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OBJECTIFS

 
NephroHUS Online PLAN DU CHAPITRE

1. Définition

Le terme de néphropathie ischémique est défini par linsuffisance rénale chronique secondaire à une hypoperfusion ou une hypovascularisation prolongée des reins.

voir la figure Ischémie glomérulaire chronique en rapport avec une hypovascularisation prolongée du rein.
Ce terme a été initialement restreint à l'insuffisance rénale liée à une sténose bilatérale des artères rénales ou une sténose unilatérale sur rein fonctionnel unique. Ce terme a été par la suite étendu à d'autres affections vasculaires responsables d'une ischémie chronique des reins entraînant une insuffisance rénale :
  1. maladie rénale athéroembolique, suite à des embolies de cristaux de cholestérol,
    voir la figure Athérome sévère de l'aorte abdominale. Cet athérome peut affecter la fonction rénale de plusieurs façons : l'athérome empiète sur l'ostium des artères rénale, les plaques ulcérées aortiques sont le point de départ d'embolies de cristaux de cholestérol migrant en aval dans les reins.
  2. lésions vasculaires multiples segmentaires ou diffuses au cours de diverses affections rénales, notamment la néphropathie du diabète de type 2. Toutes ces affections vasculaires bilatérales des reins se comportent comme un équivalent fonctionnel de sténose artérielle tronculaire et peuvent être regroupées sous le dénominateur commun de "sténoses artérielles intrarénales".
    voir la figure Lésions ulcérée de l'ostium de l'artère rénale. Cette lésion peut être le point de départ d'embolies de cristaux de cholestérol dans le rein sans signes systémiques digestifs ou cutanés des membres inférieurs.
    voir la figure Hyalinose de l'artériole afférente au cours d'une HTA sévère mal controlée (néphroangiosclérose). Ces lésions préglomérulaires multiples sont responsables d'une ischémie glomérulaire d'aval intéressant la plus grande partie du rein
    voir la figure Artériolosclérose d'une petite artériole rénale oblitérée : même conséquences que précedemment, ischémie glomérulaire d'aval et insuffisance rénale chronique.


La néphropathie ischémique liée à une sténose bilatérale des artères rénales est une affection de plus en plus reconnue et potentiellement réversible. La néphropathie ischémique par sténose bilatérale des artères rénales serait responsable de 5 à 22 % des formes d'insuffisance rénale terminale survenant chez les patients de plus de 50 ans. Le pronostic de ces patients est globalement sombre en raison des atteintes extrarénales associées, coronaires, cérébrales ou artériopathies oblitérantes des membres inférieurs. Il est important également de rappeler que quelques uns de ces patients avec une sténose bilatérale des artères rénales sont normotendus si bien que l'absence d'hypertension artérielle ne permet pas d'exclure cette affection. En cas de sténose de l'artère rénale uni- ou bilatérale sans hypertension artérielle, on parle de maladie rénovasculaire. Ces formes sans hypertension artérielle pourraient représenter jusqu'à 25 % des atteintes sténosantes artérielles rénales.

2. Circonstances de découverte

Le diagnostic de maladie rénovasculaire athéromateuse est souvent suspecté à partir de l'histoire clinique. Comme pour l'hypertension rénovasculaire, les éléments suggérant la néphropathie ischémique sont :

  1. l'hypertension artérielle de caractère sévère ou réfractaire,
  2. une élévation aiguë de la pression artérielle,
  3. l'asymétrie de taille des reins,
  4. la survenue d'épisodes de flash OAP
  5. une créatinine plasmatique supérieure à 132 µmol/l
  6. l'augmentation de la concentration de créatinine plasmatique notamment après l'administration d'un inhibiteur de l'enzyme de conversion.

En l'absence d'hypertension artérielle ou lorsque l'hypertension artérielle est seulement légère à modérée, certains indices cliniques orientent vers la néphropathie ischémique :

  1. sujet de race blanche de + de 50 ans,
  2. fumeur,
  3. notion d'insuffisance rénale progressive avec occasionnellement une détérioration aiguë, voire une anurie lorsque survient l'occlusion complète d'une artère rénale.
  4. protéinurie absente ou de faible abondance, sédiment urinaire normal.

L'évolution chez ces patients est globalement effroyable, le taux de mortalité d'origine cardiovasculaire est très important pendant la phase dinsuffisance rénale précédant lépuration extra-rénale. En dialyse, le taux de survie est de - 50 % à 3 ans et inférieur à 20 % à 5 ans.

3. Diagnostic

Le diagnostic de néphropathie ischémique par sténose bilatérale des artères rénales repose comme dans l'hypertension rénovasculaire sur l'artériographie rénale. Le dépistage par des examens moins invasifs est particulièrement important mais rendu plus difficile par le caractère bilatéral des lésions rénales, ce qui fait que la plupart des tests basés sur l'asymétrie de sécrétion sont caduques. De plus l'interprétation de tous ces examens est fortement gênée par la diminution du débit sanguin rénal qui influence les résultats de la scintigraphie, de lécho-doppler, de l'angio-RMN et de l'angioscanner. L'angioscanner nécessite de surcroît des quantités de produit de contraste iodé susceptibles daggraver la fonction rénale chez certains de ces malades. L'échographie doppler et l'angio-RMN semblent représenter les meilleures formes de dépistage mais avec une sensibilité cependant insuffisante. L'artériographie rénale peut être effectuée avec du gadolinium au lieu de produit de contraste iodé pour limiter les conséquences fonctionnelles rénales délétères. Cependant le risque d'athéroembolies lié à la procédure artérielle doit toujours être pris en considération.

voir la figure Lésions athéromateuses sévères avec atteinte rénovasculaire bilatérale : sténose serrée proximale à droite, occlusion totale avec rein muet à gauche.
voir la figure Ischémie corticale sévère (en blanc) en rapport avec une thrombose d'une branche polaire.

4. Traitement

Le traitement vise à contrôler la pression artérielle mais aussi et surtout à préserver la fonction rénale.

    4.1. Traitement médical

Dans la sténose bilatérale des artères rénales, l'ischémie rénale bilatérale active le système rénine-angiotensine aldostérone et favorise la rétention hydrosodée avec une expansion volémique. Ces deux facteurs contribuent à l'augmentation de la pression artérielle. Il en résulte qu'il est difficile de contrôler l'hypertension artérielle chez la plupart des patients sans recourir à une association IEC ou bloqueurs AT1 et diurétiques.
Le problème principal lié à ces traitements est le risque dinsuffisance rénale aiguë fonctionnelle. Cette insuffisance rénale hémodynamique est liée à la suppression de la vasoconstriction post-glomérulaire par l'angiotensine II, ce qui diminue la pression capillaire glomérulaire et donc la pression d'ultra-filtration. Cet effet est plus prononcé lorsqu'il est associé à une déplétion volémique induite par les diurétiques. Une augmentation de la créatininémie est observée chez 1/3 à la moitié des patients avec une sténose de l'artère rénale bilatérale. Dans 5 à 10 % des cas environ, l'insuffisance rénale est très marquée et peut évoluer vers l'anurie. La fonction rénale s'améliore généralement après l'arrêt soit du diurétique, soit de l'IEC, soit des 2. Les patients ayant une aggravation de la fonction rénale lors de l'obtention d'un contrôle tensionnel satisfaisant sont a priori candidats à une revascularisation.
Un autre inconvénient lié au traitement médical est qu'il est incapable de prévenir la progression de l'athérosclérose. De plus, les patients ayant une maladie rénovasculaire bilatérale comprenant une artère totalement occluse ont un risque accru de progression. Parmi les patients survivant sur une période de 2 ans, plus de la moitié de ceux avec une occlusion unilatérale initiale progressent vers l'insuffisance rénale terminale (contre 18 % de ceux avec une sténose artérielle bilatérale mais sans occlusion initiale). Un autre problème est que la normalisation au long cours de la pression systémique puisse éventuellement aggraver l'atrophie ischémique en raison de la réduction de la pression de perfusion rénale distale à la sténose. Ce risque semble particulièrement plus important lors d'un traitement par IEC ou bloqueurs AT1.

voir la figure Atrophie polaire inférieure d'origine ischémique : occlusion de l'artère polaire inférieure d'origine athéromateuse.

    4.2. Effets de l'angioplastie percutanée sur la fonction rénale.

Plusieurs séries non contrôlées rapportent une amélioration dans 20 à 30 % des cas, une aggravation dans 20 à 30 % des cas et la stabilité dans les 40 - 50 % restant. A long terme, le bénéfice de l'angioplastie est mal apprécié et semble inférieur à celui de la chirurgie. Le recours à la mise en place de stent après la dilatation pourrait améliorer le taux initial de reperméabilisation et l'incidence d'amélioration de la fonction rénale. Le bénéfice en terme de réduction tensionnelle est cependant modeste.

    4.3. Chirurgie

Dans plusieurs séries non contrôlées, la chirurgie semble très efficace pour préserver la fonction rénale chez les patients ayant une maladie rénovasculaire bilatérale. Le taux de succès après revascularisation chirurgicale est de 80-90 % avec une diminution de la créatininémie chez environ 60 % des patients. Certains patients en dialyse peuvent s'améliorer, récupérant suffisamment pour pouvoir arrêter le traitement par dialyse.

Plusieurs procédés opératoires peuvent être utilisés. Le plus souvent il s'agit d'un court-circuit aortorénal, mais d'autres dérivations iléorénales, splénorénales ou hépatorénales peuvent être réalisées pour éviter de manipuler une aorte très athéromateuse. Une revascularisation d'une artère totalement occluse peut être tentée dans certains cas où le rein est présumé encore fonctionnel en raison d'une importante circulation collatérale. La décision de revasculariser une artère totalement occluse peut être prise lorsque l'un ou plusieurs des critères suivants sont présents :

  1. Visualisation du système collecteur soit sur une urographie intra-veineuse, soit sur la phase tardive d'une artériographie rénale.
  2. Reins de longueur supérieure ou égale à 9 cm.
  3. Présence de glomérules intacts sur une biopsie rénale extemporanée.

Parfois la chirurgie doit se limiter à l'ablation d'un rein atrophique non fonctionnel, conséquence d'une ischémie rénale prolongée.

La mortalité après chirurgie rénovasculaire est de 3 à 6 %, plus importante chez les patients avec une athérosclérose diffuse, une insuffisance cardiaque congestive ou une insuffisance rénale modérée à sévère. Des lésions symptomatiques coronaires ou cérébro-vasculaires peuvent nécessiter une réparation préalable à la chirurgie rénovasculaire pour réduire la mortalité globale. Cependant, les risques de la chirurgie doivent être mis en balance avec la survie spontanée, très médiocre chez les patients qui progressent vers la dialyse.

En résumé, le choix des meilleures options thérapeutiques en cas de sténose de l'artère rénale bilatérale reste difficile à la fois en terme de contrôle tensionnel et en terme de préservation de la fonction rénale. La démarche dépend de la localisation, de la sévérité des lésions ainsi que d'éléments extrarénaux. Cette démarche reste donc fortement individualisée :

  1. Chez les patients âgés ou à très haut risque opératoire, un traitement médical peut être entrepris, du moins tant que la pression artérielle peut être contrôlée de façon adéquate et que la fonction rénale reste stable. Un suivi très soigneux doit être réalisé même si un bon contrôle tensionnel peut être obtenu sans aggravation rénale car la progression de l'athérosclérose peut entraîner secondairement une aggravation de l'hypertension artérielle ou de la fonction rénale.

  2. Chez des sujets plus jeunes en bon état général ayant une hypertension artérielle sévère, une insuffisance rénale importante, soit spontanée, soit lors de la baisse tensionnelle et des lésions bilatérales sévères, une revascularisation semble justifiée. L'indication de chirurgie ou de l'angioplastie éventuellement complétée de stent doit être discutée au cas par cas en fonction de la localisation de la lésion (ostiale ou non ostiale, uni- ou bilatérale) et du terrain opératoire. Il n'existe pas pour le moment d'étude contrôlée randomisée comparant le traitement médical, l'angioplastie percutanée et la chirurgie.

Pr T.Hannedouche


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Mise-à-jour : mardi 26 juin 2001

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