La grossesse normale est caractérisée par une augmentation de la perfusion rénale et plusieurs modifications habituellement mineures de la composition des fluides extracellulaires, notamment une alcalose respiratoire chronique et une hyponatrémie.
Le débit de filtration glomérulaire et le débit plasmatique rénal augmentent de façon importante au cours de la grossesse. Laugmentation du débit de filtration glomérulaire peut être mis en évidence dès le premier mois de la grossesse et atteint un pic de 40 à 50 % au-dessus des valeurs normales à la fin du 1er trimestre. Lhyperfiltration glomérulaire aboutit à une réduction de la concentration plasmatique de créatinine à 35 44 µmol/l. Ainsi une valeur « normale » de 70 µmol/l au cours de la grossesse peut représenter une insuffisance rénale sous-jacente. Le débit de filtration glomérulaire diminue denviron 20 % au cours du 3ème trimestre et revient au valeur prégravide dans les 3 mois après laccouchement. Le mécanisme de cette augmentation de la filtration glomérulaire au cours de la grossesse nest pas parfaitement établi. Laugmentation de la synthèse doxyde nitrique vasodilatateur pourrait contribuer. Un autre mécanisme fait intervenir lhormone ovarienne relaxine dont la concentration augmente au cours de la grossesse, un effet médié par laugmentation parallèle de gonatropine chorionique humaine (b-hCG). Expérimentalement ladministration chronique de relaxine induit des modifications hémodynamiques rénales similaires à celles de la grossesse : augmentation de 20 à 40 % de la filtration glomérulaire et du débit plasmatique rénal. Ces modifications peuvent être abolies par ladministration dun inhibiteur de la NO synthase.
En raison de laugmentation de la filtration glomérulaire, la fraction dexcrétion de lalbumine augmente au cours de la grossesse normale. Cependant lexcrétion urinaire de protéines dépasse rarement 250 mg/24h (une valeur de > 500 mg /j est considérée comme pathologique.
Une hyperventilation persistante aboutissant à une diminution modérée de la PCO2 est une manifestation fréquente au cours de la grossesse et elle est généralement attribuée à une stimulation directe des centres respiratoires centraux par la progestérone.
La concentration plasmatique de sodium diminue denviron 5 mmol/l au cours de la grossesse, une réponse qui représente un réajustement vers le bas de losmostat. Cette réponse a été initialement attribuée à la vasodilatation à lhypotension entraînant une augmentation du seuil de libération non osmotique de lADH et de la soif. Cependant une expansion volémique par augmentation de lapport sodé en sodium ou ladministration de minéralocorticoïde ne corrigent pas cette hyponatrémie. Par contre la baisse de la natrémie au cours de la grossesse corrèle de façon forte avec laugmentation de la concentration de b-hCG qui pourrait agir soit directement, soit par lintermédiaire de la relaxine.
La correction de cette hyponatrémie est à la fois inutile et inefficace. La modification du seuil de losmostat implique la natrémie est régulée pour des valeurs précises qui ne sont pas altérées par les apports deau et de sodium. La natrémie augmente spontanément aux valeurs davant la grossesse 1 à 2 mois après laccouchement.
La libération de vasopressinase dorigine placentaire entraîne une augmentation denviron 4 fois du catabolisme de lADH. La polyurie est rare au cours de la grossesse car la plupart des femmes augmentent la libération et la synthèse dADH de façon à maintenir une activité antidiurétique suffisante. La polyurie peut survenir ou être exacerbée chez des femmes ayant un diabète insipide central ou néphrogénique chez lesquelles la réserve sécrétoire ou la réponse rénale est altérée. Laugmentation du débit de filtration glomérulaire au cours de la grossesse pourrait également jouer un rôle contributeur. La polyurie est généralement transitoire et se résout spontanément dans les semaines suivant laccouchement. La polyurie dans ce contexte est habituellement résistante à ladministration dADH native (vasopressine) en raison du catabolisme rapide. La réponse à la DDAVP ou à dautres analogues déaminés de lADH est cependant conservée car ces analogues sont résistants aux vasopressinases.