AccueilPages Med.MedlineCalculsRecommand.Liens


Diagnostic des HTA secondaires


OBJECTIFS
  • Connaître les critères diagnostiques de la microangiopathie thrombotique
  • Apprécier le fréquence et la gravité de l'atteinte rénale
  • Connaître l'intérêt du traitement symptomatique

 
NephroHUS Online PLAN DU CHAPITRE

Définition

Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) et une maladie proche le purpura thrombocytopénique thrombotique (PTT) sont caractérisée cliniquement par une anémie hémolytique microangiopathique, une thrombocytopénie souvent avec purpura, une insuffisance rénale aiguë, de la fièvre et des anomalies neurologiques centrales.

voir la figure "Schizocytose (hématies fragmentées) sur un frottis sanguin au cours d'une microangiopathie thrombotique"

L'atteinte rénale comporte une insuffisance rénale aiguë souvent avec anurie qui peut nécessiter le recours à la dialyse. Le sédiment urinaire est souvent pauvre avec peu ou pas de cylindre et la protéinurie est de faible abondance (1 à 2 g par jour). Une hypocomplémentémie est observée dans la moitié des cas environ et doit faire suspecter la possibilité d'une glomérulonéphrite rapidement progressive ou d'une vascularite associée.

Diagnotic différentiel

La combinaison d'une anémie hémolytique microangiopathique et d'une insuffisance rénale est observée également au cours des vascularites systémiques, de l'hypertension maligne et de la coagulation intra-vasculaire disséminée. La distinction entre syndrome hémolytique et urémique (SHU) et la coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) peut être parfois difficile. La CIVD se rencontre essentiellement au cours de circonstances telles que le sepsis, le choc ou des complications obstétricales, comme une prééclampsie sévère.

La CIVD sont caractérisées par une activation de la cascade de la coagulation aboutissant à la formation de thrombi de fibrine, la consommation de tous les composants de cette cascade. Les patients ont donc une thrombocytopénie, un fibrinogène abaissé ainsi qu'une diminution du facteur V et VIII et une augmentation du temps de coagulation et du taux de prothrombine.
Inversement, les patients atteints de SHU ont une consommation isolée de plaquettes avec un taux normal des facteurs de la coagulation et pas ou peu d'allongement du TCA ou du temps de prothrombine (une seule exception est celle des SHU associés à un anticoagulant lupique qui peut augmenter le TCA in vitro).

Une circonstance où le diagnostic différentiel SHU et CIVD doit être fait est l'insuffisance rénale du post-partum. Le SHU post-partum est relativement rare par rapport à la prééclampsie sévère ou l'éclampsie avec CIVD surajoutée. Le diagnotic est cependant cliniquement important car la prééclampsie tant à se corriger spontanément (avec l'extraction fStale) alors que le SHU évolue progressivement vers l'insuffisance rénale terminale.

Le diagnostic positif de SHU repose sur l'histoire et les constatations biologiques. La biopsie gingivale ou médullaire peut montrer les anomalies caractéristiques avec des thrombi plaquettaires et fibrineux mais ces examens ne sont pas très sensibles (faux négatifs fréquents). La biopsie rénale doit être réalisée lorsque le diagnostic n'est pas formel et lorsque la thrombocytopénie n'est pas limitante. Les anomalies histologiques consistent en des thrombi glomérulaires et artériolaires ainsi qu'un épaississement ou un gonflement sous-endothélial du capillaire glomérulaire en microscopie électronique, lié au dépôt de matériel fibrinoïde.

voir la figure "Lésions glomérulaires au cours d'une MAT (voir texte)"
voir la figure Dépots de fibrine glomérulaire au cours d'une MAT.
voir la figure "Dépots de fibrine sur l'artériole afférente au cours d'une MAT". (immunofluorescence)
Pendant la phase de cicatrisation, on observe un épaissement intimal mucoïde, puis une hypertrophie dite en bulbe d'oignon des artères interlobulaires.

voir la figure "Lésions artérielles rénales prolifératives avec occlusion quasi-complète de la lumière glomérulaire"

Ces anomalies histologiques ainsi que certains des éléments cliniques sont similaires à ceux que l'on peut voir dans d'autres maladies rénales dont la néphroangiosclérose maligne, la sclérodermie, le rejet chronique post-transplantation, le syndrome des antiphospholipides et plus rarement la néphrotoxicité de la cyclosporine ou du tacrolimus et enfin la néphrite radique.

Diagnostic étiologique du SHU

Une proportion importante des PTT semble associée ou liée à un déficit sévère (moins de 5 % de l'activité normale) en protéase de clivage du facteur von Willebrand (PCFW) avec présence dans la circulation de formes multimériques anormalement volumineuses de facteur vW capables d'agglutiner les plaquettes sous l'effet des forces de cisaillement. Ces déficits acquis sont liés à l'inhibition de l'activité PCFW médiée par des IgG dirigées contre le PCFW ou des cofacteurs du PCFW.

Ces anomalies ne sont pas retrouvées aussi fréquemment dans les SHU. Par contre dans un nombre croissant de SHU, une cause précise peut être mise en évidence.

Infections à Shigatoxine
La cause la plus fréquente reconnue est le SHU associé à une shigatoxine survenant de façon sporadique ou épidémique le plus souvent chez l'enfant. Le SHU survient quelques jours après un épisode de diarrhée, habituellement bactérienne et souvent hémorragique. Une shigatoxine (verocytoxine) libérée par un Escherichia Coli, notamment du sérotype O157:H7 est le plus souvent en cause (au cours des épidémies par ce sérotype d'Escherichia Coli, le SHU survient dans 10 % des cas environ).
La contamination par ce Coli se fait par l'eau ou les aliments contaminés mais aussi de personne à personne. La durée d'incubation jusqu'à la diarrhée est de 1 à 8 jours et l'excrétion de la bactérie peut durer jusqu'à plus de 3 semaines après l'épisode d'infection. La shigatoxine est une exotoxine capable de se lier sur le récepteur Gb3 des cellules endothéliales. La densité de ce récepteur glycolipidique est particulièrement importante à la surface des cellules du cortex rénal humain, ce qui explique la localisation préférentielle de la maladie. La cytoxine est internalisée et induit une lésion cellulaire directe, l'exposition de la membrane basale thrombogénique sous-jacente et donc l'activation plaquettaire et la thrombose locale intravasculaire.

Les localisations extrarénales sont fréquentes chez l'enfant avec SHU post-shigatoxine. L'atteinte neurologique avec convulsions et déficits focaux est observée dans 1/3 des cas. Les troubles neurologiques peuvent être également être liés aux médicaments anti-diarrhéiques. Ces médicaments doivent être évités car ils pourraient exacerber le SHU en diminuant l'excrétion fécale des E. Coli pathogènes et d'autre part il favorisent la colite toxique avec colectasie. Une pancréatite peut être observée dans 20 % des cas.

Cancer et chimiothérapie
Bien que le SHU ait été associé exceptionellement avec des adénocarcinomes muqueux des voies digestives, du pancréas ou de la prostate, le SHU survient plus fréquemment comme complication des chimiothérapies, notamment mitomycine C, une combinaison bléomycine et cisplatine ou lassociation dune radiothérapie et dune chimiothérapie à hautes doses avant une transplantation de moëlle. Le début clinique est souvent décalé de plusieurs mois par rapport à la chimiothérapie ou la transplantation de moëlle. La présentation clinique est plus souvent celle d'une insuffisance rénale lentement progressive avec hypertension et un sédiment urinaire pauvre (en l'absence de récidive évidente de la tumeur initiale).

Anticorps antiphospholipides
Les manifestations cliniques associées aux anticorps antiphospholipides comportent chez la plupart des patients des thromboses veineuses ou artérielles récidivantes. Une microangiopathie similaire au PTT peut cependant survenir mais plus rarement.

Grossesse et contraception orale
Le SHU peut compliquer une grossesse surtout en post-partum immédiat et celui-ci est parfois favorisé par la présence dun anticorps antiphospholipide. Le PTT survient plus généralement plus tôt dans la grossesse avant la 4ème semaine. Des syndromes de type SHU sont observés également avec l'utilisation de contraceptifs oraux contenant des estrogènes.

Médicaments
Plusieurs médicaments utilisés en transplantation rénale peuvent induire des SHU comme la cyclosporine, le tacrolimus mais aussi les OKT3 à fortes doses. Ces conditions ne sont pas toujours faciles à différencier d'un rejet vasculaire aigu.

Le SIDA et l'infection HIV symptomatique peuvent être responsables de SHU. Le valacyclovir à haute dose en prophylaxie contre l'infection à CMV chez des patients HIV a également été incriminé.

La quinine ou ses dérivés peuvent induire des SHU. Ce produit induit aussi des anticorps anti-plaquettes qui pourraient jouer un rôle déclenchant dans les manifestations du SHU. Un interrogatoire soigneux est souvent nécessaire pour établir la prise de quinine ou ses dérivés. Dans certains cas, les épisodes sont déclenchés par des boissons à base de quinine (Schweppes tonic). Le pronostic est généralement bon à l'arrêt de la quinine et les échanges plasmatiques permettent la récupération dans pratiquement tous les cas.

La ticlopidine, un agent antiagrégant, a été associée avec la survenue de PTT. 80 % des cas surviennent au cours du premier mois après le début du traitement.

Une infection à Pneumocoque peut être responsable de SHU. Dans ce cas particulier, la perfusion de plasma frais ou les échanges plasmatiques doivent être évités car le plasma injecté peut contenir des anticorps dirigés contre l'antigène de Tomsen-Friedenreich, ce qui peut accélérer l'agglutination et l'hémolyse.

Formes génétiques
Des formes génétiques de SHU représentent environ 5 % des cas. Des formes avec transmission autosomale récessive touchent plutôt l'enfant alors que les formes à transmission autosomale dominante sont plus fréquentes chez l'adulte. Une proportion importante de ces formes familiales pourraient être liées à un déficit constitutionnel en protéase de clivage du facteur von Willebrand. Le pronostic est globalement sombre dans ces deux formes. Le traitement par plasma frais et échanges plasmatiques est recommandé mais il n'y a pas de preuve réelle de sa valeur.

Traitement

L'évolution spontanée du PTT et de certaines formes de SHU se fait vers l'insuffisance rénale irréversible et la mortalité était de 40 à 75 % avant l'utilisation des échanges plasmatiques.

Traitement du PTT

La plasmaphérèse avec échanges de plasma frais congelé constitue un traitement plus efficace que la perfusion de plasmas frais seuls. Le taux de rémission et de survie avec ces deux formes de traitement est 78 vs 31 % (rémission) et 78 vs 50 % (survie). Dans la mesure où les patients traités par échanges reçoivent environ 3 fois plus de plasma que ceux traités par perfusions seules, il est difficile de savoir si l'effet bénéfique est lié à une quantité plus importante de plasma réinjecté ou inversement à la soustraction d'un facteur toxique. Le PTT reste actuellement la seule indication d'échanges plasmatiques avec réinjection de plasma frais congelé ou de cryosurnageants. Avec ce traitement les signes neurologiques puis la thrombopénie s'améliorent rapidement. La fonction rénale récupère après environ une semaine y compris chez les patients initialement dépendants de la dialyse.
Les rechutes sont fréquentes survenant le plus souvent dans les deux premiers mois, parfois beaucoup plus tardivement. Le taux de récidive à 10 ans est estimé à 36 %. Ces rechutes sont habituellement accessibles à une nouvelle série d'échanges plasmatiques.

Environ 10 à 20 % des patients ont une réponse incomplète ou transitoire. Dans ce cas, la réinjection de cryosurnageants peut s'avérer très efficace. Le recours à la vincristine ou à des veinoglobulines peut s'avérer également efficace. Le bénéfice de la splénectomie reste controversé. L'aspirine et l'héparine n'ont pas d'effet démontré. Les antiagrégants peuvent même induire des saignements très importants chez certains patients. Les transfusions de plaquettes doivent être évitées car elles peuvent aggraver les syndromes ou entraîner des syndromes neurologiques et l'insuffisance rénale. Les transfusions de plaquettes doivent être réservées aux seules situations de thrombopénie très sévères avec hémorragies incontrôlables.

Les SHU et PTT de la grossesse comportent un risque maternel et foetal important (environ 90 % de mortalité avant les échanges plasmatiques). Le pronostic est considérablement et clairement amélioré par les échanges plasmatiques qui restent indiqués dans cette situation.

Traitement du SHU

Le traitement symptomatique est essentiel en particulier le maintien de l'euvolémie (correction de la déshydratation en cas de diarrhées profuses, dialyse en cas d'hyperhydratation). Dans le SHU post-shigatoxine, les antibiotiques sont inutiles et peuvent être dangereux de même que les antidiarrhéiques. Les veinoglobulines sont inefficaces, de même que l'héparine. Dans cette forme étiologique, le recours au plasma frais congelé ou aux échanges plasmatiques n'a pas de bénéfice prouvé.
Le pronostic immédiat est moins bon chez l'adulte que chez l'enfant. Il dépend de données cliniques (anurie et sa durée, complications intestinales -gangrène-, présence d'un coma et sa durée). Les signes biologiques péjoratifs sont l'hyperleucocytose initiale et la concentration plasmatique de PAI-1. Le pronostic à long-terme a été considérablement amélioré par le traitement symptomatique de l'insuffisance rénale aiguë (dialyse péritonéale chez l'enfant). La mortalité est passée de 60 % à moins de 5 % actuellement. Une insuffisance rénale résiduelle est fréquente et déterminée par les lésions histologiques rénales initiales : l'insuffisance rénale survient chez 90 % des patients avec une nécrose corticale et chez 60 % de ceux qui ont des thrombi dans + de 50 % des glomérules.

voir la figure "lésions de nécrose corticale macroscopique, séquelle de MAT"
La gravité de ce syndrome post-shigatoxine explique l'importance des mesures de prévention : cuisson suffisante des aliments, irradiation de la viande, développement de vaccins.

Le rôle du traitement spécifique dans les autres formes de SHU de l'adulte n'est pas clarifié en raison de la nature hétérogène des maladies causales. L'arrêt des médicaments déclenchant est impératif (cyclosporine, mitomycine C, quinidine, contraception orale). Sur la base des données du PTT des injections de plasma frais congelé ou des échanges plasmatiques sont volontiers préconisés mais il n'y a pas de preuve formelle de leur efficacité. Ces perfusions de plasma et échanges plasmatiques doivent être évités dans les SHU associés aux infections pneumococciques.

Pr T. Hannedouche


LECTURES RECOMMANDÉES

Kaplan S, Meyers K, Schulman SL. The pathogenesis and treatment of hemolytic uremic syndrome. JASN 1998; 1127

TEXTES COMPLÉMENTAIRES DANS LE SITE

Mise-à-jour :  Mar 26 juin 2001

Copyright © Tous Droits Réservés pour le site entier Nephrohus 2001