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OBJECTIFS
  • Savoir définir l'HTA résistante
  • Connaître les principaux diagnostics différentiels
  • Connaître les principales causes de résistance d'une HTA,
  • Savoir l'importance de la restriction sodée et/ou d'un traitement diurétique adapté dans l'obtention du contrôle tensionnel

 
NephroHUS Online PLAN DU CHAPITRE
 

1. Définition

L'hypertension "résistante" est habituellement définie comme une pression artérielle > 140/90 mmHg malgré un traitement comportant au moins 2 antihypertenseurs dont un diurétique, prescrits à doses efficaces et pendant une période suffisante (au moins 1 mois) (1). Cette situation qui concerne 5-20% des hypertensions nécessite une réévaluation (2).

2. Diagnostic différentiel

Le diagnostic d'hypertension artérielle résistante ne peut être retenu qu'après avoir éliminé :

  1. une erreur de mesure
  2. une pseudo-hypertension
  3. une hypertension "blouse blanche".

    2.1. L'erreur de mesure

L'erreur de mesure est liée à l'utilisation d'un matériel inadapté en particulier l'utilisation d'un brassard trop étroit et/ou trop court chez un sujet obèse. Dans certains cas, la mesure de pression artérielle peut être faite en gonflant le brassard autour de l'avant-bras et en auscultant l'artère radiale.

    2.2. La pseudo-hypertension

La pseudo-hypertension est liée à des artères rigides et calcifiées, situation fréquente chez le sujet diabétique et chez l'insuffisant rénal. La compression de l'artère brachiale par le sphygmomanomètre nécessite une pression de gonflage supérieure à celle régnant dans l'artère. De plus, le vaisseau rigide cesse de vibrer plus rapidement pendant la diastole, ce qui aboutit à une disparition plus rapide des bruits de Korotkoff et à surestimer la pression artérielle diastolique (1). La pseudo-hypertension correspond à ces valeurs de pression artérielle systolique et/ou diastolique mesurées par sphygmomanométrie nettement supérieures à celles mesurées directement par voie intraartérielle.
Une pseudo-hypertension doit être suspectée dans les conditions suivantes :

  • HTA marquée sans signe d'atteinte des organes cibles
  • symptômes d'hypoperfusion (faiblesse, vertiges) en l'absence de réduction excessive de la PA.
  • HTA sévère à prédominance systolique
  • calcifications "tuyau de pipe" (média-calcose) sur les radios de l'avant-bras.

En présence de l'un ou plus de ces signes, la prévalence de pseudo-hypertension serait d'environ 25-50 % (1).

Le diagnostic de pseudo-hypertension ne peut être confirmé que par la mesure directe sanglante de la pression intra-artérielle. L'intérêt possible de la mesure de la pression digitale par Finapress n'est pour le moment pas établie dans ce cadre. La manoeuvre d'Osler a été proposée comme moyen non-invasif de diagnostic. Cette manoeuvre consiste à gonfler le sphygmomanomètre largement au-dessus de la pression artérielle systolique, pour collaber l'artère radiale. Si celle-ci reste palpable, cela suggère une artère rigide non-compressible. Cette manoeuvre est cependant peu reproductible et sa valeur prédictive positive faible (4).

Il faut enfin noter que si la pression artérielle moyenne est identique dans tout l'arbre artériel, l'amplitude de la pression pulsée varie selon le site de mesure. Il existe un phénomène d'amplification physiologique de la pression pulsée depuis l'aorte vers la périphérie, lié aux modifications de la composition élastine/fibre musculaire. Ce phénomène est surtout sensible chez les sujets jeunes aux artères souples où la pression artérielle brachiale sphygmomanométrique surestime la pression artérielle systolique et la pression pulsée aortique centrale. Chez le sujet âgé ou aux artères rigides, la pression artérielle systolique et la pression pulsée tendent à s'égaliser dans tout l'arbre artériel si bien que la pression artérielle brachiale reflète mieux la PA aortique centrale.

    2.3. HTA "blouse blanche":

La plupart des patients sont inquiets ou "stressés" lors de la visite médicale, ce qui entraîne une augmentation aiguë de la PA, suffisante pour induire une HTA "blouse blanche" chez 20 à 30 % des patients (3). Cette augmentation aiguë de la PA en consultation peut être atténuée par la mesure de la pression artérielle par une infirmière .

voir figure "HTA blouse blanche"

L'HTA "blouse blanche" qui correspond à une HTA retrouvée régulièrement mais uniquement lors des consultations médicales doit être différenciée de l'effet "blouse blanche" qui correspond à la majoration par l'anxiété des chiffres tensionnels, phénomène quasi-constant lors des consultations, mais qui tend à diminuer avec le nombre de consultations (accoutumance au médecin) (3).
Rappelons ici que la pression artérielle doit être mesurée au moins 30 minutes après la dernière prise de nicotine ou de cafféine car celles-ci peuvent augmenter de façon aiguë la pression artérielle .

Voir figure "Effet aigu d'une cigarette sur la pression artérielle"

Dans tous ces cas, il faut tenir compte des valeurs retrouvées lors d'auto-mesures ou mieux par MAPA sur 24 h.

3. Etiologie de l'HTA "résistante" :

Les principales causes d'HTA résistante sont :

  1. traitement suboptimal : il s'agit de la cause la plus fréquente et la plus facilement corrigeable d'HTA résistante. Les raisons sont très variées : posologie ou rythme d'administration inadéquats, traitement diurétique absent ou inadapté (cf infra), combinaisons non-synergiques, variabilité des métabolismes (métabolisme et débit sanguin hépatique augmenté par d'autres médicaments, l'alimentation ou la nicotine).
  2. l'expansion volémique, absolue ou relative est souvent en partie responsable de la difficulté à contrôler la pression artérielle. Une insuffisance rénale sous-jacente, un obstacle urinaire incomplet (prostate) favorisent la rétention hydro-sodée. La baisse de pression artérielle obtenue avec certains vasodilatateurs peut favoriser la rétention sodée compensatrice qui aboutit à une remontée des chiffres tensionnels ou à une apparente résistance après une baisse initiale. Ce phénomène dit de "pseudo-tolérance" ne correspond pas à une vraie tachyphylaxie aux traitements car elle est accessible à la déplétion sodée (mise en route ou majoration du traitement diurétique).

    Un apport sodé alimentaire excessif ou l'utilisation monoprise d'un diurétique de l'anse d'action courte (furosémide) en l'absence d'insuffisance rénale peuvent ainsi annuler ou ne pas induire de déplétion sodée efficace. La réduction de l'apport sodé (vérifiée sur la natriurèse des 24 h) et le recours à des diurétiques de l'anse d'action longue (torasémide) ou aux thiazides sont généralement efficaces. L'action de tous les antihypertenseurs (à l'exception possible des anticalciques) est potentialisée par une restriction sodée et/ou un traitement diurétique.

    Il faut souligner ici le fait que de nombreuses HTA sont liées ou favorisées par une composante de rétention hydro-sodée en l'absence même de tout oedème cliniquement décelable (insuffisance rénale, diabète, obésité, hyperinsulinisme...).

  3. Observance : un grand nombre d'HTA résistantes s'explique par une non-observance au moins partielle des traitements prescrits et/ou des mesures hygiéno-diététiques associées (restriction en alcool, sel, calorie). Cette situation, surtout si elle s'associe à un erratique suivi médical (rendez-vous manqués...) est de mauvais pronostic. L'éducation du patient (explication des bénéfices/risques du traitement), la recherche attentive d'effets adverses des médicaments, la simplification du schéma thérapeutique (monoprises, associations fixes) peuvent s'avérer utiles. Les patients qui développent des effets adverses à plusieurs antihypertenseurs sont en pratique souvent les plus difficiles à traiter.

  4. Interférences chroniques et médicamenteuses : un grand nombre de substances exogènes sont susceptibles d'augmenter la pression artérielle. Certaines stimulent le système sympathique : phenylpropanolamine (pour maigrir, décongestionnant nasaux), amphétamines, cocaïne. D'autres comme les antidépresseurs bloquent l'effet des médicaments qui agissent par captage neuronal (guanethidine, methyldopa). Les anti-inflammatoires non-stéroidiens diminuent l'efficacité des ß-bloqueurs, des diurétiques et des inhibiteurs de l'enzyme de conversion. D'autres substances ou médicaments augmentent la pression artérielle par des mécanismes plus complexes (estrogènes de synthèse, stéroïdes anabolisants, cyclosporine et sirolimus).

  5. HTA secondaire : les patients avec une HTA résistante ont une prévalence élevée d'HTA secondaire, estimée à plus de 10% (2), HTA secondaire notamment liée à une sténose artérielle rénale. L'HTA secondaire doit être tout particulièrement suspectée lorsqu'il existe un contexte d'athérome diffus, une atteinte rénale, une hypokaliémie, une histoire familiale.

4. Hypertension "réfractaire"

Dans certains cas rares, l'HTA persiste malgré l'optimisation des mesures thérapeutiques. Dans ces cas, le recours au minoxidil (un vasodilateur oral puissant, Lonoten®) améliore la situation à condition d'y associer un diurétique à bonne dose et un ß-bloqueur pour contrer respectivement la rétention hydrosodée et l'activation sympathique réflexe. Ces malades doivent être évalués en milieu hospitalier spécialisé en raison du risque important de complications à court terme et/ou de malignisation de l'HTA.

Pr T. Hannedouche

Références :

Setaro JF, Black HR.Refractory hypertension N Engl J Med 1992;327:543

Yalovlevitch M, Black HR. Resistant hypertension in a tertiary care clinic. Arch Intern Med 1991; 151: 1786

Mancia G, Parati G, Pomidossi G, et al. Alerting reaction and rise in blood pressure during measurement by physician and nurse. Hypertension 1987; 9:203

Tsapatsaris NP, Napolitana GT, Rotschild J. Osler's maneuver in an outpatient clinic setting. Arch Intern Med 1991; 151:2209

Mise-à-jour :  mardi 26 juin 2001