Le terme "rachitisme vitamine D-résistant" a été initialement utilisé pour décrire un syndrome associant une hypophosphatémie et un rachitisme ou une ostéomalacie ressemblant à un déficit en vitamine D mais ne répondant pas aux doses physiologiques substitutives de vitamine D. La plupart de ces cas étaient liés à une fuite rénale de phosphate, ce qui a entraîné le nom alternatif de "diabète phosphaté". Dans la mesure où le problème essentiel est la fuite rénale de phosphate et non pas une véritable résistance à la vitamine D, cette affection est actuellement appelée "rachitisme héréditaire hypophosphatémique".
La véritable résistance à la vitamine D est principalement due à un défaut héréditaire du récepteur au calcitriol. A la différence des syndromes de fuite rénale de phosphate primitive, la résistance à la vitamine D est caractérisé par une hypocalcémie associée à l'hypophosphatémie.
2. Rachitisme hypophosphatémique lié à l'X et ostéomalacie oncogénique
Le rachitisme hypophosphatémique lié à l'X qui avait été autrefois appelé " rachitisme vitamine D-résistant classique" se manifeste par une hypophosphatémie sévère avec phosphaturie résultant d'un défaut sélectif du transport tubulaire rénal du phosphate associé à la mutation du gène PHEX.
Cette affection est transmise selon un mode dominant lié à l'X si bien que les garçons et les filles sont affectés. Le gène muté encode une protéine qui partage des homologies avec l'enzyme de conversion de l'endothéline, l'antigène Kell et l'endopeptidase neutre. Ce gène est appelé PHEX (pour Phosphate regulating gene with Homology to Endopeptidase and the X chromosome). Le produit du gène est une glycoprotéine de membrane de type II possédant une activité endopeptidase. Cette protéine est exprimée chez l'homme dans le rein, l'os et d'autres tissus. La fonction physiologique de la protéine PHEX pourrait être d'activer une hormone favorisant la rétention de phosphates ou dinactiver une hormone phosphaturiante, hormone appelée phosphatonine.
Il existe également des formes acquises de cette affection qui représentent soit une mutation spontanée, soit plus exceptionnellement en association avec une tumeur généralement mésenchymateuse, souvent un hémangiome du type sclérosant. La forme induite par une tumeur est appelée "ostéomalacie hypophosphatémique oncogénique" ou encore plus simplement "ostéomalacie oncogénique".
Dans le rachitisme hypophosphatémique lié à l'X et l'ostéomalacie oncogénique, un rachitisme et une ostéomalacie sévère sont les manifestations cliniques principales et peuvent entraîner un retard de croissance lorsque l'affection est présente au cours de l'enfance. L'hypertension et l'hypertrophie ventriculaire gauche sont fréquentes mais il n'est pas encore déterminé si ces anomalies sont liées à la maladie elle-même ou aux conséquences du traitement.
Le métabolisme de la vitamine D est anormal dans ces affections. Alors que la concentration plasmatique de calcitriol devrait être élevée en présence de l'hypophosphatémie, celle-ci est au contraire normale, voire même légèrement réduite chez les enfants atteints de rachitisme hypophosphatémique lié à l'X et franchement abaissée chez les patients avec une ostéomalacie oncogénique. Il en résulte que l'excrétion urinaire de calcium n'est pas augmentée et peut même être réduite. Ainsi le défaut tubulaire sous-jacent qui altère la réabsorption de phosphate semble également affecter la synthèse de calcitriol (régulation défectueuse de la 1-alpha-hydroxylase rénale).
Une forme de rachitisme ou d'ostéomalacie avec fuite rénale de phosphate mais transmise selon un mode autosomique dominant a été également rapportée. Ces patients adolescents ou adultes jeunes ont des douleurs osseuses, une faiblesse musculaire et des fractures et dans certains cas des déformations des extrémités des membres inférieurs. Le gène de cette affection est lié au chromosome 12p13 mais le produit de ce gène et sa fonction restent actuellement inconnus.
L'atteinte osseuse est principalement la conséquence de l'hypophosphatémie si bien que le but du traitement est de normaliser la phosphatémie par une supplémentation en phosphate. Dans la mesure où l'élévation de la phosphatémie diminue la concentration plasmatique de calcium ionisé et réduit davantage la concentration plasmatique de calcitriol, il existe alors un risque d'hyperparathyroïdie secondaire qui peut aggraver l'atteinte osseuse et augmenter l'excrétion urinaire de phosphate. Il est donc nécessaire de supplémenter en calcitriol en plus du phosphate. Le recours à l'hormone de croissance peut s'avérer également bénéfique chez les enfants avec un retard de croissance important.
Le traitement se complique volontiers de néphrocalcinose et d'hyperparathyroïdie tertiaire. La néphrocalcinose est présente chez 80 % des patients avec un rachitisme hypophosphatémique lié à l'X et peut dans certains cas entraîner une insuffisance rénale. Cette néphrocalcinose semble liée à des épisodes intermittents et méconnus d'hypercalcémie ou d'hypercalciurie résultant de posologies excessives de caltriciol et/ou d'une compliance inadéquate avec la supplémentation orale en phosphate. L'hyperparathyroïdie est une complication tardive survenant chez des patients traités par de trop fortes doses de phosphate complexant le calcium circulant. L'hypocalcémie prolongée persistante stimule l'hyperparathyroïdie secondaire malgré la supplémentation en calcitriol. Une hyperparathyroïdie autonome tertiaire peut alors survenir.
3. Rachitismes hypophosphatémiques avec hypercalciurie
3.1. Dans un variant inhabituel de rachitisme hypophosphatémique transmis selon un mode autosomique, l'anomalie est restreinte au transport du phosphate alors que les concentrations plasmatiques de calcitriol sont normales ou élevées de façon appropriée à l'hypophosphatémie. Il existe une hypercalciurie probablement médiée par le calcitriol et l'augmentation de l'absorption intestinale de calcium. Ce syndrome est appelé rachitisme hypophosphatémique héréditaire avec hypercalciurie. Ces maladies ont été identifiées dans des familles bédouines qui présentent un très haut degré de consanguinité et chez lesquelles un mode de transport de transmission autosomique récessif est vraisemblable. Le défaut sous-jacent pourrait être une perte de fonction du cotransporteur sodium-phosphate dans la membrane apicale qui est codé sur le chromosome 5.
L'ostéomalacie ou le rachitisme en sont les manifestations cliniques lors de la présentation chez la plupart des patients. Cependant des formes frustes peuvent être méconnues si l'hypophosphatémie est plus modérée : de tels patients se présentent alors avec une hypercalciurie et des calculs rénaux mais pas de signe d'atteinte osseuse. Les caractéristiques des femmes hétérozygotes atteintes de cette affection sont en particulier similaires à celles des patients avec une hypercalciurie idiopathique.
Toutes les manifestations du syndrome sont corrigées par une supplémentation en phosphate. La supplémentation en calcitriol est contre-indiquée en raison de lhypercalciurie.
3.2. Un syndrome héréditaire de néphrocalcinose a été identifié dans plusieurs familles et appelé selon les cas "maladie de Dent", "néphrolithiase récessive liée à l'X", "rachitisme hypophosphatémique récessif lié à l'X" et enfin "protéinurie de bas poids moléculaire avec néphrocalcinose".
Tous ces syndromes liés à l'X doivent être comme des variants d'une seule maladie, qui sera appelée par la suite pour la simplicité, "maladie de Dent". En effet toutes les familles atteintes ont en commun un défaut génétique récessif lié à l'X sur un gène encodant un canal chlore appelé CLCN5.
Malgré la présence d'une mutation sur le même canal chlore, ces familles ont une expression phénotypique globalement similaire mais parfois légérement différente notamment en ce qui concerne la sévérité des déformations osseuses et le degré d'insuffisance rénale :
- La protéinurie constituée de protéines de petit poids moléculaire (protéinurie tubulaire) constitue lanomalie la plus constante, généralement abondante chez les hommes atteints et plus modérée chez les femmes vectrices.
- La forme habituelle est une néphrolithiase et/ou une néphrocalcinose avec une hypercalciurie et une insuffisance rénale progressive précoce. Le rachitisme est inconstant, de même que l'ostéomalacie mais dans certains cas ceux-ci peuvent être sévères.
- D'autres signes de réabsorption altérée des solubles dans le tube proximal sont présents comme une glycosurie rénale, une aminoacidurie, une fuite de phosphates mais qui sont variables et peuvent être intermittents.
- L'hypokaliémie tubulaire peut survenir chez certains patients.
- L'acidification urinaire est normale chez plus de 80 % des patients et généralement attribuée à l'hypercalciurie ou à la néphrocalcinose.
- La maladie apparemment ne récidive pas après transplantation rénale.
Le gène codant CLC5 appartient à une famille de gènes encodant pour les canaux chlore voltage-dépendants. Ces gènes comprennent CLC1, le gène du principal canal chlore musculaire qui est muté dans les myotonies de Tommsen et Becker et CLCKB, l'un des gènes dont la mutation inactivatrice est responsable de syndrome de Bartter "classique".
CLCN5 est exprimé essentiellement dans les cellules intercalaires de type A du tube collecteur et de façon plus limitée dans le tube proximal.
La contribution de ces anomalies du canal chlore dans les cellules du tube collecteur reste mal précisée car ces patients n'ont habituellement pas d'acidose tubulaire.
CLC5 est exprimé dans les endosomes sub-apicaux du tubule proximal et permet au chlore d'entrer dans les endosomes et de dissiper les charges positives générées durant l'acidification par les protons ATPase. L'altération de la fonction de ce canal pourrait limiter l'acidification endosomale et entraîner une réabsorption défectueuse des protéines. Ceci pourrait expliquer la protéinurie constituée de proteines de petit poids moléculaire. Il n'apparaît pas cependant clairement comment ce processus pourrait expliquer l'augmentation de l'absorption intestinale du calcium et l'élévation de la concentration de calcitriol (la 1-alpha-hydroxylase est cependant localisée dans les mitochondries des cellules tubulaires proximales). CLC5 est exprimé dans la branche ascendante large de l'anse de Henle qui est un site principal de la réabsorption rénale du calcium. Le rôle du canal dans la réabsorption du calcium ou dans la branche ascendante large de Henle reste à établir.