1. Introduction
Cette page discute le choix des antihypertenseurs utilisés dans les urgences hypertensives en fonction de leurs propriétés pharmacodynamiques et pharmacocinétiques. Les indications respectives de ces différents médicaments, la décision de traiter et la pression artérielle cible font l'objet d'une autre page ("Urgences hypertensives"). Un tableau récapitule l'ensemble des caractéristiques pharmacocinétiques.
2. Antihypertenseurs parentéraux (intraveineux)
L'antihypertenseur parentéral "idéal" est rapidement et constamment efficace, avec une durée d'action rapide brève et un effet dose-réponse linéaire et prévisible, l'ensemble de ces élément permettant de titrer l'efficacité du produit. Ce produit doit également avoir un bon profil de tolérance : pas d'effet rebond, respect des circulations régionales et de l'autorégulation, absence d'effet toxique.
2.1. Nitroprussiate Sodique (Nipride, Nitriate®)
Le nitroprussiate sodique (NPS) constitue l'antihypertenseur parentéral le plus constamment efficace. En voie IV, le NPS agit en quelques minutes ce qui réduit le risque d'hypotension brutale. Une surveillance continue de la pression artérielle est indispensable et le débit de la perfusion est adapté à l'effet hémodynamique obtenu. Le NPS ainsi que d'autres nitrosovasodilatateurs (nitroglycérine) "donneurs de NO" induisent une vasodilatation médiée par la génération de cGMP qui active des canaux potassiques calcium-sensibles dans la membrane des cellules musculaires lisses vasculaires (voir la page "NO et rein"). Le NPS vasodilate à la fois les artérioles et les veines (vasodilatateur "équilibré"), n'induit pas de tachycardie réflexe. Il peut être employé en cas d'insuffisance coronaire ou cardiaque.
Lemploi du NPS est essentiellement limité par son métabolisme non-enzymatique en cyanates et thiocyanates responsables de manifestations neurologiques (troubles visuels, confusion, convulsions) et dune acidose lactique. Un traitement prolongé (> 24-48 h), une insuffisance rénale, des doses excédant les capacités de détoxification des cyanates (>3 µg/kg/minute) augmentent le risque daccumulation. La concentration plasmatique de thiocyanate doit être maintenue en-dessous de 100 mg/l pour éviter toute toxicité. Linjection de thiosulfate sodique, un donneur de SH favorise la détoxification des cyanures en thyocyanates chez les sujets affectés.
La dose initiale recommandée de NPS est de 0.25-0.5 µg/kg/ par minute, dose qui peut être augmentée jusquà un maximum de 8-10 µg/kg par minute. La Food & Drug Administration (FDA) recommande que ladministration de ces doses ne dépasse pas une durée de 10 minutes. Le NPS traverse la barrière placentaire et ne doit pas être utilisé chez la femme enceinte. Le matériel de perfusion doit être opaque et résistant à la lumière.
2.2. Dérivés Nitrés
Les dérivés nitrés (Lenitral ® et Risordan ®) injectables IV ont une action similaire au NPS mais l'effet veineux prédomine sur l'effet artériolaire qui reste modeste, inconstant et observé seulement à forte posologie. Ces produits exercent aussi un effet sur les gros troncs artériels aboutissant à la désynchronisation des ondes de pression incidentes et réfléchies : il s'ensuit une diminution de la pression artérielle systolique et pulsée (et donc du travail myocardique) et une moindre diminution de la pression artérielle diastolique (assurant la perfusion coronaire). Ces produits sont tout particulièrement utiles dans l'HTA avec oedème pulmonaire et l'HTA avec angor symptomatique ou dans les suites de chirurgie coronaire.
La dose initiale est 5 µg/minute et peut être augmentée par paliers progressifs jusqu'à un maximum de 100 µg/minute. Le délai d'action est de 2-5 minutes et la durée d'action de 5-10 minutes. Les principaux effets secondaires sont céphalées et tachycardie mais il n'y a pas d'accumulation de cyanate. Le risque de méthémoglobinémie n'est pas exceptionnel compte tenu des doses utilisées.
2.3. Labétalol
Le labetalol (Trandate®) exerce un effet combiné ß et a-bloqueur. L'effet ß-bloqueur est prédominant (estimé à 33 % de l'effet du propanolol) avec un effet agoniste partiel ß2, alors que l'effet a1 bloquant est plus modéré (20 % de l'activité de la phentolamine). Le délai d'action est assez rapide 10-30 minutes, lié quasi-exclusivement au blocage des récepteurs a1. Le labetalol ne modifie pas la fréquence cardiaque et peut donc être utilisé chez les patients avec un syndrome coronarien aigu. Il est contre-indiqué en cas de bradycardie, asthme et BCPO et peut-être d'insuffisance cardiaque congestive décompensée. L'efficacité et la tolérance du labetalol sont établies dans la plupart des formes d'HTA compliquées, y compris l'insuffisance rénale. Le labetalol ne modifie pas le flux sanguin placentaire mais la posologie requise pour abaisser la PA chez la femme enceinte hypertendue est imprévisible. Chez le nouveau-né, le passage transplacentaire peut provoquer bradycardie et hypoglycémie.
Le labetalol peut être utilisé en bolus IV répétés ou en perfusion. La dose bolus initiale est 20 mg suivie par 20-80 mg toutes les 10 minutes jusqu'à la dose totale de 300 mg. Une réponse hypotensive est improbable sil ny a pas eu de modifications tensionnelles après une dose cumulée de 300 mg. La vitesse de perfusion est de 0.5-2 mg/min. Le relais oral peut être entrepris dès quune bonne stabilité hémodynamique est obtenue (200-400 mg/6 heures).
Le labétalol oral a une courbe dose-réponse peu prévisible si bien que la forme orale de ce produit nest pas appropriée pour le traitement de lurgence hypertensive.
2.4. Nicardipine
La nicardipine (Loxen®) est une dihydropyridine (bloqueur des canaux calciques L), disponible par voie IV. Cette dihydropyridine abaisse la post-charge, sans trop d'effet inotrope négatif, augmente modérément la fréquence cardiaque et induit une vasodilatation coronaire plus marquée que la vasodilatation systémique.
L'efficacité antihypertensive est assez comparable à celle du NPS et nécessite la même surveillance tensionnelle rapprochée. La nicardipine est largement utilisée au cours de l'HTA per-et péri-opératoire ou en cas d'anesthésie chez des patients ayant une HTA préalable connue. La dose initiale est de 5 mg/h et peut être augmentée jusqu'à 15 mg/h. La facilité du relais oral par une DHP d'action longue est un avantage certain : la perfusion doit cependant être prolongée et la dose progressivement diminuée en attendant l'efficacité du produit oral (ce qui peut nécessiter plusieurs heures selon la molécule choisie).
Un des inconvénients de la nicardipine IV est lié à la toxicité veineuse de l'excipient, responsable de veinites, très fréquentes même pour une utilisation de courte durée. En milieu néphrologique, ceci peut poser des problèmes à court terme pour la mise en place d'un abord vasculaire de dialyse.
2.5. Urapidil
L'urapidil (Eupressyl®) est un antagoniste alpha1-adrénergique périphérique. Chez l'homme l'action centrale sérotoninergique semnble accessoire. L'action vasodilatatrice ne s'accompagne pas de modifications significatives du système rénine-angiotensine-aldostérone et de peu ou pas de modifications de la fréquence cardiaque. Les effets hémodynamiques sont favorables au cours de l'insuffisance cardiaque.
Les béta-bloqueurs intraveineux constituent le traitement de première intention de la dissection aortique pour réduire les forces de cisaillement pariétal. Lesmolol (Brevibloc®) est un beta-bloqueur B1-sélectif de courte durée daction et effecace dans les 5 minutes suivant une injection bolus IV. Lesmolol dose de charge 500 µg/kg en 1 minute, dose dentretien 50 à 300 µg/kg par minute) peut être utile également dans les HTA associée à un infarctus ou un angor instable ou des troubles du ryhtme. Lesmolol comme le labétalol doit être évité dans lhypertension induite par le phéochromocytome ou labus de cocaine en raison du risque dhypertension paradoxale.
2.7. Phentolamine
La phentolamine (Regitine ®) et la penoxybenzamine sont des bloqueurs a-adrénergiques puissants dont lindication est limitée aux HTA sévères des états catécholergiques aigus (phéochromocytome, overdose de cocaine ou damphétamine). La phentolamine est généralement utilisé sous forme de bolus IV : 5-10 mg toutes les 5-15 minutes mais de plus en plus remplacé par le nitroprussiate dont lefficacité est comparable dans ces conditions. La phenoxybenzamine de durée daction plus longue est surtout utilisée dans le préparation à la chirurgie du phéochromocytome.
2.8. Les produits comme le diazoxide, la dihydralazine, le trimetaphan, la clonidine ou l'enalaprilate ne sont guère utilisés et ne seront donc pas détaillés plus avant.
Antihypertenseurs "oraux" d'action rapide
L'utilisation "aiguë" de ces produits est très discutable. Si l'HTA est menaçante, le recours aux produits parentéraux est nécessaire pour mieux titrer l'effet antihypertenseur. En l'absence de signe de souffrance d'organe cible, il n'y a pas de justification (et il y a même danger) à faire baisser trop rapidement les chiffres tensionnels d'une HTA asymptomatique (voir page "Urgences hypertensives").
La nifédipine capsule (Adalate® 10 mg) est une DHP administrable oralement ou par voie sublinguale. L'absorption la plus rapide est gastrique (> sublinguale) si la capsule est ouverte préalablement. La baisse de pression est imprévisible et une hypotension excessive peut survenir et entraîner une crise angineuse, une nécrose myocardique, amaurose ou accident vasculaire cérébral soit par effet de vol , soit par perte de l'autorégulation circulatoire régionale. Ce produit est absolument contre-indiqué en cas dangor instable ou dinfarctus du myocarde récent (< 1 mois) (mention Vidal 1999) et ne doit pas être administré uniquement en raison dune élévation tensionnelle aiguë (mention Vidal 1999).
Son utilisation très répandue actuellement nest donc absolument pas justifiée. Ce produit nest actuellement plus autorisé en France dans lindication tensionnelle à la suite de la publication dun rapport montrant sa faible maniabilité et sa sécurité inacceptable.
La clonidine (Catapressan®) un agoniste a2-central qui ralentit l'activité sympathique centrale a été proposé sous forme de titration orale rapide. La réponse est là encore imprévisible et une hypotension excessive peut durer 6-8 heures dans ces conditions. Les indications en sont donc très limitées.
Le captopril (Lopril®) est un inhibiteur de l'enzyme de conversion qui exerce un effet rapide (dans les 15 minutes) qui peut être utilisé pour faire baisser la pression artérielle rapidement. La réponse hypotensive est directement proportionnelle à l'activité rénine plasmatique mais dificilement prévisible en pratique clinique. Les situations à haut risque de chute tensionnelle excessive sont représentées par les états d'hypovolémie (traitement diurétique), l'insuffisance cardiaque et l'HTA rénovasculaire. La dose initiale ne doit pas dépasser 6.25 mg de captopril. Comme tous les inhibiteurs de l'enzyme de conversion, ce produit est contre-indiqué au cours de la grossesse. Les IEC sont particulièrement indiqués dans lHTA maligne (après exclusion dune sténose de lartère rénale) et dans le crise aiguë sclérodermique.
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