préconisée en raison de 2 avantages théoriques potentiels par rapport aux solutés salés :
- une expansion volémique plus rapide, dans la mesure où la solution colloïde reste dans l'espace vasculaire par opposition aux solutés salés dont les 2/3 environ rentrent dans l'interstitium et
- un risque moindre d'oedème pulmonaire en raison de labsence d'hypoalbuminémie dilutionnelle.
Cependant un grand nombre d'essais contrôlés ont montré l'absence de différence en mortalité entre l'administration de solutés cristalloïdes ou colloïdes. Les solutions à base de colloïdes ne sont en particulier pas plus efficaces pour préserver la fonction pulmonaire. Par contre, les solutés salés peuvent induire une hypoalbuminémie aiguë favorisant la constitution d'oedèmes périphériques, ce qui constitue un inconvénient cosmétique mais sans risque vital.
Les solutés salés sont aussi efficaces pour expandre le volume plasmatique mais une quantité 2,5 à 3 fois supérieure de solutés salés doit être administrée en raison de la distribution extravasculaire. Ceci n'est cependant ni gênant, ni délétère dans la mesure où toute perte liquidienne comporte également un déficit en fluide interstitiel qui est donc corrigé par l'administration de soluté salé.
En conclusion, les solutés salés isotoniques sont généralement préférés chez les patients ayant une déplétion volémique sévère sauf peut-être dans le cas de déplétion liée à une hémorragie aiguë. Les solutés salés sont à la fois aussi sûrs et efficaces que les solutions à base de colloïdes et beaucoup moins chers.
Certains des patients avec une hypoperfusion marquée peuvent développer une acidose lactique aboutissant à une réduction du pH extracellulaire en-dessous de 7,10. Du bicarbonate de sodium peut être ajouté au liquide de substitution dans ce contexte pour essayer de corriger à la fois l'acidémie et le déficit volémique. Cependant l'efficacité du traitement alcalin au cours de l'acidose lactique reste controversé. De plus dans ce cas le monitorage précis de l'équilibre acide-base nécessite la détermination des gaz du sang à la fois veineux et artériel.