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OBJECTIFS
- Reconnaître les manifestations variées de l'hyperparathyroidie primitive
- Eliminer les autres causes d'hypercalcémies
- Evaluer l'intéret du traitement chirurgical versus médical
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PLAN DU CHAPITRE
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L'hyperparathyroïdie primitive est une affection caractérisée par une régulation anormale de la sécrétion de la parathormone (PTH) par le calcium. Cette affection résulte le plus souvent d'une prolifération monoclonale de cellules parathyroïdiennes aboutissant à la formation d'adénomes hypersécrétants. L'incidence annuelle est estimée à environ 4/100 000 habitants, la très grande majorité des cas survenant après 45 ans et deux fois plus souvent chez la femme que chez l'homme (surtout après la ménopause).
Présentation de lhyperparathyroidie primitive
L'hyperparathyroïdie primitive peut être révélée dans 4 circonstances : elle peut être asymptomatique et découverte à l'occasion d'un examen biologique fortuit; elle peut induire symptomes liés à l'hypercalcémie; elle peut être associée à des manifestations symptomatiques rénales ou osseuses; et plus rarement, peut se présenter sous la forme d'une crise aigüe hyperparathyroïdienne.
Hyperparathyroïdie asymptomatique : Environ 80 % des patients avec une hyperparathyroïdie primitive sont actuellement détectés par des examens biologiques fortuits. Ces patients ont généralement peu ou pas de symptomes d'hyperparathyroïdie ou d'hypercalcémie et la calcémie moyenne est inférieure à 2.9 mmol/l (115 mg/l).
Hyperparathyroïdie symptomatique :
Les symptomes de l'hyperparathyroïdie primitive dépendent à la fois de l'augmentation de la sécrétion de parathormone et de l'hypercalcémie.
Les manifestations osseuses (ostéïte fibreuse kystique, tumeurs brunes) sont devenues maintenant très rares et retrouvées seulement chez des patients ayant une maladie sévère prolongée. La résorption osseuse sous-périostée au niveau de la deuxième phalange est le signe radiologique le plus sensible d'hyperparathyroïdie primitive. En densitométrie osseuse, la plupart des patients ont une ostéopénie notamment au niveau de l'os cortical.
Les manifestations cliniques les plus importantes de l'hyperparathyroïdie primitive sont la lithiase rénale, l'insuffisance rénale chronique et toute une série d'anomalies et de la fonction tubulaire.
- La lithiase urinaire survient chez les patients ayant une hypercalcémie chronique. Presque tous ces patients ont une hyperparathyroïdie primitive. Les lithiases rénales surviennent chez environ 20 % des patients ayant une hyperparathyroïdie primitive. Inversement une hyperparathyroïdie primitive doit être suspectée chez des patients ayant des lithiases rénales mais normocalcémiques avec des valeurs normales-hautes de calcémie. La lithiase urinaire est oxalo-calcique dans plus de 2/3 des cas d'hyperparathyroïdie primitive. Les principaux facteurs favorisant la lithiase sont l'hypercalciurie et la diminution de l'apport hydrique. L'hypercalciurie survient chez 40% des patients avec une hyperparathyroïdie primitive.
- D'autres anomalies du métabolisme hydrominéral peuvent être constatées au cours de l'hyperparathyroïdie primitive : une hypophosphatémie liée à l'inhibition de la réabsorption proximale tubulaire de phosphate sous l'influence de la PTH (phosphaturie augmentée, magnésurie légèrement augmentée, acidose métabolique modérée) généralement associée à une insuffisance rénale.
- Linsuffisance rénale est une complication de lhyperparathyroïdie primitive directement liée au degré et à la durée de lhypercalcémie.
Manifestations cardiaque, rhumatologique, neuropsychiatrique en rapport avec lhypercalcémie (voir la page "Hypercalcémies")
Crise aigüe parathyroïdienne :
Environ 1 à 2 % des patients ayant une hyperparathyroïdie primitive de longue durée et non traitée développent une crise aigüe parathyroïdienne caractéristée par une hypercalcémie sévère (calcémie > 3.8 mmol/l soit 150 mg/l) et des symptomes marqués dhypercalcémie notamment des troubles neuropsychiatriques. Il sagit habituellement de sujets âgés de plus de 55 ans dont la présentation clinique est un syndrome confusionnel une fois sur deux et un coma dans lautre moitié des cas, 70 % ont une atteinte osseuse radiographique, 50 % une lithiase urinaire et la concentration de PTH est en moyenne 20 fois à la limite supérieure de la normale. Un quart de ces patients ont une notion dhypercalcémie dans les dix années.
Les autres manifestations cliniques comportent des douleurs abdominales, des troubles digestifs parfois pseudo-chirurgicaux, un ulcère gastrique ou duodénal et une pancréatite.
Un facteur déclenchant est retrouvé environ une fois sur deux notamment toute maladie intercurrente aboutissant à la réduction des apports hydriques ou à une perte hydrique exagérée. La contraction volémique qui s'ensuit est considérée comme le facteur majeur précipitant l'hypercalcémie. Chez quelques patients, la crise est attribuée à un infarctus d'un adénome parathyroïdien. Pratiquement tous ces patients ont un adénome parathyroïdien dont la taille correspondant grossièrement au degré d'hypercalcémie.
Le traitement d'urgence fait appel à une correction de la déplétion volémique et de l'hypercalcémie (réhydratation par du soluté salé isotonique et diurétiques de l'anse). C'est dans ces cas, qu'il est parfois nécessaire de réaliser des hémodialyses d'urgence (avec dialysat appauvri en calcium) pour restaurer et normaliser la calcémie en attendant leffet du pamidronate dont l'efficacité est retardée de 2 à 3 jours. Cette période permet de préparer le malade à la chirurgie et de localiser l'adénome parathyroïdien dont seul l'ablation permet la résolution définitive des anomalies.
Etiologie de l'hyperparathyroïdie primitive
Dans un petit nombre de cas, une cause peut être identifiée à l'hyperparathyroïdie primitive, notamment une irradiation cervicale, généralement 30 à 40 ans avant le développement de l'hyperparathyroïdie (20 % des patients). Dans un petit nombre de cas, des anomalies chromosomiques ou génétiques peuvent être mises en évidence : les cellules parathyroïdiennes anormales à la fois adénomateuses et hyperplasiques sont habituellement monoclonales. Parmi les adénomes parathyroïdiens sporadiques, les anomalies spécifiques de tumeur semblent associées à la clonalité : inversion péricentrique du chromosome 11, défaut sur le gène MEN 1, délétions partielles sur le chromosome 1, anomalies du produit du gène du rétinoblastome.
L'adénome parathyroïdien simple représente 80 % des causes d'hyperparathyroïdie primitive et les adénomes doubles sont retrouvés dans 5 % supplémentaires. La plupart des adénomes sont constitués de cellules parathyroïdiennes principales, ils sont habituellement encapsulés et 50 % sont entourés par un tissu parathyroïdien normal.
L'hyperplasie glandulaire parathyroïdienne rend compte de 15 % environ des hyperparathyroïdies primitive : les 4 glandes sont hyperplasiques et constituées principalement de cellules principales. Le carcinome parathyroïdien représente 2 % des cas d'hyperparathyroïdie primitive. Le diagnostic histologique n'est pas toujours facile et nécessite des critères bien définis (diffusion, métastases).
Certaines formes d'hyperparathyroïdie primitive sont familiales, notamment les hyperplasies faisant partie d'un syndrome MEN de type 1 ou de type 2, les hyperparathyroïdies primitives familiales sans association avec d'autres syndromes endocriniens et l'adénomatose parathyroïdienne kystique familiale.
Environ 10 à 20 % des patients prenant un traitement chronique par le lithium développent une hypercalcémie et un certain nombre de ces patients ont une augmentation de la concentration sérique de PTH et une augmentation du volume des glandes parathyroïdes. Il semble que le lithium exerce un effet direct sur la dynamique de la régulation de la sécrétion de parathormone et qu'il démasque une hyperparathyroïdie franche seulement dans une faible fraction des sujets prédisposés à cette maladie.
Diagnostic de l'hyperparathyroïdie primitive
Le diagnostic d'hyperparathyroïdie primitive est habituellement fait devant la constatation d'une hypercalcémie retrouvée de façon persistante. Une élévation de la concentration sérique de PTH est parfois associée à une calcémie normale chez 10 à 20 % des patients et peut dans certains cas être liée à une carence en vitamine B. Environ 90 % des patients avec une hyperparathyroïdie primitive ont une augmentation des concentrations sériques de PTH (valeur normale 10 à 60 pg/ml). Chez les patients ayant une hyperparathyroïdie primitive asymptomatique, les valeurs moyennes de calcémie et de PTH sont de 2,8 mmol/l (110 mg/l) et 120 pmol/ml respectivement. Environ 10 à 20 % des patients ont des valeurs de PTH sérique très modérément élevées ou normales entre 35 et 65 pmol/ml. Ces valeurs normales sont inappropriées au degré d'hypercalcémie. Les patients ayant une hypercalcémie non parathyroïdienne ont virtuellement toujours une valeur de PTH en-dessous de 25 pmol/ml.
D'autres anomalies biologiques sont habituellement observées au cours de l'hyperparathyroïdie primitive mais n'apportent pas d'élément supplémentaire pour le diagnostic : hypercalciurie chez 40 % des patients, fraction d'excrétion du calcium généralement supérieure à 0,01, augmentation de la concentration de calcitriol, liée à la stimulation de la 1-alpha-hydroxylase au niveau du rein, augmentation des marqueurs de remodelage osseux (ostéocalcine, phosphatase alcaline osseuse, fragments du collagène).
Diagnostic différentiel
L'hyperparathyroïdie primitive est la cause la plus fréquente d'hypercalcémie chez des patients ambulatoires alors que les cancers sont plus fréquents chez les patients hypercalcémiques hospitalisés. Le principal diagnostic différentiel est l'hypercalcémie néoplasique, elle-même le plus souvent liée à une hypersécrétion de PTHrp. Le diagnostic de cancer est habituellement cliniquement évident au stade où il se complique d'hypercalcémie. Les patients ayant une hypercalcémie néoplasique ont invariablement une concentration sérique de PTH effondrée inférieure à 25 pg/ml à moins d'avoir une hyperparathyroïdie coexistante, situation qui survient chez 5 à 10 % des patients ayant une hypercalcémie néoplasique.
L'hypercalcémie familiale hypocalciurique est une situation rare, caractérisée par une anomalie génétique du récepteur calcium sensible de la surface des cellules parathyroïdiennes et du rein. L'histoire familiale d'hypercalcémie, l'absence de symptôme sont généralement évocateurs de cette maladie rare. L'effondrement du calcium urinaire explique l'absence de complication rénale (lithiase urinaire, néphrocalcinose) et permet le diagnostic différentiel : la fraction d'excrétion du calcium est inférieure à 0,01 chez plus de 85 % des patients. La PTH sérique est normale. Ces malades ne doivent pas avoir dintervention cervicale.
Traitements
La majorité des patients ayant une hyperparathyroïdie primitive dépistée par hasard sont des femmes de plus de 50 ans et environ 80 % de celles-ci ont peu ou pas de symptôme. Ces constations remettent en question l'intérêt d'un dépistage de l'hypercalcémie et aussi l'intérêt d'un traitement chirurgical par rapport à la simple surveillance.
A l'issue d'une réunion dite de consensus (National Institute of Health 1991), la correction chirurgicale de l'hyperparathyroïdie primitive est indiquée dans les situations suivantes :
- calcémie supérieure à 3 mmol (120 mg/l),
- hypercalciurie supérieure à 10 mmol/jour (400 mg/jour),
- hyperparathyroïdie compliquée quel que soit l'âge (ostéite kystique fibreuse, néphrocalcinose, lithiase urinaire ou maladie neuromusculaire franche),
- symptomatologie gênante (faiblesse musculaire, dépression, anémie inexpliquée, chondrocalcinose et pseudo-goutte),
- patients âgés de moins de 50 ans (pour éviter une surveillance prolongée pendant des années avec le risque de perte de vue).
Selon ces critères, environ 50 % des patients sont justiciables d'une intervention chirurgicale. Certains recommandent également l'intervention lorsque la densitométrie osseuse montre une diminution de la densité osseuse de plus de 1,5 ou 2 déviations standards en-dessous de la normale après ajustement pour l'âge et le sexe. Cette indication est cependant plus controversée.
Le traitement médical conservateur est indiqué chez les patients asymptomatiques ou peu symptomatiques de plus de 50 ans et dont la calcémie est inférieure à 3 mmol/l (120 mg/l) et chez les patients qui sont en mauvais état général ou refusent la chirurgie.
Traitement médical de l'hyperparathyroïdie primitive
Le traitement médical comporte des mesures préventives et un traitement médicamenteux. Les mesures préventives comportent l'éviction des facteurs qui peuvent aggraver l'hypercalcémie, notamment les traitements diurétiques thiazidiques, par lithium, la déshydratation, linactivité physique ou un régime riche en calcium. Inversement, il faut encourager une activité physique modérée, une hydratation adéquate et un apport alimentaire en calcium modéré environ 1 g par jour. Une surveillance biologique doit être réalisée tous les 6 mois.
Le traitement médicamenteux fait appel à l'estrogénothérapie substitutive chez les femmes post-ménopausées avec une hyperparathyroïdie primitive en raison de sa capacité à réduire la résorption osseuse. Globalement l'estrogénothérapie augmente la densité osseuse (corps entier et avant-bras), diminue d'environ 45 % l'excrétion urinaire de calcium et de façon variable la calcémie (baisse maximale de 0,24 mmol/l). La PTH nest pas modifiée. Les biphosphonates constituent une alternative pour le traitement médical au long terme de l'hypercalcémie des patients ayant une hyperparathyroïdie primitive. Lalandronate par voie orale va probablement devenir le médicament de choix dans cette indication (ostéoprose postménopausique ou pas, liée à un excès de PTH ou non).
Traitement chirurgical L'intérêt d'une localisation préopératoire de l'adénome reste controversé. Cette localisation est probablement importante dans la mesure où il existe 5 % d'adénomes doubles et 15 % d'hyperplasie diffuse. En cas d'adénome, l'échographie cervicale et la RMN ont une valeur prédictive de 40 à 80 %. Les résultats sont meilleurs avec la double scintigraphie de soustraction (scintigraphie au technitium 99m-sestamibi et soustraction par une scintigraphie thyroïdienne à l'iode 123). Cet examen a une valeur prédictive d'environ 90 à 100 % et permet de plus de détecter les adénomes multiples ou médiastinaux. La localisation préopératoire permettrait également de limiter le geste à une exploration cervicale unilatérale dans 60 à 70 % des cas.
Actuellement, l'intervention consiste en une exploration cervicale bilatérale avec ou sans localisation préopératoire. La glande contenant l'adénome parathyroïdien est enlevée et les 3 autres glandes sont biopsiées. Pour une hyperplasie des 4 glandes, une parathyroïdectomie subtotale est réalisée, 3 glandes et demi sont enlevées, la moitié de la glande d'apparence la plus normale est laissée en place avec un clip pour repérage ultérieur.
Une nouvelle approche chirurgicale avec exploration unilatérale initiale a été également proposée. Cette approche est basée sur le fait que si lon découvre un adénome parathyroïdien et une autre glande normale du même côté, l'exploration cervicale controlatérale est probablement inutile (car statistiquement il y a ~95 % de chances que les deux glandes controlatérales soient normales). Une telle approche permet théoriquement de diminuer la morbidité opératoire (hypoparathyroïdie à distance et lésions du nerf récurent). Il y a cependant un risque de 7 à 8 % de manquer un adénome double ou une hyperplasie asymétrique.
Hyperparathyroïdie récurrente ou persistante
Dans ce cas, la rentabilité d'une deuxième intervention est fortement améliorée par une localisation préopératoire. Il est important de noter que la mise en évidence sur les examens radiologiques d'un adénome simple n'exclue pas la possibilité d'autres anomalies parathyroïdiennes : environ 30 % des patients devant être réopérés ont une hyperplasie glandulaire multiple. La localisation préopératoire avant une réintervention doit inclure au moins 2 techniques d'imagerie : échographie cervicale ou RMN et une double scintigraphie de soustraction. Certains pratiquent en outre une aspiration à l'aiguille fine à la recherche de tissu parathyroïdien (sensibilité, spécificité de 100 et 70 % respectivement). Si au moins 2 techniques d'imagerie sont concordantes et qu'il n'y a pas d'examen discordant, la chirurgie peut être entreprise. En cas de résultats discordants des examens plus invasifs peuvent être réalisés, notamment un cathétérisme angiographie avec prélèvements étagés.
Dans les cas complexes, une localisation peropératoire peut être réalisée, celle-ci étant orientée par l'imagerie préopératoire. Un dosage de l'iPTH est réalisé en peropératoire avant l'arrêt de l'anesthésie. En raison de la très courte demi-vie de la PTH (3 à 4 minutes), il est possible de savoir si l'exérèse complète du tissu parathyroïdien pathologique a été réalisé. Cette technique permet globalement de réduire la durée de l'intervention.
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Mise-à-jour : jeudi 28 juin 2001
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