Environ 40 % du calcium circulant est lié à l'albumine. Ainsi toute hypoalbuminémie diminue la concentration de calcium sérique d'environ 8 mg/l ou 0,2 mmol/l pour chaque réduction de 10 g/l de l'albumine sérique. Cette diminution de la calcémie totale se fait sans modifier la concentration de calcium ionisé libre qui est le calcium régulé et physiologiquement actif. Ces patients ne sont donc pas réellement hypocalcémiques. Ces fausses hypocalcémies liées à lhypoalbuminémie s'observent notamment chez environ 80% des patients de réanimation ou en situation postchirurgicale.
Diagnostic étiologique des hypocalcémies
La chélation intravasculaire de calcium peut survenir avec l'utilisation de substances telles que le citrate, le lactate, le foscarnet, le DTPA qui réduisent la concentration de calcium ionisé sans modifier la calcémie totale. L'alcalose respiratoire aiguë agit de façon similaire en augmentant la liaison du calcium à l'albumine et en réduisant la concentration de calcium ionisé. Une hypocalcémie symptomatique survient rarement à l'occasion de transfusion de sang ou de plasma citraté sauf lorsque le métabolisme du citrate est altéré en raison d'une insuffisance rénale ou hépatique ou lorsque de très grandes quantités de citrate sont administrées rapidement par exemple lors d'échanges plasmatiques ou de transfusions sanguines massives.
L'hyperphosphatémie due à une insuffisance rénale, à l'administration de phosphate, à une rhabdomyolyse ou une lyse tumorale peut causer une hypocalcémie aiguë. En cas d'hyperphosphatémie aiguë, le calcium se dépose probablement en grande partie dans l'os mais aussi dans les tissus extrasquelettiques. En cas d'hyperphosphatémie chronique, ce qui est presque toujours due à une insuffisance rénale chronique, le risque de calcifications extra-osseuses augmente notamment en raison de la réduction de synthèse de calcitriol et/ou lorsque l'os est adynamique.
L'hypocalcémie est fréquente au cours de la pancréatite aiguë et liée essentiellement à la précipitation de sels de calcium dans la cavité abdominale. Certains patients ayant des métastases ostéoblastiques, notamment des patients avec un cancer du sein ou de la prostate peuvent développer une hypocalcémie présumée liée à la déposition de calcium dans les métastases. L'hypocalcémie liée à une captation osseuse exagérée peut également s'observer dans le syndrome dit des "os affamés" (hungry-bone disease) qui survient après parathyroïdectomie pour hyperparathyroïdie primitive ou secondaire et beaucoup plus rarement après thyroïdectomie chez des patients hyperthyroïdiens ou encore lors du traitement d'une acidose métabolique de longue durée.
L'hypocalcémie est une conséquence habituelle d'une diminution de la sécrétion de l'action soit de parathormone, soit des métabolites actifs de la vitamine D. Ces deux hormones interviennent dans le maintien de la calcémie physiologique et leurs effets sont interpénétrés : ainsi la conversion rénale de calcidiol en calcitriol est stimulée par la parathormone et l'action de la parathormone sur l'os nécessite la présence de calcitriol. Le calcitriol inhibe directement la sécrétion de parathormone.
La principale cause d'hypoparathyroïdie acquise est l'hypoparathyroïdie postchirurgicale survenant après intervention sur la parathyroïde ou la thyroïde ou après chirurgie cervicale radicale pour des cancers ORL. L'hypoparathyroïdie est relativement fréquente après la thyroïdectomie pour carcinome de la thyroïde (1 ou 2 % des patients). L'hypoparathyroïdie postchirurgicale peut être transitoire avec une récupération avec un délai variable ou permanente.
L'hypoparathyroïdie autoimmune représente la principale cause de ce qui était appelé auparavant hypothyroïdie idiopathique. L'hypoparathyroïdie autoimmune est une maladie familiale associée à une candidiase muco-cutané-chronique, une insuffisance surrénale et survenant dans le cadre d'un syndrome autoimmun polyendocrinien de type 1. Environ 2/3 des patients atteints de cette maladie ont des autoanticorps dirigés contre le récepteur-senseur du calcium dans la glande parathyroïde. Ces autoanticorps peuvent diminuer la sécrétion de PTH lorsqu'ils sont capables d'activer le récepteur-senseur au calcium.
Certaines formes plus rares d'hypoparathyroïdie sporadique "idiopathique" correspondent à des mutations activatrices du récepteur-senseur du calcium.
D'autres hypoparathyroïdies acquises, très rares correspondent à des maladies de dépôts des glandes parathyroïdiennes (hémocromatose, maladie de Wilson, granulome ou cancer métastatique).
La principale et plus fréquente forme génétique d'hypoparathyroïdie est l'hypocalcémie autosomale dominante. Cette maladie est caractérisée par une hypocalcémie légère à modérée, une excrétion de calcium urinaire élevée mais inappropriée au degré de calcémie et une concentration de parathormone normale donc trop basse de façon inappropriée au degré de calcémie. Cette maladie est liée à des mutations activatrices du gène du récepteur-censeur au calcium de la glande parathyroïdienne, si bien que la sécrétion de parathormone n'augmente pas de façon appropriée au degré d'hypocalcémie.
D'autres formes rarissimes d'hypoparathyroïdie génétique ont été décrites avec différentes formes de transmission et correspondant à différentes mutations soit de la séquence signal de la pré proPTH, soit la perte du peptide signal de la PTH, soit dans le cadre d'une délétion partielle du chromosome 22 (syndrome de Di George) associant entre autres hypoparathyroïdie, aplasie thymique, hypoplasie et diverses malformations cardiaques.
L'action de la parathormone sur l'os et le rein est médiée en grande partie par lAMPcyclique (AMPc) qui est généré en réponse à la liaison de la parathormone sur son récepteur, via l'activation d'une protéine G stimulatrice. Ce processus est magnésium-dépendant. La résistance tissulaire à des concentrations normales ou élevées de parathormone circulante s'observe chez des patients ayant soit une hypomagnésémie sévère, soit plus rarement au cours de plusieurs formes de pseudo-hypoparathyroïdie. La plupart des patients ayant un pseudo-hypoparathyroïdie ont en plus de l'hypocalcémie une concentration circulante élevée de parathormone, une hyperphosphatémie et des concentrations basses de calcitriol suggestives de résistance à l'ensemble des actions de la parathormone.
La pseudo-hypoparathyroïdie de type 1 est caractérisé par une diminution de la production d'AMP cyclique en réponse à l'hormone parathyroïdienne. La plupart sinon tous les patients ayant la forme la plus commune (type 1A) ont une mutation du gène codant pour la protéine stimulatrice GSa1 du complexe adénylate-cyclase (GNAS 1). Phénotypiquement, ces patients se présentent avec un faciès lunaire, arrondi, une petite taille, un retard mental, des calcifications ganglionnaires basales et une bradymétacarpie-métatarsie des 4 et 5ème doigts (ostéodystrophie héréditaire d'Albright).
Ce phénotype peut être hérité de façon dissociée de la résistance à la parathormone. Lorsque ce phénotype survient en l'absence d'hypocalcémie, il est appelé pseudo-pseudo-hypoparathyroïdie et n'est pas associé aux mutations de GNAS 1. Dans certains cas, la résistance à la PTH est confinée à certains organes, notamment le rein et ceci semble dépendre du type de transmission maternelle ou paternelle.
La pseudo-hypoparathyroïdie de type 2 est caractérisé par une augmentation normale de la production d'AMP cyclique en réponse à une stimulation parathyroïdienne mais une diminution de la réponse phosphaturique à la parathormone. Le défaut est lié à une résistance à l'effet intracellulaire de l'AMP cyclique, peut-être lié à une protéine-kinase AMPc- dépendante défective.
Une déplétion en magnésium induit une hypocalcémie par différents mécanismes. L'hypomagnésémie induit une résistance à l'effet de la parathormone lorsque la concentration de magnésium sérique diminue en-dessous de 0,4 mmol/l (10 mg/l). Le second mécanisme est une diminution de la sécrétion de parathormone qui s'observe chez des patients ayant une hypomagnésémie encore plus sévère.
Les malabsorptions intestinales, l'alcoolisme chronique et les traitements par cisplatine sont les principales causes d'hypomagnésémie. Celle-ci peut également s'observer au cours des administrations parentérales prolongées, des traitements diurétiques et des traitements par aminoglycosides. Malgré la résistance à la parathormone, la plupart des patients avec une hypomagnésémie ont des concentrations sériques de phosphate normales ou basses probablement en raison d'un apport alimentaire réduit. Dans toutes ces situations, l'hypocalcémie ne peut être corrigée par des apports en calcium mais par une supplémentation en magnésium.
La diminution de production ou d'activité de la vitamine D est une cause plus fréquente d'hypocalcémie que les anomalies de la parathormone.
Les principales causes de déficit en vitamine D sont un apport alimentaire insuffisant ou une malabsorption, une diminution de la 25-hydroxylation hépatique de la vitamine D en calcidiol ou laugmentation du métabolisme en métabolites inactifs (certains anticonvulsivants). La vitamine D est une vitamine liposoluble qui peut être malabsorbée en particulier au cours des maladies hépatiques chroniques et de la cirrhose biliaire primitive.
Le défaut de 1a-hydroxylation rénale du calcidiol en calcitriol est le principal facteur responsable de l'hypocalcémie observée au cours des réductions de masse rénale et donc de toute insuffisance rénale. L'augmentation de la concentration de phophates sériques diminue l'activité de la 1a-hydroxylase et contribue également à l'hypocalcitriolémie.
L'ensemble de ces situations d'hypocalcémie liée à une hypovitaminose D sont classiquement associées à une hypophosphatémie à l'exception de l'insuffisance rénale chronique avancée.